Emission médicale
Emission médicale, la première émission sur la santé de la RTF est diffusée à partir de 1956. Elle est créée par Igor Barrère en collaboration avec Pierre Desgraupes, Pierre Dumayet et Pierre Lazareff, également cofondateurs avec lui des fameuses Cinq colonnes à la une. Rebaptisée Médecine à la une puis Santé à la une, l'émission médicale alors coproduite par Étienne Lalou perdure jusqu'en 1984.
Les débuts : un succès rapide
L'intention de ces émissions est de démocratiser le discours médical, ouvrir la médecine aux malades, au personnel hospitalier, aux professionnels, montrer le progrès de la médecine et de la chirurgie. Dans les années cinquante, au moment où les médicales sont lancées, le but de la télévision est de faire découvrir la télévision au plus grand nombre. Les émissions scientifiques sont conçues dans cette logique. En ce sens, les Médicales proposent des mises en scène pédagogiques : un présentateur s'entretient avec une figure renommée de la médecine, toujours vêtue d'une blouse blanche. L'entretien consiste d'abord à introduire le sujet, puis de monter les gestes médicaux effectués sur les patients. Le gros plan est privilégié pour les montrer. Les sujets sont filmé in situ, dans les hôpitaux, et non sur un plateau, pour donner à voir ce à quoi le téléspectateur n'a normalement pas accès. Les actions médicales se prêtent bien à la médiatisation, aussi les émissions trouvent vite leur public, d'autant que, comme le rappelle Igor Barrère lui-même, le noir et blanc rend les images moins choquantes quand il s'agit de montrer les scènes chirurgicales ou les blessures. La concurrence des autres chaînes n'existant pas (jusqu'au moins 1964), l'émission bénéficie dans les premiers temps de temps et de confort de réalisation. La science tient alors une place importante dans les programmes. Dans ces mêmes années, d'autres émissions scientifiques apparaissent : Visa pour l'avenir, Les coulisses de l'exploit, Si vous voulez savoir, Salut à l'aventure.
L'exploit chirurgical en direct
En revenant sur l'aventure des Médicales, Igor Barrère affirme en 1989 : "Les émissions médicales sont devenues une institution. Nous avons commencé alors que la médecine était encore vue comme de la sorcellerie. Aujourd'hui, le monde des médecins reste terrifiant et fascinant. Nos avons respecté ce mythe, nous avons aussi contribué à le démystifier."
Le 8 février 1957, le professeur de Vernejoul réalise une grande première chirurgicale, retransmise en direct à la télévision, dans l'émission "Médicales", créée par Igor Barrère : une "commissurotomie mitrale à coeur fermé", une opération qui consiste à élargir un orifice cardiaque en séparant les valves anormalement soudées entre elles. C'était un an avant le début de la chirurgie à coeur ouvert, en 1958. Barrère comprenant l'intérêt de montrer l'événement dans les foyers au moment où il se déroule, prépare soigneusement le tournage en plaçant les caméras à des endroits stratégiques. Il le contrôle depuis un car régie. D'autres émissions concerneront la greffe de la cornée,la transfusion sanguine, des interventions sr la trachée ou le poumon. Ces derniers sujets requièrent de renforcer l'intensité lumineuse de l'endoscope. Une autre émission suit un accouchement sans douleur : pour la première fois, la télévision monter une femme entrain de mettre au monde dans des conditions sereines selon une méthode révolutionnaire qui demande à être connue. Pendant le tournage, les membres de l'équipe sont visiblement saisis d'une grande émotion.
Comment l'émission s'élabore-t-elle? Il faut un jour pour disposer le matériel de tournage, un jour pour la répétition générale, un jour pour le tournage en direct. Des combos sont installés pour que le chirurgien ait un retour sur le filmage. Il faut être attentif à ce que le dispositif pénétrant l'environnement hospitalier ne soit pas un facteur de contamination. 3 pré-requis :
- un corps médical au fait de l'évolution des moeurs et qui accepte de jouer le jeu
- des journalistes professionnels et responsables aux commandes d'une équipe réduite
- un public adulte capable de recevoir de telles émissions
Pendant dix ans, 10 à 12 émissions sont tournées en direct chaque année. Avec l'évolution des méthodes de production télévisuelle, le direct finit par être délaissé. Son dispositif est jugé contraignant, par ailleurs, la fabrication et la diffusion des émissions deviennent de plus en plus contrôlées. Les nouveaux mots d'ordre qui s'imposent : rentabilité, commodité, qualité. A l'équipe des Médicales de s'adapter.
Au sein de l'équipe, une complémentarité de compétences
Pierre Tchernia renonçant à présenter les médicales dès la première expérience, Jean d'Arcy propose à Igor Barrère de le remplacer par Etienne Lalou. De formation littéraire, il ajoute au savoir de Barrère le maniement habile du vocabulaire et une prestance naturelle. Barrère comme Lalou ont à coeur de rendre accessible les propos des émissions, ils interviennent auprès des médecins invités pour qu'ils adaptent en ce sens le vocabulaire qu'ils emploient.
De nouveau sur le conseil de Jean d'Arcy, Paul Milliez rejoint l'équipe. Médecin et pionnier de la recherche (spécialiste de l'hypertension artérielle), il agit dans les coulisses de l'ordre médical pour trouver les bons protagonistes et obtenir des autorisations de tournage.
En 1965, Pierre Desgraupes remplace Etienne Lalou. Son regard particulier change le fond de l'émission, et pas conséquent sa forme. Elle voyage, montrant le corps mis en apesanteur dans ne station de la NASA, s'intéresse aux maladies tropicales. Par ailleurs, Desgraupes investit plus les enjeux psychologiques : comment faire face à la souffrance, à la tension qui peut perturber le travail dans les hôpitaux, comment les professionnels s'adaptent aux épreuves du soin? Desgraupes développe la parole, met en scène les regards, la parole... En 1975, Etienne Lalou réintègre l'équipe, c'est maintenant un trio qui œuvre jusqu'en 1984.
De la médecine d'exception à la médecine du quotidien
Avec le temps, l'inspiration des contenus évolue, de nouveaux thèmes apparaissent : psychanalyse, maladie mentale, contrôle des naissances, médecine familiale (avec la figure du médecin de campagne). Les sujets résonnent avec les préoccupations nouvelles au sein de la société : drogues, suicide, gérontologie... Ils peuvent être directement inspirés par le courrier des lecteurs. De cette façon, les questions de santé intègrent le débat social. Les journalistes deviennent attentifs au rapport de force entre patients et soignants, à l'anonymat des malades qui contraste avec le prestige du corps médical. De plus en plus, les émissions assument que par leur traitement des questions de santé, elles parlent de la condition humaine.
L'Emission médicale a acquis une grande notoriété en tant que programme représentatif d'un journalisme éclairé qui vise à l'éducation populaire sous forme télévisuelle. En 1980, Jean Lacouture écrit : "Igor Barrère, flanqué d'Etienne Lalou et de Pierre Desgraupes aura tant fait, avec l'aide de Paul Milliez et de ses amis Alexandre Minkowski ou François Lhermitte, pour démasquer, dévoiler, libérer la médecine de son appareil magiqueet la faire entrer de plain-pied dans nos vies." (avant-propos à Paul Milliez, Médecin de la liberté - entretiens avec Igor Barrère, p.11).
- Joël Danet, d'après Nathalie Conq, "Igor Barrère : l'explorateur de la médecine à la télévision", communication du 06.02.2017 à l'INA Grand Est lors de la Journée d'étude sur l'histoire de la télévision et de la santé : La circulation des images et du corps - le cadre de la télévision.
Sur MedFilm
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