Médecins des prisons - 1ère partie (1976)
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Sommaire
Générique principal
« une émission de igor barrere, pierre desgraupes, étienne lalou. présentée par étienne lalou. réalisation : igor barrere »
Générique de fin :
« une émission de igor barrère, pierre desgraupes, étienne lalou. présentée par étienne lalou. images : daniel henneveux. son : daniel dumange, marc broussard. assistante : renata parisi. scripte : m-christine sentenac. réalisation : igor barrere »
Contenus
Sujet
La médecine pénitentiaire à Fresnes, les conditions de vie des détenus, leur évolution psychique et le rôle des médecins en prison.
Genre dominant
Résumé
L’animateur Pierre Desgraupes interviewe des médecins de prison, des membres de l’administration pénitentiaire et des détenus en les questionnant sur les conditions de vie en prison, les problèmes physiques et psychologiques des détenus.
Contexte
Au XIXè siècle, les prisons de l’Ancien Régime sont transformées en centres de détention très peuplés. Le philosophe Bentham invente et diffuse le principe de la prison panoptique dans les pays anglophones puis en France. Il s’agit d’une prison en anneau au centre de laquelle une tour abrite les gardiens ; ainsi, chaque prisonnier se sait constamment surveillé tout en étant séparé de ses co-détenus. Des emplois du temps et des habitudes obligatoires sont mis en place pour discipliner les prisonniers. Des centres pour enfants jugés dangereux sont également créés.
À partir de la fin du XIXè siècle, les médecins et psychiatres deviennent des membres à part entière du personnel des prisons. Ils prennent des mesures sur le physique des prisonniers et les interrogent. La criminologie se développe lentement à partir de ces données médicales. Cesare Lombroso, titulaire d’une chaire de médecine légale à Turin, publie en 1876 un ouvrage, « L’homme criminel », qui établit une typologie du criminel. Il décrit son physique, son psychisme et croit au caractère inné de la criminalité. D’autres pensent que le crime est une maladie sociale. Le Code Pénal français déclarant qu’un dément n’est pas responsable de ses crimes, le milieu médical est mobilisé pour définir la démence et les états mentaux qui rendent certains hommes irresponsables.
Le système pénal français connaît de grandes évolutions après la Seconde Guerre mondiale. Un document nommé “Principes formulés en mai 1945 par la commission de réforme des institutions pénitentiaires françaises” annonce que le but premier de la peine de prison est la réinsertion. Cela conduit à la “réforme Amor”, prenant le nom du directeur de l’administration pénitentiaire française de l’époque. Le traitement du prisonnier doit être humain, adapté à son crime et à sa personnalité. On supprime les pratiques jugées dégradantes comme le port obligatoire de sabots, le port des fers pour les condamnés à mort,… On autorise les détenus à acheter des revues et à fumer. Cependant, des mutineries de détenus ont lieu jusqu’en 1948. Le sanatorium de Liancourt est créé en 1947, le centre d’observation psychiatrique à Château-Thierry en 1950. Il s’agit avant tout de sortir les détenus les plus problématiques des autres prisons. Des annexes psychiatriques sont ajoutées à de nombreuses prisons, surtout dans un but d’observation, par les criminologues, des criminels les plus perturbés. Dans les années 1960, les personnels médicaux et sociaux sont augmentés dans les prisons françaises. Des formations universitaires spécifiques à la médecine pénitentiaire apparaissent.
En 1972, les aménagements de peine pour bonne conduite sont créées car les prisons françaises sont surpeuplées. En 1975, l’administration pénitentiaire se dote de centres de détention de plus en plus orientés vers la réinsertion. En 1976, l’administration pénitentiaire française dépend du ministre de la Justice Jean Lecanuet, ministre du gouvernement de Jacques Chirac. La prison de Fleury-Mérogis est ouverte en 1968 car la prison de la Santé est vétuste et surpeuplée. L’établissement pour jeunes adultes ouvre en 1967 et une maison d’arrêt pour femmes voit le jour en 1968.
La prison de Fresnes, construite à la fin du XIXè siècle, voit la mise en place, à la fin des années 1950, d'un établissement expérimental annexe destiné aux jeunes condamnés. La raison est que les autorités prévoient une augmentation importante de ce type de population carcérale. En 1956 est créée une infirmerie psychiatrique annexe à la prison. Cette prison devient également un endroit important de la répression politique, notamment avec l’emprisonnement à Fresnes de membres du Front de Libération Nationale lors de la guerre d’Algérie. La fin de ce conflit et l’augmentation des personnels de prison permettent de faire baisser la population carcérale de cet établissement.
Éléments structurants du film
- Images de reportage : Oui.
- Images en plateau : Non.
- Images d'archives : Non.
- Séquences d'animation : Non.
- Cartons : Non.
- Animateur : Oui.
- Voix off : Oui.
- Interview : Oui.
- Musique et bruitages : Oui.
- Images communes avec d'autres films : Non.
Comment le film dirige-t-il le regard du spectateur ?
Contrairement au documentaire sur la médecine pénitentiaire tourné par la même équipe et diffusé en 1965, ce documentaire montre les visages des prisonniers. Les gros plans ou les plans poitrine sur les médecins comme sur les patients sont nombreux et humanisants. Des plans moyens et larges sur les couloirs des prisons montrent l’enfermement à travers les portes en fer que seuls les gardiens peuvent ouvrir. Ils montrent la présence importante de ces derniers, mais aussi la modernité des bâtiments rénovés. Ce documentaire cherche à rassurer le public et à lui montrer les améliorations des conditions de vie des prisonniers, tout en faisant preuve de recul critique, notamment sur la question de l’utilité de l’emprisonnement pour lutter contre la récidive.
Comment la santé et la médecine sont-elles présentées ?
La médecine est abordée sous plusieurs angles. Tout d’abord comme un droit des détenus, qui sont souvent traités comme des patients normaux par les médecins lors des entretiens, voire avec de l’empathie. La médecine est alors présentée comme un droit et un besoin en prison. Elle est aussi vue sous un angle psychologique, les médecins se devant d’être particulièrement à l’écoute de leurs patients qui peuvent se mutiler ou simuler des maux pour être hospitalisés et échapper aux conditions de vie en prison. Enfin, lorsque l’animateur pose la question de la sortie de prison des détenus, la médecine devient un outil de réhabilitation des délinquants ; les médecins traitent les addictions, font en sorte que les détenus puissent travailler à leur sortie. Ce documentaire humanise à la fois les prisonniers, dont les délits ou crimes sont évoqués rapidement car l’animateur se concentre sur leurs maux, et les médecins de prison, souvent partagés entre leur métier de soin et les nécessités de l’administration pénitentiaire.
Diffusion et réception
Où le film est-il projeté ?
Télévision nationale
Communications et événements associés au film
Public
Public large, national
Audience
Descriptif libre
Introduction
[00'00]
Musique du générique de l’émission (début du quatrième mouvement de la Symphonie n°9 « Du Nouveau Monde » d’Antonin Dvorak). Plan fixe et zoom arrière. Une tour d’angle de la prison de Fresnes et un mur d’enceinte. Plan d’ensemble depuis l’intérieur du site. Un gardien ferme les deux vantaux de la porte principale. La caméra est tournée vers la gauche et filme une cour intérieure à travers un grillage. Plan américain. Trois personnes passent une porte grillagée qui se referme derrière elles. Zoom avant sur la serrure. Plan panoramique de la façade de l’un des bâtiments. Nouveau zoom avant. Des fleurs ornent l’une des fenêtres.
[00'52]
Le voleur de voitures
[00'52]
La fenêtre fleurie est encore à l’écran que la voix d’Étienne Lalou se fait déjà entendre. Le journaliste demande à un détenu quand il est entré en prison pour la première fois. Plan moyen. Le prisonnier est allongé sur le lit de sa cellule, face à la caméra, le visage bien visible et les jambes repliées. Le journaliste est assis à côté de lui et lui fait quasiment face (il est donc dos à la caméra). Il explique être entré en prison pour la première fois le « 10 septembre 1956 », à 18 ans, pour un vol de voiture avec des « camarades ». Zoom avant lent et plan rapproché taille. Il avoue avoir une passion pour l’automobile. Un accident de la route l’a rendu paraplégique mais il a repassé son permis F à l’hôpital de Garches, « avec une voiture aménagée spéciale ». Il a ensuite de nouveau été arrêté pour avoir conduit de jeunes garçons en voiture.
Plan d’ensemble à travers une grille, dans le couloir du bâtiment principal de la prison. Des détenus sont libérés. La caméra se déplace sur la gauche, vers le bureau du gardien devant lequel ils passent avant de sortir, puis revient sur le couloir. En voix off, le détenu continue de raconter son histoire et déclare qu’il ne veut plus voler de voitures après sa sortie car « il ne supporte plus la prison ».
Retour au plan rapproché taille du détenu dans sa cellule. Comme d’autres « camarades » qu’il a connu durant sa détention, il pense qu’arrivé à la quarantaine, « on a passé le stade ; il faut s’arrêter sinon après, ça devient du suicide ».
[03'48]
Une consultation en prison
[03'48]
Plan rapproché taille. Une femme en blouse blanche passe la porte d’une salle de consultation et y fait entrer un détenu en tenue civile. Suivi par la caméra, celui-ci qui se présente à un médecin qui met ses lunettes pour lire « le mot de la consultation ». La voix off se demande ce que signifie l’exercice de la médecine en prison, sachant que les maladies auxquelles le « médecin-chef de l’hôpital de la prison de Fresnes » est confronté sont les mêmes qu’à l’extérieur. Examinant le prisonnier, le praticien constate que quelque chose « augmente de plus en plus » et lui demande le métier qu’il exerçait avant son emprisonnement, ainsi que la durée de sa détention. Celui-ci répond qu’il était serrurier et qu’il est « condamné et prévenu ». Le médecin comprend qu’il a « une autre affaire encore en cours » et lui demande de se retourner. Il constate un « gros réseau veineux » au niveau des veines saphènes externes et internes. Il le fait ensuite s’allonger sur la table de consultation et poursuit son auscultation. La voix off précise que, même pour de simples maladies organiques, la situation du patient emprisonné est à prendre en compte et qu’à la particularité de chaque cas s’ajoute un possible conflit entre l’avis du médecin et celui de l’administration, ainsi qu’une incidence certaine de la détention dans l’apparition de certains symptômes ou maladies. Le médecin se rassoit et demande au patient de se remettre debout, ce que celui-ci fait. Il lui annonce alors qu’il va subir un « stripping », c’est-à-dire un éveinage des veines saphènes externes et internes. Il lui précise que, cette opération nécessitant « dix jours d’hospitalisation », son statut de prévenu rend nécessaire une autorisation du juge d’instruction. Il le remercie et le détenu quitte l’infirmerie.
[06'13]
Interview du directeur de l’hôpital central des prisons de France
[06'13]
Rapide plan panoramique en contre-plongée, à l’intérieur de l’un des bâtiments de la prison, sur les cellules des étages supérieurs. L’objectif de la caméra redescend ensuite sur le couloir du rez-de-chaussée où se trouvent, avec un gardien, deux hommes en blouse blanche et deux autres personnes. En voix off, Étienne Lalou présente le directeur de l’hôpital central des prisons de Fresnes. Plan américain, dans un autre couloir intérieur. Le fonctionnaire est face caméra. Le journaliste, visible de trois quarts dos droite, lui demande s’il est médecin. Il répond par la négative, tout en précisant qu’il travaille avec eux. Étienne Lalou lui demande qu’elle a été sa formation pour devenir directeur. Il répond qu’il est l’adjoint du directeur des prisons de Fresnes, en charge de la direction de l’hôpital central des prisons de France. Représentant l’administration pénitentiaire, il travaille avec les corps médicaux et paramédicaux, une communauté religieuse et les gardiens de prison. Les rapports avec les médecins sont bons mais le contexte est difficile, nécessitant des « passerelles » entre les personnels, le lieu étant simultanément prison et hôpital. Zoom arrière lent. D’une part, il n’intervient pas dans les diagnostics médicaux mais d’autre part, il doit assurer la sécurité du personnel médical.
Plan moyen. Un médecin passe une porte grillagée sous le regard d’un gardien qui le suit. Un autre la referme derrière eux. Plan panoramique vertical vers les étages supérieurs. En voix off, le directeur explique que bien qu’emprisonnés, les détenus gardent leur personnalité. Plan d’ensemble. Passant devant le bureau de son collègue chargé des entrées et sorties, un gardien vient vers la caméra, pousse une porte grillagée et franchit celle-ci. En voix off, Étienne Lalou demande au directeur si ces individus ne sont plus ceux visibles en prison.
Gros plan. Le fonctionnaire constate que l’évolution des prisons reflète celle de la société et que les trente dernières années ont été marquées par des progrès et des difficultés. Les mentalités ont changé et les gardiens ne veulent plus porter la responsabilité du manque de moyens de l’Administration. Autre plan d’ensemble. Un détenu entouré par des gardiens passe une porte grillagée dans un couloir sombre de la prison. D’autres prisonniers, le premier poussant un chariot, viennent ensuite. Zoom avant lent à travers la grille puis plan rapproché poitrine du directeur. Les prisons sont pour lui « le reflet de la société toute entière », et la seconde doit assumer les premières.
[10'05]
Interview du médecin-chef
[10'05]
Plan moyen. Un homme en blouse blanche ausculte l’abdomen d’un patient. Leurs visages sont hors champ. En voix off, Étienne Lalou présente « Monsieur Jacques Petit », chirurgien-chef de l’hôpital de la prison de Fresnes (déjà interviewé dans l'émission de 1965).
Plan américain. Le chirurgien en blouse blanche, à la tête de l’hôpital « depuis 1961 », affirme que la chirurgie pénitentiaire est spéciale par ses patients et ses locaux. Il distingue la chirurgie « banale » de celle qui est propre à la prison. Il parle ensuite du problème courant que sont les corps étrangers dans le tube digestif. Les détenus ingèrent des objets pour diverses raisons et attendent du séjour à l’hôpital qu’il améliore leur situation.
Autre plan américain. Un détenu en tenue civile, « Monsieur Gorski », accompagné par une assistante et suivi par un mouvement panoramique de la caméra, entre à l’infirmerie et se présente au médecin-chef. Ce prisonnier, qui est « en surveillance de corps étranger », en a avalé un pour la troisième fois « le 20 octobre ». Il dit ne pas en souffrir, être néanmoins « très faible », mais avoir « beaucoup appétit ». Plan fixe. Deux radiographies et une troisième rajoutée par le médecin-chef montrent la progression du corps étranger dans le tube digestif. Zoom arrière. Mr Gorski se tourne : le docteur souhaite qu’il ne renouvelle pas son acte et lui en demande les raisons. Le détenu explique qu’il avale des corps étrangers pour être ne pas retourner à la prison de Château-Thierry où un autre détenu le maltraite, ni à celle de Liancourt. Le médecin l’écoute d’un air soucieux.
Plan rapproché poitrine. Le médecin-chef est assis et Étienne Lalou lui demande « sa situation par rapport à l’Administration ». Il dit avoir de bonnes relations. Étant « chirurgien libéral à temps partiel », il n’appartient pas à l'Administration et les détenus le savent. Nouveau plan américain. Un autre patient se trouve dans la salle de consultation où l’assistante termine de lui entourer le buste de bandages. Il précise que les praticiens sont vacataires ou travaillent comme lui « au cas opératoire ». Le journaliste, hors champ, pense que la médecine pénitentiaire est traitée comme une médecine au rabais, ce que le médecin interviewé trouve juste.
[14’19]
Le suicide, le mal-être des détenus et les automutilations
[14’19]
Plan panoramique vertical du hall intérieur de la prison, de son plafond et des couloirs de cellules en mezzanine jusqu’au rez-de-chaussée. Toujours en voix off, Étienne Lalou présente le docteur Proust, qui est interne à la prison. Il y vit donc et doit répondre à un appel au secours permanent. Caméra épaule dans un couloir et le long des cellules. Le chirurgien explique qu’ils sont dix internes à assurer les gardes dans toute la prison.
Plan rapproché poitrine. Le médecin, en blouse blanche, est assis devant un lavabo et une fenêtre. Le journaliste, qui est hors champ, lui demande s’il y a plus de suicides en prison. Il explique que les tentatives de suicides sont très nombreuses, mais il considère que ce sont surtout des appels à l’aide, comme les automutilations. Les détenus ont des difficultés à exprimer leurs problèmes et utilisent ce moyen pour que le médecin vienne s’occuper d’eux.
Caméra épaule et plan moyen. Un détenu entre dans une salle de consultation et s’assied au bureau d’un médecin qu’il a demandé par écrit à voir. Il dit avoir mal à l’estomac après avoir avalé un corps étranger. Il a vu un chirurgien mais a refusé l’opération proposée par celui-ci. Le médecin lui demande s’il a vu ses radios. Le détenu ayant répondu négativement, il se lève et, suivi par la caméra, présente celles-ci, qui mettent en évidence les objets avalés. Le médecin demande ensuite au détenu les raisons de son refus d’être opéré. Tandis que la caméra s’attarde sur les clichés, celui-ci répond qu’il a avalé ces objets pour des raisons familiales : il n’a pas de nouvelles de sa fille, qui avait trois mois au moment de son arrestation. Il pense que l’assistante sociale ne s’occupe pas de son cas, et qu’elle et le directeur se renvoient la balle. Caméra épaule. Plan moyen en contre-plongée et à l’horizontale. Il dit en avoir pour « vingt-cinq mois plus quinze mois », et être sans nouvelles de sa femme qui pourtant a le droit de le voir. En refusant cette opération, il espère savoir où est sa fille. Nouveau plan fixe puis la caméra revient en contre-plongée sur le médecin. Retour au plan moyen du docteur et du détenu. Celui-ci pense qu’un certificat expliquant les raisons de son geste est nécessaire. Zoom avant jusqu’à un plan rapproché poitrine du détenu pris zoom arrière. Le médecin lui fixe un rendez-vous avec le médecin-chef.
[19’24]
Plans panoramiques. Un gardien ouvre une porte grillagée et se dirige vers la porte du bâtiment, suivi par des hommes en tenue civile. L’un d’entre eux cache son visage en relevant sa veste. L’objectif de la caméra revient ensuite sur la porte grillagée fermée.
Retour au plan rapproché poitrine du docteur Proust et zoom avant jusqu’à un gros plan. Il dit qu’il y a eu une trentaine de suicides réussis l’année précédente, chiffre « assez gros » pour un milieu fermé. Il faut cependant y distinguer selon lui les « déséquilibrés caractériels », dépressifs et difficilement contrôlables. Ils ont certes des compagnons de cellule, mais ceux-ci veulent aussi dormir et ne peuvent pas les surveiller en permanence. Parmi tous ces suicides, les plus difficiles à contrôler sont ceux qui ont lieu peu de temps après l’entrée du détenu en prison, malgré une visite médicale systématique. Le médecin évoque une relation médico-judiciaire dans laquelle le médecin a peu de place et peu d’occasions de déceler les dépressions.
Plan général. Un couloir large et clair de la prison de Fleury-Mérogis. Plan d’ensemble. La porte d’une cellule est ouverte et sa face intérieure nous laisse voir des photos légères. Un gardien en sort, un bâton à la main, et la referme.
Plan rapproché poitrine. Un jeune homme de vingt ans est assis devant la grande fenêtre à barreaux de sa cellule. Il dit avoir tué un garçon accidentellement en se battant à dix-huit ans. Étienne Lalou, en hors champ, lui demande comment il se sentait en arrivant en prison ; il répond qu’il était perdu. Le journaliste cherche aussi à savoir pourquoi il s’est coupé les veines. Il dit l’avoir fait une fois parce qu’il était perdu, puis l’a fait à nouveau pour parler à des docteurs, car il est seul en cellule. Zoom avant jusqu’à un gros plan sur le visage. Selon lui, le personnel médical, médecins et infirmières, s’occupe bien des détenus après une tentative de suicide. Il espère avoir une conditionnelle et sortir dans « un an ». Il a passé son bac et considère qu’arriver dans ce qu’il appelle une « machine administrative » lui a enseigné l’humilité et lui a appris qu’il n’était « rien ». Il pense que se couper les veines est le seul moyen de se révolter.
[24’37]
Retour au gros plan du docteur Proust. Toujours en hors champ, Étienne Lalou lui demande s’il est possible de diminuer le traumatisme de l’entrée en prison. Le médecin répond que ce choc tient à de nombreuses choses, notamment la coupure avec le monde extérieur. Il est dur à traiter car il y a le face-à-face avec la police, le juge et, leur « affaire » traînant souvent en longueur, ils pensent s’en tirer à bon compte ce qui n’est finalement pas le cas, d’où une grande déception pouvant conduire au suicide. Après quelques hésitations, le docteur reconnaît qu’il y a également une surconsommation médicale en prison, qui diminue lorsque le nombre de médecins augmente. Caméra portée. Une religieuse passe une porte noire en portant une boîte de médicaments. Plan fixe et zoom arrière, une tour de garde à un angle du mur d’enceinte de la prison et un des bâtiments de la prison. Plan panoramique. Les fenêtres à barreaux s’alignent sur la façade du bâtiment. Travelling latéral des portes des cellules à l’intérieur du bâtiment. En voix off, le médecin explique que les calmants et somnifères sont utilisés pour diminuer l’agressivité des détenus qui se promènent seulement une heure par jour et qui n’ont ni sexualité, ni activité sportive. Très large plan panoramique du hall intérieur du bâtiment, avec ses couloirs en mezzanines, puis retour au plan rapproché poitrine du docteur Proust. Il évoque la question des simulations de maladies. Si la simulation réelle est très rare, la sursimulation est plus fréquente.
[29’14]
Les patients simulateurs et les sorties de prison pour raisons médicales
[29’14]
Plan moyen. Le même médecin qui s’était auparavant entretenu avec un détenu ayant avalé des objets est assis à son bureau. Face à lui, un autre prisonnier, à l’accent méridional, auquel il explique qu’un patient diabétique qui suit son traitement peut être équilibré, mais que celui qui se fait volontairement monter son diabète doit en assumer les conséquences. Zoom avant sur le visage du détenu. Selon lui, le rôle des médecins est de l’empêcher de se faire monter le diabète et de se suicider. Il se plaint de recevoir « froids » les plats préparés aux cuisines. Le médecin lui explique qu’il ne peut pas être soigné à l’hôpital de la prison, car la plupart des diabétiques se soignent depuis chez eux. Le détenu lui répond qu’il pourrait avoir un régime adapté, comme celui à base de poisson et de pommes de terre qu’il reçoit de sa femme, s’il partait de Fresnes. Il s’agit selon lui d’une question d’humanité.
Nouveau retour au plan poitrine du docteur Proust. Il parle des simulateurs vrais. Certains patients se créent une anémie en se faisant perdre du sang. Le médecin donne l’exemple d’un détenu qui s’est créé une anémie avec « une lame de rasoir cachée dans le talon de sa chaussure ».
Plan large, à nouveau dans le cabinet de consultation. Un autre médecin en costume noir est assis à un bureau avec un détenu qui a fait une hémorragie intestinale. Il a constaté celle-ci en trouvant du sang dans la cuvette de ses toilettes. Zoom avant. Le docteur indique avoir examiné son dossier et note que le prisonnier s’amaigrit. Cela justifie selon lui d’envoyer le patient à l’extérieur de la prison pour une fibroscopie.
[35’09]
Les paradoxes de la médecine en prison
[35’09]
Nouveau retour au plan poitrine du docteur Proust. Le journaliste lui dit qu’il y a non seulement des pulsions agressives, mais aussi des pulsions sexuelles. Selon le médecin, elles font partie de l’agressivité. Les formes de décharge de l’agressivité sont le travail, l’exercice physique et la sexualité. Plan d’ensemble. Des gardiens sont debout dans un couloir de prison, entre deux grilles. L’un d’eux ouvre celle du fond et laisse passer des détenus. Filmés. En voix off, le médecin et le journaliste continuent d’évoquer la sexualité des prisonniers. Le praticien rappelle que l’hétérosexualité est inexistante et que « l’homosexualité découverte est punie ». Il constate une baisse de la libido chez les détenus, bien que ceux-ci en parlent peu. Le journaliste demande au médecin s’il lui paraît normal de priver un homme de relations sexuelles. Le médecin semble gêné et dit que cela lui paraît "anormal", mais il ne fait pas les lois. Plan panoramique de la cour de la prison dans laquelle sont garés des véhicules. Retour au plan rapproché poitrine du médecin, qui explique être conscient d’être tout aussi complice d'une sorte de répression que l’est un psychiatre qui soigne un prisonnier à la demande d’un préfet. Il explique à Étienne Lalou qu’il assume cependant cette position, l’inverse lui paraissant idiot, car les médecins ont un rôle important en prison. Après trois ans de présence, il s’est attaché à son travail. Il aimerait pouvoir régler le problème de la sortie des détenus dont on s’occupe trop peu selon lui.
[38’17]
La sortie de prison
[38’17]
Plan moyen. Un gardien ferme une porte de cellule en bois. Plan rapproché poitrine. Un détenu est assis sur un lit dans une petite pièce. Hors champ, Étienne Lalou, lui demande pourquoi il est à l’hôpital. Le détenu dit avoir une fistule à l’intestin et avoir déjà été opéré deux fois. Venant de la centrale d’Eysses, il souhaiterait y retourner pour y travailler. N’ayant pas de famille, il voudrait être embauché en usine pour avoir une réserve d’argent et se trouver un logement. Zoom avant jusqu’à un gros plan sur son visage. Le journaliste lui demande s’il veut reprendre une vie normale. Il répond qu’il le fera si la question de sa sortie est réglée. Il ne veut pas aller en centre d’accueil où il trouverait des gens qu’il dit « peu fréquentables », et aimerait être aidé.
[40’14]
Les détenus et la drogue
[40’14]
Autre plan moyen, à travers la même porte grillagée que la séquence précédente. Deux gardiens discutent dans le bureau à côté de la porte de sortie. La caméra se déplace sur trois de leurs collègues devant l’autre porte grillagée. L’un d’eux franchit celle-ci alors qu’un autre se dirige vers la sortie avec des détenus. En voix off, Étienne Lalou dit que la prison est un reflet de la société et de ses vices. Cela explique que le problème de la drogue se pose pour les médecins des prisons. Il introduit un dialogue entre un détenu et le docteur Hatermeyer, médecin-chef des prisons de Fresnes.
A nouveau plan moyen dans la salle de consultation, avec le médecin qui a précédemment reçu un homme se plaignant d’un saignement intestinal. Il est assis à son bureau avec un autre détenu. Celui-ci s’est drogué pendant un an et n’a jamais eu de désintoxication : il aurait préféré une désintoxication à une peine de prison. Prévenu, il dit qu’il ne mériterait pas d’être jugé. Il a volé de la drogue car il était en état de manque. Il s’agit selon lui d’un vol spécifique qui ne devrait pas lui valoir un procès, mais le médecin essaie de lui expliquer qu’il a commis un délit. Le médecin souhaiterait, si l’affaire judiciaire du prévenu est simple, qu’il soit envoyé dans un service spécialisé afin que son séjour en prison soit utile.
[43’15]
La vie en prison en 1976
[43’15]
Plan général en contre-plongée. Les couloirs en mezzanine des étages supérieurs du hall de la prison sont reliés entre eux par des passerelles. En voix off, Étienne Lalou demande au médecin s’il pense que la médecine pénitentiaire est en soi différente des autres médecines. Plan rapproché poitrine. Toujours assis à son bureau, un mur blanc derrière lui, le docteur Hatermeyer répond qu’elle n’est pas différente en soi. C’est le même métier que dans un cabinet médical de l’extérieur, mais avec une patientèle particulière. D’après lui, le plus grand « drame » de la prison n’est pas la privation de liberté mais l’oisiveté, qui nourrit le besoin de parler. Il dit avoir demandé dès son arrivée beaucoup d’internes et surtout plus de psychologues, et pas nécessairement de nombreux psychiatres, car il ne veut pas « psychiatriser » la prison, l’écoute lui paraissant plus nécessaire. Ce qui domine les consultations, c’est la psychologie permettant au malade de raconter son histoire, le plus souvent pénale. À cela s’ajoute la consommation de médicaments, qu’il attribue à l’oisiveté, à l’ennui et à l’anxiété, le détenu ne pensant qu’à sa sortie. Mais répète-t-il, rien n’est spécifique à la prison, si ce n’est les corps étrangers, la majoration des symptômes et l’automutilation.
Autres plans généraux du hall de la prison et zoom avant lent. Des gardiens patrouillent dans le hall de la prison, avec ses portes en enfilade et ses couloirs en mezzanine. Zoom avant sur deux hommes, Étienne Lalou et le docteur Hatermeyer, qui marchent dans le couloir en discutant. Le médecin explique que le plus important n’est pas ce qui arrive en prison, mais ce qui arrive avant et après. Il faudrait que tout le personnel pénitentiaire pense à la sortie du détenu, au lieu d’attendre que ceux-ci se mutinent pour obtenir l’amélioration de leurs conditions de détention. Il pense d’ailleurs que celles-ci sont moins importantes aux yeux des détenus que la sortie. Fresnes comprenant une moitié de prévenus et une moitié de récidivistes, il estime que le non-emprisonnement des prévenus et la prévention de la récidive videraient beaucoup de cellules.
[47’57]
Plan moyen. Un gardien sort d’une cellule et en referme la porte à clef. Gros plan de face sur le visage d’un détenu de la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis. En voix off, Étienne Lalou lui demande combien de temps il a passé en prison. « Vingt-cinq ans » répond-il. « Déserteur à l’étranger », il a été condamné à 18 mois et n’a plus voulu servir la société, et avait le choix entre être à la rue ou cambrioler. Il a choisi la seconde option, comme un « suicide moral ». Plan moyen avec le journaliste de trois-quarts dos gauche. Il est à l’infirmerie de la prison de Fleury-Mérogis car il fait de l’hypertension. Il dit être bien soigné. Son actuelle détention dure depuis « 22 mois » en attendant qu’une cour d’assises décide de sa peine pour vol qualifié. Le régime central semble plus dur mais est plus naturel selon lui car les détenus peuvent y travailler. Zoom avant lent sur son visage. D’après lui, l’enfermement en cellule toute la journée a été trouvé au Moyen-Age par Ignace de Loyola et Saint Bernard, et a perduré. Il pense que l’administration pénitentiaire divise les détenus pour mieux les contrôler. Plans moyens, d’ensemble et panoramiques. Un gardien passe une porte grillagée, la referme et monte un escalier en fer. Un autre commande le déverrouillage des portes depuis un pupitre de commande. Un troisième ouvre une autre porte grillagée pour laisser passer un homme tirant un chariot où est empilé du linge. Retour au gros plan sur le détenu. Il dit qu’un trouble psychologique apparaît quand les détenus arrivent en prison, surtout chez les jeunes. Plan d’ensemble et zoom arrière. L’entrée de la prison. Retour sur le détenu et autre zoom arrière. Selon ce prisonnier, il n’y a pas de « belle prison ». Plan moyen et nouveau zoom arrière. Un chemin en bitume où marchent deux hommes est filmé à travers la fenêtre de la cellule. D’autres hommes se tiennent devant un bâtiment puis s’engagent sur le même chemin. Le journaliste, hors champ, demande au prévenu comment il voit la prison. Celui-ci répond qu’elle est absurde car elle ne règle ni le problème de la société, ni celui de l’homme emprisonné. Plan divers de la prison. Retour en plan rapproché poitrine sur le prisonnier et zoom avant. Il souhaiterait connaître les statistiques sur les classes sociales de prévenus : les fils d’ouvriers, les jeunes de la bourgeoisie. Cela aiderait à comprendre que « c’est le peuple qui est en prison. »
[54’39]
Générique de fin
[54’39]
Plans panoramiques horizontaux et verticaux du mur d’enceinte de la prison de Fresnes et de la porte principale, des rues adjacentes et de leur végétation, avec le générique en surimpression et au son de la musique d’introduction.
[55’31]
Notes complémentaires
Références et documents externes
-CARLIER Christian, Histoire de Fresnes, prison “moderne” : de la genèse aux premières années, Paris, Syros, 1998
-FIZE Michel, Une prison dans la ville : histoire de la “prison modèle” de la Santé, 1867-2014, Paris, Buchet-Chastel, 2015
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Contributeurs
- Auteurs de la fiche : Juliette Reichenbach