Médecins et ingénieurs (1968)
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Sommaire
Générique principal
Gén. début : "médecins et ingénieurs". Gén. fin : "une émission de Igor Barrère et de Pierre Desgraupes / présentée par Pierre Desgraupes / Caméramen : Georges Theuriet - Claude Lemay - Jean Bailleux / Ingénieur vision : Henri Lamare / Ingénieur du son : Claude Couchouron / Montage magnétoscope : Ghislaine Ballot / Directeur photo : Michel Carré / Réalisation : Igor Barrère.
Contenus
Sujet
Le rôle de l'ingénieur médical dans la mise au point d'outils qui assistent la pratique en médecine.
Genre dominant
Résumé
Cette émission a pour but de montrer combien les progrès de la médecine actuelle sont fonction de la technique qui a réussi à résoudre des problèmes que la médecine n'avait même pas envisagés. Dans trois domaines différents, elle a permis d'accomplir des progrès considérables : le diagnostic, la thérapeutique et la recherche appliquée. C'est à l'hôpital Broussais et dans différentes usines que nous voyons ces réalisations fabuleuses et leurs applications. (notice INA)
Contexte
La coronarographie est un examen invasif – puisqu’il faut ponctionner une artère - qui permet de parfaitement visualiser l’ensemble des artères coronaires : placées en couronne autour du cœur, celles-ci lui apportent le sang nécessaire à son fonctionnement. Cette radiographie des coronaires est destinée à préciser l'état général de ce circuit artériel, et donc de déceler et localiser les zones de rétrécissements ou de sténoses provoquées par des plaques d'athérosclérose ou d’athérome.
Les étapes historiques de la coronarographie :
L’avènement de l’angioplastie coronaire transluminale percutanée repose sur les travaux des pionniers et donc des pères de la radiologie puis de la cardiologie interventionnelle :
- En 1929, Werner Forssmann (médecin allemand), prouve sur lui-même que le cathétérisme des cavités droites sous radioscopie est réalisable sans risque, ouvrant la voie au cathétérisme diagnostique et thérapeutique.
- En 1953, Sven Seldinger (radiologue suédois) met au point une technique de ponction artérielle par voie percutanée avec trois éléments (un trocart avec mandrin, un guide souple et un cathéter), facilitant ainsi la pratique de l’angiographie.
- En 1958, Mason Sones (cardiopédiatre à la Cleveland Clinic) réalise involontairement la première coronarographie. En effet, un mauvais positionnement de sonde lors d’une aortographie a opacifié involontairement une artère coronaire et lui a permis par la suite de développer la coronarographie sélective par artériotomie brachiale.
- En 1964, Charles Dotter (radiologue à Portland), réalise le premier cathétérisme thérapeutique d’une artère périphérique chez une femme refusant l’amputation. La technique de Dotter consistait à utiliser des cathéters en téflon coaxiaux de calibre croissant qui exerçaient une force longitudinale sur la sténose pour en réduire la sévérité.
- À la fin des années 1960, Melvin Judkins (Portland) suivi par Kurt Amplatz (Minneapolis) et Martial Bourassa (Montréal) rendent possible la coronarographie par voie fémorale percutanée grâce à des cathéters préformés facilitant l’injection sélective des coronaires.
Dans le film, l'ingénieur Fayard mentionne Sones et affirme s'inspirer de la méthode suédoise qui consiste à abandonner le cinéma pour obtenir des photographies, instantanés pris au 5 000e/s.
Éléments structurants du film
- Images de reportage : Oui.
- Images en plateau : Non.
- Images d'archives : Non.
- Séquences d'animation : Non.
- Cartons : Non.
- Animateur : Oui.
- Voix off : Oui.
- Interview : Oui.
- Musique et bruitages : Oui.
- Images communes avec d'autres films : Non.
Comment le film dirige-t-il le regard du spectateur ?
En même temps qu'il s'agit d'exposer au spectateur des processus techniques complexes, il faut également le stimuler par le spectacle de leur application sur un patient. C'est l'intérêt de tourner au sein du bloc, quitte à pâtir d'une luminosité insuffisante, et de restituer l'action telle qu'elle se déroule, avec ses incertitudes. Par ailleurs, la réalisation insiste sur le déploiement de la technologie dans l'espace de travail. Enfin, elle met en scène Pierre Desgraupes, journaliste averti, qui commente avec exactitude le processus, et qui est animé d'une passion pour le sujet que ses attitudes et expressions rendent sensible.
Comment la santé et la médecine sont-elles présentées ?
Un médecin témoigne de la manière dont il bénéficie du travail des ingénieurs. Il explique également en quoi leurs innovations multiples, successives (chacune étant périmée par la suivante) déterminent l'organisation de l'hôpital et l'économie de la Santé.
Diffusion et réception
Où le film est-il projeté ?
1ère chaîne le jeudi 15/02/1968
Communications et événements associés au film
Public
tout public
Audience
Descriptif libre
Introduction : l'ingénieur médical, l'acteur caché
Générique sur fond de cadran et de tuyauterie. Pierre Desgraupes, devant un tableau de bord raccordé à des câbles, il regarde la caméra pour présenter le sujet de l'émission : "un problème de plus en plus important dans la vie médicale aujourd'hui, c'est celui des machines qui interviennent dans le diagnostic, dans la thérapeutique, et dans la recherche." Elles sont conçues par l'ingénieur médical qui collabore avec le médecin : "on ne le voit pas, il n'est pas à l'hôpital, il est dans des laboratoires". Il est chargé d'exécuter les demandes du médecin. Les exemples montrés dans l'émission sont pris "dans la pratique médicale courante" avec la radiographie, et "le domaine de la recherche de pointe".
À propos de la coronographie
Le site de l'émission est l'hôpital Broussais (Broussais-la-Charité, 9 rue Didot) où il est procédé à des "coronarographies" (examen médical complémentaire invasif qui utilise la technique de radiographie aux rayons X). À son invité, Desgraupes demande de préciser quel rôle jouent les artères coronaires dans "la vie du cœur". Élargissement du champ pour montrer un homme en blouse blanche qui fait face à Desgraupes : le médecin. Il répond que les coronaires irriguent le cœur, lui apportent l'oxygène, le sucre, et les aliments nécessaires. Elles lui permettent également la contraction des muscles cardiaques. Leur occlusion expose à l'infarctus et l'angine de poitrine. Depuis 1958, par des travaux menés aux États-Unis et en Suède, il est devenu possible de les rendre visibles, "par introduction d'une substance opaque aux rayons X, d'obtenir un dessin anatomique des artères coronaires". Jusqu'à présent, il fallait procéder à un enregistrement cinématographique, mais il en résulte "une perte de définition" (nombre de lignes par millimètre) qui ne permet pas de voir les artères les plus fines. "Plus on va loin dans notre analyse, meilleure elle est". Le cliché radiographique le permet beaucoup mieux ; il reproduit dans les dimensions réelles. Il faut que ces instantanés soient de l'ordre du millième de seconde (5 au maximum). Le médecin va à un tableau lumineux préparé au fond de la scène et dessine dessus. Il montre par un premier schéma comment, en deux centièmes de seconde, l'artère coronaire change de trajet, par un second comment l'artère peut être animée d'un mouvement dynamique qui échappe à une photo dont le temps de pose est trop long. (08:21)
Dans la salle de radiologie
Lumière de basse intensité dans une pièce étroite. Des câbles pendent au plafond, un sifflement mécanique intermittent se fait entendre. Plusieurs personnes en blouse blanche, dont l'ingénieur et Pierre Desgraupes qui s'adresse à la caméra : "Nous sommes maintenant dans la salle de radiologie, le malade est déjà installé sur la table. Il est anesthésié". S'adressant à l'ingénieur, il lui demande de décrire ce qui va se passer. Celui-ci, qui était penché vers le bas du champ où se devine la présence du patient, esquisse alors un mouvement de surprise. Nous sommes bien dans le dispositif dramatique propre aux Médicales, qui consiste à insérer le commentaire dans le déroulement de l'action, ce qui demande aux acteurs de se dédoubler pour pouvoir expliquer ce qu'ils font pendant l'action. La tension et les brefs moments de déconcertation bénéficient à cette mise en scène, laissant l'incertitude qui menace exalter l'effet spectaculaire du direct. De même l'attitude de Desgraupes dans le bloc : alors qu'il observe l'opération, il jette de brefs regards à la caméra pour voir comment elle suit. Nous sentons par ces légers épanchements du off l'excitation créée par un tournage dans ces conditions, qui l'emporte sur le contrôle que suppose le traitement journalistique. De même enfin, au plus loin de la profondeur de champ, derrière la baie de la cloison du fond, cette infirmière qui se déplace légèrement pour se recoiffer puis se repositionne dans l'axe de la caméra et assiste à la scène : elle a pris conscience, en étant filmée, qu'elle était montrée aux téléspectateurs. À nouveau, l'émission bénéficie de ces "bruits" causés par la présence de la caméra qui fait changer les comportements ordinaires, les déporte du simple registre de l'efficacité.
Manier les cathéters...
Changement d'angle à 180° pour nous montrer l'équipe médicale réunie autour d'un corps étendu sur une civière. Le médecin montre deux cathéters qui sont placés "dans chaque artère fémorale" : un qui prend la pression artérielle, l'autre qui "va servir à apporter le produit de contraste nécessaire à la radiographie." Le médecin filmé en gros plan jette un œil à l'écran de l'électrocardiogramme au fond du champ. Il observe que le malade présente des troubles à ce niveau qui nécessitent une anesthésie. Gros plan sur les mains nues en train de manipuler les cathéters. Le médecin se sent obligé de préciser, pour désamorcer les réprobations que cette scène pourrait susciter : "Ces manœuvres se font à mains nues parce qu'il est beaucoup plus aisé de percevoir le battement artériel de cette façon." Le second cathéter remonte jusqu'à l'entrée du cœur. C'est à ce stade de l'opération que nous devinons le visage du patient, sans que la lumière de trop basse intensité puisse permettre de discerner ses traits. Un moniteur, que Desgraupes appelle "un écran de télévision", montre la montée du cathéter dans l'organisme : sur l'écran, un trait fin se discerne sur les formes radiographiées du bassin, du diaphragme, du cœur : "le voici qui passe dans la crosse de l'aorte, qui redescend vers le cœur et bute contre les sigmoïdes." Desgraupes intervient régulièrement pour, non pas faire écho aux explications du médecin, mais pour en quelque sorte les prévenir, disant les mots "crosse de l'aorte" ou "sigmoïdes" avant que celui-ci n'ait à le faire, l'amenant à les reprendre à sa suite après l'avoir gratifié d'une approbation. De cette façon, le journaliste ne se cantonne pas au rôle de présence passive, laissant, par un mutisme confortable, le médecin prendre à son compte la tâche de la transmission au public. De même, la réalisation opère de réguliers plans de coupe montrant Desgraupes suivre l'action avec un regard intense, manifestant son vif intérêt, voire son excitation d'être physiquement présent dans la scène dont il témoigne.
...et consulter les écrans
À l'image, va-et-vient entre le médecin qui manipule les cathéters et des vues d'écrans d'électrocardiogrammes et de radiographie. Le champ est de manière générale confus, encombré par les câbles et les outils, faiblement éclairé. Il devient difficile de comprendre l'intention didactique de la séquence : pourquoi insister autant sur une opération de prises d'images qui prépare un examen, sinon pour insister sur la possibilité nouvelle, grâce à l'innovation technologique, de le faire? C'est finalement l'environnement technologique qui devient le sujet du film. Projection test par les cathéters pour opacifier le champ et faire apparaître les valvules sigmoïdes. Il est question à présent de mettre le malade en "très discrète hypotension artérielle". Le médecin désigne le "scope" pour vérifier le niveau de tension : "montez un petit peu l'amplification, s'il vous plaît." C'est la deuxième instruction qu'il donne pour régler l'image. Il commente ensuite les courbes et les tracés lumineux qui traversent parallèlement l'écran, indiquant l'évolution du niveau de tension. C'est quand la tension sera réglée que les clichés se feront. La chute est provoquée par l'augmentation de la pression de l'air à l'intérieur des poumons. Il est nécessaire de synchroniser la chute de la tension, la surveillance de cette chute, le départ de l'injection et le départ des clichés. La consultation des écrans vise simultanément à suivre les opérations en cours et contrôler la manière dont le patient les subit. Il faudrait, ajoute le médecin, que cette synchronisation puisse se faire automatiquement pour éviter les erreurs humaines : un appareil devrait être prêt "dans quelques mois". Dès que l'injection est terminée, l'anesthésiste lâche l'hyper pression pulmonaire. Nouvelle injection de liquide opacifiant pour vérifier sur l'écran la position de la sonde. Préparation de l'appareil de prises de vues, dont l'orientation est axée sur la perforation de la plaque qui est installée sur le patient. Il faut "des temps de pose extrêmement courts", explique l'ingénieur : inférieurs au centième de seconde. "Les coronaires sont des organes qui bougent énormément". (20:43)
Prise et examens des clichés
Changement d'angle pour montrer le branchement de la seringue d'injection. Elle va déclencher le cliché. Il faut 20 à 30 clichés pour que chaque cliché ait une valeur, sa valeur est conditionnée par son rapport avec les autres. Le médecin enfile un gilet rigide, "vêtement protecteur parce que nous travaillons avec des intensités importantes." La protection est dorsale parce qu'au moment" où je travaille, je ne regarde plus le sujet", c'est-à-dire qu'il lui tourne le dos pour regarder l'écran d'électrocardiogramme. Gros plan sur la main de l'anesthésiste qui agit, la tension baisse, injection. Un bruit saccadé intervient hors champ, Desgraupes explique qu'il correspond à la prise des clichés. Gros plan sur le médecin qui tend son regard vers l'écran, avec une grimace qui exprime sa concentration. Trois minutes séparent la prise des clichés et la possibilité de les analyser après leur développement. Devant un tableau lumineux sur lequel sont fixés les clichés radiographiques, Desgraupes rappelle que chaque cliché se lit en fonction des autres. "On doit les lire un petit peu comme un dessin animé", explique Fayard, "de façon à reconstituer par l'examen successif des images l'impression dynamique. Ici, les coronaires changent d'axe". Grâce à la définition des clichés, "toute la vascularisation du myocarde est sous les yeux". Ici l'examen montre que les angines de poitrine dont se plaignait le patient n'ont pas d'origine cardiaque : "sa coronarographie est normale". "Ça permet de ne pas envisager des solutions qui auraient pu être dramatiques." Cette technique permet un progrès dans la thérapeutique en différenciant un malade d'un autre. Elle doit être confrontée aux affichages de l'électrocardiogramme. "Ce ne sont pas des examens inutiles, ils étaient jusqu'à présent inimaginables d'un point de vue technique". Pour Desgraupes, c'est un cas typique où l'ingénieur est intervenu dans l'action sanitaire. Le médecin enchérit : "Il est indispensable. Le médecin ne peut pas connaître toute la technologie" dont il aurait besoin. Il est cependant appelé à la comprendre pour connaître les limites des capacités de l'ingénieur. Il leur faut trouver un vocabulaire commun. Les "petits appareillages pour avoir une vision analytique du sujet" montrés dans l'émission ne sont pas les seuls à être employés, le médecin en cite d'autres. "L'ingénieur, souvent mathématicien ou physicien, est appelé à les imaginer, les réaliser et les entretenir." (32:15)
Séquences suivantes :
- un ingénieur explique comment une machine peut assister le cœur en période de crise (opération plus difficile que de le remplacer tout à fait) ; leur technologie électronique est mise au point par Dassault
- Monsieur Fayard, ingénieur, évoque cette machine - il a mené une expérience sur le cœur d'un chien - explique son fonctionnement. (61:28)
Comment les technologies vont intervenir sur l'organisation de l'hôpital et l'économie de la Santé
Retour au médecin de la première séquence. Desgraupes évoque "l'intervention de plus en plus grande de la machine et des ingénieurs dans la vie médicale, celle des médecins et de l'hôpital". Le médecin, très concentré, filmé de profil, regardant vers le bas comme s'il était dans ses pensées. "C'est un des problèmes les plus importants de la médecine actuelle", répond-il. "Il va sans dire que l'introduction de plus en plus poussée, de plus en plus raffinée de la machine ne supprime pas le personnel, au contraire il l'augmente. Il faudra davantage de monde, et du monde plus éduqué qu'avant. Le deuxième point est qu'on ne peut pas tout connaître. On est obligé de vivre avec les ingénieurs et avec les firmes qui construisent les appareils. Cette introduction de la machine crée chez le médecin l'obligation de travailler en équipes. Chaque acte médical un petit peu compliqué fait intervenir, cinq, six, sept, huit médecins. C'est l'analyse et la thérapeutique collégiales. Ceci fait que les hôpitaux se font de plus en plus techniques, technologiques. Ce qui ne veut pas dire que les médecins deviennent de moins en moins humains. On soigne et on guérit beaucoup mieux les gens maintenant qu'il y a cinquante ans. Le service que nous avons à rendre est d'être sans arrêt au courant du progrès technique en étant secondés par les ingénieurs. L'hôpital devient de plus en plus une usine. Non pas au point de vue de la rentabilité. La médecine ne pourra jamais être rentable. Elle sera de plus en plus chère. C'est le droit à la santé dans tous les pays du monde (Desgraupes lui souffle l'expression "droit à la santé")". Le médecin met en garde d'autre part sur les limites du rapport aux instruments. L'instrument "doit suivre la pensée de celui qui le gouverne". Il évoque enfin l'obsolescence rapide de ces appareillages. Les employer en permanence permet de les rentabiliser et de leur soumettre davantage de malades. Même s'ils demeurent fonctionnels, le changement des "moyens d'analyse et thérapeutiques" et les attentes qu'ils supposent conduisent à renouveler l'équipement. La médecine devient économiquement "un trou sans fin". Pour Desgraupes, ces observations amènent à donner au mot "rentabilité" un autre sens. Le médecin répond qu'il y a rentabilité, non pour l'économie, mais pour la société "chaque fois qu'on maintient quelqu'un en vie, qu'on repropulse un malade dans le circuit normal de la vie pour qu'il puisse assurer sa fonction aussi rapidement que possible". Il ajoute, avec un rare sourire : "Sur le plan comptable, je ne pense pas que la médecine soit rentable, et je ne le souhaite pas". Desgraupes le remercie, noir, générique de fin.