Falsche Scham (1926)

De Medfilm



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Titre :
Falsche Scham
Année de production :
Pays de production :
Réalisation :
Conseil scientifique :
Interprétation :
Durée :
103 minutes
Format :
Muet - Noir et blanc - 35 mm
Langues d'origine :
Traduit :
Sous-titrage et transcription :
Sociétés de production :
Commanditaires :
Archives détentrices :
Corpus :

Générique principal

(Deutsch)

Drehbuch: Nicholas Kaufmann, Curt Thomalla

Die Rechte wurden freundlicherweise zur Verfügung gestellt von der Friedrich-Wilhelm-Murnau-Stiftung, Wiesbaden.

Film diffusé avec l'aimable autorisation de la Friedrich-Wilhelm-Murnau Stiftung, Wiesbaden.

Ce film est la version islandaise du film allemand Falsche Scham - Vier Episoden aus dem Leben eines Arztes (Fausse honte - Quatre épisodes de la vie d'un médecin). La version suisse (avec cartons franco-allemands) du film est également disponible sur MedFilm : Fausse_honte_-_Falsche_Scham

Contenus

Thèmes médicaux

Sujet

Prévention des maladies sexuellement transmissibles.

Genre dominant

Fiction

Résumé

Acte I : Dans l'enceinte d'une foire, deux lycéens assistent à une conférence sur les maladies vénériennes.
Acte II : Un étudiant en médecine a attrapé la gonorrhée lors d'une aventure d'un soir mais il ne prend pas la maladie très au sérieux. Son professeur lui fait faire le tour de sa clinique pour le convaincre de la gravité de la maladie.
Acte III : Une nourrice transmet la syphilis au bébé dont elle s'occupe. La famille qui l'emploie la renvoie. Elle est embauchée dans un clinique de vénérologie où le spectacle des patients au stade tertiaire de la maladie la convainc de se faire soigner.
Acte IV : Un couple de paysans âgés est atteint de la syphilis. L'homme ne peut plus travailler, la femme a des accès de folie furieuse. Obligés de vendre leur maison, il termine sa vie à l'hospice et elle, à l'asile psychiatrique.
Acte V : Obligée de chercher du travail à la grande ville, la nièce du couple précédent, rencontre un jeune homme qui lui donne la syphilis. Elle accepte de se faire soigner mais lui trouve le traitement trop long et l'abstinence trop difficile. Après quelques péripéties, ils finissent par se marier et par avoir un fils dont le médecin est le parrain.

Contexte

Contexte historique :
L'Islande est sous la domination du Danemark de 1536 à 1918. Entre 1918 et 1944, c'est un pays indépendant en "union personnelle" avec le roi du Danemark (les Danois conservent la gestion des affaires internationales de l'Islande, notamment la protection des eaux territoriales.) La République d'Islande est fondée le 17 juin 1944.

Contexte cinématographique :
Le film islandais le plus ancien à avoir été conservé est un documentaire de 3 minutes tournée par le Danois Alfred Lind.
Le cinéma islandais prend forme sous l'impulsion des productions danoises, en commençant par l'arrivée de la compagnie Nordisk Film de Copenhague en 1919 pour un long-métrage intitulé L'Histoire de la famille Borg.
Pendant toute la période de tutelle danoise, les réalisateurs insulaires restent dans l'ombre des cinéastes danois et étrangers, bien mieux équipés techniquement et financièrement.

Contexte médico-sanitaire :
Le médecin qui a traduit les intertitres d'allemand en islandais, le professeur Gunnlaugur Claessen, est le pionnier de la radiologie en Islande.
Gunnlaugur Claessen nait le 3 décembre 1881 dans le nord de l'Islande. Il s'inscrit comme étudiant à Reykjavík en 1901 et étudie la médecine à l'université de Copenhague jusqu'en 1910. Il suit une formation en radiologie à Copenhague et à Stockholm. Il passe son doctorat en médecine au Karolinska Institutet de Stockholm en 1928. Il fait de nombreux voyages d'étude en Angleterre, Allemagne, France et Suède pour approfondir sa formation en radiologie et se tenir au courant des évolutions de cette discipline.
À partir de 1913, il travaille comme médecin généraliste à Reykjavík. En janvier 1914, il est nommé directeur du nouvel institut Roentgen qu'il a contribué à fonder à l'Université d'Islande. L'institut occupe les trois pièces d'une petite maison au centre de Reykjavík qui compte alors 13 800 habitants. À cette époque, l'approvisionnement en électricité n'est pas très stable en Islande. L'électricité nécessaire à l'institut est générée dans l'atelier d'un charpentier tout proche. Le Professeur Claessen est parfois obligé de téléphoner aux charpentiers pour leur demander d'éteindre leurs machines, le temps qu'il termine un examen qui demande exceptionnellement plus de puissance !
En 1930, il est nommé chef du service de radiologie de l'hôpital universitaire de Reykjavik qui vient d'ouvrir. Il commence également à donner des cours de radiologie à l'université d'Islande.
Claessen publie des articles sur des sujets en lien avec la radiologie dans des publications spécialisés islandaises et internationales, notamment sur le radiodiagnostic et les différents types de radiothérapie.
Il recommande l'utilisation de la radiographie pour le diagnostic de la tuberculose pulmonaire et indique que les examens radiologiques de masse marquent l'ouverture d'une nouvelle ère dans le domaine de l'hygiène sociale dans la lutte contre la tuberculose. Il participe d'ailleurs activement à l’organisation des campagnes islandaises contre la tuberculose et le cancer.
L'ouvrage qui contribue le plus à la renommée international de Claussen est Diagnostic Radiology for Practitioners and Students publié en danois en 1940 et réédité en 1946. L'ouvrage est abondamment illustré et témoigne des excellentes qualités techniques du département de radiologie de l'hôpital universitaire de Reykjavík. Il réussit à terminer la traduction en anglais de son ouvrage en y ajoutant des compléments et mises à jour peu de temps avant sa mort.
Dans la période 1915-1935, il fait le diagnostic, traite et assure le suivi de 152 cas de favus (teigne du cuir chevelu), ce qui aboutit à la quasi-éradication de cette pathologie dans le pays.
Il fonde et préside la Croix-rouge islandaise pendant de nombreuses années. Il préside l'association des médecins islandais et il est le rédacteur de la revue de l'association de 1923 à 1930. Entre 1920 et 1926, il fait également partie du conseil municipal de Reykjavík. À ce poste, il fait passer un arrêté interdisant d'avoir un chien en ville, ce qui, outre son action thérapeutique dans ce domaine, permet de débarrasser le pays de l'hydatidose (parasitose le plus souvent hépatique ou pulmonaire provoquée par les formes larvaires d'Echinococcus granulosus), car les chiens sont les hôtes des formes adultes de ce parasite.
Entre 1914 et 1920 puis de nouveau entre 1923 et 1926, Claessen donne des cours de physiologie à l'université de Reykjavik.
Il s’intéresse beaucoup à l'introduction de la crémation en Islande. En 1934, il fonde la société islandaise de crémation qu'il préside jusqu'à sa mort.
Il publie également des articles sur l'alimentation, la recherche sur les vitamines, l'allaitement, la santé dentaire, la vie et l’œuvre de Joseph Lister, etc., à la fois dans des revues spécialisées et dans des magazines et des journaux grand public.
Parlant couramment le danois, le suédois, l'anglais, l'allemand et le français, il traduit quelques ouvrages médicaux en islandais à partir de 1941, lorsque de graves crises d'asthme l'empêchent de travailler pendant de longues périodes. Il avait déjà traduit les sous-titres du film allemand Falsche Scham au milieu des années 1920.
Gunnlaugur Claessen meurt le 23 juillet 1948 des suites d'une pneumonie aiguë.

Concernant le film Falsche Scham:
Falsche Scham est l'un des premiers films de prévention des maladies vénériennes à présenter une structure fictionnelle dramatique dans laquelle sont insérées des séquences d'information scientifique et médicale (Auparavant, il y avait eu tout de même The_end_of_the_road en 1918 aux États-Unis.). À ce titre, il marque un tournant dans l'histoire de ce genre cinématographique. Dans les années qui suivent, d'autres films reprennent cette structure. Exemples : Il était une fois trois amis (1929) et Feind im Blut (1931).
C'est aussi le premier film de ce type à avoir un tel succès international.

Le film allemand est accompagné d'un livre de plus de 200 pages écrit par Curt Thomalla et présenté comme le manuscrit du film. Dans la préface écrite par le Prof. Adam, secrétaire général de l’Office d’Instruction hygiénique populaire du Reich, la nécessité de la publication de cet ouvrage est expliquée de la façon suivante :
« Je n’ai qu’une crainte concernant ce film, comme tous les autres : c’est que les impressions qu’il suscite n’aient pas un effet durable. Je vous suggère donc la chose suivante. À partir des nombreuses et excellentes images de ce film, on doit pouvoir produire un atlas particulièrement frappant et exhaustif des maladies vénériennes. C’est précisément la forme si accessible et populaire des images cinématographiques qui donnerait toute sa valeur à un livre de ce genre sur les maladies vénériennes. » (Nur eine Befürchtung habe ich bei diesem wie bei jedem Film: daß nämlich die Eindrücke nicht nachhaltig und lange genug wirken. Ich gebe ihnen folgender Anregung. Aus den zahlreichen vorzüglichen Bildern läßt sich doch zweifellos ein ungeheuer eindrucksvoller und das ganze Gebiet erschöpfender Bilderatlas über das Thema der Geschlechtskrankheiten herstellen. Gerade die so ungemein leichtfassliche und populäre Gestaltung der Filmbilder wäre auch für ein solches Volksbuch über die Geschlechtskrankheiten von gewaltigem Wert.)
Ce livre est beaucoup plus détaillé que le film. Il apporte de nombreux éléments de contexte sur les personnages, insiste beaucoup sur leurs émotions et parle également des scientifiques qui ont découvert les agents infectieux de la gonorrhée et de la syphilis ainsi que du traitement.
Dans la première partie, le médecin le plus expérimenté fait à son jeune collègue sur le point de démarrer sa conférence un plaidoyer pour ce mode d'information que l'on peut également considérer comme un plaidoyer déguisé pour le medium filmique :
"C'est une bonne chose que de faire une visite, cher confrère, mais il me semble que la plupart des gens ne sont entrés ici que parce qu'ils sont attirés par le sensationnel. Votre conférence va devoir secouer chacune des personnes ici présentes pour les tirer de leur indifférence. Regardez-les se comporter comme s'il n'y avait rien de plus ordinaire que ce que nous montrons ici. Aucun d'entre eux ne se doute que l'image des terribles souffrances qu'il a sous les yeux renvoie à une tragédie humaine qu'aucun roman de mœurs, ni aucun roman policier ne pourrait présenter de façon plus bouleversante." (Der Besuch ist gut, Herr Kollege, aber es scheint mir, dass die meisten Leute nur hereingekommen sind, weil sie hier eine besondere Sensation wittern. Ihre Sache wird es sein, mit ihrem Vortrag jeden einzigen aus seiner Gleichgültigkeit auszurütteln. Sehen Sie nur, wie sie alle tun, als wären es die alltäglichsten Dinge von der Welt, die wir ihnen hier zeigen. Nicht einer ahnt, daß das Abbild der furchtbaren Leiden, die er vor sich sieht, gleichzeitig die Geschichte einer menschlichen Tragödie ist, wie sie kein Sitten- oder Kriminalroman erschütternder Darstellen könnte !)

Éléments structurants du film

  • Images de reportage : Oui.
  • Images en plateau : Non.
  • Images d'archives : Non.
  • Séquences d'animation : Oui.
  • Cartons : Oui.
  • Animateur : Non.
  • Voix off : Non.
  • Interview : Non.
  • Musique et bruitages : Non.
  • Images communes avec d'autres films : Oui. Bekämpfung der Geschlechtskrankheiten (1926)

Comment le film dirige-t-il le regard du spectateur ?

Le message principal du film est que l'information et la connaissance permettent d'éviter les maladies sexuelles mais il faut noter que cette information et cette connaissance reposent en très grande partie sur la peur : peur des lésions mises en évidence sur les céroplasties, peur des terribles conséquences de la maladie (folie, cécité, enfants malformés ou morts-nés, etc.) Cependant, la peur n'est pas la seule émotion que le film veut susciter chez le spectateur. Il y a également le soulagement et la satisfaction d'apprendre que le bébé malade pourra guérir et que tout finit bien pour Anna et Karl, la colère par rapport au comportement de l'homme qui contamine sa jeune épouse, etc.

Même si les cinq parties du film ne sont pas liées les unes aux autres de façon très étroite du point de vue de la narration (mis à part les deux dernières), elles sont ordonnées de façon à ce que les enjeux de plus en plus importants fassent monter la tension. Ainsi, dans la première partie, le thème est exposé de façon assez générale mais les protagonistes (les deux lycéens) sont et restent en bonne santé. Dans la deuxième partie, l'étudiant en médecine est certes malade mais sa gonorrhée ne fait que commencer. Il est surtout confronté aux souffrances des patients, et notamment des pauvres femmes "victimes de la légèreté des hommes", et des enfants. Dans la troisième partie, une représentante d'une couche sociale modeste (la nourrice) fait entrer la maladie dans un milieu bourgeois en contaminant le bébé dont elle a la charge, suggérant la possibilité d'une perturbation de l'ordre social. Dans la quatrième partie, la maladie a été négligée et les dégâts sont irrémédiables, tant du point de vue sanitaire qu'économique, pour les personnes concernées. Enfin, pendant toute la cinquième partie, le suspense plane sur le destin de Karl et Anna mais au bout du compte, l'issue est heureuse.

En partant du principe que les personnages du film sont des modèles proposés aux spectateurs pour qu'ils s'y identifient et changent de comportement en fonction des enseignements qu'ils en tirent, on constate que tous les personnages n'ont pas le même destin et que c'est leur tranche d'âge qui les distingue. Les personnes jeunes (les deux lycéens, l'étudiant en médecine, la nourrice, Anna et Karl) bénéficient d'une information (fondée sur la peur) concernant les manifestations possibles des maladies vénériennes et les dangers encourus, information qui leur est transmise par une grande diversité de moyens : conférence, exposition de céroplasties ou de préparations pathologiques, rencontre avec des patients, film. Ces différents éléments les incitent à renoncer à une aventure d'un soir (évitant ainsi une contamination éventuelle), à entreprendre un traitement ou à le mener jusqu'à son terme. Ils sont considérés comme "éducables" et capables de changer. Dans deux cas, on remarque également que c'est l'influence positive d'un proche qui permet de prendre la bonne décision : l'un des deux lycéens empêche son camarade d'aller rejoindre une prostituée ; Anna se refuse à Karl tant qu'il n'est pas guéri et fait tout ce qui est en son pouvoir pour essayer de le "rendre raisonnable", quitte à le perdre.
En revanche, on ne peut plus rien pour les personnages âgées (et arrivées au stade tertiaire de la syphilis) : la femme âgée qui a une crise de folie est emmenée dans un asile psychiatrique tandis que son mari, désormais incapable de travailler et de rembourser son emprunt, est obligé de vendre leur maison. Il finira sa vie dans la misère à l'hospice, séparé de sa nièce qui part chercher du travail à la ville.

La guérison des personnages se fait au moyen de ce que David Cantor a appelé conversion narrative ou "récit de conversion". En effet, ce sont les informations que le médecin transmet par divers moyens techniques et pédagogiques qui leur permet de comprendre leurs erreurs (s'adonner à la boisson, se laisser tenter par des aventures d'un soir, se faire soigner par un charlatan, interrompre son traitement), et de choisir le chemin (abstinence, observance thérapeutique) qui les mènera non seulement à la guérison mais aussi au bonheur d'une vie familiale avec de nombreux enfants.

À plusieurs reprises, on observe dans ce film que les nombreux outils pédagogiques habituels du médecin sont remplacés par des séquences animées, quitte à ce qu'il y ait parfois d'assez grosses incohérences.
Exemples :
À (07:50), le conférencier met une diapositive en verre dans un projecteur mais on voit apparaître sur l'écran une animation montrant la prolifération des gonocoques dans les replis de la muqueuse, l'évolution de l'inflammation et la production de pus.
À (21:54), la maquette d'un bassin masculin contenue dans une mallette que le médecin a posé sur la table "s'anime" pour montrer comment des gonocoques "enkystés" peuvent provoquer une rechute.
À (23:59), une observation soit-disant réalisée au microscope montre le trajet des gonocoques jusqu'au rein par l'uretère (ces images n'étant pas du tout à l'échelle microscopique !).
À (25:10), un cliché radiographique montrant probablement l'articulation du genou déformée par la gonorrhée est remplacée par une animation qui montre l'arrivée des gonocoques dans le genou par l'intermédiaire des veines.
Par ailleurs, à (01:27:12), on note une séquence de "film dans le film" (Anna et Karl vont voir un film sur la syphilis dans les pays pauvres).
Pour les réalisateurs/commanditaires de ce film, le médium filmique est manifestement supérieur à tous les autres et le plus à même de faire passer le message d'information et de prévention souhaité.

Enfin, on note une pédagogie différenciée suivant le niveau d'éducation des personnages. Ainsi, dans la troisième partie, le père de l'enfant (qui est écrivain, d'après le manuscrit de Curt Thomalla) et son épouse bénéficient des informations scientifiques et des schémas très détaillés du médecin tandis que la nourrice reste à distance, dans un coin de la pièce. Pour elle qui n'a pas fait d'études, le moyen d'information et d'éducation privilégié par le médecin est le contact direct avec la réalité de la pathologie : on lui fait épousseter des préparations humides de lésions syphilitiques (dont un corps de bébé mort-né) et côtoyer des patients au stade tertiaire de la syphilis.

Comment la santé et la médecine sont-elles présentées ?

Dans ce film, le médecin est le personnage qui sert de fil rouge d'un "acte" à l'autre. C'est quelqu'un de profondément humain dont les diverses émotions se lisent sur son visage et dans ses gestes. Chaque fois qu'il porte un bébé dans ses bras, on le voit réjoui et attendri. Il en est de même lorsqu'il reçoit la lettre qui lui annonce la naissance de l'enfant d'Anna et Karl. Il est catastrophé quand il découvre qu'un bébé a la syphilis, furieux devant la légèreté de l'étudiant qui ne comprend pas la gravité de sa maladie, rempli de compassion pour ses patients qui souffrent, notamment la femme qui va se faire opérer et la mère de l'enfant qui risque de rester aveugle, roué lorsqu'il décide de cacher la vérité à Karl et de jouer sur sa peur de la syphilis pour lui faire reprendre son traitement, dévoué lorsqu'il examine de nombreux patients à la suite, etc.

Le médecin (qu'il soit joué par Arthur Kronenberger ou Rudolf Biebrach) guérit toutes les personnes qu'il rencontre : l'étudiant à qui il fait faire le tour de sa clinique, le bébé contaminé, la nourrice, Anna et Karl. Seuls le couple de paysans âgés ne pourra pas être sauvés car ils n'ont pas vu de médecin au moment opportun, ce qui reflète l'état des connaissances médicales de l'époque : la syphilis au stade tertiaire ne pouvait pas être guérie.

Diffusion et réception

Où le film est-il projeté ?

D'après le site imdb.com, première diffusion à Berlin le 15 mars 1926, au Danemark le 31 juillet 1926 et en Finlande le 21 mars 1927.

À l'initiative de la Deutsche Gesellschaft der Bekämpfung der Geschlechtskrankheiten (Societé allemande de lutte contre les maladies vénériennes), le film est projeté dans de nombreuses villes allemandes au début de la Reichsgesundheitswoche (Semaine de la santé du Reich), en même temps que le film Dürfen wir schweigen?. D'après la revue Der Kinematograph du 9 mai 1926, Falsche Scham établit un record pour un Kulturfilm puisqu'il est complet pendant plus de sept semaines à Berlin, qu'au début de mai 1926, il en est déjà à sa centième projection et qu'il a tout autant de succès à Francfort-sur-le-Main, Düsseldorf, Munich, Leipzig, Hambourg, Breslau, Stuttgart et Dresde.
En même temps, le film rencontre un grand succès en France, aux États-Unis, au Canada, au Danemark, en Islande, en Angleterre, en Autriche, en Suisse, en Slovénie et au Brésil.

En 1927, lorsque Frederic Wynne-Jones, directeur la succursale de l'UFA aux États-Unis, prévoit la diffusion de Falsche Scham, Wilton A. Barrett, le secrétaire exécutif du National Board of Review of Motion Pictures, demande au Surgeon General, Hugh S. Cummings, son avis sur le film. Ce dernier visionne le film avec quelques collègues et émet un certain nombre de critiques : - Le titre, False Shame, est inadéquat car il ne correspond qu'à quelques scènes du film ;
- Le film peut faire croire à tort que la gale est une maladie sexuellement transmissible ;
- La préconisation de moyens prophylactiques chimiques disponibles dans n'importe quelle pharmacie prête à confusion ;
- La meilleure prophylaxie, à savoir s'abstenir de toutes relations sexuelles hors mariage, n'est pas mentionnée ;
- La promesse d'une guérison totale si la maladie est prise à ses débuts est trop optimiste et ne correspond pas aux constatations scientifiques de l'époque ;
- Les intertitres comprennent quelques erreurs de traduction.
Quelques jours plus tard, Cummings transmet l'observation d'un autre de ses collègues qui trouve le film intéressant pour des gens éduqués mais pense qu'il n'est pas accessible aux personnes peu éduquées qui sont la véritable cible à atteindre.

Communications et événements associés au film

Public

Grand public.

Audience

Descriptif libre

En carton au générique : « Un film de maladie et de guérison ». Acte I ː Présentation des principales maladies vénériennes
Ouverture à l'iris. Ext. Jour. Scène de foule à l'entrée d'une foire. Alternance de plans entre un homme et une femme qui ont l'air de manigancer quelque chose et deux lycéens ou étudiants portant l'uniforme de leur établissement scolaire. Les jeunes gens achètent des billets à la caisse. La femme les aborde et semble les complimenter sur leur allure et leur mine. Moment de dialogue entre les trois personnages puis les jeunes gens la quittent. On comprend que la femme fait une proposition aux jeunes hommes mais qu'ils la refusent, l'un d'entre eux désignant l'endroit où ils veulent aller (la foire).
Succession de scènes montrant la foule et des pavillon de la foire. Les jeunes gens se promènent. Ils passent devant un clown en train de jouer de la grosse caisse puis s'arrêtent devant une baraque nommée Boxing Ring. De jeunes femmes en short et débardeur sont alignées sur la scène de part et d'autre d'un écran sur lequel est diffusé un match de boxe. Manifestement émoustillés, les jeunes gens sont au tout premier rang, le regard à hauteur des genoux des jeunes femmes. Le plus déluré des deux touche la jambe de l'une des jeunes femmes qui proteste d'un air enjoué en lui demandant si c'est ainsi qu'il apprend ses leçons. Il lui donne rendez-vous après la représentation. Elle acquiesce. Les jeunes femmes quittent la scène, la foule se disperse. Seuls les deux jeunes gens restent sur place. Un homme d'âge mûr s'approche d'eux et leur conseille d'aller voir l'exposition qui se trouve en face au lieu de suivre les jeunes femmes comme ils semblent en avoir l'intention. Gros plan sur le visage perplexe des jeunes gens puis sur le titre de l'exposition ː Geschlechtskrankheiten (Maladies vénériennes). Des spectateurs montés sur la scène entrent dans la baraque (probablement pour voir des combats de boxe entre les jeunes femmes.) Le clown continue à jouer de la grosse caisse. Les jeunes gens rejoignent la file d'attente à l'entrée de l'exposition sur les maladies vénériennes.
Il y a beaucoup de monde dans la salle où sont exposés des céroplasties montrant différents types de lésions syphilitiques à divers endroits du corps. Les jeunes gens sont visiblement impressionnés. Au bout de la salle, une conférence commence. (03:52)
1re partie ː les morpions
Le conférencier montre une image de l'insecte sur une grande affiche. Gros plan qui suggère une vue au microscope. Le conférencier fait observer des morpions vivants à la loupe à l'étudiant déluré et indique comment s'en débarrasser.
2e partie de la conférence ː la gale
Elle peut également se transmettre au cours de relations sexuelles. Le conférencier fait passer dans le public le moulage d'une main atteinte par la gale. Il dessine une main au tableau. Après un intertitre qui explique que l'acarien responsable de la gale creuse des tunnels dans la peau, plan rapide sur le dessin au tableau puis fondu enchainé sur une séquence d'animation montrant l'acarien femelle en train de creuser et de pondre des œufs. Dans le public, une jeune femme se rend compte qu'elle présente sur les mains des lésions caractéristiques de la gale. Il en est de même pour son compagnon.
3e partie ː le chancre mou
Plan très rapide et très serré sur un chancre au niveau du pénis puis sur un ganglion très enflé.
4e partie ː la gonorrhée
Elle est présentée comme "beaucoup plus dangereuse". Le jeune homme déluré observe le microbe au microscope ː petites paires de "grains de café" parmi de grosses tâches de pus. Le conférencier semble alors placer alors une diapositive en verre dans une "lanterne magique" (07'58) mais ce sont des séquences animées qui suivent pour montrer la prolifération des gonocoques dans la muqueuse, l'évolution de l'inflammation et la production de pus.
Lorsque le conférencier annonce qu'il va expliquer ce qui se passe chez l'homme, deux spectatrices se tournent vers leur voisin d'un air légèrement narquois. Les regards se croisent puis se détournent, indiquant à la fois de la gêne et une certaine curiosité. Ici, on peut signaler qu'à l'époque, ce type d'information est souvent dispensé de façon séparée aux hommes et aux femmes, pour ne pas heurter la pudeur des uns et des autres. Exemple : les films Die Geschlechtskrankeiten und ihre Bekämpfung : Ausgabe Frauen (La Lutte contre les maladies vénériennes : version femmes) de Hanz Schulze (1924) et Die Geschlechtskrankeiten und ihre Bekämpfung : Ausgabe Männer (La Lutte contre les maladies vénériennes : version hommes) de F. W. Oetze (1924).
Le conférencier commence à dessiner au tableau mais tout de suite une coupe transversale du bassin masculin apparaît à l'écran. Une main dessine un cadre, le plan se resserre sur l'appareil uro-génital. L'objectif est de montrer que la maladie est facile à soigner lorsque les gonocoques ne sont pas allés plus loin que la partie antérieure de l'urètre. Plus tard, "les médicaments ne peuvent plus entrer aussi facilement". Les principaux organes sont montrés sur le schéma, ils peuvent tous être atteints "si on ne demande pas l'aide d'un médecin" (10ː44). L'animation montre la dissémination des gonocoques dans tout le système uro-génital.
Explication détaillée du mécanisme qui conduit à une stérilité si la gonorrhée n'est pas traitée.
Explication de la raison pour laquelle il ne faut pas interrompre le traitement ː même si l'écoulement de pus est arrêté, les gonocoques peuvent rester nichés dans les replis de la muqueuse. Toujours sur le même schéma, Injection d'un médicament dans la verge.
Enchainement sur la situation chez la femme sans qu'on revoie le conférencier. En revanche, lorsque l'intertitre annonce que la maladie est plus grave et que le traitement est plus difficile chez la femme, un plan sur l'auditoire montre un groupe de femmes exprimant un mouvement d'humeur. Le conférencier commence un dessin, sur un tableau cette fois. De nouveau, son dessin laisse très vite la place à la coupe transversale d'un bassin, féminin cette fois-ci. Une fois les premières précisions données sur la progression des gonocoques, un schéma frontal apparaît. Une main "enlève" la partie antérieure de la vessie et de l'utérus pour les montrer en coupe frontale et faire visualiser la progression des gonocoques dans l'utérus, les trompes de Fallope et les ovaires. Explication du processus qui conduit à la stérilité féminine en l'absence de traitement. Nouveau schéma ː une main dessine l'utérus et les ovaires sur une silhouette féminine vue de face. Plan plus serré mais sans explication supplémentaire.
Plan sur le visage atterré du conférencier. L'intertitre suivant indique que la connaissance de ces dangers est le meilleur moyen de les éviter.
La conférence est terminée. Les deux jeunes gens sortent. Le plus déluré des deux essaie de négocier quelque chose (probablement une visite aux jeunes femmes du Boxing Ring). Son camarade plus sage manifeste son refus et semble lui répéter un message de prudence voire d'interdiction. Le plus déluré renonce à son projet. Ils sortent du pavillon l'air abattu. Deux jeunes femmes sont devant le Boxing Ring. Le jeune homme déluré essaie de convaincre son ami de les rejoindre mais ce dernier refuse encore. À la sortie de la foire, deux jeunes femmes s'accrochent aux bras des jeunes gens. Ils se dégagent avec force. Ils savent désormais résister à la tentation et refuser de courir le risque d'attraper une maladie vénérienne.
Plans sur l'enseigne du Luna Park et sur des danseuses en tutu qui saluent. (18ː06)

Acte II ː La gonorrhée, bien plus grave qu'on ne voudrait le croire
Dans un café, une dizaine d'hommes attablés bavardent joyeusement et boivent. Seul l'un d'eux parait préoccupé. Le plus âgé de tous se lève, suivi par le jeune homme morose. Ils s'installent à une table à l'écart. Le jeune homme, abattu, explique qu'il est malade. Trois jours auparavant, il a passé la nuit avec une jeune femme rencontrée dans un dancing. L'homme plus âgé (le médecin, si l'on en croit l'intertitre-générique du début de cette partie) commence par éloigner le verre placé devant son interlocuteur et par lui enjoindre d'arrêter de boire de l'alcool. Il ajoute qu'en tant qu' étudiant en médecine, le jeune homme devrait savoir cela. Il le réconforte et lui demande de venir le voir à sa consultation le lendemain.
Le lendemain matin, dans le cabinet du médecin. L'étudiant veut encore espérer ː "Ça pourrait être une inflammation sans lien avec la gonorrhée ?" Le médecin reste évasif. Il faut d'abord qu'il examine la "préparation" au microscope avant de se prononcer. Le film ne donne pas plus d'explication sur cette mystérieuse "préparation". Cependant, en étudiant le film suisse Bekämpfung der Geschlechtskrankheiten de Curt Thomalla et Nicholas Kaufmann (1926), on remarque que cette explication a bel et bien été filmée de façon détaillée et annoncée par un carton à (01:30) (Der Eiter wird auf Glassplättchen ausgestrichen, gefärbt und mikroskopisch untersucht : Le pus est étalé sur une lame de verre, coloré et observé au microscope). Ensuite, on voit l'acteur Rudolf Bieberach réaliser toutes les étapes techniques nécessaires à cette observation. Sa position, sa blouse et le dos de sa chaise ne laissent aucun doute : la scène de Bekämpfung der Geschlechtsktankheiten précède bien celle de Falsche Scham.
L'image au microscope fait écho au schéma qui a été montré à l'acte I (conférence sur les maladies vénériennes) ː des petits grains par deux au milieu de taches nettement plus grosses. Si l'on ajoute à cela la mine défaite du médecin lorsqu'il lève les yeux de son microscope, le spectateur comprend facilement que l'étudiant a attrapé la gonorrhée. Au cas où le spectateur aurait besoin d'une confirmation malgré tout, son alter ego à l'écran, l'étudiant, est invité à faire le constat lui-même. Une image différente et rectangulaire où les microbes sont pointés par une ombre noire enfonce le clou ː c'est vraiment la gonorrhée. Le médecin annonce que le traitement va durer au moins six semaines. Le jeune homme vient de changer de statut. D'étudiant en médecine, il est devenu Patient/Malade (22ː06). Il est effondré. Il n'arrive pas croire que le traitement d'une "maladie d'enfant" (c'est-à-dire une maladie sans gravité) dure aussi longtemps. Le médecin se fâche après cette "insouciance impardonnable" (22ː25) et exige que l'étudiant vienne le voir tous les jours pour son traitement (sur lequel le spectateur n'aura pas plus de précisions). Il l'emmène tout de suite dans la pièce où le traitement doit avoir lieu, à l'abri du regard du spectateur. (22:39)
Quinze jours ont passé. L'écoulement s'est arrêté, l'examen microscopique ne retrouve plus de gonocoques. Cependant, l'étudiant n'est pas guéri. Le médecin pose sur une petite table une mallette contenant la maquette d'un bassin masculin. De plus amples explications sur cet objet sont données dans le livre écrit par C. Thomalla qui accompagne le film. Cette mallette pourvue de petites ampoules électriques facilite la visualisation des différents organes et de leur position les uns par rapport aux autres. Cependant, cette possibilité n'est pas utilisée car une animation se superpose presque immédiatement à l'image du contenu de la mallette. Il s'agit d'expliquer que même s'ils ne sont plus détectables, des gonocoques peuvent subsister, notamment dans la prostate. Démonstration du massage de la prostate sur un modèle anatomique similaire à celui que le médecin a dans sa mallette pour évacuer les microbes restants. Pour être certain que l'étudiant comprenne bien que des dangers "subsistent" en lui et qu'il ne doit pas interrompre son traitement, le médecin lui demande de l'accompagner à la clinique. (24ː38)
La visite
Dans une grande salle, deux rangées de lits se font face. L'un des patient (dont on ne voit pas le visage) a les mains bandées. Il présente un rhumatisme blennorragique, affection extrêmement douloureuse qui peut toucher toutes les articulations. Gros plan sur les visages douloureux de deux patients. À (25:17), le plan sur celui qui porte une moustache apparaît également dans Bekämpfung der Geschlechtskrankheiten à (14:57). Un autre patient est atteint de pyélite.
La théorie
Les deux hommes entrent dans un laboratoire. Un laborantin est en train de faire des observations au microscope. Il se lève avec déférence à l'entrée du médecin puis se rassoit sur un signe de ce dernier. L'étudiant a du mal à comprendre qu'une maladie qu'il croit inoffensive puisse entrainer des atteintes aussi importantes. Le médecin demande au laborantin de lui laisser sa place. Le spectateur s'attend à voir une nouvelle image au microscope mais c'est une maquette permettant de montrer le passage des gonocoques par les uretères jusqu'aux reins, qui apparait (26ː23).
Pour répondre à la question de l'étudiant sur le mécanisme de l'atteinte des articulations, le médecin lui montre une maquette dynamique du système cardio-vasculaire dans laquelle circule un liquide coloré figurant le sang. C'est lui qui transporte les gonocoques dans le corps tout entier. Accablé, l'étudiant regarde alors ses mains (et leurs articulations) qui semblent diffuser une étonnante lumière floue. Lorsqu'elle disparaît, l'étudiant paraît soulagé, peut-être parce qu'il vient de constater que ses articulations ne sont pas encore atteintes.
Tandis que le laborantin tire les rideaux, le médecin prend une plaque dans une armoire, possiblement un cliché radiographique, pour continuer son explication sur l'atteinte des articulations. L'étudiant lui avance poliment une chaise. La silhouette d'une jambe apparaît qui se transforme rapidement en coupe sagittale de l'articulation du genou. Le schéma s'anime. Le réseau artériel se superpose à l'image précédente. C'est par là qu'arrivent les gonocoques qui se massent au niveau du genou. Un œdème s'ensuit. Le médecin de dos se tourne vers l'étudiant d'un air sérieux comme pour insister sur la gravité de l'atteinte.
Sortis du laboratoire, les deux hommes en rencontrent un troisième, âgé, mince, bien mis mais à la démarché hésitante. Il a de la peine à monter l'escalier. À la question du médecin qui lui demande comment il va, l'homme se plaint de manquer d'air et d'avoir des problèmes cardiaques. D'ailleurs, quelques instants plus tard, il s'assied sur les marches, incapable d'aller plus loin. Il présente une insuffisance cardiaque grave qui est également une conséquence de la gonorrhée. L'étudiant qui a décidément la tête dure pense que le médecin veut juste lui faire peur et qu'il s'agit là d'un problème très rare. Le médecin lui reproche de ne penser qu'à lui-même et pas aux "pauvres femmes" (qu'il pourrait contaminer). (30:22)
La visite de la salle des femmes
Le médecin dit clairement que c'est à cause de la légèreté et de l'insouciance des hommes que toutes ces femmes sont là. On notera ici un point de vue beaucoup plus nuancé que dans la plupart des films de l'époque et au moins jusqu'aux années 1940 : les femmes ne sont pas uniquement responsables de la transmission des IST (prostituées, femmes légères), elles sont aussi les victimes d'hommes désinvoltes.
La salle est aménagée comme celle des hommes ː deux rangées de lits se font face. Plusieurs infirmières s'affairent auprès des patientes. Les deux hommes traversent la salle qui est toute en longueur mais ne s'attardent véritablement auprès de personne. C'est la séquence suivante qui explique ce qui est arrivé à ces patientes.
Dans la salle d'opération
Des infirmières sortent un plateau d'instruments d'un stérilisateur. Un chirurgien est en train de s'équiper avant une opération. Une patiente dans son lit est descendue par un grand ascenseur. Gros plan sur son visage éperdu. Elle se soulève légèrement et tend les bras comme pour appeler au secours. Le médecin et l'étudiant s'approchent d'elle. Le médecin pose une main rassurante sur son front. L'infirmière explique au médecin qu'elle doit être opérée le jour-même. La patiente s'agrippe au médecin. Elle exprime son désespoir ː elle ne pourra jamais avoir d'enfants. Les infirmières emmènent la femme en salle d'opération tandis que le médecin raconte à l'étudiant l'histoire "de cette pauvre femme".
Flashback ː l'innocence bafouée par la légèreté d'un homme
Six mois plus tôt, une petite dizaine de personnes entourent un couple qui vient de se marier. Gros plan sur le visage jeune et innocent de la mariée, encadré d'un voile d'une blancheur virginale. Elle porte une couronne de fleurs et ses yeux sont levés, pleins de confiance et d'espoir. Gros plan sur son mari, plus âgé, le regard fixe, l'air vaguement inquiétant. Tous se lèvent pour porter un toast. Quatorze jours plus tard, elle remarque à ses sous-vêtements qu'elle est malade. Elle pleure, penchée sur le bois de son lit. Mue par une fausse honte (c'est le passage qui donne son titre à l'ensemble du film), elle néglige de se faire soigner, jusqu'à ce qu'il soit trop tard. Finalement, elle est emportée sur un brancard et "l'opération radicale est inévitable". On notera qu'aucun détail n'est donné concernant cette opération. Cet aspect purement médical n'a probablement aucune importance au regard de ce qui a déjà été annoncé quelques instants auparavant ː elle ne pourra jamais avoir d'enfants. (33:32)
À la clinique ophtalmologique
Gros plan sur un nourrisson à qui on essuie les yeux pleins de pus. Il s'agit d'une ophtalmie gonococcique (33:51). Ce même enfant, filmé avec un cadrage un peu plus serré (mais on reconnaît les rayures des vêtements de la personne qui le porte) apparaît dans le film Bekämpfung der Geschlechtskrankheiten à (21:06). L'étudiant est écœuré. Un carton attire l'attention du spectateur sur la douleur de la mère. Cette dernière est recroquevillée contre la porte, en pleurs. L'enfant risque de devenir aveugle. Plan sur un enfant plus grand, manifestement aveugle, assis sur les genoux de sa mère. La contamination s'est faite pendant l'accouchement. Le médecin ferme la porte sur eux, l'étudiant détourne le regard. De retour dans la salle d'examen ophtalmologique, l'étudiant s'approche d'une fille dont on est train de nettoyer les yeux suppurants. Il a un geste d'horreur et quitte la pièce à toute allure.
Le médecin exprime le souhait que ces différentes visites aient fait comprendre à l'étudiant la nécessité de suivre son traitement sérieusement, jusqu'à la guérison complète.
"Après un traitement long et énergique", l'étudiant est guéri. Il demande au médecin s'il existe des moyens de prévenir la maladie. Réponse du médecin ː "Le plus sûr est l'abstinence. Mais tu peux acheter des préservatifs et des remèdes dans toutes les pharmacies." Pour répondre à la question de l'efficacité de ces mesures, le médecin parle des matelots qui, depuis 1900, doivent subir un examen médical et, le cas échéant, une "injection préventive" lorsqu'ils ont passé du temps à terre. Un graphique animé montre la baisse du nombre de cas (probablement en Allemagne) qui a suivi cette mesure. Lorsque cette prescription a été levée, en 1918, le nombre de cas est remonté en flèche. Quand la mesure a été réinstaurée en 1924, les cas ont recommencé à diminuer. On notera que la séquence où le médecin sort un gros livre d'une bibliothèque pour lui montrer des statistiques figure également dans le film Bekämpfung der Geschlechtskrankheiten (41:45). Néanmoins, dans ce dernier, elle ne sert pas à présenter des statistiques mais à faire un rappel à la loi. ("Quiconque transmet une maladie vénérienne à autrui en connaissance de cause est passible de poursuites judiciaires.")

Acte III ː La nourrice syphilitique
Une jeune femme portant une coiffe et tenant un bébé dans ses bras arrange d'une main son chemisier. Elle vient manifestement d'allaiter l'enfant. Elle pose le bébé sur une table au centre de la chambre et termine de réajuster ses vêtements. La mère de l'enfant entre dans la pièce en robe de chambre. Les deux femmes se penchent sur le petit avec un air attendri. La mère se demande depuis quand il a cet abcès (en réalité un chancre mais le mot n'est jamais utilisé dans ce passage concernant l'enfant). Plan sur le visage du bébé qui a un abcès foncé sous la bouche. La nourrice se veut rassurante et désinfecte la lésion mais la mère lui demande tout de même de faire venir le médecin qui habite à l'étage du dessous.
Arrivé dans la chambre de l'enfant, le médecin s'assied et le prend dans ses bras d'un air réjoui. Il examine son visage et relève la tête, consterné. À la mère qui lui demande si c'est sérieux, il répond en hochant la tête de haut en bas. Il redonne le bébé à la nourrice qui fait des yeux ronds. La mère se met à pleurer. Le médecin fait sortir la nourrice et annonce la vérité à la mère ː c'est la syphilis. Elle se retourne vers lui, horrifiée, puis quitte la pièce en courant. Elle retrouve son mari dans le salon et s'effondre dans un fauteuil. Les deux parents rejoignent le médecin dans la chambre de l'enfant, le père se précipite vers le berceau puis vers le médecin. Ce dernier demande aux parents de se calmer. Il faut qu'il détermine qui a contaminé le bébé. Pour cela, il va commencer par examiner la nourrice. Les parents attendent au salon, la mère effondrée dans un fauteuil, le père faisant les 100 pas. Le médecin rappelle la nourrice. Elle relève sa manche. Son bras présente des rougeurs. Il lui demande comment elle a attrapé cela.
Flashback : la liaison de la nourrice
Il y a quelques mois, la nourrice a rencontré un homme au parc où elle promenait le bébé dans son landau. On les voit s'embrasser sur un banc. Quelques jours plus tard, elle remarque des boutons sur le haut de sa poitrine et sur son bras. Sur les conseils d'une voisine, elle se fait "soigner" par un homme qui "en sait plus que tous les professeurs". Il a sur sa table une installation compliquée constituée d'une boîte d'où sort une vingtaine de fils reliés à d'autres boîtes numérotées. En examinant quelques cheveux de la nourrice à la loupe, il détermine qu'elle relève du cas n°9. Il tire sur la ficelle correspondante, une case s'ouvre, laissant apparaître des flacons. Il faudra qu'elle prenne 10 gouttes de l'un le lundi et le jeudi ainsi que deux comprimés de l'autre chaque heure le mardi et le vendredi et enfin qu'elle boive une tisane trois fois par jour le mercredi et le samedi. Repos le dimanche (ǃ) La facture de cette "consultation" est salée si l'on en croit l'expression du visage de la nourrice. [L'image de la facture passe trop vite pour qu'on puisse la lire.]

Capture d'écran montrant la facture du charlatan

Retour dans la chambre du bébé. Le médecin explique à la nourrice qu'elle a eu affaire à un charlatan. Il l'examine ː gros plan sur une éruption sur le haut de sa poitrine et de son dos.
Le médecin annonce aux parents que c'est la nourrice qui a contaminé le bébé. Il leur demande de le rejoindre tous les trois dans son cabinet pour des analyses de sang. Le père règle son solde à la nourrice et la congédie. Elle essaie d'implorer la mère du regard, sans succès. (48:09)
Dans le cabinet du médecin
Le médecin est en train de faire une observation au microscope. Il s'agit de spirochètes. Il prend des notes mais l'image de son calepin passe trop vite pour qu'on puisse lire ce qu'il écrit. En fait, ce sont des notes concernant le prélèvement qu'il a fait sur le nourrisson ː abcès, nombreux spirochètes, syphilis du 1er stade. Sans cette image, le spectateur a un peu de mal à savoir de quoi le médecin parle dans la scène qui suit.

Capture d'écran montrant les notes prises par le médecin

Le médecin reçoit les parents et la nourrice et leur explique qu'il a effectivement trouvé des spirochètes (sous-entendu dans le prélèvement fait sur l'abcès du bébé) mais qu'il espère qu'il n'y en a pas encore dans le sang. Il préconise de débuter immédiatement un traitement minutieux. Le père rassure sa femme d'un geste ; tous deux lancent un regard lourd de reproches à la nourrice restée en arrière.
Les parents demandent comment se produit la contamination. Le médecin leur dessine les différentes couches de la peau. Le dessin apparait dans un cercle, comme s'il s'agissait d'une observation au microscope. L'illustration s'anime pour montrer l'entrée des spirochètes dans le corps par une toute petite blessure puis la formation d'un abcès. Image d'un visage de petit enfant avec un abcès à la bouche. C'est la lésion primaire.
La dissémination des spirochètes dans le système lymphatique est visualisée sur le schéma des différentes couches de la peau et sur le dessin du visage de l'enfant dont on "enlève" la couche externe. L'apparition des ganglions puis la dissémination des spirochètes dans le sang sont exposées par un nouvel aller-retour entre les deux types de schémas animés.
Le médecin explique aux parents la nécessité de faire un test de Wassermann. Il s'apprête en faire un à la nourrice qui exprime sa frayeur à la vue de la seringue de façon très théâtrale, en ouvrant de grands yeux, en tapant des pieds et en s'agitant beaucoup sur sa chaise. Le médecin lui dit qu'elle ne sentira rien mais le père est obligée de la tenir. Gros plan sur le tube rempli de sang, muni d'une longue aiguille. Certainement pour le bénéfice du spectateur, le médecin demande à la nourrice s'il lui a fait mal. Elle fait non de la tête d'un air soulagé. Ensuite, le médecin explique qu'il va également faire un prélèvement sanguin à chacun des parents. Ceux-ci protestent mais il leur répond qu'il ne fait que son devoir.
De retour dans la chambre du bébé, la nourrice portant manteau et chapeau se penche sur le berceau d'un air de regret pour regarder le petit une dernière fois. L'armoire dont la porte est restée ouverte est vide. C'est probablement là qu'elle rangeait ses effets personnels. Ensuite, elle soulève une petite malle en osier et quitte l'appartement.
Dans l'escalier, elle rencontre le médecin. Voyant sa détresse (elle se retrouve sans emploi), il lui propose de venir travailler comme servante dans sa clinique et lui promet de la soigner gratuitement.(56:09)
À l'hôpital
Gros plan sur une laborantine qui dépose des gouttes de sang dans des tubes à essai (réaction de Wassermann). Plan large sur une grande salle. La laborantine travaille à une table placée contre le mur de droite. Le médecin donne des ordres à différentes personnes qui installent des cloisons mobiles pour délimiter plusieurs espaces distincts. Des hommes entrent, le médecin les attend. S'ensuit une série d'images illustrant différentes manifestations de la syphilis (probablement au fur et à mesure que le médecin examine les hommes qui viennent d'entrer) ː chancre de la lèvre, roséole, gomme, "paralysie".
La nourrice vient d'arriver, on lui indique une vitrine dont elle doit épousseter le contenu. Le défilé des lésions syphilitiques continue ː début du 2e stade, exanthème papuleux, 3e stade (ulcères et gommes en voie de cicatrisation). Pendant ce temps, la nourrice saisit et époussette des bocaux rectangulaires contenant des préparations humides ː reins sains/reins syphilitiques (on notera que cette image apparaît également dans le film Bekämpfung der Geschlechtskrankheiten à (31:06)), os syphilitiques, enfant syphilitique mort-né, membres supérieurs et inférieurs d'un bébé syphilitique, crane présentant des caries osseuses syphilitiques, crane avec carie osseuse guérie par un traitement au Salvarsan. Le médecin lui jette un coup d’œil rapide en passant près d'elle.
Un groupe de patients très diminués guidés par des infirmiers et infirmières passe également devant elle. Elle a un mouvement de recul à plusieurs reprises puis finit par se sauver en emportant son seau. Dans la pièce où elle croit pouvoir se réfugier, une femme est en train d'examiner un bébé présentant des lésions syphilitiques aux mains et aux pieds. Horrifiée, la nourrice court voir le médecin et se jette à ses pieds. Elle lui demande de la soigner parce qu'elle ne veut pas devenir comme tous les gens qu'elle vient de voir. Il la rassure et lui explique que ces personnes sont dans cet état parce qu'elles ont négligé leur maladie et qu'il fera tout son possible pour la guérir. Elle s'enquiert de l'enfant qu'elle a contaminé. Encore une fois, le médecin la rassure ː la maladie a été prise à temps, le bébé guérira vite.
Un carton insiste sur le travail scientifique acharné et l'amour du prochain dont il faut faire preuve pour lutter contre le fléau qu'est la syphilis. Il est sous-entendu que le médecin-héros du film possède ces qualités. S'ensuivent divers plans sur le médecin qui, sans relâche, examine des patients. Une infirmière lui apporte un document. Ses efforts sont "couronnés de succès" : six patients sont guéris et peuvent quitter la clinique. Le visage du médecin rayonne. Il annonce ː "Vous êtes guéris" à des messieurs qui lui serrent rapidement la main et s'en vont.
Les parents de l'enfant contaminé par sa nourrice sont à la clinique. Le médecin demande à la laborantine de lui apporter les tubes à essai correspondant au dernier test de Wassermann de l'enfant. Il les observe brièvement puis annonce aux parents que le petit est guéri. Les parents le remercient et s'embrassent. Il leur demande de revenir dans quelques mois pour un dernier contrôle.
Sa mission accomplie, le médecin s'offre un cigare d'un air satisfait et réjoui. Fermeture à l'iris. (01:03:15)

Acte IV ː Les terribles conséquences sanitaires et économiques d'une syphilis non traitée
Un homme âgé fume la pipe devant une maison. Sa main tremble. Le facteur lui donne son courrier et lui fait signer un reçu. L'homme a toutes les difficultés du monde à signer tant sa main tremble. Il ouvre une lettre de la caisse d'épargne et de prêt qui annonce que la caisse est désolée d'apprendre que ses problèmes de moelle épinière l'empêchent définitivement de travailler mais qu'elle se trouve néanmoins dans l'obligation de réclamer le remboursement immédiat d'un prêt ancien. Le vieil homme montre à sa nièce une liasse de lettres de rappel identiques. Il ne lui reste plus d'autre choix que de vendre sa maison. Tous ces ennuis trouvent leur origine dans une rencontre furtive qu'il a faite 40 ans auparavant.
Flashback
Un jeune homme en uniforme est debout dans une chambre. Le lit est défait, une femme en chemise se recoiffe et se poudre. Le jeune homme la paie. Elle réclame plus d'argent mais il refuse.
Ramollissement cérébral causé par la syphilis
Retour au temps présent. Du temps a passé, le toit de la maison et le sol sont couverts de neige. Un homme écrit, assis à la table. L'homme âgé est debout derrière lui. Sa nièce leur sert une boisson chaude. Une femme âgée assise près du fourneau grimace, le regard dans le vide. L'homme âgé est en train de vendre sa maison mais il n'est pas satisfait de la somme que lui remet l'acheteur. En effet, cette somme ne lui permettra pas de prendre soin de sa femme, malade mentale. L'acheteur refuse de lui donner plus d'argent car "cette baraque n'en vaut pas plus." La femme les regarde en coin d'un air menaçant. Finalement, l'homme âgé empoche l'argent, scellant ainsi la vente. Sa femme se lève, saisit une cruche pleine et la jette en direction de la table. L'acheteur s'enfuit. La femme se rassied, apparemment calme. Sa nièce lui caresse les cheveux pour l'apaiser mais son mari lui fait des reproches véhéments. La femme se lève de nouveau et attrape une tasse tandis que les deux autres fuient. La femme jette violemment la tasse dans la direction de son mari. Prise d'un accès de folie furieuse, elle commence à démonter le fourneau et en jette les briques dans toutes les directions avec force. Son mari et sa nièce sortent en courant de la maison. Elle jette une brique dans une vitre. Elle prend une canne et détruit le plafonnier. Elle casse une autre vitre et brise une chaise.
La nièce demande l'aide du maire qui se trouve devant la maison avec deux hommes peut-être attirés par le bruit. Elle court chercher le médecin. La femme âgée s'est rassise à sa place, calme au milieu de la pièce dévastée. Le médecin arrive. La femme se lève. Les trois hommes (dont son mari et le maire) la regardent d'un air inquiet. Elle se coiffe d'un objet étrange et affirme qu'elle est l'impératrice de Russie. Le médecin explique à un homme qu'elle est atteinte d'un "ramollissement du cerveau" provoqué par la syphilis que son mari lui a transmise. Il faut l'interner. Précision économique importante ː c'est la commune qui devra payer les frais de cette hospitalisation.
La nièce prépare ses bagages et ceux de son oncle. Ils doivent quitter la maison puisqu'elle est vendue. Après avoir jeté un dernier regard à la maison désormais habitée par un autre, ils s'éloignent en trébuchant dans la neige. (01:11:56)
Les dangers de la grande ville
La jeune femme dont le nom apparaît pour la première fois (Anna) a conduit son oncle à l'hospice. Elle se retrouve seule à la grande ville. Elle rencontre dans la rue Karl Mertens, "voyageur de commerce et philanthrope". Il fait un bout de chemin avec elle, portant galamment son bagage. Elle paraît lui raconter son histoire. Il l'assure qu'il va lui trouver un emploi de vendeuse de cravates (vraisemblablement dans le magasin où il travaille.) Fermeture à l'iris.
Ouverture à l'iris. Anna contemple avec satisfaction des cravates qu'elle vient de disposer dans un présentoir. Elle montre une cravate en particulier à un client. Karl est à côté d'elle, il lui saisit le menton mais elle a un mouvement de recul. La vendeuse qui travaille à côté d'elle se moque d'elle.
Il est 19 h, Anna a fini sa journée de travail. Plan sur les lumières de la ville de nuit (promesses de plaisirs ?) Dans un couloir, elle rencontre Karl qui lui rappelle qu'ils ont rendez-vous à 21 h. Un garçon livreur les voit s'embrasser. Nouveau plan sur la ville illuminée de nuit. Anna et Karl boivent, assis à une table de restaurant. Ils y sont encore à 23 h. Anna est manifestement ivre. Elle se laisse embrasser. Deux jeunes gens les observent en douce. Karl se plaint d'eux au serveur.
Il raccompagne Anna. Elle refuse énergiquement de le laisser entrer chez elle mais il l'entraine de force. À travers la vitre de la porte, on peut le voir fermer à clé. Anna est désormais prisonnière et certainement pas en état de lui résister. C'est au spectateur d'imaginer la fin de la soirée. On notera que cette scène perçue comme l'annonce d'un viol en 2022 ne constitue pas un problème dans la suite de ce récit élaboré un siècle plus tôt.
"Après neuf semaines", plan sur des chaussures de femme. Un miroir à main tombe par terre et se brise, symbole de malheur. Anna en chemise découvre une roséole sur le haut de sa poitrine. Elle s'effondre en sanglots. Elle reprend son poste au magasin d'un air morne. Sa collègue remarque sa tristesse et lui fait avouer ce qui la tracasse. Elle conseille à Anna d'aller immédiatement chez le médecin. Anna s'en va mais sa collègue divulgue son secret à toutes les vendeuses du rayon textile. Un homme d'un certain âge apparaît. Les vendeuses se dispersent comme une volée de moineaux et reprennent leur poste.
Le médecin annonce à Anna qu'elle en est au deuxième stade de la syphilis et qu'il doit l'adresser à un spécialiste.
Anna est de retour sur son lieu de travail. Elle rejoint tristement les autres vendeuses qui sont en train de déjeuner mais ces dernières se lèvent toutes de table au moment où elle s'assied. L'une d'elle lui explique ː "Crois-tu que nous voulons que tu nous contamines ?" Elles la considèrent comme une pestiférée et ne sont manifestement pas au courant de la façon dont la syphilis se transmet. Cette séquence où une personne syphilitique est ostracisée contraste fortement avec la fin du troisième acte où le médecin était présenté comme un exemple d'amour de son prochain.
Le mariage pour échapper à une plainte pour contamination
Anna annonce à Karl qu'il lui a transmis la syphilis. Il nie et se détourne d'elle. On les retrouve dans le bureau d'un policier car Anna porte plainte contre Karl qui conteste sa version des faits. Il trouve que cela ne regarde pas la police. Le policier fait lire à Karl la loi du 11 décembre 1918 sur la lutte contre les maladies vénériennes (Verordnung der Reichsregierung vom 11. Dezember 1918 zur Bekämpfung der Geschlechstkrankheiten). Cette loi stipule que quiconque a des relations sexuelles alors qu'il a des raisons de penser qu'il est atteint d'une maladie vénériennes est passible d'une peine de prison de trois ans maximum. Cependant, dans le cas de personnes fiancées ou mariées, ces poursuites ne se font pas automatiquement. Elles ne sont déclenchées que si l'un des deux porte plainte. Karl prend la main d'Anna et semble lui faire un proposition qui l'émeut, probablement une demande en mariage, ce qui les lierait et éteindrait l'action judiciaire automatique. Effectivement, Anna accepte, à condition qu'il lui promette qu'ils se feront d'abord soigner tous les deux. Karl donne sa parole. Le policier sourit. Karl prend la main d'Anna et annonce qu'elle retire sa plainte. Le policier déchire le document sur lequel il avait pris des notes et formule des vœux de bonheur. La conclusion de cette séquence parait particulièrement surprenante, voire choquante au spectateur de 2022 puisqu'Anna se retrouve fiancée à son violeur, pour lui éviter des poursuites judiciaires.
Chez le médecin spécialiste
Anna est appelée la première. Karl, resté dans la salle d'attente, est tenté de s'en aller mais il se ravise. Le médecin rassure Anna ː tout va s'arranger mais il faudra bien suivre le traitement. Karl entre à son tour dans le cabinet. Il précise au médecin que son analyse de sang était négative trois ans auparavant (ce qui sous-entend qu'il est infecté de longue date). Le médecin lui explique qu'il n'aurait pas dû cesser le traitement à ce moment-là. Il lui montre un homme qui a une grosse plaie au front. Karl est apeuré. Cet homme aussi s'est cru guéri trois ans auparavant. Le médecin explique qu'il lui arrivera la même chose s'il arrête de nouveau son traitement avant d'en avoir reçu l'autorisation. Anna s'essuie les yeux, inquiète.
Karl se laisse tomber dans un fauteuil. Anna se penche sur lui pour le rassurer et l'exhorter à faire confiance au médecin. (01:22:35)

Acte V ː Le triomphe de l'amour et du médecin
Scène d'intérieur. Une table est dressée pour deux, Karl est assis, il tire Anna par le bras. Il a une nouvelle pour elle ː il lui a trouvé un nouvel emploi. La mine réjouie, elle s'assied avec lui sur le canapé tout proche. Son bonheur serait complet si le médecin leur permettait de se marier. Karl en a assez d'attendre. Il embrasse Anna à deux reprises mais elle le repousse à chaque fois. Elle lui demande d'être raisonnable mais il prend son chapeau et son manteau et sort, excédé. Anna hésite puis décide de le suivre.
Les horreurs de la syphilis, le clou est enfoncé
Dans un restaurant. Des gens dansent et boivent. Une bagarre se déclenche. Karl arrive devant le restaurant, il est interpelé par deux femmes mais refuse de les suivre. Anna le regarde de loin. Karl va passer son chemin mais il change d'avis. Par la vitrine, il observe l'animation à l'intérieur de la guinguette puis y entre. Il fixe une femme qui danse seule avant de s'approcher de lui. Restée à l’extérieur, Anna les observe à travers la vitrine du restaurant qui dégouline de gouttes de pluie (pour refléter l'état d'âme de la jeune femme ?) Karl et la femme sont assis à une table. La femme verse à boire. L'espace d'un instant, son visage est remplacé par celui d'un squelette ː elle porte la mort. Anna de l'autre côté de la vitrine ouvre de grands yeux terrifiés. Une autre femme s'est assise à côté de Karl. Elle se dispute avec la première tandis que Karl rit aux éclats. Anna les regarde d'un air triste. Elle interpelle Karl en lui disant qu'il vaut mieux que ces femmes. Karl les repousse et sort avec Anna. Il lui fait des reproches puis finit par se calmer. Anna le convainc d'aller avec elle au cinéma. Ils vont voir un film sur... la syphilis, décidément le thème central de leur vie ǃ
Un carton portant les mots IV. Akt (4e partie) apparaît. Il s'agit d'un documentaire sur des cas très graves de syphilis dans les pays où il n'y a pas de mesures de lutte systématique contre cette maladie. On y voit des hommes dont le nez s'est effondré ou qui présentent de graves ulcères au bras, une famille dont tous les membres sont atteints, un bébé présentant des lésions autour de la bouche et sur les jambes. Dans le public, ces images font forte impression sur Anna. Elle saisit le bras de Karl en lui demandant s'il souhaite des enfants de ce genre. Karl la repousse et sort du cinéma. Il ne veut plus voir Anna car il se dit qu'elle pourrait avoir des enfants malades ou mal formés. Anna, debout contre une affiche de cinéma montrant une sorte de monstre (allégorie de la syphilis ?), se laisse aller au découragement. Fermeture à l'iris. (01:28:45)
"Un seul homme pouvait l'aider"
L'image suivante montre Anna assise dans le cabinet du médecin. Elle le supplie de leur permettre de se marier, sans quoi elle perdra Karl. Le médecin saisit un tube à essai et lui confirme que son analyse est négative. Encore une cure et elle sera guérie. Cependant, le test de Karl étant encore légèrement positif, il refuse de prendre la responsabilité d'autoriser leur union. Pour le médecin, Karl n'est pas quelqu'un de sérieux. Il conseille à Anna de le quitter pour lui faire entendre raison. Il lui fait d'ailleurs écrire une lettre de rupture dans laquelle elle affirme qu'elle l'aimera toujours mais qu'elle ne pourra envisager une réconciliation que quand il aura complètement terminé son traitement.
Probablement quelques jours plus tard, Karl lit la lettre puis la replie d'un air catastrophé. Anna est en train de faire un peu de ménage chez elle. En époussetant son calendrier, elle se rend compte qu'elle a un rendez-vous le jour-même, lundi 5 janvier 1925 à 12h. On lui apporte le courrier du jour. Elle se désole parce qu'elle n'a toujours pas de nouvelles de Karl.
Le médecin lui fait une piqure qu'elle supporte avec un grand calme (par opposition à l'agitation de la nourrice à l'acte III). C'était sa dernière cure. Par précaution, elle devra subir encore quelques analyses de sang. Malgré tout, elle est triste, probablement parce que le médecin non plus n'a pas de nouvelles de Karl. Le carton indique qu'il y a des personnes "qu'on ne peut pas aider". Le médecin fait un geste d'impuissance (01:32:11)
Une méprise bienvenue
Un chien fait le beau sur une chaise. C'est Karl qui s'amuse avec lui et le caresse. Tout à coup, il ressent une démangeaison. Il ouvre deux boutons de sa chemise et se regarde dans un miroir. Il découvre une éruption sur sa poitrine. De son côté, le médecin est en train d'écrire à son bureau. La visite que son assistant lui annonce semble à la fois le surprendre et le réjouir. Karl pénètre dans le bureau d'un pas vif et lui montre son éruption. Le médecin se détourne en souriant car ce ne sont que des piqures de puce. Cependant, il ne détrompe pas Karl et l'exhorte à suivre convenablement son traitement contre la syphilis sans quoi il perdra sa fiancée. D'un air sévère et réprobateur, il lui ordonne de s'installer pour la piqure qu'il va lui faire tout de suite. (01:34:24)
La réconciliation
Avec la complicité de la logeuse de Karl, Anna dépose un cadeau d'anniversaire dans la chambre de l'homme qu'elle aime. Il en est très heureux et décide de demander au médecin de les aider à se réconcilier. Son chien acquiesce à plusieurs reprises.
Karl demande au médecin de transmettre un message à Anna. Au même moment, Anna appelle le médecin d'une cabine téléphonique pour lui demander de transmettre un message à Karl. (On notera l'écran partagé qui permet de visualiser la conversation téléphonique.) "Les pensées se rencontrent." Le médecin convoque Anna immédiatement. En attendant qu'elle arrive, il observe le contenu d'un tube à essai et se penche sur un registre. Anna entre dans le bureau. Le médecin se place entre elle et Karl pour leur annoncer qu'ils sont tous les deux guéris. Cependant, il les empêche de se jeter l'un dans les bras de l'autre parce qu'il veut encore les observer quelques temps, "avant le mariage". Les deux jeunes gens sont déçus mais le médecin leur rappelle qu'ensuite, ils seront mariés longtemps.
Tout est bien qui finit bien
Vue aérienne sur les toits enneigés de la petite ville où Karl Mertens s'est établi. Il porte désormais la barbe et la moustache. Manifestement, un certain temps s'est écoulé. Un homme lui serre la main et lui demande des nouvelles de son "héritier". De son côté, le médecin assis dans un fauteuil, un cigare aux lèvres (ce qui renvoie à une scène précédente où il s'offrait un cigare pour se récompenser du travail accompli) est en train de lire une lettre : Anna et Karl lui demandent d'être le parrain de leur premier enfant. Fermeture à l'iris.
Un train ralentit, probablement en entrant dans une gare. Nouvelle vue (encadrée dans deux fenêtres en ogive cette fois-ci) sur les toits enneigés de la petite ville où vivent Karl et Anna. Le plan semble pris de la tour d'une église. Un traineau passe sous une grande porte de style médiéval. Plan sur une place avec une fontaine de style gothique bordée de maisons à colombages. Il s'agit probablement du paysage qui s'offre au médecin en chemin vers le logement des Mertens. Enfin, il arrive Karl l'aide à descendre du traineau.
Int. jour. Anna, Karl et le médecin entrent dans une salle à manger. Une domestique apporte une bouteille sur un plateau. Anna montre le bébé au médecin.
Une femme (probablement la marraine) portant l'enfant, Karl et le médecin montent dans un calèche, vraisemblablement pour aller faire baptiser l'enfant. Anna ne les accompagne pas. Étant donné qu'on baptisait les enfants quelques jours seulement après leur naissance à l'époque, la cérémonie des relevailles (messe avec rituel élaboré pour les catholiques, simple bénédiction pour les protestants) n'a probablement pas encore eu lieu et Anna ne peut donc pas se rendre à l'église.
Ellipse. Une dizaine de personnes participent au repas qui suit le baptême. Le médecin se lève pour porter un toast. Il parle du temps qui s'écoule parfois avant que deux cœurs ne puissent se trouver. Son discours arrache des larmes à ses auditeurs. Mais tous les efforts qu'ont dû fournir Anna et Karl (qu'il ne détaille pas, bien entendu) en valaient la peine puisqu'un héritier est baptisé aujourd'hui. Ce '"happy end" correspond à un retour à l'ordre moral : Anna et Karl désormais guéris ont pu accéder à l'institution du mariage, c'est-à-dire qu'ils ne sont plus des électrons libres susceptibles de céder aux tentations de la grande ville. D'ailleurs, leur installation dans une petite ville où on imagine peut-être que les tentations soient moins nombreuses qu'à la grande ville les protège également. La maladie ne passera plus par eux et ils sont maintenant en mesure de remplir leur vocation sociale : avoir des enfants.
Soudain, le discours du médecin est interrompu par les pleurs du bébé. Inquiétude générale, tout le monde se précipite dans la chambre de l'enfant. Le médecin reste seul avec un convive âgé ; les deux hommes trinquent. N'arrivant pas à calmer l'enfant, le jeune père inquiet demande l'avis du médecin. Ce dernier doit passer à travers l'attroupement formé devant la chambre par les invités. Au dernier rang, un couple s'embrasse subrepticement mais subit des réprimandes.
Le médecin trouve rapidement une réponse aux pleurs de l'enfant : il a faim.
Anna s'installe sur une chaise pour l'allaiter. Cette scène vient en écho à l'épisode de la nourrice syphilitique : Anna étant guérie, elle peut allaiter son enfant sans lui faire courir le moindre danger. Le bébé tête puis se relève sur les genoux de sa mère. Il se balance un peu, fixe la caméra avec de grands yeux puis sourit. C'est manifestement un enfant en pleine santé. Cette image renvoie à d'autres films médico-sanitaires qui se terminent par un plan sur un ou plusieurs enfants souriants, aux joues rebondies et resplendissants de santé. Ils sont à la fois l'enjeu et la récompense pour ceux qui suivent à la lettre les conseils et prescriptions contenus dans ces films. Exemples : Feind im Blut (1931), Behind the Smile (1939).

Notes complémentaires

Références et documents externes

"ESR initiatives highly valued in Iceland", ECR Today 2014 (March 8, 2014), p. 14.
Cantor, David, "Choosing to live: Cancer Education, Movies, and the Conversion Narrative in America, 1921-1960", Litterature and Medicine 28, no.2 (Fall 2009), pp.278-332.
Forssel Gösta, "In Memoriam", Acta Radiologica (1949), 31:3, pp. 185-192.
Laukötter, Anja, Sex-richtigǃ Körperpolitik und Gefühlserziehung im Kino des 20. Jahrhunderts, Göttingen, Wallstein Verlag, 2021.
Thomalla, Curt, Falsche Scham, UFA Film-Bücherei GmbH, Berlin, 1926.

Contributeurs

  • Auteurs de la fiche : Élisabeth Fuchs, Joël Danet
  • Sous-titres Français : Adrien Barré, Élisabeth Fuchs
SNSF-logo.png  Cette fiche a été rédigée et/ou traduite dans le cadre du projet Neverending Infectious Diseases