Attention... aux maladies vénériennes (1969)

De Medfilm



Pour voir ce film dans son intégralité veuillez vous connecter.
Si vous rencontrez un problème d'affichage des sous-titres, veuillez essayer un autre navigateur.

Titre :
Attention... aux maladies vénériennes
Série :
Année de production :
Pays de production :
Réalisation :
Conseil scientifique :
Durée :
61 minutes
Format :
Parlant - Noir et blanc - 8 mm
Langues d'origine :
Sous-titrage et transcription :
Sociétés de production :
Commanditaires :
Archives détentrices :
Corpus :

Générique principal

Réalisateur : Igor Barrère / Producteurs : Igor Barrère - Etienne Lalou / Commentateur : Pierre Desgraupes

Contenus

Sujet

Actualité du danger vénérien en France, moyens mis en oeuvre pour le contenir.

Genre dominant

Documentaire

Résumé

La syphilis et la blennorragie sont en recrudescence : le nombre des maladies rejoint celui recensé en 1930, avant la découverte de la pénicilline. Bien des questions se posent à ce sujet : causes, caractère héréditaire des maladies, effets secondaires. Cette enquête est menée à l'hôpital Saint-Louis où Pierre Desgraupes interroge les professeurs Robert Degos, Touraine (Saint Louis), Siboulet. - Explications de l'évolution des statistiques de syphilis en France - BT de photos présentant des manifestations extérieures de syphilis - Tableaux de statistiques de gonococcies. - Interview d'une assistante sociale enquêtrice épidémiologique, dont la tâche est de retrouver l'agent contaminateur de blennorragie. (Notice INA)

Contexte

Syphilis

Au milieu du XIXe siècle, la syphilis atteint sa plus grande extension dans les pays européens, alors que la transmission de plusieurs maladies vénériennes à la fois est de plus en plus fréquente. L'intervention des pouvoirs publics par la surveillance sanitaire des marins, des soldats et des prostituées, ainsi que les progrès de la médecine, par l'introduction de nouvelles thérapeutiques comme l'iodure de potassium, et ceux de l'hygiène, font sensiblement reculer toutes les maladies vénériennes entre le milieu du siècle et 1880;. Dans les deux ou trois décennies suivantes, selon les pays, les progrès de la prostitution clandestine anéantissent presque ces efforts et il faut, au début du XXe siècle de nouveaux investissements publics et de nouvelles mesures pour voir un nouveau recul des maladies vénériennes. Dans presque tous les pays développés, après un doublement provisoire des contaminés à l'occasion des deux guerres mondiales, l'arrivée des traitements par sulfamides puis par antibiotiques a donné l'espoir de pouvoir éradiquer, sinon toutes, du moins les plus graves des MST.

Alors que l’Europe de l’après-Deuxième Guerre mondiale, en pleine reconstruction, oublie la terreur qu’inspirait autrefois la syphilis, quelques spécialistes s’inquiètent du fait que la maladie n’a pas entièrement disparu. Dans un ouvrage paru en 1958, Les maladies vénériennes : danger actuel et permanent, le Dr Sicard de Plauzoles (1872-1968), directeur de l’Institut Alfred Fournier, dénonce le revirement de ses collègues qui considèrent que la syphilis est désormais une maladie bénigne. « Un grand nombre de médecins éminents sous-estiment aujourd’hui l’importance du péril vénérien », écrit-il avant d’ajouter, « pourtant il reste actuel et permanent ». Si Plauzoles reconnaît une diminution spectaculaire des cas recensés entre 1946 (15 454 cas), 1948 (8 681 cas) et 1952 (1'874 cas), à partir de 1953, il constate que la baisse s’interrompt. La maladie, loin de s’éteindre, subsiste sous forme de cas résiduels en nombre à peu près stable, et parfois même en augmentation d’une année à l’autre (1955 et 1956, « surtout importante dans le département de la Seine ») . À ses yeux, l’optimisme thérapeutique et la démobilisation face à la syphilis sont donc dangereux. Aussi conclut-il : « La régression de la syphilis n’est pas aussi importante qu’il semble : la syphilis tend à devenir stationnaire et même à retrouver une nouvelle marche ascensionnelle ». Un propos qu’il insère dans la perspective d’une lutte mondiale contre la maladie, rappelant que l’OMS recense dans le monde plus de vingt millions de nouvelles contaminations et deux millions de morts par an.

Les chiffres de Sicard de Plauzoles se limitent à la France des années 1950. Néanmoins, le constat plus général d’une confiance excessive dans la disparition de la maladie, d’une inattention aux cas résiduels et finalement d’une surprise face à leur nouvelle augmentation, s’observe ailleurs et à d’autres époques. Optimisme thérapeutique, démobilisation prophylactique et court-circuit pharmaco-technique transforment les schémas de l’infection. Celle-ci, cependant, se déplace des groupes à risque (travailleurs du sexe, etc.) vers la population générale, avec l’apparition de catégories telles les « ami(e)s de passage » (comme il est évoqué dans l'émission). Depuis 1965, les contaminations ont triplé ou quadruplé durant une dizaine d'années puis, après une stagnation de 1975 à 1985, régressent à nouveau, mais très lentement, depuis 1986.

Blennorragie

L'apparition des antibiotiques a fait naître l'espoir, en 1945, de l'éradication de cette maladie qui n'a pas de réservoir de virus animal ; mais après une décroissance rapide jusque vers 1965, le gonocoque s'est associé avec un plasmide protecteur qui le met à l'abri des antibiotiques, et les souches résistantes sont plus répandues que jamais depuis.

Cf. Jean-Noël Biraben, "Le rôle des maladies sexuellement transmissibles en démographie historique", Population, année 1996, pp.1041-1057.

L'enquête de Degos et Duperrat

Dans un article paru en 1987, le Dr. Henri Péquignot revient sur la période des années 50 pendant laquelle les services sociaux d'épidémiologie découvrent une "réalité tout à fait nouvelle". A cette occasion il cite les travaux statistiques du Dr. Degos qui les évoque lui-même dans le film Attention... aux maladies vénriennes (11:39-12:29) : "C'est que les moeurs sexuelles ont changé : les contaminations ne sont plus celles d'autrefois, des chaînes de liaison qu'on pouvait suivre. Deux phénomènes, surout, son signalés : la montée de l'homosexualité (pour la syphilis à Saint-Louis, selon Degos ou Duperrat, de 2% de cas avant la guerre à 30 % dans les années 1950), et la contamination non professionnelle, l'amie remplaçant la professionnelle tarifée. Cette amie "gratuite" s'appelle légion et ne peut être retrouvée ; elle ne prend aucune des précautions élémentaires que prenait la professionnelle. Les service sociaux découvrent les premiers cette novation de la sexualité qu'est la promiscuité sexuelle, les sexualités de groupe. Par ailleurs, la mobilité géographique du malade effectif ou potentiel, de ses contaminants ou de ses futur(e)s contaminé(e)s, défie tout travail social." (- « L'éclipse des maladies vénriennes en France » par Henri Péquignot dans Jean-Pierre Bardet, Patrice Bourdelais (dir.), Peurs et terreurs face à la contagion, Saint-Amand-Montrond, 1988, p. 360.)

Éléments structurants du film

  • Images de reportage : Non.
  • Images en plateau : Oui.
  • Images d'archives : Non.
  • Séquences d'animation : Non.
  • Cartons : Oui.
  • Animateur : Oui.
  • Voix off : Non.
  • Interview : Oui.
  • Musique et bruitages : Oui.
  • Images communes avec d'autres films : Non.

Comment le film dirige-t-il le regard du spectateur ?

À 12:56, le présentateur explique que, bien qu'il soit délicat de traiter des maladies vénériennes à la télévision, le constat de la recrudescence de celles et ceux qui en sont victimes a rendu nécessaire de s'y employer. Il ajoute : "nous n'avons pas hésité à le faire pour que cette émission soit socialement utile." Nous sommes bien, en cette année 1969, dans cette nouvelle phase de l'"Émission médicale", le grand rendez-vous de la télévision française sur la santé depuis 1956, où, après s'être concentrée sur l'exploit chirurgical, elle élargit sa palette thématique et se préoccupe de plus en plus de questions qui concernent le quotidien des téléspectateurs.

Comment la santé et la médecine sont-elles présentées ?

Comme dans les autres éditions de l'"Émission médicale", celle-ci, en impliquant les spécialistes du sujet, réunit de grands noms de l'institution médicale. Les médecins qui sont invités parlent sans encadrement particulier de la part des journalistes, comme s'ils étaient en situation de conférenciers. Présentant des documents qu'ils ont eux-mêmes apportés, ils maîtrisent donc leurs contenus, de même qu'ils devancent les journalistes sur l'interprétation qui peut en être faite. Nous remarquons, au long des différents entretiens, en particulier celui avec le Dr Debos, une participation déférente, voire complice de Desgraupes.

Diffusion et réception

Où le film est-il projeté ?

1re chaîne, mardi 16/12/1969

Communications et événements associés au film

Public

tout public

Audience

Descriptif libre

Génériques début et fin : sur la musique de l'émission, les crédits défilent sur la photographie clinique d'une main ouverte, paume vers la caméra, parcourue d'atteintes cutanées.

introduction : dramatiser - relativiser

Pierre Desgraupes parle à la caméra, tenant ses lunettes à la main. "Ce soir, nous sommes installés à l'Hôpital Saint-Louis à Paris, le plus grand centre de traitement des maladies de la peau et des maladies vénériennes." Or c'est justement des maladies vénériennes dont il va être question, ajoute Desgraupes. Élargissement du cadre qui montre Desgraupes installé face à un médecin dont le profil est en amorce bord cadre gauche. Il sera ensuite filmé en contre champ de Desgraupes, ou bien de nouveau vis-à-vis de lui. Le journaliste ne le présente pas, mais il s'agit de Robert Degos, dermatologue, chef de service de dermatologie à partir de 1951 à l'Hôpital Saint-Louis, créateur de la Chaire des maladies de la peau et de la syphilis. À la demande de Desgraupes, le médecin définit les maladies vénériennes : regroupant les maladies liées à l'acte sexuel, elles comprennent la syphilis, la blennorragie qui continuent de sévir. Souvent confondues dans l'esprit du public,elles sont néanmoins différentes l'une de l'autre "aussi bien par leur agent infectieux que par leurs conséquences."

Desgraupes donne un tour dramatique à l'émission pour mobiliser l'attention du public. S'il sait les raisons essentielles pour lesquelles ce sujet y est abordé, il demande au médecin de les énoncer. Le médecin s'exécute : "La recrudescence des maladies vénériennes a pris une telle importance qu'elle pose un problème à la fois médical, social et épidémiologique dont tout le monde doit être informé." Desgraupes oriente son regard vers l'autre côté de la pièce où se tient un autre médecin qui n'est pas non plus nommé. Il s'agit probablement de René Touraine, devenu en 1958 collaborateur en tant que chef de clinique de Robert Degos à l'Hôpital Saint-Louis, nommé médecin des Hôpitaux en 1961. Desgraupes lui demande son avis sur les idées fausses générées par le sujet. Touraine distingue les sujets de la génération d'après-guerre, la "génération de la pénicilline", qui souffrent d'un manque d'informations, des sujets de la génération précédente pour laquelle le mot "syphilis" est "lourd de significations : la syphilis est encore la 'maladie punition', qui laisse une tare héréditaire qui se transmet de génération en génération et qui demande des traitements prolongés". Le Dr Touraine estime que ces idées doivent être aujourd'hui revues. Ainsi l'émission, par son introduction, entre dans un double mouvement : alerter (ça continue d'exister) -relativiser (on soigne mieux qu'avant). Il n'est sans doute pas fortuit que ce soit l'aîné (Degos) qui alerte, en tant qu'autorité supérieure, et le plus jeune (Touraine) qui relativise, symbolisant la génération de la nouvelle médecine.

Documenter la recrudescence : l'évolution de l'encadrement de la prostitution

À Desgraupes qui l'interroge sur la fréquence de la maladie, Degos répond qu'il ne peut répondre qu'à partir des statistiques qui relèvent les manifestations de syphilis. Gros plan sur un graphique dessiné sur support papier posé sur le rebord de l'armoire murale. Il est caractéristique de l'émission d'insérer dans le champ dévolu au tournage des entretiens les illustrations graphiques qui auraient pu faire l'objet de la fabrication d'une séquence en animation. Le graphique montre des courbes correspondant aux années 1954-1969, dessinant une ascension avec une pointe à l'année 1964. "Mais actuellement, cette courbe reste encore très élevée." Degos cherche un second graphique qu'il pose sur le premier. Il décrit l'évolution des fréquences depuis les années 1920. La courbe, si elle descend jusqu'en 1940, remonte pendant la Seconde Guerre mondiale. Dans les années 1947-1949, la chute brutale de la courbe laisse penser que les maladies vénériennes sont vaincues, or elle remonte à partir de 1957. Desgraupes observe : "ainsi, on remonte aussi haut que l'endroit d'où l'on était parti." Degos approuve en ajoutant : "Actuellement, nous remontons année par année au niveau des années antérieures. En 1965, nos retrouvons 1933, en 1966, nous retrouvons 1932. Nous revenons en arrière." Degos ajoute que la pénicilline a permis d'enrayer l'épidémie de la Guerre, mais le recours aux antibiotiques ne suffit pas. Si la pénicilline a conservé toute son action, il faut expliquer cette recrudescence, observée dans tout le territoire mais aussi partout en Europe, par différentes causes : l’insouciance des malades, les vacances ou le tourisme comme contextes de contamination, la prise en compte des difficultés des enquêtes épidémiologiques, la « liberté des mœurs » et l’« évolution de la vie sexuelle ». Pour Degos, les méthodes contraceptives peuvent contribuer à cette recrudescence en favorisant des rapports ponctuels par des rencontres avec des "amies de passage après le bal ou le cinéma" : Degos oriente le processus de la transmission en faisant des femmes les agentes de contamination et des hommes les contaminés - qui contaminent à leur tour. Il va plus loin en suggérant que l’abandon du contrôle médical de la prostitution à partir du décret de 1960 favorise également la reprise de la transmission. (11:39)

La part importante des contaminations homosexuelles

Le Dr Degos présente ensuite une troisième courbe, selon lui "très intéressante" qui concerne les personnes homosexuelles atteintes par les maladies vénériennes. Avant la Seconde Guerre mondiale, "les contaminations masculines par homosexualité ne dépassaient pas 1% et certaines années, atteignaient presque le zéro." Or cette courbe commence à augmenter à partir de 1952. "À Saint-Louis, on est arrivé à 28% de contamination masculine par homosexualité." Desgraupes conclut que c'est plus que la contamination par les prostituées dans la même année. Même si l'identification d'un foyer particulier a peut-être influencé la courbe, il n'en reste pas moins que les contaminations par homosexualité font, les années suivantes, 10% au moins des contaminations totales. Il est difficile de comprendre précisément pourquoi le Dr Degos insiste sur ces différents faits (l'évolution du statut de la prostitution, la part de la contamination par liaison homosexuelle). Tout au long de ses explications, le Dr Degos ne se départit pas d'un sourire amusé qui suggère qu'il pourrait en dire plus long qu'il ne le fait. (12:29)

Expliquer les maladies vénériennes pour les limiter

Pierre Desgraupes rappelle qu'une des causes la recrudescence des maladies est l'insuffisance d'informations à leur sujet. C'est pourquoi la séquence à venir est centrée sur ces informations devenues nécessaires. Petit silence de Desgraupes, puis : "C'est un sujet délicat à aborder à la télévision, bien sûr, mais nous n'avons pas hésité à le faire pour que cette émission soit socialement utile." Desgraupes se tourne vers un autre médecin, qui lui non plus n'est pas nommé, pour qu'il décrive les signes cliniques des maladies concernées. Gros plan sur le médecin qui se lance dans son exposé.

La syphilis, explique-t-il, est une maladie qui évolue en trois stades. Le stade primaire, de localisation. Incubation latente de 3 semaines qui peut se prolonger si le malade a pris, pour d'autres raisons que la maladie, des antibiotiques. La manifestation est le chancre syphilitique, érosion "orbiculaire", indurée, qui "siège sur les organes génitaux dans 95% des cas". Desgraupes interrompt : "Nous ne pouvons pas montrer d'organes génitaux...", le médecin poursuit : "Alors nous vous montrerons des localisations extra-génitales, en particulier des chancres de la lèvre". Suivent des clichés cliniques montrant des visages aux lèvres affligées de chancres, avec des commentaires associés donnés par le Pr Touraine dont on reconnaît la voix (probablement, étant donné la qualité sonore différente, à l'occasion d'un autre tournage) : "On voit bien la tuméfaction de la joue qui correspond à l'augmentation du ganglion". Suit un cliché de chancre situé au-dessus de l'appareil génital, où la naissance de la verge est visible bord cadre bas. Son insertion après les clichés des visages semble résulter d'une stratégie de mise en scène. Préparé par les clichés qui le précèdent, montrant comme promis par le médecin des "chancres de la lèvre", ce dernier cliché est plus éloquent, quitte à brutaliser la présentation au mépris des précautions avancées par Desgraupes et des assurances du médecin. Le déroulement de cette séquence prend donc le spectateur par surprise, le confrontant à la l'exposition de la zone génitale atteinte.

Le stade secondaire : diffusion de la maladie dans tout l'organisme, avec dissémination des lésions sur la peau. Cliché clinique montrant la nuque et la partie supérieure du dos, puis l'épaule et la partie supérieure du torse d'un patient. La peau est parcourue de taches de roséole syphilitique. Seconde éruption de syphilis secondaire : cette fois, c'est le bas d'un visage, la paume d'une main (cliché du générique), la plante des pieds, les muqueuses buccales, la langue, qui sont montrés. Il s'agit de lésions qui prennent des "dessins bien réguliers, des espèces d'arcs de cercle ", de marques "indolentes" qui, sur la peau, prennent l'aspect d'un eczéma passager. Le dernier cliché montrant une tempe dégarnie témoigne d'une "perte de cheveux syphilitique." Ici, il est à remarquer que l'émission procède à une explicitation fouillée des images. La démarche à l'intention du téléspectateur est : je vous fais comprendre exactement ce que je vous montre, je ne m'en tiens pas à la production d'une image-document supposée crédibiliser mon propos de surplomb.

Pour le stade tertiaire, c'est toujours le Pr Touraine qui est interrogé. Il n'y a alors plus de clichés cliniques, il est tout le temps à l'image, montré en gros plan avec quelques plans de coupe sur Desgraupes quand celui-ci le relance. Alors que le patient ne manifeste plus aucun signe d'atteinte syphilitique, les prises de sang dont il est l'objet, par exemple pendant une transfusion ou un bilan général, montrent que la maladie se poursuit. Ces examens peuvent pister une recrudescence, ainsi, les prises faites systématiquement par la CPAM en 1968 ont montré qu'1/50 des habitants de Paris examinés à cette occasion avaient une syphilis latente. "Ceci montre une augmentation très nette par rapport à il y a dix ans, et que l'on continue de passer à côté de beaucoup de syphilis primo-secondaires". Il existe cependant un pourcentage de personnes qui peuvent vivre avec une sérologie positive sans avoir "aucun accident". Des expériences scandinaves récentes, ("expériences un peu choquantes sur le plan humain, mais intéressantes sur le plan médical") ont consisté à surveiller pendant une longue période des syphilitiques non traités : 60% de ces personnes n'ont pas eu d'accident. "Mais il existe les 40% autres qui souffrent des caractéristiques de la syphilis tertiaire". Il s'agit de localisations d'accidents sur un organe spécifique avec des tendances destructrices. Atteintes au palais, au nez, au visage, aux organes internes du foie, avec lésions importantes. "Ce sont les manifestations les moins ennuyeuses." Les "grandes manifestations" prédominent sur deux types d'organes : d'une part, "syphilis cardio-vasculaire" localisation sur la partie "débutante de l'aorte", avec modifications profondes des tissus, entraînant une rétraction des valves avec possibles incidences cardiaques et une sclérose des orifices des artères coronaires. Ainsi 3% des angines de poitrine sont syphilitiques. L'autre région frappée est le système nerveux, avec comme manifestations le tabès qui donne des troubles de la marche et des "douleurs extraordinairement pénibles et difficiles à traiter", et la paralysie générale, accompagnée de manifestations psychiatriques - "une grosse détérioration de la personnalité, des manifestations délirantes." (23:16)

Intrication de l'exposé technique et du message préventif : la stratégie de discours

Le Pr Touraine évoque des traitements mis au point avant-guerre qui avaient permis "une très nette diminution de la syphilis tertiaire..." Il ajoute, en appuyant ses mots : "... à condition de faire ses traitements". Sans doute de cette façon prépare-t-il le spectateur au message qui va lui être adressé : s'il est atteint, il doit jouer le jeu de la prise en charge.

De retour à l'image, Pierre Desgraupes prolonge les propos du professeur : "Et bien, on comprend par ce qui vient d'être dit l'intérêt de déceler au plus vite cette maladie". Ainsi, l'information fait prévention, l'énoncé des faits déclenche la prise de conscience. L'Émission médicale révèle ici son ambition : mobiliser les figures spécialisées du sujet qui livrent des exposés scientifiques de pointe, accompagnés par la parole médiatrice du sujet pour suggérer des précisions ou faire des synthèses, pour amener celui qui les reçoit à changer ou affiner la perception qu'il en avait. Or cette méthode s'applique même aux sujets "sociaux", c'est-à-dire, susceptibles de toucher de larges proportions de la population. Ici, le message préventif requiert une heure de temps, un vocabulaire de spécialiste plus ou moins explicité, des documents techniques comme des clichés et des graphiques professionnels pour atteindre la vigilance de son récepteur. Nous sommes dans une logique tout à fait différente de la stratégie de communication qui prévaut dans un spot. (23:40)

Les modes d'examens et les conditions de leur analyse

Desgraupes demande au Dr Degos quels sont les moyens de laboratoire qui permettent de diagnostiquer la syphilis. Pour Degos, il y en a deux. Le premier est "la recherche de l'agent infectieux de la syphilis, c'est-à-dire le tréponème." Insertion d'une diapositive de cliché microscopique. Degos attire l'attention sur ce qu'il appelle des "spirilles" - Desgraupes intervient : "On dirait des petits vers" - qu'on peut appeler microbes ou spirochètes. Desgraupes demande : " C'est un animal?" Degos lève les yeux au ciel, un peu rêveur : "Si vous voulez, mais savoir exactement..." Nouveau cliché sur fond noir, "le meilleur moyen pour les voir." Cette observation du chancre est systématique dès qu'il est identifié sur un malade. Le deuxième type d'examen en laboratoire, c'est la "recherche des anticorps dans le sang circulant." Degos développe sur les différents types de tests puis s'interrompt en disant : "Je ne vous ferais pas un cours de sérologie!" il n'en reste pas moins que son explication n'a pas été coupée, comme si le téléspectateur pouvait en comprendre les contenus de la même manière qu'un étudiant en médecine... Degos ajoute, et c'est une nouvelle mise en garde : "Il faut surtout insister sur la mauvaise interprétation que le malade donne à ces résultats", puisqu'une sérologie négative n'élimine pas le diagnostic de syphilis. Il faut continuer ces examens pendant deux ou trois mois quand "on pense qu'il y a eu un contact à peu près flagrant." Autre possibilité, le malade interprète de manière erronée les renseignements du compte-rendu en pensant qu'ils indiquent une syphilis positive. "C'est au médecin et jamais au malade d'interpréter ces résultats!" Celui-ci peut leur donner le sens approprié et juger de la valeur du laboratoire responsable des examens. Si les résultats sont positifs, "ceci ne signifie pas que le malade a une syphilis évolutive". Mais alors, quels types de résultats le permettent? (29:04)

Qu’en est-il de l’hérédosyphilis ?

Desgraupes demande au Pr Touraine si la syphilis est héréditaire. Il affirme que non mais rappelle que cette maladie peut être acquise par l'enfant pendant la grossesse d'une mère syphilitique. Ceci intervient après le 4e mois, quand il y a perméabilité entre les circulations de la mère et de l'enfant. Celui-ci fait alors une syphilis diffuse, celle de la phase secondaire. "On peut avoir une mort de l'enfant avec un aspect particulier du foetus." Sinon, il naît avec une syphilis congénitale précoce. Certaines syphilis congénitales ne sont pas dépistées à la naissance avec des manifestations tardives, de type tertiaire (neuro-sensorielles, articulaires, endocriniennes) soit dans l'enfance, soit dans l'adolescence, soit même à l'âge adulte. "Vous voyez donc qu'on est bien loin de cette espèce de fatalité qui se transmet de génération en génération, c'est une maladie acquise", et c'est une raison de plus pour ne pas se soustraire à l'examen devenu obligatoire au moment du mariage et au troisième mois de la grossesse. Or "il semble qu'actuellement, on voit d'après les accoucheurs une petite reprise de cette syphilis congénitale." (34:24)

Les responsabilités en jeu : celles du patient, du médecin, de l'administration

Desgraupes en vient à présent aux mesures nécessaires pour enrayer la recrudescence de la syphilis. À la 34e minute! C'est demander au téléspectateur d'avoir suivi le long exposé scientifique et démographique qui a précédé avant de savoir comment il doit agir. Le Dr Degos qui répond à Desgraupes est filmé en gros plan, voire très gros plan pour que son visage au regard aigu puisse occuper le champ. Il veut revenir sur les causes directes de cette recrudescence, point déjà abordé au moment où il a présenté les courbes de fréquences. La première cause est la liberté des moeurs. Elle "échappe aux médecins, ça regarde les moralistes et les sociologues". Desgraupes ajoute : "Peut-être le législateur", Degos en convient. Il poursuit : il faut "éduquer le public" pour qu'il "prenne conscience du péril vénérien." Degos recommande de consulter dès qu'une "érosion" est observée. Il ne faut pas que la personne infectée se soigne toute seule avec des comprimés antibiotiques par exemple qui peuvent dissimuler l'intensité de la syphilis. Une antibiothérapie qui empêche l'apparition du chancre peut perturber le cours des examens ; l'absence de signes empêche la prise de conscience. Or les syphilis latentes "sont les plus graves parce qu'on ne les traite pas." Le malade doit aussi agir selon les risques qu'il fait courir et procéder à des examens systématiques appelés "contrôles". Or "beaucoup de ces malades se soustraient à ces contrôles surtout quand on ne leur prescrit pas de médicaments".

La seconde mesure pour enrayer la recrudescence consiste à développer le savoir des médecins eux-mêmes. Beaucoup n'ont pas vu de syphilis, l'enseignement de la dermato-vénérologie n'est plus obligatoire en France." Par ailleurs, la syphilis secondaire reste difficile à reconnaître, elle peut même "dérouter" des spécialistes. D'après une récente enquête, 70% des malades atteints de syphilis secondaires étaient auparavant traités par des médicaments contre l'allergie ou contre le foie. "L'allergie a remplacé la syphilis dans l'esprit des malades et de beaucoup de médecins."

Le point le plus important reste la nécessité de faire comprendre au malade qu'il doit pouvoir être traité dans les 3 mois après la contamination. La pénicilline reste la meilleure arme sur le plan épidémiologique et thérapeutique. "Il rend le malade non contagieux très rapidement". Ce type de traitement, cependant, ne peut pas être prophylactique. Un examen de laboratoire sert à encadrer le malade qui peut être tenté par l'oubli de la maladie. Il peut aussi exister des "sypiliphobes", des personnes qui par phobie, croyant l'avoir contractée, ne se marient jamais. La troisième mesure est le "renforcement de l'armement antivénérien. La France a été un pays performant à cet égard, mais aujourd'hui ce n'est plus le cas. Des administrations prévoient la fermeture de centres de traitement qui devraient au contraire attirer le soutien des pouvoirs publics. (42:00)

Le cas de la blennorragie

Desgraupes s'adresse à André Siboulet, qui n'est pas nommé, pour qu'il évoque la blennorragie. Pour Siboulet, elle "constitue un problème majeur de santé publique du fait de sa recrudescence étonnante". Aux États-Unis le nombre de cas a doublé de 1957 à 1968. Or moins de "9% de cas de gonococcie" sont déclarés. Pourquoi cet emploi d'un synonyme pour une maladie qui n'a été nommée qu'une unique fois? Cette préciosité est le plus sûr moyen de perdre le téléspectateur. Les cas augmentent en Suède, en Allemagne, en France, poursuit Siboulet qui veut être net sur l'étendue du mal : "Donc, on assiste à une faillite épidémiologique totale."

Siboulet expliquant la nature de la blennorragie préfère parler de "maladie sexuellement transmissible" que de "maladie vénérienne". Chez l'homme, la maladie se manifeste trois jours après le contact par une sensation de cuisson à l'extrémité de l'urètre suivi par un suintement purulent et les mictions sont douloureuses. "C'est ce qu'on appelle, vous savez, la classique 'chaude pisse'". Si l'homme ne se traite pas, il s'expose à des prostatites et des scléroses au niveau des testicules qui entraînent la stérilité. Chez la femme, le "tableau clinique est totalement différent." Ce sont des pertes banales, des brûlures au niveau de la vulve. C'est en observant la gonococcie se manifester chez son partenaire que la femme consulte. "Quand nous traitons 10000 cas masculins à Saint-Louis, dans le même temps, nous n'examinons que 800 femmes." Le Dr Siboulet qui poursuit ses explications est filmé dans la perspective de Degos qui l'écoute avec concentration et en fumant le cigare. Chez "la femme, on assiste à des périodes de latence", puis la maladie se déclare à la faveur d'une fatigue ou d'une opération. Si elle continue de ne pas se soigner, elle encourt une "stérilité par sclérose des trompes". S'ajoutent des complications articulaires, conjonctivales, en particulier chez les nouveau-nés, que les mesures prophylactiques actuelles (nettoyage des yeux) ont fait disparaître.

"Le traitement est facile : on n'est plus à la période des lavages et des sulfamides, actuellement, avec les antibiotiques, nous avons d'excellents résultats." Siboulet évoque la méthode propre à Saint-Louis, centrée sur l'épidémiologie. IL faut des traitements rapides pour "briser les chaînes de contamination" avec 96% de guérison immédiate". Les cas d'échecs sont de la responsabilité des malades. (50:28)

Les catégories particulièrement touchées, répartition territoriale

Siboulet précise que des groupes d'âge sont plus concernés que d'autres. L'actuelle recrudescence a été étudiée par une enquête épidémiologique "grâce à l'appui de l'INSERM". Elle met au jour le fait que les adolescentes de 14 à 18 ans, alors qu'elles étaient touchées il y a 4 ans à 6%, sont aujourd'hui touchées à 15%. Or chez les adolescents, l'augmentation ne se constate pas. Dans les pays anglo-saxons, il est constaté une précocité plus grande des adolescentes. Par un curieux effet de mise en scène, un contrechamp se fait sur le visage attentif de Desgraupes, sans doute pour souligner que l'information suggère une évolution importante au sein de la nouvelle génération. Siboulet enchaîne en commentant un tableau résultant d'une étude de 10000 cas de gonococcie. L'âge de 24 ans est, pour les garçons, celui où les chances sont les plus nombreuses de contracter la maladie. Siboulet raconte deux anecdotes pour illustrer "la difficulté" de réaliser ces enquêtes : d'une part, le plus jeune repéré a 12 ans, emmené à l'examen par son père "très fier" puisque le garçon a été contaminé par une prostituée qu'il "lui a payée" ; d'autre part, le plus vieux a 84 ans, emmené par son fils qui "lui a payé" la prostituée responsable de sa contamination. Desgraupes pouffe et se permet le bon mot de rigueur : "Vous aimez la symétrie dans les courbes, décidément!" Plan large pour montrer le rire qui parcourt l'assistance exclusivement masculine. (52:43)

Siboulet continue en montrant une carte de Paris, ressort de l'enquête, pour commenter la territorialisation de la contamination en 1968. Comme tout à l'heure, les documents ne font pas l'objet d'une animation à part mais sont insérés par l'invité dans le fil de sa présentation. Un des médecins tend discrètement une règle à Siboulet qui s'en empare pour désigner les foyers les plus visibles : "On assiste à une recrudescence des cas à Saint-Germain-des-Prés, et puis vers l'Ouest, avec de nombreux cas au bois de Boulogne". Mais Siboulet ne va pas plus loin, ne cherchant pas à interpréter cette cartographie de la gonococcie parisienne. Il semble que là aussi, cette absence d'analyse laisse le téléspectateur dans une attente déçue : que signifient ces zones, quels types de pratiques sociales suggèrent-elles, quels CSP mettent-elles en cause, ou bien s'agit-il de lieux devenus zones d'itinérance sous l'effet d'une nouvelle pratique de sociabilité, etc. Enfin, il paraît curieux que cette émission datée de décembre 1969, évoquant une enquête sur l'année 1968, fasse silence sur les faits de protestation ayant marqué le printemps de cette même année, dont l'un des mots d'ordre était "la libération sexuelle". Rappelons que les premiers rassemblements étudiants dans le Quartier latin, en début mai, font suite à l'interdiction faite aux filles de se rendre dans les dortoirs des garçons dans la cité universitaire de Nanterre ; des affrontements avec la police ont eu lieu les 6, 7, 8, 10 et 22, 23, 24 mai sur le boulevard Saint-Germain et la place Saint-Michel ; le Quartier latin est demeuré le secteur où se structure et s'organise le mouvement de protestation étudiante pendant cette période. Or Saint-Germain des prés, identifié comme un foyer essentiel de contamination, est situé dans la proximité de ce secteur où se sont déroulées des étapes essentielles de l'insurrection. (53:34)

Pister les agents contaminateurs

Desgraupes, regard caméra, s'adresse aux téléspectateurs : "On comprend par ce qui vient d'être dit que les maladies vénériennes ont un aspect médical, bien entendu, mais aussi un aspect largement social. Et on conçoit fort bien qu'à partir du moment où on décide de lutter contre cette maladie et d'enrayer sa recrudescence, il y a, à côté des soins médicaux qu'on donne dans cet hôpital, des précautions à prendre pour savoir quel a été l'agent contaminateur du malade qu'on examine et savoir éventuellement quels autres malades encore inconnus ce même agent a pu contaminer". Il se tourne vers le bord cadre droit, regarde hors champ. "Et ça, c'est votre tâche, madame." Contrechamp sur une femme assise derrière une table, que l'interpellation de Desgraupes désigne comme assistante sociale. Interrogée sur les modalités de l'enquête dont elle a la charge, elle explique : "Tout nouveau malade vénérien venant dans le service déclenche ce qu'on appelle l'enquête épidémiologique qui est d'ailleurs prescrite par la loi. Cette enquête qui n'est pas une enquête de police mais qui est strictement confidentielle et faite avec le concours du malade - en fait, c'est le malade lui-même qui fait son enquête - consiste à rechercher l'agent contaminateur, c'est-à-dire la personne qui est à l'origine de la maladie, et toutes les victimes, c'est-à-dire toutes les personnes qui ont pu être contaminées par le malade lui-même." Desgraupes invite cette femme à présenter le schéma qu'elle tient à la main et qu'elle présente à la caméra. On y voit des doubles cercles alignés et reliés par des pointillés. Elle précise qu'il a été réalisé pendant une enquête auprès de groupes de jeunes. Son stylo pointe un premier double cercle qui désigne le premier malade venu se faire examiner, puis un autre double cercle placé au-dessus qui désigne l'agent contaminateur, puis d'autres doubles cercles désignant d'autres chaînons de la contamination. Desgraupes : "C'est facile, psychologiquement, ce genre d'enquête?" La femme répond non, le malade répugnant à donner le nom de ses connaissances impliquées. Un sourire s'esquisse sur son visage concentré : "D'autres fois, lorsqu'il est coopérant, il n'a aucun souvenir des personnes qu'il a pu voir étant donné son mode de vie." Elle fait sans doute allusion à une personne ayant un comportement éthylique, ou d'addiction, qui la déstructure. Elle ajoute : "Il y a des problèmes particuliers aux jeunes qui sont totalement ignorants des dangers vénériens et qui viennent tardivement à la consultation ce qui fait que l'enquête reste très imprécise. Alors que les jeunes sont peut-être plus coopérants pour retrouver les malades..." Elle ne finit pas sa phrase, visiblement gênée par des notions qui voisinent la collaboration active avec une autorité et la délation de ses pairs. (57:01)

Un danger associé : la "syphilophobie"

Desgraupes demande aux médecins réunis quelques mots de conclusion. Degos : "Et bien j'espère que cette séance d'information aura fait comprendre au public que les maladies vénériennes persistent et sont en recrudescence, que le risque de contamination est aussi grand avec des amies de rencontre qu'avec des professionnelles, que l'avenir du syphilitique et du blennorragique dépend de la précocité du traitement." Nous voyons que le Dr Degos continue de voir le problème comportemental du point de vue masculin. C'est le commerce sexuel avec une femme qui contamine l'homme. Degos ajoute, pour abattre la barrière moralisante faite au discours de prévention : "Les maladies vénériennes ne doivent plus être considérées comme des maladies honteuses pour lesquelles le malade hésiterait à voir un médecin. Nous sommes loin de la période où les vénériens étaient flagellés, purgés, confessés, avant d'être traités, car on voulait soigner autant l'âme que le corps du pêcheur. Il n'y a pas si longtemps que certains se réjouissaient du risque vénérien pour réfréner les élans amoureux. Je connus une moralisatrice qui déclarait que le tréponème était le gendarme sur terre." Degos poursuit en cherchant à conforter les malades dans la démarche de désigner les agents contaminateurs : "Il faut que les malades comprennent qu'ils sont garantis par le secret professionnel aussi bien par les médecins, les assistantes sociales, et les infirmières. Il existe une déclaration obligatoire mais elle n'est jamais nominale, et d'autre part tout se passe dans un circuit exclusivement médical. Vous avez vu la discrétion des enquêtes épidémiologiques qui ne sont qu'un dialogue entre le malade, l'assistante sociale ou le médecin." Enfin, Degos cherche à faire le point sur la capacité de prise en charge actuelle. Il insiste sur le fait que la maladie à son début peut être vaincue rapidement, ce serait alors une infection bénigne, alors que la phase tardive où les moyens thérapeutiques en usage se révèlent souvent impuissants. "Mais nous ne voudrions pas créer une psychose dans le public. Aussi important que le risque vénérien est la syphilophobie. Je redoute toujours les effets de la vulgarisation médicale. Il serait désastreux qu'après cette entrevue, le nombre de syphilophobes augmente, et nous les médecins spécialistes en seraient les premières victimes." Encore une notion insuffisamment expliquée, qui pourtant, fournit le mot de la fin. Desgraupes resté hors champ remercie le Dr Degos de sa voix solennelle, générique de fin.

Notes complémentaires

Références et documents externes

Contributeurs

  • Auteurs de la fiche : Joël Danet


Erc-logo.png  Cette fiche a été rédigée et/ou traduite dans le cadre du projet BodyCapital, financé par l'European Research Council (ERC) et le programme de l'Union européenne pour la recherche et l'innovation Horizon 2020 (grant agreement No 694817).