"Les médecins ont l'habitude de confier au psychiatre les patients qui leur cassent les pieds".

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Joel Danet, 15 May 2024

Le Dr. Grivois, pionner en France de la psychiatrie des urgences
Les pièges de l'urgence, Laboratoire Delagrange, 1978, 00:34'
En 1978, le Dr. Henri Grivois publie Les pièges de l'urgence. Son sous-titre affiché sur la couverture résume son propos qui vise à ancrer la pratique hospitalière dans la réalité sociale des malades : "Un psychiatre à l'Hôtel-Dieu. Son rôle, les questions qu'il se pose, sa rencontre quotidienne avec la pathologie de la grande ville." Son ouvrage défend la nécessité d'associer un psychiatre dans le service des urgences de l'hôpital général. Cette présence permet d'identifier si le malade qui sollicite ce service est affecté ou non d'un trouble psychologique qui nécessite une intervention d'ordre psychiatrique, si un comportement qui parait d'ordre psychiatrique ne masque pas une affection organique. Il écrit : "La violence, la confusion et le silence de certains patients cachent parfois une urgence médicale, hypoglycémie, intoxication par oxyde de carbone, accident vasculaire cérébral. Le psychiatre évite les transferts et les hospitalisations inutiles." Par ailleurs, une telle initiative contribuerait à réintroduire la psychiatrie à l'hôpital et, de ce fait, à amoindrir la distance, par la géographie et dans la pratique, de la médecine avec celle-ci.

La même année, il participe à la réalisation d'un film réalisé par Eric Duvivier sur le sujet. Son dispositif est original, caractéristique de la démarche de Duvivier qui combine immersion et théorisation dans ses récits filmiques. Les pièges de l'urgence - agitation et confusion consiste en une alternance de tournages de séances d'urgences à l'Hôtel Dieu et de séquences de visionnement par le Dr. Henri Grivois des images qui en résultent. Il arrête de temps à autre les rushes pour expliquer, dans chaque scène, les raisons qui ont déterminé le comportement du psychiatre qui y est en jeu. De cette façon, le film se présente comme un espace de laboratoire où l'analyse des prises de vues est incluse dans sa narration.

En avril 1979, dans l'émission de plateau Parlons de médecine, produite et présentée par le Pr. Jean-Paul Escande, le Dr. Henri Grivois aborde le sujet avec la Dr. Catherine Dolto. Il insiste sur deux aspects. D'une part, la grande villes offre aux patients psychiatriques un incognito socialement protecteur : "Une ville comme Paris draine toute une quantité d'individus qui trouvent dans son grand anonymat un abri temporaire et un espoir. Quelquefois, ils terminent une trajectoire pathologique, plus ou moins désespérée, à l'hôpital." D'autre part, il déplore que les médecins se déchargent sur la psychiatrie des malades "qui leur cassent les pieds : ceux qui ne parlent pas bien, les vieillards qui ont oublié leur dentier, les étrangers...".

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