Sortir du silence

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Titre :
Sortir du silence
Série :
Pays de production :
Année de diffusion :
1993
Réalisation :
Intervenants :
Durée :
36 minutes
Format :
Parlant - Couleur -
Langues d'origine :
Sous-titrage et transcription :
Corpus :

Générique principal

Journaliste, Monchicourt, Marie Odile ; Journaliste, Nahon, Paul ; Directeur de la photo, Flamand, Thierry ; Monteur, Lustgarten, Elisabeth ; Opérateur de prise de vue, Monsigny, Bernard ; Opérateur de prise de son, Blais, Christophe ; Participant, Monchicourt, Marie Odile

Ce reportage pourra être comparé à une émission réalisée 11 ans plus tard sur le même sujet : Vers un monde sans sourds ?

Contenus

Sujet

Le parcours d'une adulte devenue sourde totale à qui on pose un implant cochléaire.

Genre dominant

Documentaire

Résumé

"L'on suit Joëlle, 34 ans, sourde de l'oreille droite, elle a peu a peu perdu le peu d'audition qui lui restait à l'oreille gauche en février 1993. Or le professeur Chouard a mis au point un implant cochléaire miniaturisé qui envoie des électrodes dans le conduit auditif. On propose à Joëlle la greffe de cet émetteur. Elle accepte l'expérience et nous découvrons avec elle son retour à l'ouïe." Source : InaMediaPro

Contexte

Origine et histoire de l’implant cochléaire'

Le premier implant cochléaire est conçu par André Djourno, professeur de physique médicale, et mis en place en 1957 par Charles Eyriès, otologiste et anatomiste parisien. Mais l’appareil tombe rapidement en panne quelques semaines après et Djourno, qui s’intéresse peu à la stimulation sensorielle, ne poursuit pas ses recherches. W. House à San Francisco reprend ces travaux et teste de nombreux implants mono-électrodes au début des années 1970. Cependant, ces derniers ne permettent de reconnaître que les rythmes de la parole, ce qui améliore la lecture labiale mais ne permet aucune discrimination des sons de la parole. En parallèle, l'otologiste américain Blair Simmons commence à développer un implant à 6 électrodes. En 1973, Robin Michelson à San Francisco pose un implant à 4 électrodes avec quatre paires d'antennes différentes chez l'homme.
Le professeur Claude-Henri Chouard, qui a collaboré avec le professeur d'électro physiologie Patrick MacLeod, et le docteur Bernard Meyer posent le premier implant cochléaire multi-électrodes le 22 septembre 1976. Depuis cette opération, l’implant cochléaire multi-électrodes est le seul implant cochléaire toujours utilisé pour les personnes dont la surdité est trop profonde pour être améliorée par un appareil auditif traditionnel.
En France, l’une des premières bénéficiaires de cette avancée est Joëlle Fournil. Son témoignage, relaté dans ce documentaire de 1993, illustre son parcours : l’opération suivie d’une période de rééducation. Cela lui a permis de retrouver l’audition.

Le débat au sein de la communauté sourde

Dès les années 1990, cette innovation suscite un intérêt croissant, bien que son acceptation ne soit pas unanime, notamment au sein de la communauté sourde. En effet, cette avancée médicale suscite des débats d'ordre éthique et culturel. Certains membres de la communauté sourde voient les implants cochléaires comme une menace pour leur identité, leur culture et la langue des signes française (LSF). L’approche médicale, qui parle de "handicap", est mal perçue car il s'agit avant tout d'une question d’identité pour eux. Ils voient l’implantation cochléaire comme une tentative de "corriger" ou modifier cette identité et la ressentent comme un rejet de leur différence. Le documentaire mentionne ces controverses sans les approfondir. Pourtant, ce débat atteint son point culminant en France au début des années 1990, lorsque l’implant cochléaire devient plus accessible (malgré son coût élevé). En 1993 (année de la sortie du documentaire), l’association Sourds en Colère est créée pour dénoncer le manque de consultation des personnes sourdes et le manque de reconnaissance de la LSF. Elle s’oppose notamment au professeur Chouard, figure clé du développement des implants cochléaires, et critique certaines de ses déclarations. La comédienne Emmanuelle Laborit soutient cette cause.

Riposte dans l'institution médicale

Dans un article du Monde intitulé "Querelle de langage chez les sourds", le Pr Chouard affirme : “La culture sourde est une foutaise. La LSF est utile sur le plan thérapeutique, elle transforme chez certains la notion de handicap en un complexe de supériorité. (...) Une phrase de dix secondes nécessite trente à quarante secondes pour être traduite en langue des signes.” Il estime que la LSF est “un substitut incapable de véhiculer autant de pensées que le langage parlé”. La Dr Fugain, collaboratrice du Professeur Chouard, décrit dans l’un de ses livres la forte opposition à leur travail : “L'hôpital Saint-Antoine [où elle exerce avec le Professeur Chouard] est devenu l'ennemi juré de la puissante association Le Monde des Sourds, et comme les médecins pratiquant des avortements dans les années 60, nous devons parfois être escortés de policiers pour accéder aux conférences où l'on nous convie.”
En 1994, le Comité Consultatif National d'Éthique (CCNE) est saisi pour évaluer ces questions. Il reconnait l’efficacité des implants chez les adultes mais recommande, à une époque où la loi française ne reconnait pas encore la LSF comme une langue à part entière (celle loi n'est votée qu'en 2005), que les enfants implantés apprennent aussi la LSF pour assurer leur développement psychique et social. Il donne ainsi un juste milieu. Si Le documentaire Sortir du silence aborde très peu ces controverses, d'autres émissions le font comme Vers un monde sans sourds ?, issu de la série L’Œil et la main.

Évolution de l’implant cochléaire: de 1993 à nos jours

Le documentaire présente l’implantation cochléaire de 1993. Mais depuis, les avancées technologiques et médicales ont considérablement modifié le processus de cette opération, le matériel utilisé, et la rééducation qui en découle. En 1993, ce parcours de prise en soin était relativement nouveau. La technologie a connu des avancées considérables, proposant une qualité sonore améliorée et une diminution des effets indésirables. L'approche de la rééducation a aussi progressé : loin de se focaliser uniquement sur l'accoutumance à des bruits élémentaires, les patients actuels profitent de traitements plus individualisés et d'équipements plus élaborés, notamment une implantation bilatérale, ce qui facilite une meilleure compréhension et identification des sons dans des contextes plus complexes. De nos jours, les implants cochléaires sont numériques, miniaturisés et sans fil, ce qui permet une écoute plus aisée dans des situations comme les conversations téléphoniques ou dans des lieux bruyants.

Le Minitel : une aide à la communication pour les personnes sourdes et malentendantes

À partir des années 1980 en France, le Minitel est utilisé par les personnes sourdes pour communiquer. Il permet d’échanger par écrit en temps réel, offrant ainsi une alternative au téléphone. Ce reportage montre Joëlle Fournil communiquer avec sa mère avant son opération grâce au Minitel. Selon Yann Cantin (2012), le Minitel a représenté une véritable révolution culturelle chez les personnes sourdes, leur permettant de dialoguer à distance sans dépendre des entendants. Des services comme le 3618 ou "Minitel dialogue" facilitaient les échanges entre utilisateurs sourds. Cependant, son usage n’était pas sans limites. La maîtrise du français écrit était indispensable, ce qui excluait certaines personnes sourdes peu à l’aise avec l’écrit ou le français de manière globale. Le Minitel étant limité à la France, il ne permettait pas de communiquer avec des personnes à l’étranger. De plus, Il s’agissait également d’un dispositif avec un certain coût (tarification à la minute).

Éléments structurants du film

  • Images de reportage : Oui.
  • Images en plateau : Oui.
  • Images d'archives : Non.
  • Séquences d'animation : Non.
  • Cartons : Non.
  • Animateur : Oui.
  • Voix off : Oui.
  • Interview : Oui.
  • Musique et bruitages : Oui.
  • Images communes avec d'autres films : Non.

Comment le film dirige-t-il le regard du spectateur ?

Ce documentaire prend le parti de présenter Joëlle Fournil comme une personne courageuse et persévérante qui s'est trouvée confrontée à l'adversité (une surdité progressive puis totale alors qu'elle avait seulement une trentaine d'années) et qui devient l'héroïne d'une quête : retrouver l'audition pour pouvoir entendre la voix de ses fils. Elle en sort triomphante car effectivement, tout à la fin de l'émission, après de multiples efforts au cours d'une rééducation qui a duré plusieurs semaines, elle réagit vivement à l'appel de son fils. Cependant, le portrait qui est dressé d'elle est très partiel. Il est question très rapidement du fait qu'elle a été licenciée quand elle est devenue complètement sourde mais sa profession n'est même pas nommée, ce qui fait d'elle uniquement une femme au foyer.

Comment la santé et la médecine sont-elles présentées ?

L’implant cochléaire est mis en avant comme une avancée qui transforme la vie des personnes atteintes de surdité profonde. la science médicale apporte une solution technologique et scientifique qui redonne de l’espoir et une ouverture sur le monde et les contact sociaux mais au prix d'une intervention chirurgicale délicate sous anesthésie et d'une rééducation (notamment phonologique) longue et exigeante.
Dans ce documentaire, la surdité est envisagée uniquement comme un handicap et la médecine uniquement dans ses missions de soins et de remédiation. La question de l'opposition de la communauté sourde au principe de l'implant cochléaire au nom d'une identité culturelle n'est évoquée que très brièvement tout à la fin de l'émission.

Diffusion et réception

Où le film est-il projeté ?

25 novembre 1993 sur France 2.

Communications et événements associés au film

Public

Tout public

Audience

Descriptif libre

Introduction
Après un générique extrêmement court accompagné d'une musique donnant une impression de coup de poing, le journaliste Paul Nahon présente le sujet de l'émission sur un ton un peu sensationnaliste. Il parle d'une histoire à la fois extraordinaire et toute simple, dans laquelle interviennent le courage d'une femme et les progrès de la science. La protagoniste de cette histoire "n'est pas une femme comme les autres" en raison d'une surdité totale. Elle a réussi à maintenir une vie familiale et sociale grâce à des "efforts surhumains", jusqu'à ce qu'on lui propose "une opération exceptionnelle". Celle qui a été présentée comme une mère de famille, sans indication de sa profession, "entend enfin les cris de ses enfants". (00:48)

L'histoire de Joëlle : de la surdité à l’implant cochléaire
Un écran de télévision montre un puis deux journalistes. Il s'agit probablement d'un journal télévisé mais le son est coupé et remplacé par un autre qui donne l'impression d'être dans un aquarium ou en tout cas au fond de l'eau. Il s'agit d'une métaphore du monde du silence dans lequel évolue Joëlle Fournil depuis qu'elle est devenue sourde, Le Monde du silence étant le titre du livre où le commandant Cousteau raconte les premières explorations océanographiques (première parution en 1953) et le titre du film que J.-Y. Cousteau a tourné avec Louis Malle en 1954 et 1955.
La caméra dézoome. Une jeune femme, Joëlle Fournil, assise dans un fauteuil, regarde la télévision. Le son aquatique continue tandis que l'appel d'un jeune enfant se fait entendre. Joëlle reste impassible. Un garçonnet descend l'escalier et passe devant elle. Une voix off présente Joëlle : elle vit en banlieue parisienne avec son mari et leurs deux enfants. Elle a souffert d’une surdité progressive pendant plusieurs dizaines d’années puis est devenue sourde subitement 6 mois auparavant. Plan sur ses fils de 5 et 3 ans qui savent qu'il ne servirait à rien de l'appeler car elle ne leur répondrait pas. Les garçonnets jouent avec un magnétophone pour enfants, une musique entrainante remplace les sons aquatiques au moment où la voix off annonce que la famille a un nouvel espoir : on va implanter à Joëlle une "oreille électronique". On notera que ce terme est complètement erroné puisqu'il désigne un procédé inventé par le Dr Alfred Tomatis, destiné à traiter toutes sortes de troubles relevant de l'"audio-psycho-phonologie" et très contesté.
Joëlle explique qu'elle a perdu le peu d'audition qui lui restait il y a six mois. À cet époque, son plus jeune fils, Florent, commençait à peine à parler. Maintenant qu'il parle davantage, elle a vraiment hâte d'entendre pour entendre spécifiquement "les mots qu'il sort". C'est sa motivation principale.
À l'hôpital. Joëlle est allongée sur un lit déplacé par des personnes en blouse bleue. Le titre de l'émission apparaît en capitales d'imprimerie blanches : SORTIR DU SILENCE. Le crâne de Joëlle est rasé du côté gauche, c'est le côté où elle va être implantée. Elle est souriante.
Par une belle journée d'été, la famille Fournil fait une balade à vélo, comme n'importe quelle autre famille. En voix off, Joëlle explique l'origine de sa surdité : elle a fait une encéphalite pendant l'enfance. Elle a perdu toute sa capacité auditive à droite et progressivement à gauche également. Un matin de février 1993, elle s'est levée et s'est aperçue qu'elle n'entendait plus rien du tout. Le son aquatique réapparaît en fond sonore de son interview (daté de juillet 1993). Elle est désormais face caméra, probablement dans le jardin de sa maison. Lorsqu'elle s'est retrouvée complètement sourde, elle a eu l'impression de "tomber dans un trou, dans un vide. [...] C'était la fin de vivre, ça a été l'affolement complet." La famille prend un repas sur la terrasse de la maison tandis que Joëlle continue à décrire, en voix off, sa lutte pour cacher sa surdité et continuer à communiquer. Court dialogue entre Joëlle et son mari. Elle ne réagit pas tant qu'il n'attire pas son attention. Toute la communication repose sur la lecture labiale mais M. Fournil doit fréquemment répéter ou ajouter des gestes pour se faire comprendre. Joëlle explique que l'attention que cela lui demande la fatigue énormément. Elle insiste sur l'importance vitale de la communication : "La communication c’est important, c’est très important. On en a besoin. C’est comme de l’eau." (Elle touche son verre d’eau en même temps).
Joël se promène au marché. Elle choisit des fruits mais a du mal à comprendre le prix que lui indique le marchand. Elle le fait répéter. L'impatience du marchand est visible. Joëlle ne comprend finalement quel était le total que quand il lui rend la monnaie. (05:16)

L'implant cochléaire, une lueur d’espoir
Informée par son audioprothésiste (appelée acousticienne dans le reportage) qui ne pouvait plus rien pour elle à part lui proposer des moyens de masquer des acouphènes très désagréables, Joëlle a rencontré le professeur Chouard.
Plan sur le médecin en costume, assis devant un piano. Il explique rapidement la physiologie de l'audition, tout en dessinant un schéma de l'oreille. Il compare l'organe de Corti à un piano et explique que, chez Joëlle, cet organe a "disparu".
Sur la base de cette explication, la voix décrit le principe de l'implant cochléaire : introduire des électrodes dans l'oreille interne pour stimuler le nerf auditif. Gros plan sur les doigts du prof. Chouard qui montre des électrodes aussi fines que des cheveux. Il est maintenant en blouse blanche, assis dans son bureau. Il décrit les autres composants de l'implant : le récepteur qui est placé sous la peau du crâne (et non dans le crâne), l'émetteur avec une batterie que le patient place dans une poche, un micro placé dans un contour d'oreille semblable à une prothèse auditive conventionnelle et la seconde partie du récepteur placée dans les cheveux, en regard de la première partie, et qui tient par aimantation. Le médecin précise quels patients peuvent bénéficier d'une implantation : ceux qui ont une surdité profonde et pour lesquels les prothèses conventionnelles ne servent à rien et ceux dont le nerf auditif fonctionne bien. Il ajoute un critère supplémentaire : il faut que les patients susceptibles d'être implantés soient fortement motivés, probablement à cause de la longueur de la rééducation.
La famille Fournil se promène dans un parc animalier. M. Fournil explique à son épouse que Florent essaie d'imiter les cris de certains oiseaux. (08:16)
Joëlle et son mari sont invités par le fabricant d'implants cochléaires XMX à visiter leurs ateliers de fabrication. L'accent est mis, notamment visuellement, sur l'asepsie nécessaire dans ses ateliers. Joëlle, son mari et la personne qui les guide et leur donne les explications sont vêtus de combinaisons intégrales blanches. Cette visite est probablement très exceptionnelle (elle ne doit pas être possible pour beaucoup de patients !) Comme la précision concernant le fait que l'implant n'est pas placé dans le crâne mais juste sous le cuir chevelu, cette séquence sert vraisemblablement à contrer les détracteurs de cette technique en leur montrant combien les conditions de fabrication des implants sont strictes, ce qui garantit leur innocuité. Pendant cette visite, Joëlle compte beaucoup sur son mari pour lui répéter et reformuler ce que leur dit l'employé qui les reçoit mais il semble qu'elle ne comprenne qu'une petite partie des explications.
Joëlle a désormais toutes les informations nécessaires pour se représenter dans quoi elle s'engage : aspect des différentes parties de l'implant et durée de la rééducation post opératoire. Grâce au Minitel, elle envoie un message à sa mère pour lui donner les derniers détails sur son hospitalisation. (09:40)

La chirurgie
Au bloc opératoire, gros plan sur le regard concentré du professeur Chouard. L’implantation cochléaire est une opération à la fois simple et compliquée car elle se déroule à proximité du nerf facial. L'opération se pratique avec un microscope avec contrôle sur un écran. Succession de gros plans sur les visages des collaborateurs du chirurgien qui commente ses gestes, et sur ses mains, notamment au moment où il sort les électrodes de leur boîte pour les mettre en place.
Venant compléter les explications du professeur Chouard quelques instants plus tôt, la voix off explique que l'opération dure deux heures et qu'elle s'adresse à deux types de patients : des adultes devenus sourds dont le nerf auditif est intact et de très jeunes enfants nés sourds qui doivent être implantés très tôt afin de profiter de la période sensible du langage. Elle n'est pas conseillée aux sourds congénitaux adultes.
La caméra a dézoomé, on peut voir le bloc opératoire dans son ensemble, ce qui donne l'impression qu'on s'en éloigne parce que l'opération se termine. (11:22)

Rééducation post-opératoire
Joëlle entre dans le bureau du Dr Claude Fugain, phoniatre. Elle porte une couleur de rouge à lèvre beaucoup plus vive que dans les séquences précédentes et presque assortie à la couleur de sa cicatrice ! (Peut-être ne portait-elle même pas de rouge à lèvre précédemment.) Dix jours se sont écoulés depuis l'opération. Le médecin met en place les deux éléments extérieurs de l'appareillage, elle va procéder aux premiers réglages. La cicatrice de l'opération est bien visible car les cheveux de Joëlle n'ont évidemment pas encore repoussé. Dès l’activation de l’implant et le lancement des premiers sons, Joëlle sursaute violemment. Elle dit que le son est fort et que "c'est surprenant". Elle lève la main quand elle entend un son. Le médecin confirme que la première électrode testée fonctionne bien puis s'emploie à tester les 14 autres. Ensuite, elle fait entendre à Joëlle les bruits de la pièce, après l'avoir prévenue que ce sera peut-être "un peu difficile". Joëlle sursaute de nouveau quand elle entend la voix du médecin puis réagit fortement en entendant sa propre voix. Son émotion est telle qu'elle oscille entre rires et larmes. Elle compare les sons qu'elle perçoit à ceux d'un xylophone.
Musique de jazz avec xylophone. Joëlle marche dans la rue par temps de pluie. En voix off, elle explique qu'au départ, elle a pensé qu'elle n'arriverait jamais à décoder ces sons de xylophone. Pourtant : "En 48h, ce n'était déjà plus un xylophone, des mots commençaient à s'ébaucher."
Retour du prof. Chouard devant son piano pour donner des explications complémentaires sur la physiologie de l'oreille interne, la remédiation par implant cochléaire lorsque l'organe de Corti est détruit et le principe d'un implant multi-électrodes.
C'est le Dr Fugain qui réalise toute la rééducation phonologique de Joëlle. Elles sont assises de part et d'autre d'un bureau, Joëlle tournée de côté pour ne pas pouvoir lire sur les lèvres de la phoniatre. Cette dernière prononce des noms de légumes que Joëlle doit répéter. Pour le moment, elle rencontre encore beaucoup de difficultés.
Le prof. Chouard en voix off puis de retour dans son bureau explique que les patients mettent 10 à 15 jours à reconnaître les mots du langage dans la vie quotidienne (c'est-à-dire que leur cerveau commence à associer une signification aux sons qu'ils perçoivent).
La rééducation va durer deux mois, à raison d'une séance quotidienne, ce qui est déjà très astreignant, mais le documentaire précise encore qu'il faut pour cela qu'elle fasse 150 km aller-retour.
Joëlle se trouve dans le VSL qui la conduit à sa séance de rééducation (ces trajets étant pris en charge par la Sécurité sociale). Elle exprime son étonnement par rapport à la vitesse à laquelle son cerveau s'est mis à transformer les sons de xylophone en mots et explique aussi que cette rééducation demande de la persévérance et un travail acharné. D'autres séances de rééducation où le Dr Fugain lui fait travailler la perception de l'intonation ou lui pose des questions sans la laisser lire sous les lèvres confirment la difficulté de ce parcours.
Nouveau trajet en VSL. La conductrice propose à Joëlle d'écouter la radio. Cette dernière entend que la radio est allumée, sans comprendre ce qui se dit. Elle pense que : "Ça viendra plus tard." (20:15)

Mise en pratique dans la vie quotidienne
Joëlle est assise sur le canapé, chez elle. Ses fils sont assis par terre et dessinent sur la table basse. Ils dialoguent tous les trois. Joëlle est manifestement encore très dépendante de la lecture labiale, d'autant plus que son plus jeune fils n'articule pas encore très clairement. Son mari arrive dans la pièce. En voix off, elle raconte qu'elle a passé "six mois et demi noirs" (lorsqu'elle est devenue totalement sourde) mais que maintenant elle a l'impression de "recommencer une nouvelle vie, une plus belle vie." (21:24)

Poursuite de la rééducation
Nouvelle séance de rééducation : cette fois, le Dr Fugain demande à Joëlle de répéter des phrases assez longues hors contexte. Elle réussit à reconnaître une phrase issue d'une chanson par sa mélodie. Nous sommes en septembre 1993, soit presque 2 mois après l'opération. Le professeur Chouard interrompt la séance pour vérifier sa cicatrice et lui demander comment elle va. Elle répond qu'elle est contente et que "Ça marche bien." (22:31)

La redécouverte de certaines sons
Joëlle prépare un gâteau dans sa cuisine. Elle réagit tout de suite lorsque le micro-ondes sonne. Elle cherche à identifier tous les sons qu'elle perçoit de nouveau, par exemple les oiseaux et les enfants au premier étage de la maison.
Elle explique qu'il y a une chose qu'elle apprécie beaucoup, c'est de pouvoir débrancher son appareil pour avoir le silence complet pour dormir. Joëlle entre dans la salle de bain. Reprise des sons aquatiques jusqu'au moment où elle reconnecte l'appareil et sa batterie. Elle met en place le contour d'oreille et le récepteur aimanté.
En séance de rééducation, le Dr Fugain lui demande d'identifier les voix d'hommes et de femmes sur un enregistrement.
Joëlle se rend aussi au rayon musique de la FNAC pour découvrir la musique. Elle explique à un vendeur : "Je suis comme un enfant de 3 ans qui redécouvre la musique." Il lui fait écouter une musique au piano. De retour chez elle, elle place un CD dans le lecteur d'une chaîne stéréo. Une musique de jazz brillante se fait entendre. Elle dit que c'est un plaisir pour elle de vivre avec un peu de musique. Elle insiste également sur le rôle de l'entourage pour rechercher et identifier les bruits et sur la nécessité d'avoir du courage, de la volonté et de ne pas se laisser aller car l'opération elle-même n'est que le début. "Il faut beaucoup de travail."
Pour montrer les progrès qu'elle a faits depuis son implantation, le reportage montre qu'elle réagit de plus en plus aux bruits de son environnement familier comme celui de l'alarme de sa machine à repasser, ainsi que la sonnerie du téléphone. Elle peut même tenir une petite conversation au téléphone sans trop de difficultés. Néanmoins elle précise qu'elle a encore du mal à reconnaître les voix au téléphone et ne se sent pas sûre d'elle-même.
Joëlle se rend chez son audioprothésiste avec l'un de ses fils. Elle explique qu'elle peut enfin parler avec des gens dans la rue et qu'elle a envie de contacts. L'audioprothésiste est ravie de la voir et lui confirme que sa voix a changé.
Elle continue également à s'exercer en combinant ce qu'elle perçoit grâce à l'implant et la lecture labiale pour essayer de comprendre la télévision. Elle dit qu'"il y a des phrases qui passent". Son mari exprime son soulagement car elle peut désormais prendre en charge certaines tâches comme répondre au téléphone ou réagir à un bruit. Joëlle décrit la situation de son mari par ces mots : "En somme, il avait quatre oreilles pour toute la maison." Ils sont tous les deux surpris et émerveillés des résultats de l'opération et de la vitesse des progrès de Joëlle. (30:01)

Fin de la rééducation
Octobre 1993, la rééducation touche à sa fin. La dernière séance engtre le Dr Fugain et Joëlle commence par une discussion dans une rue animée. Elles se rendent dans un café pour exercer son audition dans un milieu bruyant et habituer son cerveau à filtrer les sons superflus. Elle exprime d'ailleurs qu'elle essaie de faire passer certains sons "en arrière-plan", même si c'est difficile.
Pour la première fois dans tout le reportage apparaît le sujet de l'activité professionnelle de Joëlle. Elle a été licenciée quand elle est devenue complètement sourde. Elle dit qu'elle voudrait reprendre un travail mais à aucun moment sa profession n'est nommée.
La phoniatre lui explique que désormais il faut qu'elle reprenne une vie normale avec son implant et qu'elles se reverront un mois plus tard pour faire un bilan.

Objectif atteint !
Joëlle joue par terre avec le petit Florent. Elle tourne le dos à son fils ainé, Nicolas, qui dessine, assis à un bureau dans une pièce attenante. Tout à coup, Nicolas appelle : "Maman !". Joëlle se retourne instantanément et lui répond : "Oui ?" Le générique apparaît en lettres blanches. Reprise de la petite musique de jazz avec xylophone.

Informations complémentaires
La journaliste Marie-Odile Monchicourt est reçue par Paul Nahon dans le décor bleu sombre du plateau de l'émission pour donner des informations complémentaires sur l'origine de l'implant cochléaire et élargir le sujet au-delà du cas particulier de Joëlle Fournil. Elle explique que l'implant est très violemment critiqué par des personnes sourdes qui pratiquent la LSF et qui posent le problème en termes d'identité culturelle

Le regard des orthophonistes : capacités linguistiques de Joëlle avant et après implant cochléaire
Avant son implant cochléaire, Joëlle présentait des omissions de phonèmes, notamment pour ce qui s’agit des fricatives. Sa prosodie était également altérée : sa voix était souvent trop aiguë et manquait de modulation tonale. Elle s’appuyait uniquement sur la lecture labiale pour comprendre son interlocuteur. Après l’implant cochléaire, elle dit que son intelligibilité s’est nettement améliorée. Elle n’a plus besoin de lire sur les lèvres, comme en témoigne la séquence où son fils l’appelle alors qu’elle lui tourne le dos (32’06). Cela lui permet une meilleure communication notamment pour parler au téléphone. Sa prosodie s’est également ajustée : sa voix est devenue moins aiguë et sa modulation plus fluide, bien qu’elle reste encore légèrement altérée. De plus, elle ne présente plus d’omission de phonèmes. Malgré ces progrès, certaines situations comportent des difficultés. Joëlle déclare avoir des difficultés à reconnaître les voix au téléphone et à suivre une conversation dans un environnement bruyant.

Références et documents externes

Anon., Comment téléphoner avec un implant cochléaire ?, Centre d'information sur la surdité et l'implant cochléaire. (Consulté le 5 novembre 2025.)
Anon., "Querelle de langage chez les sourds", Le Monde, 25 mai 1994.
Aubin-Karpinski, Ludivine, "Il y a 45 ans, l'épopée de l'implant cochléaire", Audiologie demain, octobre 2021, vol.18. (Consulté le 16 octobre 2025.)
Cantin, Y., Le Minitel et son impact sur la communauté sourde française, 21 juin 2012. (Consulté le 5 novembre 2025.) Chemin, A., "Des implants dans le creux de l'oreille", Le Monde, 17 juin 1987.
Chouard, CH, Entendre sans oreille, Robert Laffont, collection Un homme et son métier, Paris, 1978.
Chouard, CH, "Histoire de l'implant cochléaire", Annales français d'oto-rhino-laryngologie et de pathologie cervico-facial, 2010, 117. (Consulté le 5 novembre 2025.)
Follea, L., "En application d'un rapport d'évaluation technique sur les implants cochléaires Mme Veil et M. Douste-Blazy décident de surveiller plus étroitement le devenir des enfants sourds "implantés", Le monde, 23 septembre 1994.
Fournil, J., Adultes implantés : Joëlle implantée en août 1993, Centre d'information sur la surdité et l'implant cochléaire. (n.d.) (Consulté le 5 novembre 2025.)
Fournil, J., Mon témoignage IC, OTICON Médical, (n.d.) (Consulté le 5 novembre 2025.)
Fugain, Claude et Violaine de Montclos, Médecin des voix, Grasset, 2009.
Meyer, B., Contribution à la réhabilitation chirurgicale des surdités totales par implantation intracochléaire ’électrodes multiples. Thèse Médecine, Univ Paris VII, Paris, 1974.
Phillipe, La Révolution du Minitel chez les sourds . 19 février 2009. (Consulté le 6 novembre 2025.)
Scala, B., L'Implant made in France, Audiologie demain, avril-mai 2020. (Consulté le 3 novembre 2025.)

Contributeurs

  • Auteurs de la fiche : Sarah Benmahdi, Tasnim Redjem, Élisabeth Fischer-Fuchs