Les drogues et le système nerveux (1969)

De Medfilm



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Titre :
Les drogues et le système nerveux
Année de production :
Pays de production :
Réalisation :
Conseil scientifique :
Durée :
28 minutes
Format :
Parlant - Noir et blanc - 16 mm
Langues d'origine :
Sous-titrage et transcription :
Sociétés de production :
Commanditaires :
Archives détentrices :
Corpus :

Générique principal

Générique de fin :
DANS LA SÉRIE SCIENCES BIOLOGIQUES ANIMÉE PAR JACQUES PHILIPPOT / C'ÉTAIT UNE ÉMISSION DE ROBERT MALPUECH / TOURNÉE À l'HÔPITAL SAINTE-ANNE / AVEC LA PARTICIPATION DE PIERRE DESGRAUPES / ÉQUIPE TECHNIQUE MURIEL BARDOT - JACQUES LACOURIE - PHILIPPE TESSIONNIERE - ALBERT VINCENT - JACQUES LEVY - RÉALISATION SERGE HUET

Contenus

Thèmes médicaux

Sujet

L’usage médical des drogues dans les expérimentations sur le système nerveux et la prise en charge psychique

(English)

Medical use of drugs in experiments on the nervous system and psychological treatment

Genre dominant

Documentaire

Résumé

Pierre Desgraupes (journaliste TV à l’ORTF, cf. Cinq colonnes à la Une avec Igor Barrère) réunit plusieurs médecins spécialistes de l’expérimentation des drogues sur le système nerveux. Ceux-ci exposent tour à tour les modalités de l’expérimentation, d’abord sur l’animal puis sur l’homme, montrent comment les drogues sont classées et expliquent leurs différents usages thérapeutiques. La séquence qui suit consiste en la restitution d'une séance de thérapie psychique avec une personne soumise à un sédatif puis à un "stimulant" (psychoanaleptique). L'émission se termine par une discussion sur les drogues illégales et leurs dangers.

(English)

Pierre Desgraupes, TV journalist for the ORTF (see the TV magazine show Cinq colonnes à la Une with Igor Barrère), brings together several doctors specialised in drug experimentation on the nervous system. One by one, these doctors present the method of experimentation, which is first applied on animals and then humans, the classification employed and the different therapeutic uses of the drugs. Afterwards, a psychological therapy session whereby a patient is subjected to a sedative followed by a “stimulant” (psychoanoleptic) is shown. The TV show ends with a discussion on illegal drugs and the dangers they pose.

Contexte

À propos des expérimentations des substances psychoactives

Dans les cercles artistiques et intellectuels d'après la Seconde Guerre mondiale, un intérêt de plus en plus large se manifeste à propos des potentialités de ces substances pour élargir les voies de la perception, se rapprocher des souffrances psychiatriques, stimuler la création. Deux repères :

En 1954, Aldous Huxley a cherché, en s'essayant à la mescaline, à accéder à « une beauté plus intense, une signification plus profonde » que celles qui se rencontrent dans la vie ordinaire. Il insiste tout autant sur son sentiment d’avoir perdu pied au moment de subir ses effets : « Je me retrouvais tout à coup au bord de la panique. J’eus soudain l’impression que l’affaire allait trop loin. » Également en1954, Henri Michaux s’adonne systématiquement aux drogues - mescaline surtout, mais aussi haschich, L.S.D., psilocybine. Ses expérimentations sont faites avec méthode, « accompagnées par des psychiatres, selon des protocoles précis ».

Médias et drogues

La consommation de drogues illicites est un phénomène nouveau pour la France qui, depuis les années 1940, mis à part quelques opiomanes, ne connaît pas les drogues. L’alcool et le tabac règnent en maîtres absolus sur le champ des addictions. Si l’héroïne apparaît parfois dans l’actualité, c’est en raison de son trafic vers les États-Unis. La "French Connection" centrée à Marseille, importe l’opium d’Asie pour le transformer dans des laboratoires autour de Marseille et l’expédier outre-Atlantique. Elle s’est considérablement développée dans les années 1960. En 1970, elle fournit aux États-Unis près de 90% de son héroïne. L’affaire du "gang des décapotables", qui transportait l’héroïne de Paris à New York, fait l’objet en 1968 d’une saisie record de 112 kg d’héroïne par le célèbre commissaire Carrère.

En avril 1966, Le Monde publie un dossier en trois épisodes portant sur les hallucinogènes, intitulé "les poisons de l’esprit". Cette enquête annoncée à la Une informe les Français sur "le drame qui se déroule depuis trois ans aux États-Unis et que nous commençons à connaître en France"1. En septembre de la même année, Le Crapouillot publie un numéro spécial LSD, "Une bombe atomique dans la tête", dans lequel sont croisés les points de vue les plus variés, de Timothy Leary à Maurice Papon en passant par François Mauriac. Y est aussi publié "Une visite en enfer", long texte de Jean Cau, prix Goncourt 1961. En octobre, des extraits de ce texte seront repris dans Paris Match sous le titre "J’accuse". L’introduction de cet article informe le lecteur qu’après "avoir fait des ravages aux États-Unis et en Angleterre, le LSD nous menace". Quelques mois plus tard, en février 1967, un petit revendeur de LSD est arrêté. La quantité est minime mais la saisie est historique puisque c’est la toute première sur le territoire français. Tous les journaux en parlent, y compris Le Monde, pourtant d’ordinaire peu enclin à traiter ce type de faits divers. Le 10 octobre, trois jeunes sont arrêtés, en possession cette fois de 4000 doses du même produit, ce qui fera aussi les gros titres. Parallèlement, les affaires de consommation de cannabis se multiplient : des lycéens, des étudiants, des jeunes travailleurs sont interpellés... En juillet, les sources reprises par l’ensemble des journaux font état de quelques milliers ou dizaines de milliers de "drogués". En août de cette même année, dans Le Parisien Libéré, toute affaire se rapportant à la drogue se voit affublée d’un bandeau "La drogue : menace n° 1 qui pèse sur le monde" et l’on ne se gêne plus pour interpeller les politiques afin que les peines liées au trafic soient à la hauteur du danger que représentent les drogues pour la société. Jusqu'en 1969, la recrudescence de la consommation de drogues concernait uniquement le cannabis et le LSD. Deux produits dont on connaissait mal les dangers et qu’un principe de précaution poussait certes à stigmatiser, mais deux produits qui n’entraînent finalement que des dépendances minimes et pas d’overdoses. Avec la diffusion de l’héroïne dont le fait divers d'une overdose survenue à Bandol est un évènement révélateur, la société est saisie d'une "panique morale".

Prévenir, accompagner, interdire

En 1970, la presse publie de nombreux témoignages de toxicomanes à l’héroïne, Robert Boulin, ministre de la Santé, ouvre avec son fils une association pour la prévention et le soin des toxicomanes, et Claude Olievenstein crée le centre Marmottan consacré aux soins aux toxicomanes, jusqu’alors pris en charge dans les services de psychiatrie. Devant les doutes, les hésitations des professionnels quant aux mesures à prendre, le gouvernement et les parlementaires élus au lendemain de 1968, ont ont voulu conforter l’opinion majoritaire par le message qu’on pouvait arrêter l’épidémie par une loi combinant la répression et l’incitation au traitement. Le drogué étant considéré comme "avant tout" ou "plutôt" un malade, ce qui sous-entend que c’est aussi un criminel qui menace l’ordre social. Loi de santé publique à connotation répressive, elle est adoptée en première lecture quasiment sans discussion, voit ses dispositions répressives majorées par le Sénat, puis est votée en seconde lecture le 10 décembre 1970.

La nouvelle loi place la toxicomanie dans "la lutte contre les fléaux sociaux" à côté de la tuberculose, les maladies vénériennes, le cancer, les maladies mentales et l’alcoolisme. Pas étonnant que sa dimension de salut public lui donne le privilège assez rare d’être votée à l’unanimité. Cf. "Le paysage médiatique de la drogue" par Vincent Benso sur le site Santé-réduction des risques-usages de drogues.

(English)

Several contemporary news stories, notably broadcasted before feature films, explore the phenomenon of drug addiction among young people.
The therapy sequence in this show (19’05) could be compared to sessions involving “chemical hypnosis” seen in a certain number of American films produced by the Navy to treat war trauma. E.g. Combat Exhaustion at (26’04) and The N.P. Patient at (15’45).

Éléments structurants du film

  • Images de reportage : Oui.
  • Images en plateau : Oui.
  • Images d'archives : Oui.
  • Séquences d'animation : Non.
  • Cartons : Non.
  • Animateur : Oui.
  • Voix off : Oui.
  • Interview : Oui.
  • Musique et bruitages : Oui.
  • Images communes avec d'autres films : Non.

Comment le film dirige-t-il le regard du spectateur ?

Le film est adressé au public lycéen. Desgraupes l’interpelle dans la séquence d’ouverture en faisant allusion aux cours de chimie et de physiologie qu’il a été amené à suivre. Le film semble chercher à englober la question de la toxicité des drogues, à laquelle les jeunes sont exposés, dans un exposé sur leur usage médical. Le long développement sur l’expérimentation et la thérapie amène in fine à un message de prévention que délivre le dernier entretien. Tout au long du film, la diversité des séquences proposées (courtes interviews avec des médecins, séquences montrant l'effet étonnant de diverses drogues sur des chats, gros plans sur des encéphalogrammes, séance de thérapie psychique filmée) sert à attirer et maintenir l'attention du téléspectateur.

(English)

The film targets a secondary school audience. Desgraupes calls out to this audience in the opening sequence by making reference to the chemistry and physiology courses that they take in school. When presenting the medical use of drugs, the film seemingly attempts to include the issue of drug toxicity, to which young people are exposed. The large body of the film dedicated to experimentation and treatment ends with a message of prevention which is delivered in the final interview. Throughout the film, various sequences (short interviews with doctors, sequences showing the surprising effects of different drugs on cats, close-ups of encephalograms and a filmed psychological therapy session) all come together to capture and maintain the viewer’s attention.

Comment la santé et la médecine sont-elles présentées ?

Le film est centré sur les entretiens de Pierre Desgraupes avec les différents spécialistes de l’hôpital Sainte-Anne et de la Faculté de Médecine de Paris. Ils sont valorisés/montrés en tant qu’experts de nouvelles méthodes de soins. Celles-ci reposent initialement sur l'expérimentation animale, ce qui suppose de tenir compte de la réaction propre à chaque animal et à recouper ensuite les résultats obtenus. Cette émission insiste sur l'emploi de la technologie, que ce soit pour surveiller, enregistrer ou étudier les effets des drogues. Une fois que l'effet d'une drogue est connu, elle est incluse dans les traitements psychiatriques.

(English)

The film is centred on interviews conducted by Pierre Desgraupes with different specialists from Sainte-Anne Hospital and Paris’ Faculty of Medicine. The interviewees are portrayed as experts in new methods of treatment which initially rely on animal experimentation and involve taking into account the individual reaction of each animal before cross-checking the results obtained. This TV show insists on the use of technology to monitor, record or study the effects of drugs. Once the effect of a drug is known, it is included in psychiatric treatments.

Diffusion et réception

Où le film est-il projeté ?

Circuit télévision scolaire (en 1969, le taux d'écoute de la télévision scolaire est de 2 à 6%. En 1973, 1/3 des écoles bénéficient d'un téléviseur scolaire. - revue Éducation - Formation n° e- 289 - déc. 2008)

(English)

School TV network (in 1969, the school TV audience rating was between 2% and 6%. In 1973, 1/3 of schools were equipped with a television. – Education – Formation no. e- 289 - Dec. 2008)

Communications et événements associés au film

Bulletin de la radio-télévision scolaire

(English)

The magazine entitled Bulletin de la radio-télévision scolaire

Public

Élèves des établissements où une séance de diffusion est organisée

(English)

Students from the schools where a screening was organised

Audience

Descriptif libre

Introduction par Pierre Desgraupes
Desgraupes en plan moyen, cadré devant une fenêtre qui donne sur la rue. Par l’élargissement du cadre dans la seconde séquence, nous comprendrons qu’il est en présence de plusieurs médecins. Il nous explique qu’ils sont réunis dans l’Unité de Recherches de Psychopharmacologie en lien avec la Clinique des Maladies Mentales et de l'Encéphale de la Faculté de Médecine de Paris. « Le sujet est les drogues. Mais par drogues, nous n’entendons pas la même chose que le sens commun et les journaux, lesquels parlent de stupéfiants. Nous l’entendons au sens anglais, plus large : toutes les substances chimiques qui, par leur injection, modifient le fonctionnement de l’organisme et plus singulièrement le fonctionnement du système nerveux. Peut-être vous a-t-on parlé de drogues dans vos cours de chimie ou de physiologie. Inutile de vous dire qu’avant de les expérimenter sur l’homme, nous avons étudié les effets de ces drogues sur l’animal. » En faisant allusion aux cours de chimie et de physiologie que le spectateur est supposé avoir suivi, Desgraupes indique que le public est scolaire, d’ailleurs ce « vous », plutôt qu’un vouvoiement, n’est-il pas un « tu » pluriel, démultiplié à un effectif de classe ? (1'40)
Expérimentation : l'animal sous influence
Séquence sur l’expérimentation sur l’animal. Après une introduction par un des médecins présents, plans de chats introduits dans un « caisson d’enregistrement » qu’il commente en voix off. Nous les voyons d’abord à l’état normal, puis sous l’effet d’un hypnotique nommé Nembutal, de la mescaline et du produit de synthèse 47-19 ( ?). En plans de coupes, des relevés graphiques de l'activité du cortex de l’animal. Sous l’hypnotique, le chat s’affaisse sur lui-même, somnole. Sous mescaline, « attitude typique de l’animal en kangourou, avec le dos arqué et les pattes postérieures écartées : il peut garder cette position pendant une heure, on dirait qu’il a peur d’on ne sait quoi. » Sous un produit voisin, « halètement, regard fixe, oreilles dressées. L’animal regarde un spectacle, on ne sait trop lequel. Il paraît très attentif, et pourtant, si on remue un bâton devant lui, il ne le suit pas des yeux. Il regarde un spectacle intérieur. » Sous-produit de synthèse, « l’animal prend un repas fictif. On le voit en train de manger, or il n’y a rien à manger. Il n’y a même pas de taches sur le sol. » Autre chat : « Son regard est halluciné. Le chat devient effrayant, on ne l’a jamais vu comme ça. » Retour au tracé, sous des lignes uniformément tremblantes, une ligne accidentée aux amplitudes plus grandes, « caractéristiques d’un état d’assoupissement, et pourtant, ce chat n’était pas assoupi ». (8'55)
Expérimentation sur l'homme : une nécessité envisagée avec précaution
Un médecin de la Clinique des Maladies Mentales et de l'Encéphale, présent lui aussi, explique les conditions du passage à l’expérimentation sur l’homme : « C’est un passage indispensable pour traiter les désordres nerveux. Il doit s’entourer de mille précautions si l’on veut tirer des leçons des expériences sur l’animal. Elles tiennent au dosage et aux données de l’interrogatoire. La supériorité de l’homme étant bien entendu de pouvoir expliquer ce qu’il éprouve. Il est évident qu’on emploie des doses plus faibles chez lui ». (10'10)
Le classement des drogues
Séquence sur le classement des drogues. Desgraupes nous rappelle qu’il se fait selon leurs effets. Le médecin montre un tableau « très schématique » : « Des substances calment le psychisme, comme les tranquillisants – parfois employés de façon abusive. D’autres, au contraire, stimulent la vigilance et l’humeur. Il s’agit de maintenir un équilibre entre mélancolie et expansivité. D’autres, les hallucinogènes, provoquent des psychoses expérimentales. Celles-ci requièrent, lors de l’expérimentation, une surveillance électroencéphalographique et cardiaque. Elles recouvrent absolument l’acception du terme ‘drogues’. » Desgraupes rappelle que l’utilisation des hallucinogènes est exceptionnelle. Le médecin ajoute que leur expérimentation insuffisamment contrôlée a posé des problèmes en « Amérique du Nord ». « Il est nécessaire que les médecins soient les premiers à montrer un exemple de prudence. » Les médecins ont apporté des panneaux scientifiques, comportant des tableaux de classification des produits et des encéphalogrammes, qu’ils montrent à la caméra. Il est difficile de se concentrer dessus car ils passent très vite, d’autant plus avec leur commentaire incessant. (18'10)
Usage thérapeutique des psychotropes
Nouvelle séquence, nettement plus spectaculaire, tournée dans l’hôpital Sainte-Anne de Paris, dédiée aux « investigations diagnostiques et chimiothérapiques » au moyen des psychotropes. Un homme en blouse blanche, assis au chevet d’un malade, alité, vu de dos, orienté vers le mur de la pièce, dans la disposition d’une séance de psychanalyse.«  Comment vous sentez-vous ? - Un peu las. Mais je jouis de toutes mes facultés mentales, je vous entends très bien. » La voix du patient est pâteuse. Elle traîne d’un mot à l’autre. Le médecin se tourne vers la caméra. Visiblement, il se prête au jeu de mauvaise grâce. Tassé sur sa chaise, il regarde quelquefois en direction de Desgraupes posté hors champ, le plus souvent en direction du sol, peut-être pour lire des notes qu’il aurait disposées sur ses genoux. « Ce malade, explique-t-il, subit des troubles en rapport avec l’accident qu’il a eu il y a à peu près deux ans et demi. » La cause de l’accident sera donnée dans le dialogue qu’il va nouer avec le malade. « Cet accident important, poursuit le médecin, n’avait entraîné chez lui aucune lésion cérébrale. Les troubles dont il se plaint sont donc d’origine psychique. Le but de l’examen est de faire se ressouvenir le sujet des circonstances exactes de l’accident ou des traumatismes qu’il avait subis pendant son enfance et qui se seraient réveillés à la faveur de l’accident. Choses qu’il ne veut pas dire dans un état normal. Le but de l’examen est donc de lever les réticences et de faire parvenir à la conscience du sujet les choses qu’il nous cache. On introduit d’abord un psycholeptique qui baisse la vigilance du sujet – il s’agit d’un sédatif- et ensuite un psychoanaleptique – une amphétamine – qui stimule intellectuellement et, en levant les réticences, fera parler le malade. C’est-à-dire, demande Desgraupes, qu’en ce moment, vous êtes en train de le réveiller pour le faire parler. - C’est cela même.» Depuis le début du film, Desgraupes joue le rôle du journaliste médiateur. Il tâche de synthétiser et de reformuler les propos de l’intervenant, voire de l’amener à les préciser afin de les amener, dans la mesure du possible, à la portée du public non spécialiste. Il s’efforce ainsi de réinterpréter les contenus du discours dans un vocabulaire qui lui est davantage familier. Le médecin se tourne vers le patient : « Vous souvenez-vous de l’accident ? - Très bien. Nous étions en Belgique. Nous sommes arrivés à un carrefour. Il y avait un brouillard très dense. » La sonnerie d’un téléphone retentit. Le médecin grimace : est-ce que le patient va en être troublé ? Non, il continue : il explique que la voiture a percuté une fontaine installée au milieu du carrefour. À la demande du médecin, il précise qu’il rentrait chez ses parents pour aller dormir. « Vous avez toujours habité chez vos parents. - Oui. - Comment vous entendez-vous avec eux ? - Très bien. - Très bien ? N’y a-t-il pas un membre de votre famille qui aurait aussi eu un accident ? - Pas à ma connaissance. » Le médecin y va de la formule « Parlez-moi de vos parents ». Le patient précise que son père s’absentant au travail, il a beaucoup plus été au contact de sa mère. Le médecin lui demande alors s’il n’était pas arrivé quelque chose à sa mère quand il avait dix ans (que le médecin, apparemment, sait déjà : ce n’est pas par hasard qu’il évoque cette époque précise). Le patient admet qu’elle souffrait de la jambe pour une « raison indéfinissable », au point d’en être restée pratiquement invalide. Le médecin établit aussitôt un rapport entre l’état de sa mère et le sien propre, marqué par des maux de tête à répétition. « C’est un petit peu la même chose, non ? - Par le fait, oui. » Il n’avait jamais fait le rapprochement, quoiqu’à la réflexion, il se rappelle souffrir aussi de maux de jambe. GP sur le médecin attentif. En voix off, Desgraupes lui demande s’il a senti que le patient parlait mieux. « Il n’avait jamais raconté auparavant ce qui était arrivé à sa mère à laquelle il était très fixé. » Un nouveau miracle du tournage de film : après deux ans de silence, c’est avec l’arrivée de la caméra dans le champ de la thérapie que la parole se déclenche…. Le médecin, tout en parlant, passe et repasse un bout de coton sur le bras nu du patient. « Comment vous sentez-vous maintenant ? - Je suis plus détendu, mais je souffre encore de maux de tête. - Vous avez moins mal, non ? - Non, c’est toujours ce mal lourd qui pèse. » Nouvelle grimace du médecin. Ainsi, tout ne se résout pas instantanément devant la caméra… La lumière de la vérité fraîchement énoncée, en direct, par le médecin, n’a pas encore fait tout son effet. (25'32)
Les usages prohibés de la drogue
Dernière séquence, sur l’usage prohibé des drogues. Un autre médecin attaché à l’hôpital Sainte-Anne, interviewé par Desgraupes dans son bureau, affirme que la consommation illégale des drogues concerne surtout les amphétamines et les hallucinogènes, le reste étant limité « grâce à notre législation ». Pour lui, si l’usage des drogues permet des « explorations intéressantes du subconscient lorsqu’il se déroule sous le contrôle des médecins, l’usage sans ce contrôle, en particulier en ce qui concerne le LSD, « dont on parle beaucoup ces derniers temps », amène à l’hôpital des malades qui souffrent de troubles mentaux. « Ils prennent des mélanges, ils prennent ce qu’on leur donne, ce qu’on leur passe. Lorsqu’on n’en a pas la notion, ces troubles simulent la schizophrénie. » Desgraupes rappelle que vingt cas de ce type ont été récemment recensés à l’hôpital. (27'57)
Le discours double du film : informer sur les drogues pour prévenir contre leur usage non encadré
Le film s’arrête là, comme en cours de route. In fine, il devient préventif alors que Desgraupes l’avait introduit en précisant qu’il allait traiter des drogues au sens large, c’est-à-dire médical. N’était-ce pas le moyen d’aborder le sens restreint, celui employé par tous et « les médias » - le toxique illégal auquel la jeunesse est exposée- sans perdre l’attention d’un public lui-même jeune, qui se serait senti directement pris à parti par un discours moralisateur sous des dehors scientifiques ?

(English)

Introduction by Pierre Desgraupes
Desgraupes appears in a medium shot, centred before a window overlooking a street. As the frame widens in the second sequence, the viewer discovers that he is accompanied by several doctors. He explains to the viewer that they are gathered in the Psychopharmacology Research Unit where researchers work in collaboration with the staff at the Clinique des Maladies Mentales et de l'Encéphale [Brain and Mental Illness Clinic] which belongs to Paris’ Faculty of Medicine. “The topic is drugs. However, we are not referring to narcotics but rather the larger meaning of the word: all chemical substances that, when injected, modify how the organism and, more specifically, the nervous system function. Perhaps you've heard about drugs in your chemistry or physiology classes. Needless to say, before experimenting with them on humans, we study the effects of these drugs on animals”. By referring to courses that the viewer is supposed to have taken, Desgraupes indicates that he is addressing a school audience. (1’40)
Experimentation: Animals under the Influence
Sequence on animal experimentation. Following an introduction given by one of the doctors present, shots taken of cats placed in a “recording chamber” are shown and commentated by the doctor off-screen. The viewer first sees the cats in a normal state and then under the influence of a hypnotic called Nembutal, mescaline and the synthetic product 47-19(?). Graphical records of the animal’s cortex activity in cross section are shown. Under the hypnotic, the cat drowsily slumps to the floor. When under the effect of mescaline, “the animal typically assumes a kangaroo position with its back arched and hind legs spread apart. It can maintain this position for an hour and appears to be frightened of something unknown to the observer”. “Panting, fixed gaze, pricked ears are observed when under the effect of a similar product. The animal is watching something, but we do not know what. It appears to be very attentive and yet if we move a stick in front of it, its gaze does not follow. It is watching something only it can see”. When under the influence of the synthetic product, “the animal eats a fictitious meal. We can see that it is eating, yet there is nothing to eat. There is not even a stain on the floor”. Another cat is observed: “It is wild-eyed. The cat becomes frightening. We have never seen it like this before”. The camera returns to the charts. Below the uniformly oscillating lines, an uneven line with greater amplitude can be seen which is “characteristic of a state of drowsiness and yet the cat was not asleep”. (8’55)
Human Experimentation: A Carefully Considered Necessity
A doctor from the Brain and Mental Illness Clinic, also present, explains the conditions for passing from animal to human experimentation. “It is a vital transition for treating nervous disorders. It must be done with great precaution if we wish to learn from animal experiments. Precautions relate to dosage and data from the oral assessment. The advantage of humans is of course that they are able to explain how they feel. It is clear that we administer lower doses to humans”. (10’10)
Drug Classification
Sequence on the classification of drugs. Desgraupes reminds the viewer that classification is done according to their effects. The doctor shows a “very schematic” table: “Some substances calm the psyche such as sedatives, which are sometimes used excessively. Others, on the contrary, stimulate alertness and mood. The aim is to maintain a balance between melancholy and expansiveness. Others, hallucinogens, provoke experimental psychoses. These substances require, at the time of experimentation, electroencephalographic and heart monitoring. They absolutely fall within the meaning of the term ‘drugs’”. Desgraupes reiterates that the use of hallucinogens is rare. The doctor adds that inadequately controlled experimentation with these substances led to problems in North America. “Doctors must be the first to show an example of prudence”. The doctors brought product classification tables and encephalograms which they hold before the camera. It is difficult to concentrate on them since they are shown quickly and especially since there is no pause in commentary. (18’10)
Therapeutic Use of Psychotropic Drugs
A new, much more spectacular sequence dedicated to “diagnostic and chemotherapeutic research” using psychotropic drugs begins. It is filmed at Sainte-Anne Hospital in Paris. A man in a white lab coat is positioned for psychoanalysis. He is seated next to a bedridden patient seen from behind and facing the wall of the room. “How do you feel?” “A bit tired but I have all my mental faculties. I hear you very well”. The patient’s voice is dull and drags from one word to the next. The doctor turns to the camera. He appears to be reluctantly playing along. Slumped on his chair, he occasionally looks in the direction of Desgraupes positioned off-screen but more often than not he looks downwards, perhaps to read notes placed on his knees. He explains, “This patient is suffering from troubles related to the accident he had nearly two and a half years ago”. The cause of the accident will be given in the dialogue he establishes with the patient. The doctor continues, “This major accident did not cause him any brain injury. The trouble he complains of is therefore of psychological origin. The goal of the examination is to have the subject remember the exact circumstances of the accident or the traumas he had experienced during his childhood which may have been reactivated by the accident. These are topics he does not wish to discuss in a normal state. The purpose of the examination is therefore to reduce reluctance and bring to his consciousness what he has been hiding from us. First we administer a psycholeptic (a sedative), which reduces the subject’s alertness, and then a psychoanoleptic (an amphetamine), which intellectually stimulates the mind and, by reducing reluctance, will make the patient talk”. “That is to say that right now you are waking him up to have him talk?” questions Desgraupes. “That is exactly it,” replies the doctor. Since the start of the film, Desgraupes plays the role of journalist-intermediary. He tries to synthesise and reformulate the comments made by the speaker and even to have him or her clarify certain comments so that they are, as much as possible, within reach of a general audience. He therefore does his best to reinterpret the content shared in language that is more familiar to him. The doctor turns to the patient: “Do you remember the accident?” “Very well. We were in Belgium. We arrived at a crossroads. There was very thick fog”. A telephone rings. The doctor grimaces. Will the patient be troubled by it? No, he continues. He explains that the car struck a fountain located in the middle of the crossroads. At the doctor’s request, he specifies that he was on his way to his parents where he would sleep that night. “You’ve always lived with your parents?” “Yes”. “How do you get along with them?” “Very well”. “Very well? Hasn’t a member of your family also had an accident?” “Not to my knowledge”. The doctor then pulls out the old “Tell me about your parents” phrase. The patient points out that since his father was away at work, he spent much more time with his mother. The doctor then asks him if something happened to his mother when he was ten years old (a question to which the doctor apparently already knows the answer: it is not by chance that he brings up this specific point in time). The patient admits that his mother had a sore leg for an “undefinable reason”, to the point that it made her practically disabled. The doctor immediately establishes a link between his mother’s state and that of his very own, marked by repeated headaches. “It is a bit the same, no?” “In fact, yes”. He had never made the link, although he remembers also suffering from leg pain. Close-up of the attentive doctor. Off-screen, Desgraupes asks him if he feels that the patient is speaking more freely. “He has never before said what happened to his mother, whom he was very close to.” This is a new miracle in film-making: after two years of silence, it is when therapy is filmed that critical words are finally spoken. The doctor, while speaking, repeatedly strokes the naked arm of the patient with a cotton ball. “How do you feel now?” “I am more relaxed but am still suffering from a headache”. “You feel less pain, no?” “No, it is always that heavy ache which weighs”. The doctor simpers. Not everything is instantly solved before the camera. The truth just stated by the doctor on camera has not yet run its full course. (25’32)
Prohibited Drug Uses
Final sequence on the prohibited use of drugs. Another doctor who works at Sainte-Anne Hospital, interviewed by Desgraupes in his office, affirms that the illegal consumption of drugs especially concerns amphetamines and hallucinogens. Other drugs are limited “thanks to our legislation”. In his opinion, while the use of drugs allows for “interesting exploration of the subconscious when it takes place under the supervision of doctors, uncontrolled use, in particular with respect to LSD ‘which is talked about a lot lately,’ results in people ending up in the hospital with mental disorders. “They take mixtures, they take whatever they are given, whatever is handed to them. When you are not aware, these disorders mimic schizophrenia”. Desgraupes points out that twenty cases of this nature have been recently recorded at the hospital. (27’57)
The Film’s Doublespeak: Educate People about Drugs to Prevent Their Uncontrolled Use
The film stops there, partway through it seems. In the end, it becomes preventive despite the fact that Desgraupes had introduced the film by indicating that it would address drugs in the broad sense of the word, namely medical. Was this not a way to approach the strict meaning of the word, i.e. the meaning used by everyone and the “media”: the illegal toxic agent to which youth are exposed, without losing the attention of a young audience who would have felt directly attacked by a seemingly scientific moralistic discourse?

Notes complémentaires

La séquence de thérapie de cette émission (19'05) pourrait être comparée aux séances "d'hypnose chimique" incluse dans un certain nombre de films américains de la Navy traitant des traumatismes de guerre. Exemples : Combat_Exhaustion à (26'04) et The_N.P._Patient à (15'45).

Références et documents externes

Contributeurs

  • Auteurs de la fiche : Joël Danet, Sherry Stanbury
  • 2 Traducteurs_vers_anglais : Sherry Stanbury