Vers un monde sans sourds ?
Espaces de noms
Plus
- Plus
Actions de la page
Avertissement : cette fiche n'a pas encore été relue et peut se révéler incomplète ou inexacte.
Pour voir ce film dans son intégralité veuillez vous connecter.
Si vous rencontrez un problème d'affichage du film ou des sous-titres , veuillez essayer un autre navigateur.
Marie-Laure Carpentier
Serge Montagu
Alexis Karacosta
Sandrine Marlin
Bernard Meyer
Aïcha Trabelsi
Natalie Loundon
Natalie Gelberg
Frédéric Gelberg
Sommaire
Générique principal
Réalisation : Karim Miské
Image : Eric Turpin
Ingénieur du son : Molia Atondi
Montage : Alexandra Villot
(...)
Cette émission pourra être comparée à un reportage réalisé sur le même thème 11 ans plus tôt : https://medfilm.unistra.fr/wiki/Sortir_du_silence
Présentation : Daniel Abbou, Isabelle Voizeux
Commentaires en LSF : Eric Lawrin
Voix : Mau Colin, Jérôme Horry, les collaborateurs du Point du Jour et RIFF
Adaptation : Nathalie Vailhen
Interprète : Isabelle Lombard
(...)
Comité éditorial : Christine Castell-Niel, Noémie Churlet, Sandrine Herman, Daniel Abbou, Gilles Achani, Bruno Moncelle, Eric Lawrin, Lionel Vivet
(...)
Sous Titrage : Télé Europe
(...)
Pour France 5 Unité Documentaires (avec la participation du Centre National de la Cinématographie
Remercients : Professeur Garabedian, Professeur Meyer, Les Docteurs Couderc et Feldman, la famille Trabelsi, la famille Gelberg (...)
Minitel : 3615 FRANCE 5 Oeil (0.34/euros) www.France5.fr
(C) PDJ Production 2004
Contenus
Thèmes médicaux
- Physiothérapie. Radiothérapie. Autres traitements thérapeutiques non médicamenteux
- Défauts structurels du développement. Difformités physiologiques. Malformations. Hémitérate. Organes atrophiés ou hypertrophiés. Monstres. Anormalités
- Prosthetic materials and parts. Artificial organs etc.
Sujet
Des personnes sourdes, leurs proches et des médecins donnent leur avis sur l’implant cochléaire et la recherche en génétique sans jamais entrer en dialogue. Les uns expriment la peur que ces avancées techniques et médicales fassent disparaître, à terme, les personnes sourdes de la société tandis que les autres mettent en avant leur mission de soin.
Genre dominant
Résumé
L'épisode "Vers un monde sans sourds ?" de la série L'Œil et la Main explore les enjeux et débats autour des implants cochléaires, une invention permettant de pallier en partie les pertes auditives des personnes sourdes profondes, au travers de multiples témoignages de personnes directement impactées par l’implant, de leurs familles et de médecins. L'épisode interroge également les impacts de cette technologie et des progrès de la médecine génétique sur la communauté sourde.
Contexte
Origine et histoire de l’implant cochléaire
Le premier implant cochléaire est conçu par André Djourno, professeur de physique médicale et mis en place en 1957 par Charles Eyriès, otologiste et anatomiste parisien. Mais l’appareil tombe rapidement en panne quelques semaines après et Djourno, qui s’intéresse peu à la stimulation sensorielle, ne poursuit pas ses recherches. W. House à San Francisco reprend ces travaux et teste de nombreux implants mono-électrodes au début des années 1970. Cependant, ces derniers ne permettent de reconnaître que les rythmes de la parole, ce qui améliore la lecture labiale mais ne permet aucune discrimination des sons de la parole. En parallèle, l'otologiste américain Blair Simmons commence à développer un implant à 6 électrodes. En 1973, Robin Michelson à San Francisco pose un implant à 4 électrodes avec quatre paires d'antennes différentes chez l'homme.
Le professeur Claude-Henri Chouard et le docteur Bernard Meyer posent le premier implant cochléaire multi-électrodes le 22 septembre 1976. Depuis cette opération, l’implant cochléaire multi-électrodes est le seul implant cochléaire toujours utilisé pour les personnes dont la surdité est trop profonde pour être améliorée par un appareil auditif traditionnel. L’implantation des enfants présentant une surdité congénitale se développe dans les années 1990. En 2000, le premier nourrisson, Karlie Girard-Soucy, est implantée à l’âge de cinq mois au Canada. Enfin, la première implantation bilatérale pour restaurer l’audition binaurale est réalisée en 1996 par le professeur Muller.
De nos jours, les implants cochléaires sont numériques et miniaturisés.
Le Réveil Sourd
Le réveil Sourd est un mouvement social et culturel important de l'histoire des sourds en France. Rassemblant plusieurs associations de Sourds, à partir du milieu des années 1970 en France, son principal objectif a été la reconnaissance de la langue des signes française (LSF) comme langue à part entière (et non juste comme un code), et comme langue d’enseignement. Il s'est développé en réponse à l'imposition de l'oralisme à partir du Congrès de Milan de 1880 qui avait conduit à l'interdiction de l'usage des langues des signes dans l'éducation dans certains pays européen, en particulier dans les établissements scolaires français, non seulement en classe, mais aussi dans les cours de récréation, jusqu'en 1991. Cette interdiction a maintenu les sourds à un niveau d'éducation très inférieur à celui de la population générale pendant plus d'un siècle, contrairement à ce qui se passaient pour les Sourds américains par exemple, qui n'ont pas subi cette interdiction de la langue des signes et qui peuvent bénéficier d'un enseignement supérieur à l'université Gallaudet (fondée en 1864 et située à Washington, DC).
Dans le même temps, Alfredo Carrodo (sourd) et Jean Grémion (entendant) fondent l'International Visual Theatre à Vincennes. Ils travaillent à la requalification de la langue des signes, notamment à travers le théâtre mais ils développent aussi une politique de recherche linguistique et de pédagogie autour de la lSF. Emmanuelle Laborit, comédienne sourde et Molière de la révélation théâtrale en 1993, a découvert et appris la LSF à l'IVT à l'âge de 7-8 ans. (Elle est devenue directrice de l'IVT en 2003.)
Dans les années 1980, des classes bilingues français oral/LSF ouvrent dans plusieurs villes françaises (Chalon-sur-Soane, Poitiers, Bayonne, Nancy, Toulouse)
Le Réveil Sourd est à l’origine d’un nouveau modèle de représentations de la surdité qui définit les sourds comme une communauté avec sa propre langue (la LSF) et sa propre culture.
Définition de la communauté sourde : une communauté aux multiples facettes
La communauté sourde est composée de personnes s’exprimant en Langue des Signes Française (LSF). Elle est caractérisée par une grande diversité car elle regroupe des personnes de tous âges, origines et niveaux d'audition. Cette diversité se reflète dans les sous-communautés qui existent au sein de la communauté sourde, telles que les sourds de naissance, ceux qui sont devenus sourds au cours de leur vie, et les personnes qui ont des implants cochléaires ou sont appareillées. La communauté sourde ne considère pas la surdité d'un point de vue médical (perte auditive, handicap) mais d’un point de vue culturel et linguistique (une langue à part entière, une histoire propre, une culture en lien avec la LSF, etc.) Pour appuyer cette identité propre, ces personnes peuvent faire le choix d’écrire le mot sourd avec un S majuscule pour faire une distinction entre les termes sourd et Sourd.
la langue des signes est reconnue comme une langue à part entière par la loi 2005-102 du 11 février 2005 (consulté le 27 octobre 2025) : « Art. L. 312-9-1. - La langue des signes française est reconnue comme une langue à part entière. Tout élève concerné doit pouvoir recevoir un enseignement de la langue des signes française. Le Conseil supérieur de l'éducation veille à favoriser son enseignement. Il est tenu régulièrement informé des conditions de son évaluation. Elle peut être choisie comme épreuve optionnelle aux examens et concours, y compris ceux de la formation professionnelle. Sa diffusion dans l'administration est facilitée. »
L’Œil et la main : vers une nouvelle image de la communauté sourde
L’Œil et la main est une émission centrée sur le monde des sourds et des malentendants. Elle crée une passerelle entre les sourds et les entendants en abordant des problématiques clefs à ce sujet. À ce titre, beaucoup d’entendants la regardent. Lancé le 17 décembre 1994, ce programme hebdomadaire comporte 840 épisodes. Plus largement, l’émission s’inscrit dans une lutte politique et sociale pour les personnes sourdes. Il est intéressant de savoir que dans l’équipe de cette émission, il y a à la fois des personnes sourdes et entendantes.
V) L’eugénisme : entre diversité et handicap
La communauté sourde a été profondément marquée par l'eugénisme, une idéologie qui cherche à « améliorer » la société en éliminant celles et ceux qui sont considérés comme déficients. Particulièrement au cours du XXe siècle, des pays comme les États-Unis et la Suède ont instauré des programmes d'eugénisme allant jusqu'à la stérilisation forcée. L'Allemagne nazie en est l'exemple le plus radical, comme mentionné dans le documentaire, avec la stérilisation et même l'euthanasie de milliers de sourds, qualifiés d'« inaptes à la vie » et de « dégénérés ».
Toutefois, à l'ère de la médecine moderne, certaines décisions technologiques ou reproductives suscitent des conflits. Un débat éthique profond a été soulevé par l'éventualité de créer des tests prénataux permettant d'identifier des mutations génétiques associées à la surdité : est-il acceptable ou même nécessaire d'empêcher la naissance d'un enfant sourd? Pour la majeure partie de la population sourde, la réponse est bien sûr négative parce que pour eux, la surdité n'est pas une infirmité, un handicap à éliminer, mais plutôt une différence naturelle et culturelle entre individus.
En revanche, certains parents désirent pouvoir opter pour la meilleure solution pour leurs enfants, y compris des approches médicales qui pourraient favoriser leur intégration dans une société majoritairement entendante. Les personnes malentendantes sont exposées à de nombreux dangers signalés par des sons (risques domestiques et risques de la circulation et des transports). Le fait de choisir l'implant cochléaire ne signifie pas forcément le rejet de la surdité, mais plutôt l’adaptation à la société.
Le vrai dilemme éthique se situe donc là : entre le droit à la diversité humaine – ce qui inclue la diversité sensorielle – et le droit des personnes à accéder à l’ensemble des ressources que la science peut leur fournir. Il n’y a pas de solution idéale car les parents devront toujours prendre des décisions éducatives cruciales pour leur enfant, sans avoir de certitude sur le bien-fondé de cette décision. Actuellement, un enfant porteur d'un implant cochléaire a toujours la possibilité, malheureusement avec des risques, de le faire retirer et de rejoindre la communauté des sourds signeurs.
VI) Une réflexion plus large
Dans l'émission Sortir du silence, d'Envoyé spécial, l’avis est beaucoup plus tranché que dans Vers un monde sans sourds. En effet, l’implant cochléaire y est présenté comme une "bénédiction". Nous suivons le parcours de Joëlle, une femme implantée après une perte progressive de l’audition jusqu’à ces 34 ans. Elle semble heureuse de cette opération et n’y trouve que des points positifs. Cependant, le professeur Chouard qui l’a opéré tient des propos déroutants sur la communauté sourde. Il souhaite que celle-ci disparaisse car ce n’est pas un "état naturel". Pour lui, il est inconcevable que les sourds ne veuillent pas se faire implanter. Sortir du silence date de 1993 alors que l’émission Vers un monde sans sourds date de 2004. À cette date, le professeur Meyer, élève puis collaborateur du professeur Chouard est toujours très proche de la ligne de son maître mais d'autres médecins, par exemple le psychiatre A. Karacosta, expriment un point de vue différents, et on a désormais assez de recul sur la technologie pour se rendre compte de ses limites (cf. le cas de Noémie Churlet).
Éléments structurants du film
- Images de reportage : Oui.
- Images en plateau : Non.
- Images d'archives : Non.
- Séquences d'animation : Non.
- Cartons : Non.
- Animateur : Non.
- Voix off : Oui.
- Interview : Oui.
- Musique et bruitages : Oui.
- Images communes avec d'autres films : Non.
Comment le film dirige-t-il le regard du spectateur ?
L'émission est construite sur une opposition quasiment irréconciliable entre d'une part, des membres de la communauté sourde qui s'inquiètent des progrès technologiques et médicaux que sont l'implant cochléaire, le dépistage génétique de la surdité et les thérapies géniques (qui n'en sont encore qu'à leurs balbutiements au moment où cette émission est produite) et d'autre part, des médecins qui restent, pour la plupart et de façon parfois assez monolithique, sur leur mission de base qui consiste à soigner, guérir et remédier.
Les points de vue présentés sont très divers : trois adultes sourds signeurs expriment, souvent de façon assez poignante, leurs peurs concernant l'implant cochléaire et un éventuel "eugénisme" des sourds, des parents expliquent pourquoi ils ont fait le choix de l'implantation ou pourquoi ils l'ont refusée pour leur enfant, les médecins qui pratiquent l'implantation explicitent leur point de vue, etc. Néanmoins, l'émission n'est pas tout à fait neutre dans la mesure où elle ne présente pas l'implant cochléaire sous un jour très positif : la petite Hanane est montrée en pleurs parce qu'elle se réveille de l'anesthésie mais des spectateurs mal informés pourraient très bien imaginer qu'elle pleure parce qu'elle entend tout à coup et que les sons l'effraient (en réalité, l'implant n'est branché que très progressivement et uniquement après cicatrisation complète) ; l'intervention de sa mère laisse à penser qu'elle a voulu cette implantation pour des motifs égoïstes (elle voulait entendre la voix de sa fille) ; le petit Gabin (implanté) est cadré de très près dans un bureau, ce qui amplifie son air fatigué et peu intéressé par sa séance de rééducation ; au contraire, le petit Lucas (dont les parents ont fait le choix de la LSF au lieu de l'implantation) est montré épanoui, entouré et heureux dans son cadre familial, à table et dans le jardin ; le choix de la jeune femme, Noémie Churlet, qui raconte l'échec de son implantation quand elle avait 8-9 ans ne s'est pas fait au hasard puisqu'il s'agit d'une présentatrice régulière de l'émission (2001-2006), c'est-à-dire qu'elle bénéficie probablement d'un capital de sympathie auprès des spectateurs réguliers qui la connaissent bien et sont probablement réceptifs d'emblée à ses propos (on peut d'ailleurs noté au générique de l'émission qu'elle fait aussi partie de son comité éditorial) ; au contraire, l'homme implanté qui est examiné par le professeur Meyer n'a pas l'occasion de s'exprimer sur son implant alors qu'il en est peut-être très content.
Dans le même ordre d'idées, et même si les médecins interrogés ne croient pas (en 2004) à la possibilité de supprimer toutes les surdités, les dernières phrases de l'émission résonnent un peu comme un appel à l'action contre les avancées technologiques dont il a été question : "Il y a encore quelques années, les sourds avaient peur d'une chose : que leur communauté disparaisse. Mais cette inquiétude leur faisait retrousser leur manche pour aller de l'avant. - Oui, autrefois c'était vrai. Mais maintenant, on dirait que les sourds ont changé et que pour certains, cette peur est paralysante."
Cependant, l'émission posent bien entendu des questions légitimes sur l'insertion des personnes sourdes dans la société (des entendants), sur le fait que ce sont toujours les sourds qui doivent s'adapter et que de nombreux lieux de vie, de formation, de travail et de loisirs ne proposent pas d'alternative à la communication orale.
L'émission est pensée pour être accessible aux personnes sourdes dans toutes les modalités possibles. Elle est sous-titrée en continu et également interprétée en langue des signes en continu, avec une mise en images particulière, c'est-à-dire que le reportage ou l'interview apparaissent dans un rectangle plus petit que l'écran de télévision, ce qui permet de donner presque un tiers de l'écran à l'interprète (sur fond noir) en LSF. Il est ainsi bien plus visible que dans une petite incrustation ovale dans un coin de l'écran. Cette adaptation tient compte des problèmes de vue dont pourraient également être atteintes les personnes sourdes permet tout en montrant aux spectateurs entendants qu'une réelle adaptation visuelle des programmes aux besoins des sourds et malentendants ne serait finalement pas gênante pour eux.
Comment la santé et la médecine sont-elles présentées ?
À travers la chirurgienne qui opère la petite Hanane et le professeur Meyer, la médecine est présentée exclusivement dans sa mission de base qui consiste à soigner, remédier et guérir. L'émission ne propose jamais de dialogue entre les médecins et les personnes qui ne placent pas la surdité sur le plan de la pathologie mais sur celui de l'identité culturelle.
Seul le psychiatre, Alexis Karacosta, représente un point de vue médical différent puisqu'il interroge la liberté dont jouissent réellement les parents qui font le choix de faire implanter leur enfant.
Diffusion et réception
Où le film est-il projeté ?
Le film est projeté sur Télévision française 1 (TF1) le samedi 20 novembre 2004 à 09H 10MIN 40SEC.
Communications et événements associés au film
Public
Grand public, spectateurs sourds et entendants.
Audience
Descriptif libre
I) Générique de début d’émission
Sur un fond de musique électronique entrainante, différents mots s’affichent à l’écran : Découvertes, Accueillir, Différent, Conflits, Étonnant, S’entendre, Échanges, L’œil et la main. Des adultes se succèdent en gros plan à l'cran. Chacun d'eux signe l'un de ces mots en y associant également une expression du visage. Par exemple, la personne qui signe le mot "conflits" fronce les sourcils. De même, la personne qui signe le mot “accueillir” sourit et paraît chaleureuse. Il est intéressant de souligner que les personnes qui signent sont à la fois des hommes et des femmes d’âges variés, ce qui exprime une volonté de ne pas discriminer les personnes, tant sur leurs différences visibles qu'invisibles. Le choix de signer des mots forts au générique traduit une volonté d’inclure les personnes sourdes mais aussi de les représenter, tout en indiquant les lignes fortes du projet de l'émission. D’un point de vue purement pratique, cela n’aurait pas été nécessaire pour les personnes sourdes car les mots correspondants sont affichés. Mais c'est important sur un plan plus symbolique.
Introduction de l’émission du jour
L'ensemble de la vidéo est sous-titrée d'une façon adaptée aux sourds et malentendants, c'est-à-dire avec des sous-titres placés à la verticale de chaque locuteur et des changements de couleur suivant que la personne qui parle apparaît à l'écran ou se trouve hors-champ.
Le fond musical de cette séquence est identique à celui du générique mais très bas. Une jeune femme face caméra dit : "Bonjour" puis se tourne vers un homme aux cheveux gris placé derrière elle. En signant, ce dernier énonce une citation de Jean-Paul Sartre, dont il épèle le nom grâce à l'alphabet dactylologique (qui permet d'épeler les noms propres ou les mots nouveaux) : "Tous les hommes ont peur. Tous. Si un individu n’a pas peur, alors il n’est pas normal." La notion de peur est reprise par la jeune femme qui explique qu'elle est normale, qu'on soit sourd ou malentendant. Elle distingue deux sortes de peur : celle qui inhibe et celle qui motive. Le regard de la jeune femme passe sans cesse de la caméra à l'homme avec qui elle dialogue, comme pour associer les spectateurs à la conversation. L'homme s'interroge sur les peurs des sourds, leurs origines et la façon dont elles se manifestent. La jeune femme explique qu'une majorité de sourds a peur de l'implant cochléaire et de la recherche génétique, ce qui peut étonner les spectateurs entendants qui ont plutôt une opinion positive de ce qu'ils considèrent comme une avancée technologique et scientifique. La jeune femme propose aux spectateurs de visionner l'enquête que l'émission a menée sur ce sujet.
Pendant tout cet échange, la caméra reste fixée sur la personne qui signe par un jeu de champs/contrechamps.
II) Interviews de personnes sourdes qui s'expriment contre l’implant cochléaire
A) Première interview :
Une femme sourde est interrogée à l’extérieur d’un bâtiment. Elle confie ses peurs au sujet de l’implant cochléaire. Pour elle, ce n’est pas normal qu'on implante de plus en plus : "les enfants n’ont plus le droit d’être sourds". Elle estime que la surdité est naturelle et qu'on le leur "refuse". Elle considère l’implant cochléaire comme une manière de forcer les sourds à s’adapter aux entendants, de les "imiter". Elle cite de nombreuses choses que les personnes sourdes sont capables de faire, entre autres "être acteur, comédien, communiquer, s’informer, s’ouvrir, lire…" Manifestement, elle associe l’implant cochléaire à un moyen de renier l’identité des personnes sourdes.
B) Deuxième interview :
Un homme d'une trentaine d'années est interrogé dans un bureau, probablement son lieu de travail. Des cartes postales sont accrochées au mur derrière lui. Pour lui, les implants cochléaires et la génétique sont une façon de faire rentrer les personnes sourdes dans la norme. Or il interroge cette norme ; c'est un concept qui, pour lui, ne sert strictement à rien. Lui-même n'est pas dans la norme, étant donné qu'il est sourd mais il explique qu'au fond, personne n'y est vraiment puisque tout le monde présente des différences ou des imperfections.
C) Troisième interview :
La jeune femme interviewée est attablée à la terrasse d'un café. On note que le cadre de ces 3 interviews traduit le désir de montrer que les personnes sourdes sont pleinement intégrées dans la vie de la société et fréquentent les mêmes endroits que les entendants. En particulier, les lieux où ces personnes sont filmées ne peuvent pas être associés à une éventuelle prise en charge médicale.
La jeune femme fait une comparaison particulièrement frappante entre la disparition des communautés (amér)indiennes et celle de la communauté sourde qui pourrait, selon elle, être provoquée par le dépistage génétique des surdités dans les 10 ans à venir. Elle exprime sa peur de façon très explicite. (02:24)
III) Opération pour la pose d'un implant cochléaire
Dans un hôpital. Un homme (médecin anesthésiste ou infirmier) vêtu d'une blouse et d'une charlotte bleues porte une fillette vêtue de même, vraisemblablement vers la salle d'opération. Il n’y a plus de musique de fond ; on entend des conversations et des bruits de porte. Gros plan sur un ours en peluche sur lequel une petite main portant un bracelet d'identification colle des électrodes décorées d'une petite tête d'ours souriante. Le titre apparaît sur l'écran : "Vers un monde sans sourds ?", en écho à la notion de "disparition de la communauté sourde" évoquée dans la séquence précédente.
Un interprète en langue des signes apparaît en incrustation dans le quart vertical gauche de l'écran. Il commence à signer puis une voix off donne des détails sur la séquence qui vient de commencer. Nous sommes à Paris, à l'hôpital Trousseau, il est 8h du matin. La petite fille s'appelle Hanane, elle a 4 ans et demi. Une anesthésiste ou infirmière anesthésiste lui fait placer un masque sur le museau de l'ours pour la préparer à être elle-même endormie au masque. Cet ours sera présent tout au long de son hospitalisation pour la rassurer et faciliter la suite des soins, notamment parce qu'elle n'entend pas les paroles des personnes qui essaient de la rassurer. La docteure Nathalie Loundon va lui poser un implant cochléaire. Pose de champs pour isoler l'oreille qui va être opérée.
La chirurgienne dans son bureau apparaît dans un grand rectangle sur fond noir. Cette disposition permet d'une part de rendre les sous-titres particulièrement lisibles (en blanc sur fond noir au lieu d'être superposés à une image partiellement blanche, étant donné que le médecin porte une blouse blanche) et d'autre part, d'avoir suffisamment de place pour une autre incrustation montrant une interprète en langue des signes. La docteure Loundon dispose d'une grande maquette d'oreille qui lui permet de situer l'oreille interne, la cochlée et le nerf auditif, et d'expliquer le principe de fonctionnement de l'implant.
Retour dans la salle d'opération. Divers plans rapides (à (04:40) probablement pour ne pas choquer les téléspectateurs sensibles) sur les gestes de la chirurgienne qui commente ce qu'elle fait. Avec le même dispositif que précédemment (prise de vue contenue dans un rectangle et interprète à côté, sur fond noir), elle indique la proportion de réussite de l'opération : un tiers de résultats excellents (communication orale facile, également au téléphone, possibilité d'apprendre une autre langue), un "gros tiers" d'enfants avec plus de difficultés mais compréhensibles, un tiers d'enfants qui récupèrent une part d'audition qu'ils peuvent utiliser dans la vie quotidienne mais qui possèdent un langage oral "très moyen". Elle fait également la liste des facteurs qui influent sur ces résultats : l'histoire de la surdité, l'histoire neurologique, le mode de communication initial, la prise en charge préalable, etc, et surtout, l'âge à l'implantation. "Il y a vraiment une très grosse différence entre un enfant implanté avant 18 mois-2 ans et après 2 ans." Ces informations chiffrées se veulent probablement rassurantes pour le téléspectateur puisque ces résultats sont plutôt positifs et traduisent une avancée scientifique et médicale. (05:41)
Dans la salle de réveil. Hanane se réveille de son opération dans les bras de sa mère et sous le regard de la docteure Loundon. L'enfant pleure, elle semble déstabilisée et perdue. Elle fait mine d'enlever le gros bandage qu'elle a sur la tête. La chirurgienne demande qu'on mette un bandage à l'ours en peluche. L'interprète en langue des signes de l'émission apparaît en surimpression sur l'image pour expliquer, en même temps que la voix off, que le cerveau d’un enfant entendant apprend à analyser les sons et la parole humaine durant les trois premières années de la vie tandis que le cerveau auditif d’un enfant sourd (elle devrait préciser "sourd profond") ne se développe pas. Par conséquent, si l’enfant est implanté avant l'âge de deux ans, la stimulation de cette partie du cerveau est possible.
Ici, on note une lacune dans les explications données au public de cette émission : un téléspectateur non averti pourrait imaginer qu'Hanane pleure et s'agite parce qu'elle entend tout à coup des sons, ce qui serait tout à fait nouveau pour elle et certainement assez déstabilisant, voire traumatisant. Or l'implant n'est pas branché avant cicatrisation complète. Sa mise en route est très progressive et donne lieu a une véritable éducation auditive. La réaction de la fillette est uniquement due à son réveil dans un lieu inconnu et à la présence d'un bandage qui la gêne.
Gros plan sur Hanane qui parvient à se calmer grâce aux gestes affectueux de sa maman.
Quelques temps après l'opération, dans une chambre d'hôpital. L'enfant joue calmement dans sa chambre, seule avec sa maman qui signe. Elles font ensemble un puzzle sur le lit de l'enfant. Hanane est concentrée sur le puzzle. L’ours en peluche est toujours présent avec son gros bandagge sur la tête. (06:36)
Témoignage de la mère de Hanane, Aïcha Trabelsi. Elle apparaît dans un carré incrusté sur fond noir à droite de l'écran. Une interprète en LSF est visible en incrustation à gauche. L’interview se déroule manifestement à l’hôpital, on aperçoit un flacon contenant un liquide bleu, peut-être un désinfectant, en arrière-plan. La mère raconte avoir effectué une formation en LSF (langue des signes française), sans quoi elle serait dans l’impossibilité de communiquer avec sa fille. La langue des signes s’avère le seul moyen dont elle dispose pour communiquer avec son enfant d’un point de vue pratique, "pour le manger" et "beaucoup de choses". Le journaliste l’interroge alors sur la question de l’implant et sur les raisons qui ont orienté son choix vers l’opération alors qu'elle dispose d'un moyen de communication avec sa fille. Mme Trabelsi se montre convaincue et sûre de sa décision : elle souhaite entendre la voix de sa fille et en particulier le mot "Maman". C'est quelque chose qu’elle "attend", elle est à la fois émue et souriante quand elle en parle. Elle explique que les deux premiers mois (après l'annonce de la surdité, très probablement) ont été particulièrement éprouvants pour elle. Elle a énormément pleuré. Manifestement, elle ne comprend pas pourquoi sa fille est sourde alors que personne dans sa famille ni dans celle de son mari n'est porteur de ce handicap. Elle va jusqu’à affirmer qu’elle n’a pas accepté que sa fille soit sourde, puis elle nuance son propos en disant qu’elle en a ensuite "pris l’habitude". Il semble que cette opération lui permette de revenir à une certaine normalité puisqu'elle dit qu'elle veut être "comme toutes les mères" (07:43)
IV) Interview de personnes sourdes au sujet de l'implant cochléaire
A.) Première Interview :
Une jeune femme de profil marche dans un parc puis la rue. La voix off explique qu'elle s’appelle Noémie et qu’elle fait partie de la première génération d’enfants à qui on a posé des implants cochléaires car cette pratique a été introduite il y a seulement 20 ans. Un interprète apparaît en incrustation pour signer le même message, puis il disparaît. Les sous-titres sont toujours présents. Physiquement, rien ne distingue Noémie des autres passants.
La jeune femme est assise sur un muret dans le parc. Un insert précise qu’il s’agit de Noémie Churlet, comédienne. Une voix off féminine interprète ce que Noémie signe. Elle raconte un souvenir d’enfance, le moment où ses parents ont entendu parler de l'implant cochléaire, de l'espoir qui est né dans l'esprit de sa mère et du choc qu'elle a éprouvé en découvrant que sa mère n'acceptait pas véritablement sa surdité. Ses parents lui ont dit qu'elle aurait le choix mais si elle a fini par accepter l'opération c'est parce que, dit-elle : "La relation avec ma mère, et le besoin d'amour et d'affection était fort."
La voix off et l'un des interprètes en LSF de l'émission reviennent pour expliquer qu’après un an de rééducation, Noémie a débranché la partie externe de l’appareil et s’est dirigée vers la communauté des sourds signeurs à l'adolescence, bien qu’elle ait été éduquée en tant que sourde oraliste. Aujourd’hui, elle hésite à se faire opérer pour enlever la partie interne de l’implant. Elle affirme qu’elle n’en a vraiment pas besoin, mais que si elle l’enlève, elle risque d’avoir des problèmes, car l’implant est sur le nerf et, de ce fait, proche du cerveau. Si l’opération se passait mal, elle risquerait la paralysie faciale. (10:04)
B.) Deuxième interview :
La scène débute sur un plan de l’entrée de l’Hôpital d’Enfants Armand Trousseau, comme l’indique le zoom de la caméra sur la plaque affichant le nom. La voix off et l'interprète précisent qu’après la pose d’un implant cochléaire, il est nécessaire, pendant plusieurs années, de faire une série de réglages électroniques de l’appareil et de suivre une rééducation orthophonique afin de stimuler les capacités auditives et phonologiques de l’enfant.
Dans un bureau, un homme et un enfant sont assis face à face. Le petit garçon, Gabin, 5 ans, porte un implant cochléaire depuis 2 ans. La mère de Gabin est également présente dans la salle, elle est assise de côté par rapport à l'enfant. L’homme (un audiophonologiste ou un orthophoniste) demande à Gabin comment il entend, et ce dernier pointe le pictogramme représentant un son faible sur une frise de trois pictogrammes représentant les niveaux faible, confortable et fort. L’homme le félicite et affirme qu’il a bien intégré ces trois notions. Il augmente l’intensité du son et repose sa question. Gabin indique immédiatement le pictogramme « fort ». L’homme lui demande alors de répéter une suite de mots, ce qu’il fait en confondant plusieurs phonèmes. À moment donné, Gabin s’affaisse sur la table et touche la partie externe de son implant, comme s'il voulait l’enlever. L’homme lui propose d'arrêter leur travail mais indique qu'il a encore des réglages à faire.
Interview de Marie-Laure Carpentin, la mère de Gabin, avec une interprète qui signe en même temps. Mme Carpentin explique que toute la famille est entendante, que Gabin est le premier sourd, et qu'ils ne connaissaient rien à la LSF. Ils ont donc poussé Gabin à oraliser au maximum, pour qu’il soit l’égal des autres, des entendants. Dans cette optique, ils ont appris le LPC (langue française parlée complétée ou cued speech) et ont choisi l’implant cochléaire car il correspondait le mieux à leur "schéma".
C.) Troisième interview :
Un petit garçon fait des sauts dans le couloir de l’hôpital, un grand sourire sur le visage. Une voix derrière la caméra affirme qu’il est surexcité parce qu’on vient de le « brancher ». Le père du petit garçon, Clément, s'appelle Serge Montagu. Il déclare que, pour que son fils soit mieux intégré, ils désiraient qu’il entende et qu’il parle, d'où leur démarche de l’implant cochléaire. Clément est inscrit dans une école spécialisée, où il y a de l’orthophonie en permanence et pratique « tout », selon son père, c’est-à-dire le LPC, la LSF et l’oralisation. C'est lui qui décidera vers quoi il se dirigera ensuite. Le père de Clément affirme : « Ce n’est pas parce qu’un enfant est implanté aujourd’hui que demain il parlera, il peut très bien utiliser la LSF. » Selon lui, les parents proposent un choix dans l’orientation au démarrage, mais ensuite l’enfant est libre de choisir sa voie. L’interview se termine par un zoom sur le visage de Clément qui rit. (12:46)
V) Contexte et événements
La transition se fait avec une voix off qui indique le nombre d’implants cochléaires posés par an : environ 500, dont la moitié à des enfants. Cela représente un budget annuel de 10 millions d’euros. Certains professionnels de la surdité s'interrogent sur la manière dont l'implant est proposé aux parents. Durant cette transition, une grande maquette animée présente le fonctionnement de l’oreille moyenne et de l'oreille interne. L'un des interprètes en LSF est incrusté sur ce plan. (13:13)
Interview face caméra d'Alexis Karakosta, psychiatre au Pôle Surdité de l'Hôpital de la Pitié, qui explique pourquoi il pense que les parents n’ont pas vraiment de choix pour la pose de l’implant cochléaire sur leur enfant. Pour lui, leur décision relève davantage d’une "soumission librement consentie". Il pense qu'ils sont influencés par une "idéologie grise qui ne dit pas son nom" et par des enjeux économiques semblables à ceux qui sont liés à n'importe quel autre produit technologique, les implants faisant par exemple parfois l'objet de promotions. Il est important de noter que le psychiatre n’est pas filmé en gros plan, ce qui donne à son discours une impression de recul et un caractère objectif renforcés par son élocution lente et claire qui donne confiance. (14:28)
Gros plan sur une main posée sur une souris d'ordinateur. La voix et l'interprète en LSF retracent l'historique des implants cochléaires. En arrière-plan, quelqu'un effectue des recherches sur les surdités et leurs causes. Rapidement, le visage incrédule de Noémie Churlet apparaît en gros plan. C'est elle qui effectue les recherches. Le site sur lequel elle se trouve est celui du Pr Chouard, l’un des inventeurs de l’implant cochléaire. Gros plan sur le titre de l'une des pages web : "La surdité ne doit plus exister". Le plan s’élargit et Noémie s'exprime en signant. Elle répète plusieurs fois qu’elle ne comprend pas le point de vue du professeur qui parle de la surdité en terme de souffrance et d'exclusion, et pense même que les sourds "sont tristes". Le gros plan sur cette phrase à l'ordinateur place le téléspectateur exactement dans la position de la comédienne, comme s'il était Noémie Churlet en train de lire. Elle expose le point de vue de Chouard qui va jusqu’à affirmer que les sourds étaient précipités du haut d’une falaise dans l'Antiquité. Cette affirmation paraît surprenante car la surdité est un handicap invisible et que les nouveau-nés que l’on jetait des falaises dans l'Antiquité devaient être seulement ceux dont on pouvait voir le handicap. Pour la comédienne, l’implant cochléaire se situe dans la continuité de cette pratique des Romains et des Grecs anciens. Il perpétue l’image négative liée à la surdité et s'oppose à l'idée exprimée par Chouard selon laquelle les mentalités ont changé. (16:47)
VI) Discussion sur le fait d'implanter ou non et mise en lien avec l'histoire de Luca
A) Explications du Pr Meyer à propos du combat de la surdité :
Dans les couloirs de l’hôpital Saint-Antoine, gros plan sur la porte du « Laboratoire d’audio phono prothèse ». Un panneau suspendu au plafond indique « Salle de consultation de 1 à 4 ». Des personnes attendent dans le couloir. Ces courtes séquences soulignent le fait que, du point de vue de la médecine, la surdité est une pathologie nécessitant « consultation » et « prothèse », c'est-à-dire qu'il s'agit d'un problème médical auquel il faut remédier. La caméra a entrainé le spectateur dans le même parcours dans les couloirs qu'un patient qui irait consulter. On arrive à présent devant une porte avec un panneau sur lequel on peut lire « Examen Pr Meyer ». Il s'agit de Bernard Meyer, élève et successeur du Pr Chouard, que la voix off présente comme un partisan de l’implant cochléaire. Face caméra, il explique en le déplorant que la disparition de la surdité n’est pas pour demain parce qu'il y a encore de nombreux cas de surdité dont on ne connaît pas la cause. Il justifie son recours aux implants cochléaires par la définition de l'un des objectifs de la médecine : « revenir à une physiologie normale », ce qui, d'après lui, n’est pas critiquable. (17:36)
B) Examen d´un patient sourd implanté :
Le Pr Meyer examine un patient quadragénaire implanté. Il explique que l'avantage de l'implant, c'est qu’on n'a pas besoin de le retirer pour examiner l'oreille. L'examen du conduit auditif et du tympan ne révèle aucun problème. Puis la caméra est orientée vers le côté de la tête du patient. Le médecin pose le contour d'oreille sur le pavillon du patient. En demandant s’il n’est pas trop lourd et s’il est bien positionné, il montre qu’il se soucie du confort du patient. Leur échange montre l’incroyable efficacité de l’implant. Le professeur, en enlevant puis remettant deux fois de suite "l'antenne" qui fait le lien avec l’implant, met en évidence le fonctionnement du dispositif : le patient entend parfaitement avec mais rien du tout sans. Le professeur explique que l’information passe par l’antenne externe qui stimule celle qui est sous la peau.
Ici, il est dommage que l'émission ne donne pas la possibilité à ce patient de s'exprimer sur son choix d'être implanté, sur l'origine de sa surdité (peut-être une maladie ou un accident survenus à l'âge adulte) et sur sa satisfaction éventuelle par rapport à ce choix. Il aurait peut-être présenté un contre-point intéressant aux points de vue des autres personnes sourdes interviewées, et donné une opinion plus nuancée sur la surdité, à l'encontre de l'image très homogène de la population sourde qui est présentée dans toute cette émission.(18:14)
C) Discours du Pr Meyer à propos des réactions des parents quand on leur propose l´implant :
Retour à l'interview du Pr Meyer dans son bureau. Il parle de la discussion qu'il a avec les parents qui doivent décider d’une éventuelle pose d’implant cochléaire. Pour lui, il s'agit de "donner l’audition à [leur] enfant". Il montre ainsi qu’il considère l’implant comme une bénédiction, une avancée très positive qu’il semble indispensable de mettre au service de l’enfant. Sans rentrer dans les détails, il mentionne rapidement le coût financier, qui est à la charge de la société (c'est-à-dire qui donne lieu à un remboursement par la Sécurité sociale) et le coût en termes de risque pour le patient, pour lequel il existe des statistiques qui lui permettent de répondre à toutes les questions des parents. Il déclare que le fait que certains parents bien informés puissent quand même décider que "cet enfant aura une autre culture que la sienne" alors qu’on pourrait l'éviter le surprend. Lorsque cela arrive, et même s'il respecte la décision des parents, il estime qu'il n'a pas réussi à faire comprendre les bienfaits de l'implantation. On reconnaît dans ce point de vue une vision typiquement française plus large (d'ailleurs le Pr Meyer précise qu'il s'exprime aussi "en tant que citoyen") qui consiste à ne pas croire en la possibilité pour un individu d'avoir une double culture, et notamment de pratiquer le bilinguisme, qu'il s'agisse d'une association entre le français et une langue (parlée) étrangère, entre le français et une langue régionale ou entre le français et la LSF.(19:15)
D) Un cas de refus de l'implant :
Ext. jour. Une famille est en train de manger dans le jardin. Il s’agit de la famille de Luca, un enfant de six ans dont la surdité a été diagnostiquée à deux ans. Lorsque les médecins ont proposé de lui poser un implant, ses parents se sont bien renseignés sur la technique et ont décidé de de privilégier le développement de la communication en langue des signes avec leur enfant. Cette séquence de repas montre qu'effectivement, ses parents et son frère communiquent avec Luca en langue des signes tout en oralisant. Luca est parfaitement inclus dans la conversation.
Interview face caméra Frédéric Gelbert, le père de Luca, explique que le choix de l’implant ou de la langue des signes est de toute façon très compliqué. Sa femme et lui n'ont toujours pas de certitude quant à la justesse de leur choix. Cette remarque montre une grande honnêteté de la part des parents qui ne cherchent pas à se justifier, ni à évoquer de grands principes mais qui espèrent simplement que leurs recherches et leur réflexion leur ont fait prendre la bonne décision pour leur enfant. De façon implicite, le choix d'implanter est présenté ici comme l'une des nombreuses décisions éducatives que les parents ont à prendre au cours de l'enfance et de l'adolescence de leurs enfants (choix d'un système éducatif, d'une éducation religieuse ou pas, d'un lieu d'habitation, etc). Il est quasiment impossible d'imaginer l'impact qu'une décision prise quand l'enfant était tout petit aura sur sa vie entière.
Le père dit qu’il faut "se battre tous les jours". Son épouse évoque à demi-mot des reproches qu'on leur a fait sur leur soi-disant égoïsme (reproches venus des médecins ? de leur entourage ?) Ils expliquent qu'ils ont fait ce choix pour l’enfant plutôt que par commodité après avoir beaucoup réfléchi. Ils ont également ressenti une forte pression du fait de devoir se décider très rapidement (puisque la réussite de l'implantation est notamment liée à l'âge auquel l'opération est réalisée).
Toute la famille joue au foot dans le jardin, la partie est ponctuée de quelques signes et tout le monde a l'air de bien s'amuser. (21:29)
E) Suite de l'interview du Pr Meyer sur le statut de la surdité :
Le Pr Meyer place le débat sur le plan éthique en évoquant la limite ténue entre les caractéristiques qui doivent être considérées comme normales, car la diversité entre les être-humains est essentielle, et celles qui sont pathologiques. Tout revient à poser la question suivante : la surdité est-elle un état ou une pathologie ? Si des personnes rejettent l’opération, c'est parce qu'elles considèrent que la surdité est un état naturel, ce qu'il veut bien accepter. L'interview pourrait s'achever sur cette position d'ouverture et de compréhension mais la dernière phrase du médecin relance le propos de l'émission (et assure la transition vers sa dernière partie) puisqu'il affirme que les grands progrès de la médecine génétique permettront peut-être un jour de "résoudre le problème de la surdité à la source et qu'il n'y aura plus de sourds". (22:36)
VII) Vers une nouvelle forme d'eugénisme ?
A) Les progrès de la génétique :
Bref aperçu d'une rue très fréquentée. En arrière-plan, derrière l'interprète en LSF, apparaissent des images floues qui s'ajustent lentement. Le spectateur voit apparaître des chromosomes à travers un microscope optique, puis un caryotype. Succession d'images illustrant l'activité d'un laboratoire d'analyses biologiques : une main manipule des tubes de sang, une femme effectue différents types de prélèvements dans ces tubes, animation numérique montrant un fragment de molécule d'ADN. La voix off donne le contexte : depuis 1995, les progrès de la génétique ont permis d'identifier des dizaines de gènes impliqués dans la transmission de la surdité. Il est désormais possible de faire un dépistage anténatal de la surdité mais en France, jusqu'à présent, il n'y a jamais eu d'interruption de grossesse uniquement pour cause de surdité du fœtus. De plus, ces dépistages sont rares. Cependant une question se pose : "Le développement de cette technique ne peut-il entrainer une disparition des sourds ?" (23:13)
B) Interview de la docteure Sandrine Marlin, conseillère génétique au service ORL de l'hôpital Trousseau :
Une femme blonde apparaît à droite. Elle explique que la peur de l'eugénisme n'est pas fondée car la plupart des enfants sourds profonds naissent de couples entendants qui ne seront jamais testés parce qu'il n'y a pas d'antécédents de surdité dans leur famille. Il y aura donc toujours des naissances d'enfants sourds profonds. Elle tempère ainsi les craintes de la communauté sourde en montrant que l'existence de ces tests n'empêchera pas cette communauté de perdurer. Ce que la docteure Marlin ne dit pas, c'est que ces tests vont en principe rester cantonnés aux couples ayant des antécédents familiaux de surdité en raison notamment du coût qu'une généralisation des tests de dépistage feraient peser sur la Sécurité sociale. (23:44)
C) Explication de l’eugénisme :
Changement de plan vers une rue en mouvement, la caméra est placée au niveau des jambes des passants, la foule devient une masse anonyme, les passants n'ont aucune identité. Ces images alternent avec d'autres, beaucoup plus techniques, manifestement issues d'un laboratoire de génétique. La voix off donne quelques explications brèves sur le concept d'eugénisme : il s'agit de stériliser les personnes handicapées (des "éléments considérés comme dégénérés") pour les empêcher de se reproduire. Cette théorie élaborée au XIXe siècle a été mise en pratique en Suède, aux États-Unis et en Allemagne nazie où par exemple, des milliers de sourds ont été stérilisés. Les progrès fulgurants de la génétique font craindre à certains le retour de la génétique sous une nouvelle forme. L'interprète et la voix off disparaissent, seul un léger bruit de fond se fait entendre. Le spectateur est laissé seul à réfléchir à cette dernière phrase. (24:27)
D) Suite de l'interview de la Dre Sandrine Marlin :
Elle explique qu'en France et à notre époque, on ne peut pas parler d'eugénisme car on ne force pas les mères à avorter lorsqu'un handicap a été dépisté pendant la grossesse (elle cite l'exemple de la trisomie 21). Le choix est toujours laissé aux parents. Pour elle, il n'y a pas de risque de se trouver confronté à des pratiques eugéniques en France "à moyen terme". (25:12)
Un futur incertain :
Plan sur un laboratoire. On y voit des scientifiques qui portent des combinaisons de protection intégrale. La pièce est sombre, comme pour créer une ambiance pesante et effrayante. On voit ensuite des images de microscopie à fluorescence. La voix off explique que des généticiens cherchent à présent à modifier les gènes in utero : c'est la thérapie génique.
Retour sur une rue bondée, cette fois la caméra est placée au niveau des visages des passants. La voix off explique que pour l'instant ces méthodes ne sont pas encore validées. On voit ensuite à l'écran des images numériques de gènes et d'ADN pendant que la voix off continue en disant que cela sera peut-être possible dans 40-50 ans.
Des images de mannequins blonds aux yeux bleus défilent, comme pour référencer l'idéal aryen de l'idéologie nazie. En même temps, la voix off s'interroge la place des sourds dans le futur. (25:44 )
E) Suite de l'interview de la jeune femme sourde à la terrasse d'un café :
Elle parle de son désarroi face à ce futur uniforme, où tout le monde sera "parfait". Elle considère que le brassage culturel et la différence sont essentiels, que la LSF et la culture ont une valeur. À deux reprises, elle signe : "Ça me broie le cœur". La caméra change ensuite d'angle pour montrer son visage de profil, qui devient de plus en plus flou, symbole de la disparition ou de l'effacement supposé des sourds de la société. (26:30)
Conclusion :
Retour sur les deux présentateurs du début d'émission, tous deux tournés face caméra. L'homme est au premier plan et la femme est plus en arrière. Ils comparent la situation actuelle avec ce qui s'est passé quelques années auparavant : il fut un temps où la peur que leur communauté disparaisse motivait les sourds à agir alors que cette peur semble les paralyser maintenant. Il est possible qu'ils fassent allusion à l'émergence des actrices sourdes Marlee Matlin aux États-Unis (Les Enfants du silence, film à grand succès sorti en 1986) et Emmanuelle Laborit en France (Molière de la révélation théâtrale en 1993 ; parution de son autobiographie, Le Cri de la mouette en 1994, etc.). Dans cette période, leur travail et leurs prises de position ont donné lieu à de nombreux reportages, articles de journaux, etc. mais l'intérêt médiatique s'est émoussé par la suite.
La présentatrice reprend sur une note plus légère en invitant le spectateur à visiter le site internet de L'Œil et la main. (26:53)
Générique de fin :
Reprise floue du générique de début. (27:13)
Références et documents externes
Emmanuelle Laborit : La Culture sourde est très fragile, 7 octobre 2016. (Consulté le 27 octobre 2025.)
La Communauté sourde, École des signes. (Consulté le 23 octobre 2025.)
Rencontre avec Emmanuelle Laborit de l'IVT, 24 janvier 2025. (Consulté le 27 octobre 2025.)
Aubin-Karpinski, Ludivine, "Il y a 45 ans, l'épopée de l'implant cochléaire", Audiologie demain, octobre 2021, vol.18. (Consulté le 16 octobre 2025.)
Contributeurs
- Auteurs de la fiche : Élisabeth Picot, Alix Corbineau, Jeanne Frumholtz, Clotilde Lardit, Adèle Ruhlmann, Éloïse Revel-Mouroz, Élisabeth Fischer-Fuchs

