Tu n'enfanteras plus dans la douleur (1961)

De Medfilm



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Titre :
Tu n'enfanteras plus dans la douleur
Année de production :
Pays de production :
Réalisation :
Conseil scientifique :
Durée :
23 minutes
Format :
Parlant - Couleur - 16 mm
Langues d'origine :
Sous-titrage et transcription :
Archives détentrices :
Corpus :

Générique principal

Générique de fin : "Film réalisé à Saint-Denis de Jouhet / sous la direction médicale du Docteur Max Ploquin et de Nicole Ploquin"

Contenus

Thèmes médicaux

Sujet

Film de promotion d'une méthode d'accouchement sans douleur, récit de son application en milieu rural.

Genre dominant

Documentaire

Résumé

Le film alterne les séances d'accouchement avec des scènes de formations dispensées aux femmes enceintes et à leurs maris. Le commentaire, en même temps qu'il détaille le contenu des images, énonce les principes de l'ASD : lutte contre les préjugés, émancipation des femmes, implication des maris.

Contexte

L'accouchement sans douleur, ASD

La méthode d'accouchement sans douleur, introduite dans les années 50 en France par le Dr. Lamaze, "consistait, par un enseignement approprié donné aux femmes enceintes, à analgésier leurs couches par une action essentiellement psychologique." (Marianne Caron-Leulliez et Jocelyne George, " L'accouchement sans douleur, histoire d'une révolution oubliée" ; éd. de L'Atelier, 2004, p.11). Venu de l'Union soviétique, l'ASD a d'abord été pratiquée dans une clinique appartenant à la CGT, il a également été promu par les cercles chrétiens, protestants aussi bien que catholiques : un discours du pape en 1956 a favorisé sa généralisation en France. Mais cette méthode s'est mal adaptée aux exigences des pouvoirs publics d'être systématiquement pratiquée en établissement hospitalier. "L'Accouchement Sans Douleur, qui repose avant tout sur une relation de confiance entre l'accoucheur et l'accouchée tout au long de la grossesse, est une pratique artisanale qui résiste mal à la division du travail liée à la concentration. La généralisation actuelle de la péridurale s'explique autant par cette évolution que par son indéniable efficacité anesthésiante." (Marianne Caron-Leulliez et Jocelyne George, p. 12).

L'action de Max Ploquin

Le film se déroule à Saint-Denis- de Jouhet où Max Ploquin, médecin gynécologue accoucheur, avait débuté sa carrière comme médecin généraliste de 1959 à 1964. Avec l'aide de sa première épouse Nicole, alors sage-femme, il avait incité les femmes enceintes du Boischaut à suivre une préparation théorique et pratique destinée à leur rendre la maîtrise de l'accouchement. Dans les six premiers mois, le couple réalisera une soixantaine d'accouchements, le plus souvent à domicile mais aussi dans la clinique Pasteur, à La Châtre. 

Le Dr. Max Ploquin a ensuite exercé à la clinique Montaigne de Châteauroux. Sa devise était : « Accoucher ici comme à la maison ». La liberté de la mère était respectée, comme ses désirs : liberté de mouvement, de choix, de présence et d’accompagnement d’amis et familiers, de mode d’accouchement, d’alimentation, etc. La préparation vise à permettre à la future mère de faire naître en respectant le plus possible la physiologie durant toutes les phases de l’accouchement. Laisser le bébé suivre son propre chemin dont il a une connaissance instinctuelle, une « pré-conscience », en le protégeant de toute intrusion dans son trajet, de toute manipulation, de toutes prises médicamenteuses maternelles intempestives susceptibles de troubler, de perturber son mouvement naturel.

Éléments structurants du film

  • Images de reportage : Oui.
  • Images en plateau : Non.
  • Images d'archives : Non.
  • Séquences d'animation : Non.
  • Cartons : Oui.
  • Animateur : Non.
  • Voix off : Oui.
  • Interview : Non.
  • Musique et bruitages : Oui.
  • Images communes avec d'autres films : Non.

Comment le film dirige-t-il le regard du spectateur ?

Le film comporte un enjeu apologétique. Il s'agit de convaincre du bien fondé et de l'efficacité de l'ASD. Cette finalité détermine l'ensemble de la mise en scène. Aucun incident ou contretemps, aucune tension ne sont assumés dans les différentes séquences qui mettent en jeu, quelles que soient les situations montrées, des femmes sereinement consentantes et des maris passifs. L'ouverture du film, noyée de musique symphonique, cherche à emporter d'emblée l'adhésion par une vision onirique d'un accouchement qui se fait avec le sourire. Tout le film est scandé d'images dont les compositions rappellent celles des tableaux religieux : une personne qui focalise le champ (et l'attention) par la grâce dont elle est touchée, et autour d'elle, des témoins qui, à divers titres, accompagnent son assomption.

Le film se veut féministe dans le sens où il cherche à contribuer à l'émancipation des femmes. Il est vrai que sa mise en scène insiste sur une complicité inédite entre la femme enceinte et le médecin accoucheur, et sur la présence déterminante de la sage-femme dans la formation aussi bien que pendant l'accouchement. Cette orientation se manifeste par des gros plans sur des visages de femmes qui donnent de l'importance à leur individualité. Dans deux scènes qui succèdent à l'accouchement, nous voyons la jeune maman détendue, prête à se restaurer et reprendre part à la vie active. Dans la seconde de ces scènes,elle s'est vêtue d'une élégante robe de chambre et boit une coupe de champagne! Le sourire qu'elle adresse à son mari est sensuel, elle manifeste une appétence intacte pour le plaisir et le désir. C'est sur la vision de deux femmes que le film se clôt, d'abord la jeune mère puis la sage-femme qui quittent tour à tour la pièce où l'accouchement vient de se produire, comme pour les présenter en actrices essentielles de la scène, et non pas en tant que patiente ou assistante d'un médecin tout puissant.

Comment la santé et la médecine sont-elles présentées ?

La médecine que pratique le Dr. Max Ploquin a une double vocation : assister l'accouchement en allégeant la souffrance, et éduquer les femmes pour les émanciper. Dans le film, la médecine ne se limite pas à mettre en oeuvre le savoir qu'elle détient, elle associe à son action les femmes sur lesquelles elle intervient. Par leur comportement, que détermine la connaissance qu'elles ont acquise de leur corps et des gestes qui conviennent, les femmes enceintes deviennent les partenaires du soin.

Diffusion et réception

Où le film est-il projeté ?

Espaces de formation pour cinés-débats.

Communications et événements associés au film

Public

Professionnels de santé, milieux associatifs

Audience

Descriptif libre

Trois cartons liminaires rédigés en italien : " Dans ce petit village qui ressemble tant aux vôtres, nous avons préparé les habitants à l'idée que la douleur pendant l'accouchement n'était pas inévitable, et qu'aujourd'hui il dépend de leur comportement et de leurs discours que la maternité et la naissance redeviennent une chose merveilleuse. Cette éducation globale implique d'abattre les préjugés, les mythes, de détruire les superstitions sur les événements liés à la sexualité et l'accouchement. Cette éducation a permis d'obtenir les résultats extraordinaires que nous vous présentons. Quand vous verrez le large sourire de cette mère, peut-être serez vous indulgents pour les imperfections techniques du film. Mais nous sommes sûrs dans tous les cas, chers collègues et amis italiens, que si vous enseignez à ces mères à trouver en elles-mêmes le moyen d'avoir un accouchement, sans douleur, en pleine conscience, et dans la joie, vous aurez le sentiment d'avoir participé à une vraie émancipation de la femme."

Ouverture : accouchement muet et heureux

Irruptions d'une musique symphonique aux accents lyriques pour souligner la solennité et la joie de l'instant. Soigneusement cadrée, éclairée et montée, une première séquence d'accouchement sans commentaire et sans son diégétique. Premier plan, le visage serein d'une femme allongée, sourire aux lèvres, maquillage soigné, qui porte son regard au-dessus d'elle. Raccord-regard sur le visage d'un homme qu'on devine être son compagnon. L'air attentif, mais calme, il regarde vers le hors champ, c'est-à-dire, comme l'indique le plan suivant, vers un homme en blouse blanche qu'on devine être Max Ploquin. Filmé de profil, celui-ci penche la tête en donnant des instructions avec vivacité. Le plan d'ensemble qui suit prend l'aspect d'un tableau religieux : en son centre, la femme qui, allongée sur un drap, les jambes enveloppées de tissu blanc et écartées, est en position d'accoucher. Autour d'elle, le compagnon, le médecin, une femme en blouse qu'on devine être une sage-femme, encore un homme en blouse. Au fond de l'image, les murs couverts d'une tapisserie décorée laissent deviner que la scène ne se passe pas à l'hôpital. Le médecin agite ses bras en rythme pour caler la régularité du souffle de la femme. Ses gestes semblent être, par un jeu de synchronisation, ceux d'un chef d'orchestre qui dirigerait la musique extra-diégétique diffusée au même moment. Dans cette première séquence, tout indique que le travail cinématographique est soigneusement élaboré. La femme jette au médecin un regard confiant, suit ses instructions avec concentration. Plans de coupe sur le compagnon et la sage-femme dont l'attitude exprime également la sérénité et l'absence d'appréhension. Gros plan sur le col gonflé et la tête du bébé qui apparaît, raccord avec le gros plan du visage de la femme qui affiche une calme et discrète extase. La sortie de l'enfant est d'abord montré en gros plan puis en plan moyen, il est pris en main d'abord par le médecin et tout de suite après par la mère. Elle le tient, pantelant et sanglant. Alors que la musique enfle, elle sourit à la caméra.

Carton sur fond bleu : "En hommage au Docteur Lamaze, leur regretté maître / au professeur Emilie Aron, Doyen de la Faculté de médecine de Tours / au Docteur Benech, Directeur Départemental de la Santé de l'Indre". Second carton avec le titre du film. (02:07)

L'enseignement de la méthode psycho-prophylactique

En plan d'ensemble, place de village avec son église, son ambiant qui fait entendre les cloches. Des personnes sortent du vieux bâtiment de pierre et forment de petits groupes sur le perron. il n'est pas anodin qu'une scène de sortie de messe succède à la phrase auparavant mise en carton, "tu n'enfanteras plus dans la douleur", qui met en tournure négative la prescription divine écrite dans la Bible (Genèse III, 19). Commentaire : "La méthode psycho-prophylactique d'accouchement sans douleur est une méthode universelle. Son application courante à la campagne le prouve abondamment une fois de plus. Le dimanche est traditionnellement le jour où, à la sortie de la messe, l'on retrouve les parents, les amis, où l'on prend des nouvelles les uns et des autres. C'est aussi pour quelques uns, le début d'une merveilleuse expérience que nous allons découvrir ensemble : apprendre à donner la vie dans la joie." Des femmes et des hommes se tiennent sur le seuil en ciment d'un bâtiment simple, aux panneaux de crépi gris. Il s'agit probablement un local municipal. Raccord intérieur, dans une petite salle, le médecin de la première scène s'adresse à une assemblée composée de cinq femmes et de deux hommes : une nouvelle messe? "L'accouchement sans douleur est un apprentissage qui nécessite surtout du bon sens, une assiduité aux cours soutenue, un entraînement pratique régulier dès le sixième mois de grossesse. Les futures mamans apprennent tout d'abord des notions simples d'anatomie et de physiologie de la grossesse." L'expression "bon sens" ici employée, habituellement associée à l'intelligence populaire pratique et efficace, manifeste une volonté des auteurs de ne pas se distancier excessivement, par un positionnement purement scientifique, de la population concernée.

La sage-femme de la première scène s'est substituée au médecin, elle tient en main le moule d'un bassin. Plan sur l'assemblée attentive, le regard de chacune et chacun est orienté dans la même direction. Les futures mamans sont appelées à apprendre "un type de respiration soufflante visant, en même temps qu'à assurer une bonne oxygénation générale à augmenter leur activité cérébrale au début de l'accouchement." La sage-femme, revenue dans le champ, lève le bras et l'abaisse, les femmes dans l'assemblée respirent de façon appuyée au rythme de son geste. Deux femmes, filmées de profil en gros plan, aspirent et expirent de manière synchronisée, le regard tendu vers le hors champ. "Ainsi se préparent-elles à ne plus être ces femmes passives et soumises devant la douleur soit-disant fatale de l'accouchement." (03 : 23)

Préparation à la ferme : "calme et sérénité"

Noir qui se dissipe sur la vue d'une épaisse tour coiffée d'un toit en pointe se dressant parmi des bâtisses et des arbres. Cet effet pour ouvrir une nouvelle séquence marque là aussi le soin apporté à la mise en scène. Le commentaire reprend : "Nous allons suivre ces jeunes couples tout d'abord dans une ferme, puis dans une clinique rurale." Une pièce de ferme meublée d'un poêle, d'une console supportant un bouquet de fleur, d'une grande table aménagée en lit de soins par l'ajout d'un oreiller, d'un drap, avec des instruments posés dessus. Une femme enceinte, assise, tient son ventre. A côté d'elle, la sage-femme lui donne des indications, de l'autre côté de la table, le médecin et un autre homme, sans doute le mari. La caméra resserre sur la femme faisant ses exercices respiratoires sous la direction de la sage-femme, assise ou en marchant. "Remarquons le calme et la sérénité de cette fermière. Plus de malade couchée, passive, angoissée, suppliante, mais une femme debout, confiante, qui se sent responsable d'elle-même, et qui contrôle ses contractions utérines par d'actives respirations et un effleurage abdominal mesuré qui élève au maximum son tonus cérébral. Gros plan de son visage souriant, elle jette un regard heureux à l'homme qui se tient derrière elle. Depuis le début du film, ces plans d'épanchements affectifs de la femme enceinte envers son compagnon montrent que si la finalité de la méthode est, au-delà de la réussite d'un accouchement sans douleur, de rendre la femme maîtresse de son destin, son succès ne doit pas s'obtenir au prix d'une fissure dans le couple. De même, nous avons vu que des hommes étaient présents aux cours dispensés et que le compagnon est à chaque fois présent dans la pièce où l'accouchement se prépare ou se fait. L'accouchement sans douleur est un objectif qui engage un couple qui s'est orienté vers la parentalité, et non pas uniquement la femme enceinte. (04:16)

Accouchement à la clinique : "détendue, souriante"

Ext. jour, façade de bâtiment avec un panneau indicateur positionné sur un muret de ciment élevé devant : "Clinique Pasteur". "Le milieu a changé mais le comportement de la parturiente est le même. Int. pièce de soins, avec civière et lampe allumée. Effectivement, comme dans la séquence tournée dans la ferme, une femme en robe de chambre marche, accompagnée par la sage-femme qui lui indique des rythmes de respiration. "Activités importante durant toute la phase d'effacement et la dilatation du col en rapport avec l'importance des contractions. Aucun affolement autour d'elle, pas d'intervention inopportune, pas d'attention excessive, atmosphère détendue d'une salle de travail où chacun est conditionné et sait le rôle qu'il a à tenir". Plan de bloc où la femme est allongée sur le dos, dans la position d'accoucher, ses jambes enveloppées de tissu, avec l'équipe médical disposée autour d'elle. "La période d'expulsion peut venir, la future maman est prête. Parfaitement adaptée à cette situation, elle peut fournir l'ultime effort." La caméra serre sur la femme en plan moyen qui commence avec sa tête et, symétriquement, termine avec son bassin, faisant en sorte que le champ comprenne deux foyers que le spectateur peut observer simultanément : les émotions de la femme, l'arrivée de l'enfant. "Encouragé par son mari, guidé par la sage-femme, elle peut faire efficacement son travail expulsif." Effectivement, ce travail se fait à l'image, la femme se concentrant sur sa respiration et ses efforts d'expulsion, alors que son col se dilate. "C'est un moment exaltant où chacun retient son souffle...sauf la parturiente qui, elle, au contraire, accélère au maximum le rythme de sa respiration." Nous voyons comment la femme expire à chaque fois que le médecin, d'un geste de la main qui se fait bord cadre gauche, lui demande de le faire. "La tête va sortir". Au bas du cadre, nous la voyons apparaître. De manière surprenante, la femme adresse à la caméra un sourire, ses traits sont décontractés. Puis elle reprend son travail, concentrée, sans tension. "Quelques moments de repos". Sous la recommandation du médecin, la femme se l'accorde alors que seule la tête est sortie du col. Dans cette stase inattendue, le film montre un corps avec deux têtes qui terminent chaque côté du tronc, tête adulte d'un côté et tête de bébé de l'autre, qui cohabitent. Mais "la contemplation sera courte", le bébé sort progressivement, avec ce même mouvement du médecin pour que la mère le prenne aussitôt dans ses mains. Pas de musique, pas de commentaire exalté pour se substituer au silence. La caméra desserre, la femme se redresse sur la civière. "Se redresser, s'asseoir, détendue, souriante." Elle prend une tasse de thé. "N'avoir qu'une envie, prendre son enfant et partir au bras de son mari. Tout cela dans un climat de confiance et de joie, avec pour seul cri, celui de l'enfant qui vient de naître : n'est-ce pas là le triomphe de l'accouchement sans douleur?" La femme quitte le champ, suivie de son mari qui a ôté sa blouse blanche et revissé sa casquette sur son crâne.(06:52)

Formation : du grand air, "pas de sabots"

Nouvelle séquence de formation. Munie d'un moulage de bassin qui renferme un foetus, la "préparatrice" manipule celui-ci et montre le cordon ombilical. Plan de coupe sur l'audience concentrée. "La contraction des fibres utérines déclenche et organise parfaitement les différentes phases de l'accouchement : effacement et dilatation du col, et le grandiose moment de l'expulsion." Le Dr. Ploquin intervient pour donner des règles d'hygiène alimentaire et vestimentaire : "Pas de sabots! Pas de corset non plus!" Montrant des chaussures de villes, il recommande "le port de chaussures à talon bottier". La suite des recommandations se poursuit avec des images tournées in situ, c'est-à-dire dans l'espace de la ferme. Une femme accompagnée de son enfant va tourner la pompe d'une fontaine et distribuer le grain aux poules. "Une femme enceinte n'est pas une malade. Sa santé mentale exige le grand air et une activité modérée." Elle tricote debout à côté d'un paysan qui scie du bois. Retour à la salle de formation où le Dr. Ploquin montre un dessin représentant une femme enceinte. Il est encore question de favoriser l'équilibre mental par un rapport contrôlé et sain au langage. "La société qui nous a fait, et dont nous dépendons, avec son conventionnel cortège de littérature, d'imagerie populaire, de racontars, est responsable de la transmission à travers les âges du caractère soit-disant inéluctable de la douleur de l'enfantement." Par un plan rapproché sur le tableau, nous voyons que deux petites lampes ont été installées dessus, à l'endroit de la tête et du ventre de la femme. Elles se mettent à clignoter pour symboliser un moment de stress. Nous voyons par le déploiement des différentes instruments (tableau électrique, moulages, exemplaires de vêtements à porter) que les conférences s'appuient sur des artifices qui intensifient la portée du propos et s'adaptent à l'esprit d'un public peu habitué à la théorie verbalisée.

"La préparation de l'accouchement sans douleur est un excellent bouclier qui freine les foyers nocifs et dangereux, qui créent et renforcent par le langage et l'entraînement de nouveaux foyers d'activité et de stimulation." En mettant en cause les traditions et les mentalités qui peuvent faire pression sur les femmes enceintes, le film assume un caractère subversif sans pour autant appeler à une rébellion complète contre l'ordre établi où s'inscrit la femme enceinte. Il s'agit davantage de l'en autonomiser par l'esprit. D'ailleurs, les maris sont associés à toutes les étapes de la formation. Une femme allongée sur une civière exécute des exercices destinés à détendre le muscle du périnée pour favoriser une "éducation neuro-musculaire". Séquence suivante, situation réelle en clinique. (10:34)

Eduquer "le hameau tout entier"

Nouvelle attaque contre les idées reçues et le conformisme qui influencent la conception et le vécu de la maternité : retour sur le perron de l'église du village, un couple marié descend les marches, escorté par des musiciens en costume traditionnel, et suivi par ses invités. Le cortège évolue sur la place, des personnes y disposent des gradins pour organiser la séance de photographie. "Chaque événement de la vie courante comme ce mariage berrichon, nous met en contact les uns avec les autres, on s'y transmet les bonnes et les mauvaises choses. Il ne faut pas confondre tradition et superstition qui entretient l'ignorance et déforme les choses les plus simples." Le commentaire ajoute que l'accouchement a été la cible de ces superstitions. "Si on veut qu'un beau mariage comme celui-là ne soit pas terni par les cris inhumains de la femme en couches, il faut éduquer et conditionner tout l'entourage familial." Ainsi le propos étend à toute la communauté familiale, voire au "hameau tout entier" le principe d'éduquer à la possibilité d'accoucher sans douleur. De nouveau, le film articule plan de préparation et plan de situation d'accouchement pour montrer le bénéfice de l'entraînement à la détente du périnée. Le commentaire insiste sur l'importance de réunir les proches - père, mère, grands-parents -, "son mari l'encourage autant que la sage-femme". Dans cette nouvelle séquence d'accouchement, la lumière caresse les peaux, et le cadrage est particulièrement soignée comme sur ce plan serré sur les mollets de la femme retenus par ses mains. Gros plan sur son visage de profil au sourire discret : "pas de visage crispé, pas une ride". Le commentaire ajoute : "Pas d'intervention intempestive de l'accoucheur!" Encore une fois, c'est à la femme de préparer le plus et le mieux possible l'accouchement. Le bébé est sorti, coupure du cordon au-dessus des cuisses maculées de sang. Si le film est promotionnel, ses plans ne masquent pas la réalité organique de son sujet, atteignant une crudité qui vise sans doute à insérer cette réalité dans les représentations communes. Gros plan sur le mari qui embrasse sa femme au-dessus du bébé posé sur elle, à nouveau le film rappelle que l'harmonie du couple est à défendre dans ce moment-clé. Il insiste ensuite sur la nécessité pour la mère de "se lever immédiatement", démarche psychologique qui l'amène à se prouver qu'elle n'est "ni une opérée, ni une malade".

Témoignage : "J'ai chaud!.. Je n'ai pas mal... Je suis en pleine conscience!"

Retour à la salle de formation, le Dr. Max Ploquin dessine au tableau, par un trait net et élégant, les positions de l'enfant dans l'utérus et évoque les anomalies éventuelles de travail qui peuvent nécessiter une intervention instrumentale. Il dessine ensuite l'effacement du col, le processus de sa dilatation et la phase d'expulsion qui suppose un "contrôle cérébral intense et un relâchement périnéal simultané". Nous voyons le médecin parler, mais nous ne l'entendons pas puisque le film est sans son direct. Sa parole est en quelque sorte post-synchronisée - mais pas au mot près - par le commentaire en off. Ce procédé rend plus intense la prestation du médecin, mettant en relief, par l'absence du son de sa voix, l'enthousiasme qui l'anime.

"Mais pour cela, rien ne vaut la vision directe et filmée d'un accouchement." Nouvelle séquence d'accouchement avec une femme différente, cette fois à domicile. Gros plan sur son visage souriant, les yeux grand ouverts, dézoom pour la montrer, sur le même axe, jusqu'au niveau du bassin alors que son utérus se dilate. Le commentaire ajoute que ce sont les "réflexions intimes de cette femme pendant son accouchement qui lui donnent une valeur humaine inégalable", précisant que ces pensées, qu'elle a mises par écrit, ont été transmises au médecin. Une voix de femme se fait entendre en off, calme et haletante à la fois, comme si elle avait dit à haute voix les émotions et les réflexions qui ont traversé son esprit : "J'ai chaud... Je n'ai pas peur... Je suis en pleine conscience. Je sens tout et je n'ai pas mal. C'est pas possible! J'ai les yeux grand ouverts! J'ai chaud... " Il semble, cependant, à observer la terminologie employée et les détails mis en évidence, en adéquation parfaite avec l'idéologie qui sous-tend l'ASD, que la rédaction de ces "réflexions" a été quelque peu remaniée par les auteurs du film. Gros plan sur la tête du bébé qui sort du col de l'utérus, deux mains gantées qui avancent vers lui. La voix continue : "Oh, je voudrais déjà le saisir dans mes bras! Oh, je le vois! Mon petit, c'est formidable!" La sortie complète du bébé est montrée en plongée, un point de vue inédit dans le film : il est remarquable de constater le souci de varier les angles de prises de vues sur le même sujet, de chercher à renouveler constamment, à chaque nouvelle séquence, la mise en scène de l'accouchement pour conserver intact son caractère prodigieux et éviter de provoquer la lassitude du spectateur. Un dernier plan, très cru, sur le col avec le cordon qui dépasse encore de la vulve, une main qui vient nettoyer ses abords. (17:02)

Un accouchement au miroir

Une voiture avance dans un paysage de campagne enneigé, plan de coupe sur un clocher ou des branches d'arbres couverts d'une pellicule blanche. "Ainsi le temps passe au rythme des saisons". Se substituent à ces tableaux d'hiver des scènes de printemps, arbres bourgeonnants et moutons avec leurs agneaux. "Et la nature, généreuse, répète invariablement son miracle". Plan sur une fenêtre en fleurs, zoom sur un de ses carreaux pour inviter à passer de l'autre côté de la maison. Regard caméra, une femme vêtue d'une robe de chambre molletonnée halète avec méthode. Une voix en off est en train de la guider : "Très bien, madame! Encore quelques contractions et vous commencerez à pousser!" Dézoom, nous voyons à la tapisserie fleurie qui couvre les murs que la femme est chez elle. Deux hommes se tiennent à ses côtés, dont un blouse blanche. La même femme allongée exécute des exercices de respiration. Son visage de profil en gros plan est soigneusement maquillé, elle a un sourire joyeux et serein. Cette fois, c'est la sage-femme qui la guide, on entend sa voix en off. Plus d'explication n'est donné en commentaire, cette fois nous sommes en immersion. La dilatation est filmée en gros plan. "Passez-moi le miroir!", ordonne le médecin qui le présente à la femme pour qu'elle contrôle "le dégagement de son enfant". La femme qui peut se voir en entier sourit à son propre reflet, ou peut-être, y surprend le sourire qu'elle a gardée jusqu'à présent. De nouveau gros plan sur le col qui se dilate, se rétracte au rythme des respirations qui ont envahi la bande-son, apportant une tension dramatique. Aucune pudeur dans ce film qui assume des plans longs sur les zones intimes du corps pourvu qu'ils renseignent sur le travail de celui-ci. Les instructions du Dr. Ploquin se font de nouveau entendre : "Détendez votre périnée au maximum, faites quelques soufflantes! Très bien..." Plan de coupe sur le visage du mari juste avant que la caméra ne revienne sur le bassin de la femme au moment où la tête du bébé est sortie. "Le liquide est un peu teintée, mais ce n'est pas grave, l'enfant crie!". Geste du médecin pour dégager le bébé du cordon ombilical enroulé autour de son cou, "regarde votre enfant, madame!". Un léger jump cut indique une coupe dans le plan (et donc une ellipse, ce qui signifie que l'accouchement n'est pas filmé dans sa durée réelle), la femme le prend dans ses mains alors qu'il continue de crier. "C'est un gars!" s'exclame-t-elle. Le mari se penche sur elle pour l'embrasser, le médecin vient couper le cordon. La femme qui était montrée de profil pendant tout le temps où le bébé est sorti, est de nouveau filmée de face, en plan d'ensemble, pour l'expulsion du placenta. De nouveau un gros plan sur une main gantée qui essuie le sang autour du col. "Votre périnée est intact. C'est magnifique". Gros plan sur le visage de la femme, fatiguée et satisfaite. Voix du mari, brutale : "Ca va? T'es heureuse?" Irruption de la musique, dernière intervention du commentaire : "Heureuse? Comment ne le serait-elle pas? Ainsi en permettant aux femmes des milieux ruraux, moins favorisées que les autres, d'accoucher parfaitement, sans douleur, la méthode psycho-prophylactique se révèle une fois de lus comme une méthode universelle." Seuls dans le champ, sans équipe médicale, sans bébé non plus, le mari et la femme qui a revêtu sa robe molletonnée rose trinquent au champagne. Sourire complice échangé, elle se redresse du lit, va à lui avec un élan de désir qu'exprime son sourire sensuel. "Le témoignage saisissant que constituent les images de ce film permet d'affirmer qu'il s'agit d'une méthode de maîtrise de soi, d'émancipation de la femme, d'épanouissement de la personnalité de la mère et du couple, véritable école de la vie qui ouvre des perspectives illimitées." Coupe, la sage-femme vient dans le champ pour lui tendre le bébé. Elle l'emporte en quittant la pièce par une porte située derrière la tête de lit, suivie de la sage-femme qui jette un dernier regard sur la scène, avec le sourire satisfait de la mission une nouvelle fois accomplie.

Générique de fin : "sous la direction du Dr. Max Ploquin et de Nicole Ploquin / en témoignage de leur foi dans l'accouchement sans douleur ("accouchement sans douleur" écrit en typo style manuscrit) / de sa réalité consciente / de la libération qu'il apporte à la femme".

Notes complémentaires

L'étude par Marianne Caron-Leulliez et Jocelyne George, "L'accouchement sans douleur, histoire d'une révolution oubliée" (éd. de L'Atelier, 2004) fait mention de différents documents audiovisuels réalisés sur le même thème entre 1953 et 1962 :
- des films pédagogiques que le Pr. Lamaze a fait réaliser et qu'il a présentés en conférence de presse (1953) ;
- un reportage sonore réalisé par Louis Dalmas sur un accouchement dans la clinique des Bluets (1954) ;
- un documentaire réalisé par Louis Crémieux et Henri Fabiani dans les Médicales d'Igor Barrère et Etienne Lalou ;
- Le cas du Docteur Laurent réal. Jean-Paul Le Chanois (1956) ;
- Naissance, réal. Pierre Vellay ;
- Tu n'enfanteras plus dans la douleur de Max Ploquin (1961).

Il faut y ajouter : Tu enfanteras sans douleur de Henri Fabiani et Louis Dalmas (1956), Les Films d'Aujourd'hui, com. La Sécurité sociale, images : Sacha Vierny, mus. : Georges Delerue.

Références et documents externes

Contributeurs

  • Auteurs de la fiche : Joël Danet


Erc-logo.png  Cette fiche a été rédigée et/ou traduite dans le cadre du projet BodyCapital, financé par l'European Research Council (ERC) et le programme de l'Union européenne pour la recherche et l'innovation Horizon 2020 (grant agreement No 694817).