Cris, pleurs et consolation (1978)
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Sommaire
Générique principal
Cartons : "Cris-pleurs et consolation 1978 / Montage de séquences filmées en super-8 / Réalisé par : J. De Ajuriaguerra I. Casati M. Auzias F. Cukier D. Sechan"
Contenus
Thèmes médicaux
Sujet
Typologie des pleurs des nourrissons et présentation des moyens pour les apaiser.
Genre dominant
Résumé
Ce film d’observation consiste à présenter différents cas qui permettent de catégoriser les types de pleurs et permet aussi, par des scènes d’interaction, de montrer des procédés pour les consoler. Huit nourrissons de 32 heures à 14 mois et 5 jours sont filmés. Des cartons annoncent le nom et l’âge de chaque bébé filmé. Différents pleurs sont montrés : pleurs de faim, pleurs de douleur et détresse, au réveil, pleurs de contagion.
Contexte
La production filmique de Julian de Ajuriaguerra
Collaboratrice de Julian de Ajuriaguerra, Marguerite Auzias décrit les intentions et les modalités de sa production filmique : "Julian de Ajuriaguerra réalise plusieurs films d'étude durant ses années d'enseignement au Collège de France où il tient la Chaire de Neuropsychologie du développement de 1976 à 1982. Pendant ces années, il anime avec son équipe des recherches sur le nourrisson. Ils ont été réalisés à partir de séquences de films de recherches longitudinales sur le développement normal du nourrisson durant les deux premières années de la vie. Ces films, selon Julian de Ajuriaguerra, doivent permettre de mettre en évidence les perspectives évolutives et comparatives du développement. Ils contribuent à une sémiologie propre à l'enfant dans un but thérapeutique. Selon lui, photographie et film sont des outils de recherche qui permettent une observation concrète et précise des fonctionnements et leur mise en relation avec l'état comportemental du moment. Ils sont à même de susciter une émotion qui fait mieux comprendre le sens et l'essence des comportements étudiés.
Pour certaines études, il choisit de filmer les bébés nus, car il veut observer les corps des bébés en mouvement et ainsi mettre en évidence l'interrelation tonico-émotionnelle. Certaines séquences sont tournées dans des situations de tout-venant, sans préparation spéciale, le bébé allant et venant selon son bon plaisir, les parents lui parlant, l'embrassant, le câlinant, le nourrissant, le baignant, l'habillant, l'endormant ou jouant avec lui selon l'heure. Pour certaines recherches, cependant, des situations standardisées sont aménagées en fonction d'un sujet délimité comme les déplacements, les mouvements spontanés avant sept mois comme le planeur, des comportements de tendresse. Ces situations standardisées aménagées sont toujours organisées dans le milieu normal de l'enfant, sa salle de crèche, ou son domicile. Les bébés, familiarisés de longue date avec les membres de l'équipe et les séances de filmage, finissent par ignorer la caméra et le caméraman. Cela permet d'éviter tout effet de sidération. On recueille avec la caméra ce que les bébés donnent à voir. Il en ressort un stock de documents filmiques très précieux. Le film constitue une observation à disposition. Ces documents sont ensuite analysés dans le détail ; c'est le matériau d'élaboration patiente à l'aide de grilles d'analyse. Puis vient le temps de la discussion et l'élargissement de celle-ci à des problèmes connexes et plus vastes englobant le thème étudié.
Pour Julian de Ajuriaguerra, les théories évoluent, mais les descriptions restent, il est alors nécessaire d'aboutir à une sémiologie riche et précise. Ces films sont d'une qualité particulière. Ce ne sont pas des films à thèse cherchant à passer un message ni des films pédagogiques ; ce sont des films d'observation, imparfaits du point de vue technique, mais montrant des bébés dans des situations bien définies, qui se comportent en fonction de leur âge, selon leurs penchants naturels et leur humeur du moment. Ils ont la fraîcheur de leurs comportements spontanés." (d'après le commentaire Marguerite Auzias, Présentation des films de recherche de l'équipe Ajuriaguerra - Auzias, Centre Hospitalier Sainte-Anne, 2017).
Caméra Super 8
En 1965, Kodak lance un nouveau format pour amateur appelé Super 8 : il est plus accessible et moins onéreux que d’autres formats et est facile à transporter. Ainsi, il s’agit d’un outil intéressant pour les films de recherche.
Test de Guthrie
Ce test de dépistage est réalisé à la naissance de chaque nouveau-né dans les trois jours suivant la naissance, depuis 1972. Il consiste en un pic sur le talon qui permet de prélever une goutte de sang appliquée sur du papier buvard. Il permet de détecter cinq maladies : la phénylcétonurie, l’hyperplasie congénitale des surrénales, l’hypothyroïdie, la mucoviscidose et, pour les nouveau-nés présentant des facteurs de risque, la drépanocytose.
Éléments structurants du film
- Images de reportage : Oui.
- Images en plateau : Non.
- Images d'archives : Non.
- Séquences d'animation : Non.
- Cartons : Oui.
- Animateur : Non.
- Voix off : Non.
- Interview : Non.
- Musique et bruitages : Non.
- Images communes avec d'autres films : Non.
Comment le film dirige-t-il le regard du spectateur ?
Ce film a été réalisé à des fins de recherche. Il n’y a pas de voix off, le son est en in, rien n’est expliqué pour laisser libre cours à l’interprétation de l’observateur.
L’élément central de ce film est le nourrisson et son monde : les adultes sont montrés par une main, un bras qui entrent dans le champ. Il nous montre que la consolation est une interaction : il y a un aller-retour entre l'adulte et l'enfant. Les adultes communiquent réellement avec les nourrissons du film, que ce soit par leurs gestes, leurs étreintes, les petits bruits de bouche, des sons répétés ou des phrases d'encouragement.
Il est probablement possible, notamment à partir de (05:30), lorsque les séquences sont tournées dans un crèche, de distinguer le personnel habituel de cet établissement des membres de l'équipe d'Ajuriaguerra, ces derniers ne portant pas de blouse, contrairement aux auxiliaires de puériculture et éducatrices de la crèche.
Comment la santé et la médecine sont-elles présentées ?
Ce film s'intéresse au développement naturel du nourrisson, et non pas à des pathologies particulières.
Le premier tiers du film (jusqu'à (05:30) environ) se déroule à l'hôpital, et en particulier à la maternité, qui sont montrés comme des lieux de vie du nourrisson et de ses proches plutôt qu'en tant que lieux médicalisés. Même lorsque des soins sont administrés, le film nous montre à voir davantage la réaction de l'enfant que le soin en tant que tel.
Les interactions suivantes sont filmées dans un crèche, lieu d'observation et de recherche habituel d'Ajuriaguerra et de son équipe.
Diffusion et réception
Où le film est-il projeté ?
Collège de France le 6 février 1978, cours du Prof. Julian de Ajuriaguerra, "Cris et pleurs".
Communications et événements associés au film
Public
Professionnels de la pédiatrie.
Audience
Descriptif libre
Cartons tapuscrits « Cris-pleurs et consolation – 1978 » ; « Montage de séquences filmées en super 8 » ; « Réalisé par J. de Ajuriaguerra, I. Casati, M. Auzias, F. Cukier, D. Sechan ».La prise de son est faite en in. Il n’y a pas de voix off ni de commentaires. (00:21)
Période néo-natale
Cartons tapuscrits : « I. Période néo-natale » ; « Juliette (32 heures) - Petits cris-pleurs. Se calme toute seule ». (00:31)
Au centre de l’image, Juliette emmaillotée, posée sur un lit, près d’une fenêtre. Elle se met à pleurer. Ses yeux sont fermés et crispés, sa bouche grande ouverte. Plan de plus en plus serré pour observer son visage. Ses mains sont près de son visage. Après quelques petits cris-pleurs et de grandes respirations, elle s’arrête seule. Plan serré sur son visage lorsqu’elle est calmée : ses doigts remuent près de son visage. On voit toutes ses expressions faciales de nouveau-né : sa bouche s’entrouvre au contact des doigts. Elle entrouvre légèrement les yeux et a l’air apaisé. (01:03)
Cartons tapuscrits : « Variétés de pleurs de faim et consolation - Pierre 6 jours, Naoufal 5 jours » ; « Pierre - 6 jours »
Plan moyen de Pierre, couché sur le ventre, vêtu d’un body et recouvert d’une couverture, au centre de l’image. On remarque ici que le film a été tourné dans les années 70 : aujourd’hui, on ne laisserait pas un bébé sur le ventre à cet âge. Une main tient le lit pour le bercer légèrement. Pierre ne se calme pas. La main se pose alors sur son dos de manière apaisante, et immédiatement, il cesse de pleurer. En se calmant, il porte sa main à la bouche et commence à la téter. Lorsque la main de l’adulte s’éloigne, les pleurs reprennent légèrement, mais s’apaisent rapidement, peut-être grâce à la succion de sa main. Plan serré sur son visage. On observe bien la succion de sa main, et on entend sa respiration comme s’il essayait de manger. Ses yeux restent fermés, sa respiration se calme et son corps se détend. (02:22)
Carton tapuscrit : « Naoufal - 5 jours »
Plan poitrine qui englobe une femme et le bébé qu’elle tient dans ses bras. La femme, peut-être la mère de Naoufal, porte une blouse blanche par-dessus ses vêtements. Naoufal pleure. La femme le tient avec une main posée sur son ventre et le berce doucement. Comme il ne se calme pas, elle le tapote puis l’installe à l’horizontal, le pose ensuite dans son couffin. Il se calme. On entend d’autres bébés pleurer au loin. La femme reste à côté pour s’assurer que Naoufal est bien apaisé. Elle n'apparaît cependant que bord cadre, le plan restant orienté sur le nourrisson. Lorsqu’il recommence à pleurer franchement, elle l’aide à porter ses doigts à sa bouche en maintenant sa main en position. Ses pleurs s’arrêtent. (3:25) Plan serré sur Naoufal. Il est calme, les yeux fermés et la main dans la bouche. La caméra descend à sa hauteur. Naoufal qui a lâché sa main de sa bouche recommence à pleurer. La femme essaie de la réintroduire entre ses lèvres, mais ses pleurs sont trop intenses. La femme le sort du couffin et le reprend dans la position initiale. (3:59)
Plan moyen, Naoufal est posé à la verticale sur le ventre de la femme qui lui tapote le dos. Zoom sur le visage de Naoufal. Une personne, probablement une employée de la maternité, entre en disant : « C’est pas un enfant qui pleure là ? ». En constatant que Naoufal se calme, elle repart en disant quelque chose d’indistinct. (4:14)
Carton tapuscrit : « Cri de douleur suivi de détresse après piqûre pour prélèvement de sang ».
En plan moyen, un nourrisson couché sur une table à langer, son pyjama jaune défait pour libérer ses jambes. Une femme, membre du personnel médical, lui tient la cheville. Elle va lui piquer le talon pour effectuer le test de Guthrie. Le bébé réagit en criant. La soignante dépose les gouttes de sang qui perlent sur un carton prévu à cet effet. Le bébé hoquète en pleurant, comme s’il avait du mal à reprendre sa respiration. Un zoom sur le haut de son corps permet d’observer son comportement pendant ses pleurs. Il agite vivement les bras, les doigts tendus. Dézoom, la soignante tamponne son talon avec un coton. Ses pleurs deviennent moins forts et plus continus. La soignante applique un pansement autour de son talon. Le bébé s’apaise petit à petit et semble plus détendu ; ses mouvements sont plus lents. (05:30)
De 1 à 4 mois
Cartons tapuscrits : « II. De 1 à 4 mois » ; « Marie-Christine, 6 semaines – Pleurs et consolations variées » ; « Marie-Christine – 6 semaines (21-11-77) ».
Plan en plongée : Marie-Christine, nue, est dans les bras d’une femme, sûrement sa maman, agenouillée par terre. Un micro est tendu bord cadre gauche. La femme a le visage tourné vers Marie-Christine. Elle la berce, la tapote doucement, tout en faisant des bruits de bouche rassurants. Marie-Christine se met à pleurer, la caméra zoome pour se concentrer sur son visage et son torse. Son visage est crispé et ses poings fermés. Sa mère la rapproche alors de sa poitrine, continuant à la bercer. Le bébé semble se calmer légèrement, émet quelques sons inintelligibles. Dès que la mère éloigne Marie-Christine d’elle, la posant par exemple sur le tapis, cette dernière recommence à pleurer de plus belle. La mère la reprend aussitôt contre elle, lui essuie le derrière avec une petite serviette. Les orteils du bébé sont écartés et tendus, comme le reste de son corps. (06:14)
Julian Ajuriaguerra intervient. En plan rapproché, il tient Marie-Christine, toujours nue, contre son épaule. Marie-Christine devenue très calme, regarde au loin. Sa peau claire contraste avec le costume sombre d'Ajuriaguerra. Filmé en plongée, il se penche pour la poser sur le tapis jaune. Quelques secondes après, elle se met à pleurer, tendant les jambes et fléchissant les bras. Le micro intervient dans le champ. Ses pleurs sont longs, sa respiration est rare. Son visage est entièrement crispé, et sa bouche est grande ouverte. Elle ne semble pas apprécier de passer des bras chauds et accueillants d'Ajuriaguerra au sol froid et peu enveloppant. Ajuriaguerra, penché sur elle, tente de capter son attention par de petites chatouilles sur le torse et dans le cou. La caméra zoome sur le visage de Marie-Christine. Les chatouilles ne fonctionnant pas, il met son visage devant le sien et se met à siffler doucement, lui caresse les joues, émet des bruits légers, souffle doucement sur son ventre. Les cris de Marie-Christine qui ont ralenti légèrement, reprennent bientôt avec la même intensité qu'auparavant. Ajuriaguerra lui chatouillant les pieds, elle se calme progressivement. Ses pleurs sont espacés, elle hoquète, ses yeux s’ouvrent pour la première fois depuis qu’elle a été posée sur le tapis. Ses jambes se détendent légèrement. Ses pleurs reprenant, il la reprend dans ses bras, en position verticale. La mère, en retrait, observe la scène avec attention, les bras croisés. Ajuriaguerra fait quelques pas avec Marie-Christine. Celle-ci se calme, se love contre lui, la tête dans son pull, le corps détendu. Il commence à la bercer. Puis, il la recule légèrement de son étreinte et s’approche de la maman. Les deux adultes se préparent à un changement de bras, Ajuriaguerra disant à Marie-Christine : « La voilà, ta maman ». Heureuse de reprendre son bébé, sa mère la porte dans un bras tout en lui caressant le visage et lui baise le front. (8:29) Montrées de profil, Marie-Christine et sa mère sont face à face, les yeux dans les yeux, dans un moment très intime. La mère sourit et lui parle très doucement, ses paroles sont indiscernables, comme si ce moment leur était réservé. Elle fait des petits bruits de bouche et Marie-Christine regarde attentivement sa mère, son corps et son visage sont détendus. On perçoit la grande affection qui les lie. (08:40) Plan très serré sur le visage de Marie-Christine, son regard est attentif. Dézoom, l’arrière de la tête de la mère apparaît. Elle appelle, d’une voix très douce : « Bébé, bébé », et continue de faire des bruits de bouche répétés. Marie-Christine baillant, la mère ajoute : « Ouh la la, tu as sommeil ? Qu’est-ce que tu as ? Tu as sommeil ? ». On semble entendre un sourire dans sa voix. Marie-Christine regarde un peu en arrière et râle deux fois. La mère la replace, ajoutant : « Qu’est-ce que tu me racontes ? » deux fois en hochant la tête. Comme la mère est montrée de dos, l’attention est portée sur le visage de Marie-Christine et son lien avec sa mère. (09:06)
Carton manuscrit : « Marie-Christine – 7 semaines – (29-11-77) »
Marie-Christine pleure dans les bras d’une femme assise qui la berce. Celle-ci la tient à l’horizontale, une main sous son ventre, l’autre sur sa jambe. Quand elle déplace sa main sur sa jambe, les pleurs de Marie-Christine s’arrêtent. Hors champ, une voix d’homme intervient : « Comme ça, elle a la tête soutenue. » Marie-Christine est calme dans les bras, toujours tenue à l’horizontale, le dos contre le ventre de la femme. (9:31)
Carton tapuscrit : « Yulen, 1 mois 20 jours. - Au réveil ». Sur une ardoise tenue par une main, mention à la craie : « Yulen – 1 mois 20 j – 9-9-77 »
En plan rapproché et en plongée, Yulen est installé sur une table à langer. Deux mains dans le champ réajustent son pull. Yulen se met à râler, émet quelques pleurs. Une femme, qui se révèlera être sa mère, le porte à l’horizontale avec une main sous ses fesses, une autre soutenant sa tête. Le berçant de bas en haut, elle lui dit doucement : « Alors, alors... » Yulen s’arrête rapidement de pleurer. (10:05) Gros plan sur Yulen têtant le sein de sa mère. Celle-ci est assise, son bébé allongé contre elle, ventre contre ventre. On entend les bruits de déglutition. La caméra dézoome pour montrer tout son corps ; la maman continue de le bercer, d’avant en arrière. Yulen est apaisé et calme. La caméra desserre, sans montrer le visage de la femme : ce qu'il importe de montrer est son lien intime avec Yulen. (10:17)
Carton tapuscrit : « La contagion - Orféo et François 4 mois »
La caméra est placée près du sol couvert du tapis jaune déjà vu dans la séquence avec Marie-Christine. Deux bébés dans le champ : à gauche, un bébé nu est allongé sur le ventre, sur le tapis. Il a ramené un bras sous son menton. Il pleure. Un deuxième bébé apparaît dans le champ. Allongé en face de lui, il se tient calme, observant son camarade. La caméra zoome sur leurs visages. Celui de droite perd brièvement l’équilibre, puis se redresse aussitôt. Il regarde au loin, peut-être vers des adultes, puis se penche doucement vers l'autre bébé qui s'est mis à pleurer. Tournant la tête vers la caméra, il montre à présent sa bouche entrouverte, les commissures orientées vers le bas, et ses sourcils arqués. On se demande s’il va, lui aussi, se mettre à pleurer. Son visage se détend un instant. Se penchant à nouveau vers l'autre bébé, il le fait enfin. Les deux bébés pleurent donc en même temps : on peut se demander s’il s’agit d’une réaction de mimétisme ou d’une inquiétude commune face à la situation. Le bébé de gauche, qui n’a pas cessé de pleurer, se met à pousser des cris plus aigus ; sa détresse semble s’accentuer. Il a davantage de mal à reprendre sa respiration. N’arrivant pas à se maintenir sa tête dressée, il retombe sur le tapis. Après un court zoom sur le visage des deux bébés, deux mains interviennent dans le champ pour récupérer le bébé de gauche. (11:00) La caméra desserre. On retrouve les deux nourrissons sur le même tapis : cette fois, ils sont allongés sur le dos, tous les deux habillés, l’un à côté de l’autre. Une main repose sur le ventre du bébé de gauche et le caresse doucement. Le bébé de gauche pleure ; on voit ses bras et ses jambes s’agiter. La main le caresse successivement sur le ventre, puis sur le menton, puis à nouveau sur le ventre. La caméra dézoome et révèle la femme à qui appartient cette main, agenouillée tout à gauche du plan. Elle commence à le bercer doucement avec sa main tout en lui disant « chhhhh ». Elle lui parle doucement, de façon inintelligible. Le bébé de droite regarde calmement l’autre bébé qui cesse de pleurer. (11:23) Plan rapproché sur le visage de ce dernier, la caméra le suit quand la femme le prend dans ses bras. S'il ne pleure plus, il ne semble pas détendu pour autant. Il semble difficile de le positionner confortablement dans les bras ; il paraît crispé. Une fois installé sur les genoux de la femme, qui est à moitié assise sur le tapis, à moitié à genoux, il se remet à pleurer. La femme lui tient la main, elle sourit et le regarde en face, rapprochant son visage du sien pour capter son attention. (11:45)
Carton tapuscrit : « Orféo, 2 mois 18 J. pleure de faim : - Consolation surprise (apnée) - consolation-nourriture »
Très gros plan sur le visage d’Orféo. Sa bouche est grande ouverte, sa langue tendue à l’intérieur, son visage est crispé, ses yeux fermés. Ses mains sont proches de son visage. Ses pleurs sont très intenses, presque rauques. On entend d’autres pleurs hors champ et on voit de petits lits d'enfants en arrière-plan, ce qui laisse penser que la scène se déroule dans un crèche, lieu fréquent des observations et travaux d'Ajuriaguerra et son équipe. (12:04) Plan poitrine de profil. Le bébé est porté par Ajuriaguerra pleure intensément. Le micro intervient dans le champ, il tente de capter les pleurs. Ajuriaguerra, tenant toujours Orféo, se baisse subitement, puis se relève. Ce changement soudain intrigue le bébé. Ajuriaguerra attend quelques instants. Après quelques hoquets, le bébé recommence à pleurer un peu, puis s’arrête dès qu'Ajuriaguerra se baisse de nouveau. (12:39) Tentative de donner le biberon à Orféo. Le biberon est introduit doucement dans sa bouche, il commence à téter et se calme immédiatement. Comme le biberon lui est retiré, Orféo s’agite de nouveau, puis se calme dès que le biberon est replacé dans sa bouche. (13:06) Un très gros plan sur son visage permet d’observer sa succion calme. On aperçoit encore des gouttes au coin de ses yeux, traces récentes de ses pleurs. Le biberon est à nouveau retiré et la caméra dézoome pour montrer la scène dans son ensemble. (13:15)
De 9 à 14 mois
Carton manuscrit : « Orféo - 14 mois 5 - le 7-11-78 »
En plan d’ensemble : une salle meublée de lits à barreaux, qui évoque une crèche. Des enfants évoluent dans la pièce, ils semblent avoir entre 9 et 18 mois. Certains sont assis sans appui, d’autres commencent à marcher. La caméra suit le déplacement d’Orféo qui marche en direction d’une adulte accroupie près des lits. Puis elle zoome sur son visage et nous montre son expression concentrée. Il babille et sourit. La femme l’accueille avec un sourire à la caméra : « Tiens, un gros garçon que voilà », puis elle se tourne vers l’enfant et lui dit, sur un ton attendri : « Qu’est-ce qu’il a, le grand garçon ? ». (13:30) Après un bref moment dans les bras de l’adulte, Orféo se détache en se frottant les yeux. La femme réagit en riant doucement : « Oh, il est triste ». Comme Orféo s’assoit par terre, elle lui caresse doucement le visage. Il glisse ses doigts sur ses joues comme s’il mimait des larmes, sans pleurer pour autant. Il se retourne, se dirige vers un lit et tente de se relever en s’y appuyant. La caméra place à nouveau Orféo au centre de l’image ; ses habits clairs qui captent la lumière dirigent encore davantage notre attention sur lui. Pendant ce temps, la femme va échanger avec d’autres adultes dans la pièce. En se relevant, Orféo bascule vers l'avant, fait une culbute par-dessus la barre de l'un des lits et se cogne la tête au sol. Le bruit du choc fait sursauter la femme. « Oh ! » s'exclame-t-elle. Une autre femme lui décrit ce qu’elle a vu. Pendant qu’elles échangent, la première femme prend Orféo dans ses bras et le porte vers une femme en blouse. La caméra suit toujours Orféo. La femme en blouse le console en le serrant contre son épaule, le berçant doucement de gauche à droite tout en lui disant avec un ton calme et bienveillant : « Oh, il fallait te coucher, mon vieux ! ». Son attitude, à la fois souriante et douce, montre qu’elle n’est pas alarmée par la scène, sans doute habituée à ce genre de petits incidents. (14:19)
Orféo est à présent avec plusieurs enfants du même âge, installés au sol. Julian de Ajuriaguerra est accroupi devant le groupe. Une femme réagit aux babillements d’un bébé en disant, sur un ton légèrement taquin : « Et alors, tu es en colère ? ». Ajuriaguerra poursuit dans la même tonalité, imitant une voix de bébé : « Oh, on s’occupe pas assez de toi… » puis répète plusieurs fois « oui, oui », avec douceur. On remarque qu’il y a désormais beaucoup plus d’interactions verbales avec les enfants que dans les scènes du début du film, qui montraient des nourrissons très jeunes. Ces échanges marquent un tournant dans le développement des bébés, plus réactifs aux stimulations langagières et plus engagés dans la communication. (14:36)
Des lettres défilent rapidement sur l’écran, sans logique apparente, comme s’il s’agissait d’une pellicule mal montée ou d’une erreur de manipulation. Ce moment brouille légèrement la continuité du film. (14:39)
Carton manuscrit : « Elsa - 9 mois 22j - le 15-3-79 »
Une petite fille, Elsa, est portée à la verticale dans les bras d’une femme, agenouillée sur le désormais familier tapis jaune. Comme dans les prises de vue précédentes, la caméra commence en plan rapproché sur le visage du bébé avant de dézoomer pour intégrer progressivement son environnement. La femme assoit Elsa sur ses genoux, face à elle, dans une posture qui facilite l’interaction visuelle et corporelle. (14:54) On voit un autre bébé couché sur le ventre à proximité. Il se hisse sur ses coudes, visiblement captivé par un miroir placé devant lui. Les deux bébés qui cohabitent dans le même espace n'interagissent pas. Un son singulier émerge : un râle prolongé, presque grinçant, que l’on peine à attribuer à l’un ou l’autre. Aussitôt, la femme resserre Elsa contre elle. La petite fille, apaisée par ce contact, commence à sucer son pouce. La caméra, mobile et attentive, se déplace pour venir saisir au plus près les expressions du visage d’Elsa. Son regard est absorbé, calme, et son pouce dans la bouche agit comme un objet transitionnel rassurant. (15:19) Gros plan de profil sur le visage d’Elsa, qui semble pensive et apaisée. À nouveau, la caméra dézoome pour inclure l’ensemble de la scène. Elle est assise entre la femme et le bébé couché sur le ventre. Des jouets sont posés sur le tapis. Un nouveau cri hors champ. (15:30) En plan moyen, Elsa pleure, la bouche grande ouverte. La femme lui fait signe de venir en tapant doucement dans les mains pour attirer son attention, paumes tournées vers elle. « Tu viens ? ». Elsa, détournant d’abord le regard, a du mal à reprendre sa respiration et hoquète. La femme finit par avancer ses mains sous celles d’Elsa et la soulève délicatement par la taille pour la rapprocher d’elle. Elle la porte contre elle en disant : « Oh, là, là, là, là. » (15:59) Très gros plan sur le visage d’Elsa qui a les joues et le nez rouges. Des larmes roulent sous les yeux, son nez coule, mais elle est calme. Elle semble fatiguée d’avoir pleuré. On entend toujours un bébé pleurer hors champ ; on peut se demander si c’est lui qu’Elsa observe attentivement. (16:07)
Le même carton manuscrit que précédemment apparaît : « Elsa - 9 mois 22 j - le 15-3-79 »
Plan rapproché légèrement en plongée, de profil : Elsa dans un transat, en face d’une femme dont le visage est très proche du sien. La femme fait « aaaah », la bouche grande ouverte, pour répondre aux sons émis par Elsa. La petite fille explore le visage de la femme, qui se laisse faire et hoche la tête. Elsa tourne la tête vers la caméra, affichant un grand sourire. La caméra descend pour être entièrement de profil et bien montrer l’interaction entre la femme et l’enfant, qui poursuit son exploration avec joie. (16:25) Gros plan sur le visage d’Elsa et d’une femme. La caméra dézoome et montre la femme assise sur le tapis jaune qui tient fermement Elsa dans ses bras. Elsa pleure, le visage tout rouge. La femme lui fait des papouilles. « Allez, fais un câlin » lui dit-elle, tout en la maintenant, les mains dans son dos, et en se balançant d’avant en arrière. La caméra zoome et dézoome à plusieurs reprises. Les pleurs se transforment en un petit râle peu convaincu. Elsa porte sa main à sa bouche. La femme la tient très serrée, comme pour lui faire un bisou. Elsa se remettant à pleurer, elle lui dit : « Ah, ben, non », et la fait sautiller sur ses genoux. Elle ajoute : « Oh, c’est fini », et continue de la faire sautiller de plus en plus, tout en lui disant « chhh ». Les pleurs se transforment en babillage ; la main dans la bouche, Elsa semble tester le bruit que produit son « ah ». La caméra zoome sur son visage calmé et dézoome pour inclure dans le champ le visage souriant de la femme. Le film s’arrête brutalement sur cette image. (17:02)
Notes complémentaires
Références et documents externes
Jean-Pierre Dufoyer, Le développement psychologique de l'enfant de 0 à 1 an, Paris, PUF, 1976.
Jean Piaget, La naissance de l'intelligence chez l'enfant, Paris, Delachaux et Niestlé, 1977.
Contributeurs
- Auteurs de la fiche : Louison Robert, Jeanne Franco, Manon Penarrubia