La mini-cuisine
La mini-cuisine est une émission culinaire pour enfants diffusée par l’Office de Radio-Télévision Française (ORTF) entre 1967 et 1968. Elle met en scène le chef Michel Oliver, fils de Raymond Oliver, qui apprend à deux enfants à réaliser une recette de cuisine. L’émission est diffusée le jeudi, jour de la pause scolaire jusqu’en 1972, dans le cadre de la programmation enfantine Jeudimage, à une heure variable entre 16h et 17h. D’une durée de 10 à 15 minutes, chaque épisode est consacré à l’élaboration d’une recette de cuisine adaptée aux enfants, salée ou sucrée. Seuls 16 épisodes ont été conservés par l’Institut National de l’Audiovisuel (INA), mais une recherche poussée dans la base de données (Inathèque) révèle l’existence de quatre autres épisodes. Parmi les épisodes qui sont parvenus jusqu’à nous, la moitié est consacrée à des plats sucrés (« Le gâteau marbré aux chocolat », « Les paniers d’or », « Les cigares en chocolat »,…) et l’autre moitié à des mets salés (« Crêpes géantes », « Tomates en accordéon », « Salade niçoise »,…). Michel Oliver propose à la fois des recettes traditionnelles simples, toujours adaptées aux enfants, et des recettes plus ludiques.
*Michel Oliver, un chef proche des enfants
Contrairement à son père, Michel Oliver n’est pas un grand chef étoilé. Il a fait ses débuts dans la cuisine familiale puis a ouvert son propre bistrot. Pourtant, Michel Oliver possède déjà une certaine notoriété médiatique lorsque La mini-cuisine est diffusée à la télévision à partir de 1967[1]. En plus de ses liens avec la famille Oliver, il se fait connaître en publiant en 1963 un livre illustré intitulé La cuisine est un jeu d’enfants, préfacé par Jean Cocteau. Ce livre de cuisine pour enfants a pour objectif de rendre la cuisine accessible aux plus petits en la présentant comme un exercice ludique. Dans une interview donnée au Magazine féminin le 22 février 1964[2], il explique qu’il souhaite rendre les livres de cuisine plus attractifs en simplifiant les recettes. Pour cela, il a établi une nouvelle mesure adaptée aux enfants, qui ne nécessite pas l’usage d’une balance : il s’agit de la « tasse-étalon » dont il propose un patron au début du livre. Le livre est par ailleurs doté de nombreux dessins que Michel Oliver a réalisés lui-même. Fort du succès de son premier livre, il publie La pâtisserie est un jeu d’enfants un an plus tard. D’autres ouvrages de cuisine illustrés sont édités au début des années 2000. C’est donc à travers l’émission culinaire pour enfants La mini-cuisine que Michel Oliver fait son apparition à la télévision à la fin des années 1960, avant de devenir le célèbre chef des émissions pour adultes à partir de 1977. Selon Olivier Roger, il se veut plus proche des Français en proposant une cuisine accessible et populaire[3]. Ce nouveau rapport à la cuisine est en fait déjà présent dans l’émission pour enfants.
*Une émission ludique : la cuisine, un jeu d’enfants
La mini-cuisine rompt clairement avec la première émission culinaire pour enfants Le goûter diffusée entre 1957 et 1958 à la télévision française. En abandonnant le principe du concours, elle propose de faire de la cuisine une activité ludique et créative, accessible aux enfants. Cela commence par les titres des recettes qui sont rendus plus attractifs grâce à des images relevant du monde du jeu et à des références à la littérature enfantine : « Tomates en accordéon » ou « L’œuf géant du pays des miracles ». En faisant échos à leur imaginaire, les titres des recettes font de la cuisine un univers merveilleux. Les recettes elles-mêmes sont adaptées aux envies des enfants et aux plats qui leur sont traditionnellement associés : « Les œufs de Pâques » ou « Sandwich géant ». Une attention toute particulière est accordée dans les émissions à la forme et à la présentation des plats, contribuant également à rendre les recettes plus appétissantes. Les œufs de Pâques sont par exemple peints avec soin par les enfants, tandis que le gâteau olympique est surmonté d’un décor à base de rondelles de bananes prenant la forme des anneaux olympiques. Les recettes proposées respectent, en outre, assez bien les saisons ou les rituels alimentaires (œufs de Pâques, salade niçoise en été, gâteau olympique au moment des JO). Si le décor de la cuisine en plateau est particulièrement sommaire (absence de vitres, plan de travail réduit à une table fine en Formica, évier, four et réfrigérateur, quelques pots en faïence sur une petite étagère), La mini-cuisine expérimente cependant un lieu de tournage inédit : l’extérieur. Deux émissions sont en effet enregistrées hors studio durant l’été 1967 : « La pizza d’Obélix » est tournée au cœur du décor de « Floralix », parc éphémère des Floralies d’Orléans[4], et « Steak et tomates sur barbecue et bananes flambées » est tourné lors d’un pique-nique en forêt. Dans ces émissions, Michel Oliver est entouré d’un groupe d’enfants invités à assister et à participer à l’émission.
Cette conception ludique de la cuisine se construit par ailleurs sur un rapport gourmand à la cuisine, et non plus théorique comme c’était le cas dans Le goûter. La dégustation du plat réalisé est désormais un passage obligé à la fin de chaque épisode. Les enfants sont filmés longuement en train de déguster leur plat. Le goût apparaît comme une composante importante de l’activité culinaire fondée sur le plaisir. Le chef demande en effet souvent aux enfants s’ils aiment tel ou tel met. Michel Oliver, qui se présente d’ailleurs bien plus comme un grand frère que comme un chef – il ne porte ni costume ni tablier – adopte une attitude pédagogique envers les enfants. Il montre les gestes, et les corrige s’ils sont mal exécutés, et encourage les enfants régulièrement, n’hésitant pas à faire des compliments. Sa pédagogie repose également sur l’utilisation, à partir du 12ème épisode, d’un tableau noir sur lequel figure la liste des ingrédients à la fin de l’émission. L’exercice de sa lecture est confié aux enfants quand ils sont en âge de lire. En outre, Michel Oliver sait captiver les enfants en leur racontant une histoire autour des plats (comme par exemple pour la recette de « L’œuf géant du pays des miracles »). Si le chef dispense un discours de prévention des dangers domestiques, refusant que les enfants réalisent certaines tâches jugées dangereuses (couper un aliment, sortir un moule du four,…), il fait cependant en sorte que les enfants soient indépendants dans la cuisine. Cette attitude dénote d’une volonté d’autonomisation de l’enfant, considéré comme un acteur de son alimentation. Il ne s’agit plus d’imiter les adultes mais plutôt de créer une cuisine propre aux enfants.
Sur MedFilm
- Le gâteau olympique (France, 1968)
- La pizza d'Obélix (France, 1967)
- Sandwich géant (France, 1967)
- ↑ Roger, Olivier, Les mises en scène de la cuisine dans les émissions de recettes à la télévision française, Mémoire de Master 2 Histoire sous la direction de Pascal Ory, 2014, p.129.
- ↑ Magazine Feminin du 22/02/1964, n° notice : CPF86625105, disponible sur InaMediaPro
- ↑ Roger, Olivier, Les mises en scène de la cuisine dans les émissions de recettes à la télévision française, Mémoire de Master 2 Histoire sous la direction de Pascal Ory, 2014, p.129.
- ↑ Voir la notice INA n° CPF88005908.