La blennorragie, danger social (1933)

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Titre :
La blennorragie, danger social
Année de production :
Pays de production :
Réalisation :
Conseil scientifique :
Format :
Parlant - Noir et blanc - 16 mm
Langues d'origine :
Sous-titrage et transcription :
Sociétés de production :
Archives détentrices :
Corpus :

Générique principal

réalisés par le médecin lieutenant-colonel Lucien Jame, professeur agrégé du Val-de Grâce et S. M. Roullet, conférencier d'hygiène sociale

Contenus

Thèmes médicaux

Sujet

Film de propagande antivénérienne destiné à informer sur les moyens de contracter la blennorragie et sur les effets de l'infection sur l'homme, la femme et les enfants. La fin moralisatrice du film vise à rappeler au spectateur masculin que sa vocation étant de devenir chef de famille, son devoir est de se prémunir par la chasteté des tentations à même de la contrarier. À noter que l'intitulé du film décline celui d'un autre film de propagande antivénérienne produit par l'armée, « un danger social, la Syphilis ». L'équipe de ce film a également réalisé « La syphilis, ennemi public n°1 ». Le traitement est le même, ainsi que la tonalité : dans le cadre d'une conférence cinématographique, l'officier cherche à parler net aux soldats ; se posant moins comme leur supérieur hiérarchique que comme le responsable de leur santé, il met à profit le contexte militaire pour s'exprimer franchement à leur égard.

Genre dominant

Documentaire

Résumé

Le film met en scène un médecin militaire qui s'adresse directement aux soldats, par le regard et la tournure du discours. À l'appui de celui-ci, des séquences de fiction mettant en scène des personnages qui incarnent les conséquences heureuses ou malheureuses de la conduite que va adopter le soldat-spectateur.

Contexte

La maladie et sa prise en charge

Affection microbienne contagieuse, la syphilis a pour agent le tréponème pâle et se transmet par les rapports sexuels. Son évolution se fait en trois phases successives : le stade primaire au bout de trois semaines avec l’apparition d’un chancre et de ganglions non douloureux, le stade secondaire entre six semaines et trois ans avec des lésions cutanées, le stade tertiaire avec une dégradation générale de l’organisme puis du système nerveux.

Cependant les évolutions médicales pour la soigner sont de plus en plus perfectionnées. L'intervention des pouvoirs publics par la surveillance sanitaire des marins, des soldats et des prostituées, ainsi que l'introduction de nouvelles thérapeutiques comme l'iodure de potassium, et ceux de l'hygiène, font sensiblement reculer toutes les maladies vénériennes entre le milieu du siècle et 1880. Dès 1905, les Allemands Fritz Richard Schaudinn et Paul Erich Hoffmann découvrent l'agent de la syphilis, un spirille nommé "tréponèm pâle". La même année, Wassermann met au point un séro-diagnostic qui permet d'identifier la maladie dès ses premiers stades. Pour le mettre en évidence, ils emploient le le microscope à fond noir mis au point par Siedentopf et Zsigmondy en 1903. En 1909, Jean Comandon mobilise ce même microscope pour réaliser dans l'Hôpital Saint-Louis des prises de vue micro-cinématographiques du même spirille.

En 1910, Paul Ehrlich et Sahachiro Hatta découvrent l'arsphénamine ou '606' (le produit sera commercialisé sous le nom de Salvarsan). Viendront le '914' ou Néo-Salvarsan puis le '910' ou Stovarsol. Les numéros correspondent à ceux des dossiers dans l'ordre des expérimentations animales. En 1921, Ernest Fourneau, met au point un dérivé de l'arsenic à l'institut Pasteur : le Stovarsol. Ce dérivé est plus stable et se prend par voie orale. En 1934 le principe actif du Salvarsan, découvert en 1920 par Carl Voegtlin et Homer Smith, est introduit par le traitement de la syphilis sous le nom de Mapharsen. L'arrivée des traitements par sulfamides puis par antibiotiques a donné l'espoir de pouvoir éradiquer, sinon toutes, du moins les plus graves des MST, et jusque vers 1965, la diminution continue des nouvelles contaminations l'a laissé espérer.

L'organisation de l'information et de la prévention publique

Par le décret du 27 janvier 1920, Millerand crée le ministère de l'Hygiène, de l'Assistance et de la Prévoyance sociale, à la suite d'une pétition déposée à la Chambre des députés le 27 février 1919 par les associations de lutte contre les fléaux sociaux et les groupes parlementaires qui les représentent. La création de ce nouveau département résulte de la juxtaposition des services du ministère de l'Intérieur, notamment ceux de l'assistance et de l'hygiène, et de ceux du ministère de la Santé, et les services du ministère du Travail, en particulier ceux de la mutualité et de la prévoyance. Mais le ministère de l'Hygiène est peu doté et le ministère du Travail s'oppose au projet et refuse de débloquer les fonds nécessaires. Lorsque, en 1924, le ministère de l'Assistance, de l'Hygiène et de la Prévoyance sociale disparaît et est absorbé par le ministère du Travail, il n'y a plus de place pour le projet. Justin Godard, radical-socialiste déjà engagé dans la lutte contre les fléaux sociaux et M. Gunn de la Fondation Rockefeller élaborent un projet d'Office destiné à coordonner les activités des services d'hygiène et de santé publique. Le 4 décembre 1924, l'Office national d'Hygiène sociale est créé, sous la direction de Jules Brisac, ancien directeur de l'hygiène au ministère de l'Intérieur. Il marque l'institutionnalisation bureaucratique des fléaux sociaux, sous l'influence américaine, puisque les trois quarts du budget du nouvel Office sont consacrés à la lutte contre les maladies infectieuses. Les trois quarts du budget du nouvel Office sont d'origine américaine suite à l'implication de la Mission Rockfeller. Ce n'est que quatre ans plus tard que le budget français dépasse celui de la fondation philanthropique. L'objectif de l'Office était de "rassembler et mettre à jour la documentation sur la situation sanitaire de la France, " en inventoriant les documents relatifs à l'hygiène, aux maladies sociales et à leur prophylaxie ; d'assurer la coordination des efforts entre les pouvoirs publics et les organismes sociaux " Plusieurs services sont créés : Études techniques, Enquêtes départementales, Documentation et statistiques. Enquêtes, documentation et statistiques départementales. Les principales associations y sont représentées : la CNDT, la Ligue contre le péril vénérien, la Ligue nationale contre l'alcoolisme, le Comité national de l'Enfance, la Ligue contre le cancer... Mais la crise économique et les restrictions ont conduit à la suppression de l'Office le 4 avril 1934.

Syphilis et cinéma

Tout le temps où la syphilis s'est imposée comme fléau social, Le problème des médecins demeure l'ignorance de la population devant la menace qu'elle représente. Les campagnes d'information ne parviennent pas à la sensibiliser de façon déterminante. D'où le recours de plus en plus fréquent au cinéma : ce médium attire les foules et présente un réel potentiel pédagogique en présentant des agencements de vues réelles, de schémas animés et d'images microcinématographiques. Le Dr André Cavaillon, responsable au Ministère de l'Hygiène publique, spécialisé dans la prévention du péril vénérien, en est convaincu. Le film Il était une fois trois amis lui paraît exemplaire à ce titre, par l'efficacité de son exposé et son choix de la fiction pour le présenter : "Ce n'est pas uniquement le genre documentaire qui doit uniquement instruire le public. Il faut faire en sorte que le public soit presque inconscient qu'il est en train d'assister à un film d'instruction. Quoique des films dramatiques de ce type soient difficiles à faire, ils peuvent être faits, comme le prouve l'expérience (ainsi Il était une fois trois amis, œuvre du Dr Devraigne, chef de la maternité Laribosière, et de Benoit-Lévy.)" (Dr André Cavaillon, Le cinéma et les campagnes contre les maladies vénériennes).

Syphilis et contexte militaire

Avec la Première Guerre mondiale, la recrudescence de pathologies infectieuses dans le milieu militaire comme la blennorragie et la syphilis a imposé d’ajouter, au moyen de la propagande sanitaire, une nouvelle guerre à celle qui se traduit par le conflit armé. La peur de la sanction ou de la stigmatisation poussait les soldats infectés à ne pas déclarer leur situation, différant de cette façon le traitement nécessaire et favorisant le cycle de contamination. Afin de les inviter à se manifester, les autorités ont senti la nécessité d’adopter un discours compréhensif à leur égard, compte tenu de leur éloignement de leurs familles.

Éléments structurants du film

  • Images de reportage : Oui.
  • Images en plateau : Oui.
  • Images d'archives : Oui.
  • Séquences d'animation : Oui.
  • Cartons : Oui.
  • Animateur : Oui.
  • Voix off : Oui.
  • Interview : Non.
  • Musique et bruitages : Oui.
  • Images communes avec d'autres films : Non.

Comment le film dirige-t-il le regard du spectateur ?

Le film cherche à interpeller directement les soldats par la présence de l'officier-médecin à l'écran, le regard orienté vers la caméra pendant sa conférence.

Comment la santé et la médecine sont-elles présentées ?

Diffusion et réception

Où le film est-il projeté ?

structures militaires

Communications et événements associés au film

Public

militaires en instruction (dont les soldats appelés)

Audience

Descriptif libre

Introduction : conférence d'un officier
Un homme en uniforme d'officier (le Lt colonel Jame),attablé,s'adresse directement à la caméra ou lit furtivement les notes de son intervention cachées par l'orientation du plan. Il a l'air ennuyé, et en même temps, résolu à parler clair d'un problème urgent. Son apostrophe, « Chers amis », montre qu'il cherche à se mettre au niveau de ses interlocuteurs, sans s'appuyer sur son autorité d'officier, pour leur toucher un mot « d'homme à homme ».« Chers amis, vous avez certainement entendu parler des maladies vénériennes, de leurs dangers. Ce sont des infections qui se contractent au cours de relations sexuelles avec une femme malade. Elles sont toujours sérieuses, et leurs conséquences sont graves. Elles ne constituent pas seulement un danger pour celui qui est atteint mais aussi pour la famille, et par conséquent la société (...) Les maladies vénériennes étaient considérées autrefois comme des maladies honteuses, on se gardait d'en parler et d'en instruire les jeunes gens. Or, pour se protéger de ces maladies, il faut bien les connaître, savoir comment elles se présentent à leurs débuts. C'est le but de cette conférence filmée. »La tonalité du film est donnée : il s'agit de ne pas culpabiliser, mais d'informer en s'appuyant sur des données scientifiques. En même temps, il s'agit d'un message qui vise à rappeler le citoyen à sa vocation de chef de famille.
images cliniques de l'infection
À présent, des vues microcinématographiques et des schémas animés, avec la voix du conférencier en raccord-son. GP d'une verge infectée, puis schéma animé montrant l'évolution de l'infection par la progression d'un trait noir, épais, se résolvant en poudre charbonneuse, dans les conduits de l'appareil génital. Retour au GP sur la verge. « Un écoulement jaune-verdâtre apparaît. On ressent de vives douleurs, d'où l'expression : 'pisser des lames de rasoir'. Le malade ne doit prendre aucune médication non prescrite par le médecin, il doit s'abstenir de relations sexuelles. » Une main gantée palpe un testicule luisant et noirâtre. Le commentaire souligne qu'il a augmenté de volume. « La palpation est douloureuse. Les conséquences sont graves. L'homme deviendra incapable de procréer, d'avoir des enfants. »Scène de fiction : un homme et une femme, assis côte à côte sur un banc public, une même expression de douleur contenue sur le visage, contemplent d'un oeil vide des enfants jouer dans un square. L'homme incline la tête, comme accablé par le souvenir de sa faute au moment où le commentaire ajoute : « Eux, par exemple : pour une erreur de jeunesse, ces jeunes gens, qui voient s'ébattre les enfants des autres, sont condamnés à ne jamais connaître les joies de la famille. »Par cette scène, qui insiste sur la vocation de chef de famille à laquelle tout homme est appelé, le film est à rapprocher de « L'ennemi secret » de J. K. Raymond-Millet(1945, Cinémathèque Robert Lynen), lequel la reproduit en tous points, quoique de façon plus outrée.MG + schémas animés pour expliquer le rhumatisme blennorragique. Plans de poignets bandés, de genoux enflés. Traitement d'un malade dont la tête n'apparaît pas dans le cadre, allongé sur un bidet, dont la verge est badigeonnée par une lance, laquelle la pénètre ensuite par le canal de l'urètre : il s'agit d'évacuer la « fameuse 'goutte militaire ' » indique le commentaire. Le film insiste sur ces images pénibles, laissant le plan durer, autant sans doute, pour informer sur les techniques de soin que pour faire peur sur les conséquences de la maladie. Une infirmière vient poser un arceau sur un malade alité, sous lequel elle glisse un sac à l'endroit de son estomac. Opération chirurgicale d'une femme infectée, sa tête en dehors du cadre, son corps enveloppé dans du tissu blanc, sur lequel se penchent un chirurgien et deux assistants. Vues sur des enfants contaminés, aux yeux souillés de pus par le contact avec les organes de la mère. La composition de l'image est étrange : un GP sur le visage du bébé, sur lequel la mise au point n'a pas été faite, partage la moitié de l'image, sans que la profondeur de champ de l'autre moitié ne montre quoi que ce soit. Sur cette vue floue, on distingue que les yeux du bébé sont tuméfiés et que sa bouche s'ouvre pour des plaintes silencieuses. Retour à l'officier : « Vous voyez donc que cette maladie considérée sans importance est un danger social. Mais sachez aussi que c'est une maladie qui peut guérir. »
Nouveau chapitre : le chancre mou
Une main gantée montre une verge infectée sur l'extrémité, une autre à la base, ou des bubons sur l'aine. Complications : longs plans sur une verge parcourue d'ulcères. À nouveau, l'officier cherche à justifier son intervention, à préciser son message. Du coup, le film semble manquer d'une intention claire, ou plutôt, s'entêter dans le déni de ses réelles intentions : faire peur, moraliser, autant qu'informer.« Le court exposé que je viens de faire a pour but de vous rééduquer et de vous montrer la gravité de ces maladies quand elles sont mal soignées. Je n'ai pas voulu vous effrayer mais vous prévenir. À ce propos, je vous rappelle que toute prostituée, toute femme qui se donne facilement, quel que soit son milieu social est presque toujours malade et contagieuse. »Scènes de fiction : dans la rue, un homme tourne autour d'une femme qui attend, les mains sur les hanches, dans une pose provocante. Une femme en soubrette aborde un jeune homme dans une attitude non équivoque. « Si, par malheur, vous êtes contaminés, fuyez les charlatans et leurs réclames tapageuses. » Image d'une petite annonce de journal : « Blennorragie / écoulements récents et anciens / guéris en 4 jours / prix très modérés / institut des guérisons universelles. »
dernières recommandations
L'officier : « Allez consulter sans délai le médecin de votre régiment, ou le médecin de famille si vous vous sentez malades à votre libération, ou encore l'un des dispensaires antivénériens dont le médecin du régiment vous remettra la liste. Sachez bien que le seul moyen d'éviter tous ces malheurs est de rester chaste et de garder intacte votre force physique et morale pour fonder un foyer heureux et sain. » Sur une pétarade de clairons de régiment, plan d'ensemble sur un couple assis sur un banc devant deux enfants qui jouent à la pelle et au seau avec un petit chien. La cabriole de la petite va mal finir, le père la rattrape et la prend affectueusement dans ses bras. Le mot « FIN » apparaît.

Notes complémentaires

Lucien Jame : né le 20 octobre 1891 à Gourdon (Lot), fils d'un officier de la police, il fait des études à l'école de santé militaire. Pendant la Première Guerre mondiale, sa bravoure au front lui a valu d'être récompensé de plusieurs médailles. Après l'armistice, il soutient une thèse sur les études de prophylaxie contre les maladies vénériennes. Officier affecté dans le sud de l'Algérie en 1921, il a publié des articles sur la lèpre, la tuberculose et la malaria. Sa réussite aux concours dans la métropole lui permet de devenir officier – médecin avec le grade de Commandant au Service de Santé de Toulouse où il collabore avec Nicolas Dobo. En août 1943, il atteint le sommet de sa carrière en prenant le commandement du Service de Santé à Alger, puis à Rabat. Il a supervisé les opérations sanitaires pendant les campagnes d'Italie, de France et d'Allemagne. Grand-Officier de la Légion d'honneur, il prend sa retraite avec le grade de Général, continuant néanmoins d'oeuvrer dans la prévention jusqu'à sa mort le 16 juin 1969. (« Le médecin Général Inspecteur Lucien Jame(1891-1969) par Nicolas Dobo et Pierre Jame, dans la revue Histoire des sciences médicales, vol 30, n°3, pp. 381-388 ; cité dans cat.inist).

Références et documents externes

Contributeurs

  • Auteurs de la fiche : Joël Danet