Un jour comme les autres (1951)

De Medfilm



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Titre :
Un jour comme les autres
Année de production :
Pays de production :
Réalisation :
Interprétation :
Durée :
24 minutes
Format :
Parlant - Noir et blanc - 16 mm
Langues d'origine :
Sous-titrage et transcription :
Sociétés de production :
Commanditaires :

Générique principal

« Ce film a été produit pour le comte de l’Institut National de Sécurité ; avec le concours de l’Organisme Professionnel de Prévention du Bâtiment et des Travaux Publics. Les Films Jaqueline Jacoupy, et Intermondia Films J.P. Guibert présentent. Un film de Georges Rouquier. avec Jacques Marin, Jaqueline Gaudin. et Bugette. Images de Georges Delaunay ; Assistant, Louis Scossa. Ingénieur du son, René Lecuyer ; Assisté de Lucien Moreau, et Constantin Kostromine ; Son, Studios Marignan. Montage, Daniel Lecomte ; Laboratoire, Eclair Epinay ».

Contenus

Sujet

Prévention des accidents du travail dans le bâtiment.

Genre dominant

Fiction

Résumé

Pierre Lamblin est couvreur-zingueur et habite avec sa femme Madeleine et leur fille à Maisons-Lafitte près de Paris. Comme tous les matins, il s’habille rapidement pour se rendre à son travail en train. La journée sur le chantier se déroule normalement jusqu’à ce qu’il se rende sur une portion de toit pour exécuter un petit travail qui lui a été demandé par le chef de chantier. Ne s’étant pas équipé pour assurer sa sécurité, il glisse et, manquant de tomber dans le vide, se raccroche in extremis à la gouttière. Ses camarades réussissent à le récupérer avant qu’il ne lâche prise. Une fois le danger écarté, il se fait sermonner par le chef qui lui rappelle qu’assurer sa sécurité n’est pas une option. Tout au long du trajet qui le ramène chez lui, il songe aux conséquences que sa mort aurait pu avoir pour sa famille.

Contexte

Encadrement législatif du secteur industriel

Les révolutions industrielles de XIXe siècle ont permis à la France de se doter d’une industrie lourde à l’image du Royaume-Uni ou de l’Allemagne. En même temps que la taille des usines, les risques auxquels sont exposés les ouvriers qui y travaillent s’accroissent. Dès cette époque, des politiques de régulations sont tentées par les pouvoirs publics. Après la loi Le Chapelier du 17 juin 1791 qui supprimait les corporations, la loi du 22 mars 1841 interdit le travail au-dessous de l’âge de huit ans. La loi Waldeck-Rousseau autorise les syndicats en 1884, puis celle du 13 juillet 1906 institue le repos hebdomadaire. La loi des huit heures est adoptée en 1919 et celle instaurant deux semaines de congés payés et les conventions collectives en 1936.

Mesures sécuritaires

Simultanément, la question de la protection physique des ouvriers gagne en importance. La loi du 2 novembre 1892, crée le corps des inspecteurs du travail et celle du 12 juin 1893 sur l’hygiène et la sécurité des travailleurs dans les établissements industriels constitue le socle fondateur de la législation sur la sécurité au travail. Au cours des décennies suivantes, les employeurs eux-mêmes se penchent sur le problème, qui est dans l’intérêt du maintien de la force de travail des ouvriers et in fine de la productivité de l’entreprise.

L’Institut National de Sécurité (INRS) et l’Organisme Professionnel de Prévention du Bâtiment et des Travaux Publics (OPPBTP) sont créés en 1947. Les questions d’hygiène et de sécurité au travail sont ainsi institutionnalisés alors que, la guerre terminée, le bâtiment et les travaux publics sont en première ligne pour la Reconstruction.

Éléments structurants du film

  • Images de reportage : Oui.
  • Images en plateau : Non.
  • Images d'archives : Non.
  • Séquences d'animation : Non.
  • Cartons : Non.
  • Animateur : Non.
  • Voix off : Non.
  • Interview : Non.
  • Musique et bruitages : Oui.
  • Images communes avec d'autres films : Non.

Comment le film dirige-t-il le regard du spectateur ?

Le film repose sur un scénario fictionnel et cependant très réaliste. Un jour qui commence « comme les autres » pour un ouvrier et sa famille jusqu’à ce qu’un événement imprévu manque de tout bouleverser et aboutit à une profonde remise en question chez le principal protagoniste de l’histoire. La scène de l’accident constitue une véritable césure entre la première partie du film, assez banale, et la seconde partie empreinte de gravité. Le récit du film emploie le conditionnel : "que serait-il passé si...". Pour intensifier son message sécuritaire, il montre deux fois la même scène où l'ouvrier s'expose à l'accident : une première version, correspondant à la situation réelle, montre l'accident évité, une seconde montre l'accident qui se produit réellement, actualisant la situation tragique à laquelle l'ouvrier imprudent a échappé. Cependant, en mettant en images la seconde version, le film lui donne une réalité équivalente aux regard du spectateur. Le cinéma ne peut pas présenter des situations conjuguées au conditionnel sa grammaire reposant non sur des symboles mais sur des incarnations de réel. Rouquier en joue pour donner plus d'impact à la mise en garde dont il a la charge.

Comment la santé et la médecine sont-elles présentées ?

Bien que la scène de l’accident et des conséquences fatales qui auraient pu en résulter soient reprise plusieurs fois, la santé et la médecine ainsi que leurs représentants ne sont que symboliquement représentés par le bruit d’une sirène d’ambulance.

Diffusion et réception

Où le film est-il projeté ?

Cinémas d'exploitants, milieux professionnels.

Communications et événements associés au film

Public

Ouvriers du bâtiment, tout public

Audience

Descriptif libre

[00’00]


Plan général. Le jour se lève sur une avenue et les arbres et immeubles qui la bordent. Les lampadaires sont encore allumés. Quelques cyclistes et piétons passent. Au second plan, une voiture tourne à un carrefour. La séquence est reprise six fois jusqu’à la fin du générique. Une cloche d’église sonne 07 heures. Bruits d’un sifflet de locomotive à vapeur au lointain et d’un cheval qui trotte, illustrations sonores d’une ville qui se met lentement au travail quotidien. Le sifflet retentit à nouveau, mais plus rapproché.

[01’10]


Un matin ordinaire

[01’10]

Autre plan général et plan d’ensemble. Le tronçon rectiligne d’une ligne de chemin de fer à double voie dans une tranchée bordée d’immeubles. Un train composé de voitures de voyageurs et tracté par une locomotive-tender à vapeur s’avance face à la caméra avec un panache de fumée. Celui-ci s’élève entre les maisons au passage du convoi. Autre plan d’ensemble et plan moyen. Un immeuble parmi d’autres. La cloche déjà entendue précédemment sonne le quart d’heure. Une lumière est visible à travers une fenêtre.

Nouveau plan d’ensemble. Une jeune femme ouvre la porte de la chambre à coucher où dort son mari. Elle secoue celui-ci : « Pierre. Allez, Pierre ! Tu vas être en retard, le quart a sonné depuis un bon moment ». Elle retire les draps et ajoute : « Dépêche-toi, le café est prêt ». Elle quitte ensuite la pièce tandis que son mari, s’asseyant au bord du lit, se gratte les cheveux et baille, encore à moitié endormi. Autre plan d’ensemble. S’étant levé, il va à la fenêtre, soulève le rideau pour jeter un regard au-dehors et le laisse retomber. Il se retourne et ramasse l’ours en peluche de sa fille qui trainait par terre et le dépose sur le lit de celle-ci qui dort encore. Plan moyen. Il se penche sur elle et dit : « T’en as d’la veine, toi ». Il lui baise la main gauche et ajoute : « T’as raison va. Profites-en ».

[02’37]

Autres plans moyens. Dans la cuisine, sa femme a dressé la table pour le petit déjeuner et beurre le pain. Puis elle prend le pantalon de Pierre qui se trouve sur une chaise, l’examine et le repose sur une autre chaise : il est bien usé. Elle prend ensuite la casserole de café et en verse le contenu dans le bol de Pierre qui arrive dans la cuisine et l’embrasse sur la joue. « Tu piques ! Quand tu seras rasé » lui dit-elle en l’écartant de la main. Il n’insiste pas et s’assied. Après avoir posé la casserole et s’être elle-aussi assise, elle lui fait observer qu’il lui faudrait un nouveau pantalon car celui-ci est trop usé. Face à son peu de réaction (« On verra »), elle insiste en se demandant ce que les gens vont penser d’elle. Il lui répond qu’il a « une gueule sympathique » et que les gens ne le regardent pas « de dos ». Plan rapproché taille. « Têtu, va » lui rétorque-t-elle en le prenant par la tignasse. Il lui fait remarquer qu’elle a aussi un vieux manteau. « Ah non ! Tu ne vas pas recommencer » le rabroue-t-elle. « Ah ! tu vois comme tu es de mauvaise foi ! » lui répond-t-il. Elle se plaint de devoir penser à tout et lui rappelle qu’il y a la mensualité des meubles à payer « la semaine prochaine » et le gaz aujourd’hui même. Pierre lui demande si elle aura assez d’argent. Plan rapproché poitrine de profil gauche de sa femme qui lui répond qu’elle se débrouillera. Pour la rassurer, il lui rappelle qu’il a des heures supplémentaires. Elle ajoute qu’il lui faudra bientôt penser à leur fille. Retour au plan rapproché taille. Ils poursuivent leur conversation tout en mangeant leurs tartines et en buvant leurs bols de café. Elle pense qu’ils n’auraient pas dû acheter à crédit, d’autant qu’il y a aussi le terrain. Il en convient mais considère que son travail marche bien. « Tu verras après… Quand le terrain sera à nous… » dit-il en souriant et en clignant de l’œil. La cloche sonne la demi-heure. Il se lève précipitamment et court finir de se préparer.

[04’30]

Plans américains. Tout en se rasant et en se brossant les dents, il lui dit qu’une fois le terrain payé, ils pourront, grâce à la loi Loucheur, être propriétaires en payant leur loyer et que ce sera autre chose que cette « maison en papier ». Affairée au rangement de la table, elle tempère son enthousiasme : « on n’y est pas encore ». « Ça viendra » lui répondit-il avant de lui demander à combien de mensualités ils en sont pour les meubles. C’est d’après elle la vingt-sixième. Il constate joyeusement qu’il n’en reste plus que la moitié. « T’es pas pessimiste, toi » ironise-t-elle avant de lui demander s’il n’aurait pas pu lui dire qu’un bouton manquait. Tout en mettant et en boutonnant sa chemine, il revient dans la cuisine et reconnait qu’il n’y avait pas pensé. Il la presse pour avoir son « froc » ; elle lui tend ce sale pantalon. Tout en l’enfilant et en le boutonnant, il lui demande de s’approcher de lui pour une « petite bise ». Ils s’embrassent et se sourient.

Plan rapproché poitrine en plongée. Le sommeil de leur fille, qui dans son lit bouge la tête de gauche à droite puis se tourne entièrement à droite et remonte ses draps, semble déjà plus que léger. Hors champ, Pierre et sa femme chuchotent. Elle lui remet ses chaussures. Il demande son « cuir » en parlant plus fort. Elle le lui donne aussi en lui disant de ne pas crier pour ne pas réveiller leur fille.

Plan américain. Tous deux sont dans le couloir. S’apprêtant à sortir, il se retourne vers elle et lui dit de demander à « Mme Hénin » de garder leur fille ce soir pendant qu’ils iront au cinéma. Ouvrant la porte et mettant à l’épaule sa besace qu’elle lui tend, il ajoute qu’il leur faut se distraire car ils ne sortent pas beaucoup. Il jette un coup d’œil sous sa robe de chambre ; elle le réprimande gentiment. Ils s’embrassent et se disent « au revoir ». Elle lui adresse un petit salut de la main alors qu’il descend l’escalier et referme la porte.

[06’20]


Dans le train, les conversations de tous les jours

[06’20]

Plans d’ensemble et généraux. Le soleil est maintenant levé et les lampadaires sont éteints. Des cyclistes passent dans la rue. Après un dernier regard sur la fenêtre de son appartement, Pierre se dépêche d’aller à la gare où le train arrive déjà, attendu par de nombreux voyageurs. Sifflet de locomotive. Pierre arrive en courant et rattrape une connaissance, « Marcel », sur le trajet. Un panache de fumée s’élève jusqu’au pont surplombant la gare où passent piétons et voitures. Les coups de sifflet de la locomotive et ceux du chef de gare pressent les retardataires. Pierre et marcel se dépêchent de monter dans l’une des voitures. Nouveau coup de sifflet de la locomotive qui s’ébroue dans un nuage de vapeur, quittant la gare dont le nom, Maisons-Laffitte, est révélée par un panneau sur le quai. La dernière voiture s’éloigne.

Plans rapprochés taille, plans moyens et plan d’ensemble. Dans le train, Marcel demande à Pierre comment va son travail. Celui-ci répond qu’il en a encore « pour un moment » sur le chantier et lui retourne la question. « La mécanique, ça va toujours » lui répond Marcel. Il lui demande ensuite ce qu’il pense des vélomoteurs. Une femme lit un roman. La conversation se poursuit en hors champ. Marcel répond que ce n’est pas commode en hiver. Pierre pense que c’est quand même économique, ce dont l’autre convient car un garage ou une assurance sont inutiles. Quatre passagers jouent aux cartes. L’un d’eux, visiblement pressé, grille la politesse à son voisin et abat une carte. « Vous permettez, mon cher » apostrophe celui-ci. « C’est un peu long » répond le premier. Trois jeunes hommes discutent de football et du match de la veille. Deux jeunes femmes, une brune et une blonde, s’entretiennent au sujet d’une troisième. L’une croit qu’il s’agit d’Andrée mais l’autre parle de « la grande Albertine, la sœur à Lucienne ». Retour sur les trois jeunes hommes. Celui du milieu demande à son copain de droite s’il connait la jeune femme blonde. L’autre secoue la tête. Une femme pousse du coude sa voisine et lui parle des « jumeaux de la fille Baron ». Ceux-ci lèvent leurs nez de leurs livres. Retour sur la femme qui soupire qu’elle aurait « tant aimé avoir des jumeaux. Retour sur les quatre hommes jouant aux cartes. La partie s’accélère, les cartes s’abattent et le même qui avait précédemment apostrophé son voisin lève la main pour ralentir les autres et appuie son geste d’un « pas trop vite ». Plan général. Un paysage industriel défile à la fenêtre, le train passe devant la gare de triage des Batignolles qui annonce l’arrivée à Saint Lazare.

[08’14]


Pierre au travail et sa femme au marché

[08’14]

Fondu de transition et plan panoramique en plongée du Sacré-Cœur de Montmartre, dont le bourdon sonne l’heure, aux toits du quartier de Clignancourt, dans le 18e arrondissement. Il s’arrête à un immeuble en construction sur le site des anciens magasins Dufayel. Plan d’ensemble en plongée, plan fixe et autres plans d’ensemble. Le chantier est en pleine activité. Un sceau est hissé par une grue. Un ouvrier étale les nouvelles voliges sur la charpente tandis qu’au second plan, un autre retire les anciennes. Le chef de chantier s’approche de deux ouvriers et demande à l’un d’eux, Paulo, pour combien de temps il en a encore. « Une heure et demie » répond celui-ci. « Ça dort, ça dort, grouilles-toi » le relance le chef avant de s’éloigner.

Plan moyen. Alors qu’un de ses collègues amène des feuilles de tôle. Pierre cloue d’autres voliges sur les chevrons. Le chef arrive, lui donne une tape amicale sur l’épaule et leur demande si ça va. Ils répondent par l’affirmative. Il examine brièvement la partie de toiture déjà terminée puis revient vers Pierre pour lui demander d’aller remettre des feuilles en place sur un pignon « avant la soupe ». Celui-ci demande s’il y a une échelle. Il répond que oui mais lui dit de chercher une ceinture au magasin car c’est un toit à l’impériale. Tandis qu’il s’en va, Pierre dit à son collègue que ce chef est une vraie mère pour eux, comme il a déjà dit à sa femme Madeleine. L’autre lui dit qu’elle ne doit pas « s’embêter » avec lui. Pierre lui répond qu’elle doit être au marché.

[09’54]

Fondu de transition et plan fixe. A la vitrine d’un magasin. Une boîte sur laquelle se trouve le fer à repasser qu’elle est destinée à contenir tourne sur un présentoir rotatif, mettant en valeur le produit. A côté se trouve un miroir de table dans lequel apparait le visage de Madeleine. Plan américain. Son regard est fixé sur l’appareil ménager. Elle semble être intéressée, mais hausse les épaules, se retourne et s’en va. Ce sera peut-être pour une autre fois.

Plan panoramique puis succession de plan rapproché taille, de gros plans sur le visage de Madeleine, de plans moyens et de plans fixes. La jeune femme arrive au marché où elle fait habituellement ses courses. Au milieu du brouhaha des commerçant hélant les potentiels clients, elle examine les produits sur les étals et surtout les prix, hésitant sur ce qu’elle va acheter. Elle parvient cependant à faire son choix chez une maraîchère et un boucher.

[10’57]


L’incident

[10’57]

Ecran noir de transition puis plan général et plan moyen. Retour au chantier de construction. La journée de travail se termine. Pierre cloue une feuille de tôle. A quelques mètres face à lui, son collègue regarde sa montre, lui dit qu’il n’y a plus qu’une heure et lui demande s’il « paiera le coup ce soir ». Pierre est d’accord mais à condition qu’il se dépêche. Portant son regard vers le toit à l’impériale, il se rappelle soudain le petit travail que lui a demandé Jules, le chef du chantier. Il avise son collègue qui appelle un autre ouvrier pour finir le travail. Plan moyen. Penché par-dessus un mur en construction, Jules demande à l’ouvrier en question de vite rejoindre Paulo, le collègue de Pierre, qui a besoin de lui. Plan général, plan moyen et plan d’ensemble. Tandis que le travail se poursuit sur le chantier. Pierre marche sur le faîte du toit à l’impériale pour se rendre à l’endroit que lui a indiqué Jules, mais il ne s’est pas équipé d’une ceinture. Arrivé à l’échelle, il en entame la descente. Plan moyen en plongée. Jules donne des consignes à un ouvrier et, relevant la tête, voit la scène et n’en croit pas ses yeux. Retour sur Pierre qui essaie de remettre les feuilles en place. Il essaie de remettre en place les feuilles de tôle, essaie avec le pied droit de prendre appui sur un chevron, perd l’équilibre et glisse vers le vide. Retour au plan moyen en plongée. Jules et l’ouvrier se précipitent. Autre plan identique. En danger de mort, Pierre se cramponne avec les deux mains à la gouttière. Alternance de plans d’ensemble et de plans généraux. Des ouvriers se précipitent par les escaliers et les échelles pour lui porter secours. D’autres observent la scène avec effroi. Bruit de sirène de voiture de pompiers. « Des cordes ! » crie un ouvrier. Retour au plan en plongée, puis plan moyen et plan rapproché poitrine. Pierre se maintient mais commence à faiblir. Par bonheur, Jules et un ouvrier arrivent et réussissent à le récupérer par les jambes. Le tenant bien ferme, le chef de chantier le traite d’« andouille ».

[12’42]

Fondu de transition et alternance de plans rapprochés taille, de plans d’ensemble et de plans moyens. Pierre, assis face à un brasero et sonné, se fait sermonner par le chef de chantier qui commence par lui rappeler sa chance que la gouttière ait tenue et espère qu’il réfléchira à l’avenir. Pierre lui dit de la fermer mais il reprend de plus belle pour, dit-il, se soulager et évacuer sa peur. Rabrouant l’autre ouvrier présent qui veut le calmer, il rappelle à Pierre une chute mortelle trois ans plus tôt et s’emploie à le faire réfléchir sur les conséquences d’un accident mortel : le deuil pour les collègues et la famille, de surcroit la misère pour celle-ci. Il n’a aucune envie d’annoncer sa mort à sa femme et, insistant sur sa propre responsabilité, lui reproche d’être imprudent malgré les affiches et les films de prévention. Il ajoute qu’il doit être attentif à lui-même au travail comme dans la vie et lui martèle les consignes de sécurité qui doivent devenir pour lui un automatisme, sinon un jour ils pleureront « une bonne vieille noix de copain ». Pendant son sermon, L’autre ouvrier s’allume une cigarette qu’il passe ensuite à Pierre. Mi-sérieux, mi-ironique, le chef de chantier confie à Pierre qu’ils seraient surtout embêtés de devoir se cotiser pour une couronne. « Tu ne vas pas me mettre dans les frais » lui dit-il avec le sourire. Puis il lui dit de rentrer chez lui, la journée étant terminée et le chantier rangé en dix minutes. Pierre se lève et s’en va. L’autre ouvrier le salue et Jules ajoute qu’il compte sur lui demain.

[15’07]


« Si la gouttière n’avait pas tenu… »

[15’07]

Fondu de transition et plan d’ensemble. Un train de banlieue quitte la gare St-Lazare. Second fondu de transition et plan rapproché taille. Dans l’une des voitures, à côté d’une portière, sa cigarette fumant dans la main gauche, Pierre est plongé dans ses pensées.

Gros plan de face. Son regard se fige. En voix-off revient la question de Jules sur ce qui serait arrivé « si la gouttière n’avait pas tenu ». Bruit de sonnerie. Fondu de transition, plan en plongée et plan moyen. Il se revoit s’accrochant à la gouttière, les jambes pendant dans le vide. Retour au plan en plongée, puis alternance de plans moyens, rapproché taille d’ensemble en plongée et contre-plongée et plans généraux. Il imagine la gouttière cédant sous le poids au moment où Jules allait le saisir et lui tombant dans un grand cri pour s’écraser en bas. Les ouvriers s’approchent et constatent qu’il est mort. Tandis que le contremaître s’assied, atterré, les collègues de Pierre se découvrent. Bruit de sirène s’atténuant progressivement. Pierre gît toujours au sol. En voix-off, sa fille dit : « Mort ».

Ecran noir de transition et plan rapproché taille. Caressant son ours en peluche, elle répète : « Mort ». Plan rapproché poitrine. Déposé sur une civière, le corps de Pierre est recouvert d’un drap blanc sans que ses yeux n’aient été fermés. Deux ouvriers soulèvent la civière dont le portage est suivi par l’objectif de la caméra, tandis une cloche sonne le glas. En voix-off, Jules dit que se lamenter est inutile, le mal étant fait. Autre plan moyen. Deux employés de pompes funèbres jettent des pelletées de terre dans une fosse.

Fondu de transition et retour au gros plan du visage figé de Pierre dans le train. A nouveau la voix de Jules parlant de la gouttière. Plans d’ensemble. Pierre chute mortellement. Fondu de transition et plan rapproché poitrine en plongée. Jules est devant l’appartement de Pierre. En off revient la remarque qu’il lui a faite sur l’annonce de son décès à sa femme. La tête baissée, il retire son chapeau et appuie sur la sonnette. Bruit de pas. Plan moyen. Madeleine, qui s’apprêtait apparemment à sortir, ouvre la porte et lui dit bonjour d’un ton enjoué. D’une voix blanche, le chef d’équipe lui dit qu’ils l’aiment bien, que son mari a eu « un coup dur » et qu’il est inutile de l’attendre. Plan rapproché poitrine. Le visage de Madeleine se fige. Bruits de sifflet d’une locomotive et de passage d’un train.

Nouveau retour au plan rapproché taille de Pierre gisant au sol. En off revient la voix de Jules lui rappelant la chute mortelle d’un ouvrier italien trois ans plus tôt. Plan moyen de face. Jules et Madeleine devant la tombe de Pierre. A l’arrière-plan à gauche, les deux fossoyeurs observent la scène. La cloche sonne le glas. Elle porte son mouchoir à son visage pour pleurer. Il la fait se retourner pour quitter le cimetière. Plans fixes en plongée. Des couronnes funéraires ornés de rubans de deuils portant les messages « A mon époux », « Ses camarades de travail » et « A mon papa chéri ». Plan moyen et plan panoramique. Dans son lit, son ours en peluche à ses côtés, la fille de Pierre pleure. Plan d’ensemble. Retour sur la tombe de Pierre dans la grisaille. En off revient la voix de Jules qui le sermonne sur les conséquences d’un accident mortel : le malheur « pour ceux qui restent ». L’objectif de la caméra se déplace sur Madeleine et sa fille qui quittent le cimetière pour rentrer chez elles. Fondu de transition et autre plan moyen. La jeune veuve est assise à la machine à coudre. Elle s’arrête un instant et pense à son défunt mari. Retour au plan moyen de sa fille dans son lit. « J’ai froid maman » dit-elle en pleurs. Plan d’ensemble. Madeleine, coiffée d’un fichu, lave le linge dans une bassine à l’extérieur. Son logement, visible à l’arrière-plan, a l’aspect d’un taudis. Plan fixe accompagné de bruits de sifflet de locomotive et de train qui roule. La croix de la sépulture avec l’inscription « Pierre Lamblin, décédé à l’âge de 33 ans ».

Nouveau fondu de transition et retour au gros plan du visage figé de Pierre. La voix de Jules lui parlant de la gouttière revient encore une fois. Plan moyen en plongée. Pierre se maintient mais finit par tomber dans le vide. Jules et un ouvrier arrivent trop tard pour le rattraper et détournent le regard pour ne pas le voir s’écraser. Volet et plan d’ensemble. Un corbillard tiré par deux chevaux et suivi de Madeleine, Jules et deux ouvriers du chantier emmène la dépouille de Pierre vers sa dernière demeure. Le cortège traverse un pont au-dessous duquel passe un train dans un panache de fumée. Plan rapproché taille. Remettant ses lunettes sur son nez, un homme, probablement employé de l’office des Habitations à Bon Marché (HBM), informe Madeleine qu’étant donné son impossibilité de payer le loyer, ses meubles seront saisis. D’une voix suppliante, elle l’assure qu’elle paiera pourvu qu’on lui laisse « un petit délai ». Plan panoramique vers la droite du salon de l’appartement. En off, la voix de Jules disant à Madeleine que son mari a eu un accident et qu’elle ne doit « plus l’attendre ». Fondu de transition. L’objectif de la caméra repart vers la gauche. La lampe, l’étagère, les tableaux et la chaise ont disparus de la pièce. Plans moyens. Un autre homme, probablement employé de l’office HBM lui-aussi, informe Madeleine qu’elle va perdre le terrain et lui demande si personne ne peut lui prêter de l’argent. Elle répond qu’elle est toute seule. « Dans ce cas… » conclut-il. Plus tard, écrasée de douleur, elle s’assied à la table de la cuisine et s’effondre en pleurs.

[19’48]


Retour dans le monde réel et à l’heureux foyer

[19’48]

Fondu de transition et dernier retour au gros plan du visage figé de Pierre. Une voix lui demandant si ça ne va pas ainsi qu’une petite secousse le tirent de sa torpeur. Plan rapproché poitrine. Il dit à son interlocuteur qu’il ne l’avait pas vu et lui répond que ça va. L’autre, hors-champ, n’a pas l’air de trop y croire. Pierre ajoute qu’il a vu un accident et qu’il « n’aime pas ça ».

Fondu de transition et plan général. Le train arrive en gare de Maisons-Laffitte. Autre fondu de transition et plan d’ensemble. Une foule de voyageurs sort de la gare. Parmi eux, Pierre salue son cet son compagnon de trajet qui se saluent et se serrent la main avant de se séparer. Plan d’ensemble et plan moyen. Toujours pensif, il prend la direction de son domicile et passe devant une vendeuse de fleurs. Il s’arrête, revient sur ses pas et lui en achète deux bottes. Fondu de transition et plans moyens. Bruit de clefs dans une serrure. Il rentre dans l’appartement. Sa fille vient en courant pour l’accueillir. Il la soulève dans ses bras, l’embrasse, la repose sur le sol et lui remet le bouquet de fleur en lui demandant de la porter à sa mère, ce qu’elle fait. Madeleine est assise sur le lit de la chambre à coucher. Elle embrasse sa fille qui lui apporte le bouquet puis Pierre qui lui dit bonsoir. « C’est gentil » lui dit-elle à propos du bouquet tandis qu’il retire sa veste. Elle se lève en remarquant son visage soucieux et lui demande ce qu’il a. « Rien » répond-t-il, mais elle ne le croit pas et insiste malgré ses dénégations. Après avoir enlevé son pull, il dit avoir vu une femme passer sous les roues d’une voiture à la gare St-Lazare, ce qui selon ses dires lui a donné le cafard. Face à l’étonnement de son épouse, il dit avoir pensé à elle qui « traverse si souvent sans regarder et ne fait jamais attention » et lui reproche son imprudence dans les mêmes termes que Jules lui a reproché la sienne propre. Mais ne trouvant plus les mots, il finit par pouffer de rire comme son épouse et se reconnait l’air idiot. Plan moyen. Leur fille, assise sur le lit, est amusée par ce spectacle. Alternance de plans rapprochés taille et de gros plan du visage de Madeleine. D’une voix enjouée, elle lui propose de dîner puis d’aller au cinéma. D’une voix douce, il lui dit que si elle veut, le cinéma « ce soir, ce sera ici ». Elle lui sourit. Voulant encore ajouter quelque chose, il se retient malgré l’insistance de Madeleine pour qu’il parle. Il finit par lui dire que la vie est belle et veut l’embrasser mais au dernier moment jette un regard vers leur fille. Plan moyen. Celle-ci a mis le bouquet de fleur dans un vase sur le poste de radio dont elle tourne le bouton. Le son d’une valse remplit la pièce. Dernier retour au plan rapproché taille de Pierre et Madeleine. Constatant que leur fille ne les regarde pas, il embrasse sa femme d’un baiser passionné qui conclut le film.

[23’52]

Notes complémentaires

Références et documents externes

Contributeurs

  • Auteurs de la fiche : Emmanuel Nuss