Les pièges de l'urgence – agitation et confusion (1978)

De Medfilm



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Titre :
Les pièges de l'urgence – agitation et confusion
Année de production :
Pays de production :
Réalisation :
Conseil scientifique :
Durée :
45 minutes
Format :
Parlant - Couleur - 16 mm
Langues d'origine :
Sous-titrage et transcription :
Sociétés de production :
Commanditaires :
Archives détentrices :
Corpus :

Générique principal

Image René Gosset
Montage Joël Courtinat
Auteurs Docteur Henri Grivois, Chef de Service de psychiatrie Hôtel-Dieu (Paris) ; Professeur Alain Bernadou, Service d'Urgence, Hôtel-Dieu (Paris) avec la participation des docteurs Said Kamal, Patrice Mathieu, Maléna Gille, Patrick Gosselin, Anne-Marie Troillard

Contenus

Sujet

Le fonctionnement des urgences psychiatriques à l'exemple de celui de l'Hôtel-Dieu de Paris.

Genre dominant

Documentaire

Résumé

Le film consiste en une suite de cas d'interventions de type psychiatrique au service des urgences de l’Hôtel-Dieu. À chaque séquence tournée dans les espaces du service succède une séquence filmée dans une salle de montage, où le Dr. Henri Grivois et Éric Duvivier font un retour analytique sur ses contenus. Le fil rouge est la définition du rôle de médecin psychiatrique dans un service d'urgences à l'hôpital.

Contexte

Dans son ouvrage "Grandeur de la folie", paru en 2012, le Dr. Henri Grivois, référent scientifique dans Les pièges de l'urgence, revient sur la naissance de "la garde psychiatrique" en hôpital. "Aux États-Unis, depuis belle lurette, les psychiatres étaient présents aux urgences. Ainsi, l'organisation à l'Hôtel-Dieu dût-elle beaucoup à Lise Cousineau que j'allais épouser. Elle avait travaillé au New York Metropolitan Hospital, situé en bordure de Harlem (...) À l'Hôtel-Dieu, au kilomètre 0 de la France, le nombre des urgences, le recrutement médico-judiciaire, et la salle Cusco de la Préfecture de police rendaient indispensable une présence psychiatrique. Sur l'île de la Cité, l'Hôtel-Dieu est à portée de voix de Notre-Dame, du Palais de Justice et de la Préfecture de police. Il accueille des hommes et des femmes en détresse. Son recrutement national et international, et son pôle médico-légal faisaient échapper en outre à toute sectorisation. Une présence psychiatrique vingt-quatre heures sur vingt-quatre à peine mise en place, d'autres hôpitaux réclamèrent un psychiatre de garde. En 1974, la crise pétrolière ralentit ces créations. En 1978, Les pièges de l'urgence, film d'Éric Duvivier tourné aux urgences de l'Hôtel-Dieu, fut diffusé auprès des psychiatres et des médecins. En collaboration avec ses confrères, le psychiatre y avait souvent un rôle majeur. La violence, la confusion et le silence de certains patients cachaient parfois une urgence médicale, hypoglycémie, intoxication par oxyde de carbone, accident vasculaire cérébral. Le psychiatre évitait les transferts et les hospitalisations inutiles. Le temps qu'il passait auprès des patients permettait au médecin de se consacrer aux urgences vitales. (...) La psychiatrie à l'hôpital général est un acquis définitif. Je me réjouis de la présence des psychiatres mais cependant avec quelques réserves. Médecins et chirurgiens assumaient jadis le mal de vivre de leurs malades. Ils adressent désormais aux psychiatres des malades déprimés ou angoissés. Plus qu'un avis ou des conseils, certains réclament aussi d'être déchargés de ceux qu'ils supportent mal. Est-ce vraiment un progrès ?" (Henri Grivois, Grandeur de la folie, Paris, 2012)

Éléments structurants du film

  • Images de reportage : Oui.
  • Images en plateau : Oui.
  • Images d'archives : Non.
  • Séquences d'animation : Non.
  • Cartons : Oui.
  • Animateur : Oui.
  • Voix off : Non.
  • Interview : Oui.
  • Musique et bruitages : Oui.
  • Images communes avec d'autres films : Non.

Comment le film dirige-t-il le regard du spectateur ?

Le film consiste en une alternance de tournages de séances d'urgences et de séquences de visionnement par le Dr. Henri Grivois des images qui en résultent. Il arrête de temps à autre les rushes pour les commenter, expliquant, à chaque fois, les raisons qui ont déterminé le comportement du psychiatre en jeu. De cette façon, le film se présente comme un espace de laboratoire où l'analyse des prises de vues est incluse dans sa narration.

Comment la santé et la médecine sont-elles présentées ?

Diffusion et réception

Où le film est-il projeté ?

Circuit médical

Communications et événements associés au film

Public

Corps médical (« strictement réservé au corps médical »)

Audience

Descriptif libre

Préambule : explication de la démarche

Carton sur fond noir : « L'agitation, la confusion et le reportage en direct expliquent les difficultés d'écoute de certains dialogues... ». Second carton sur fond noir : « Strictement réservé au corps médical » Troisième carton sur fond bleu clair : « Les laboratoires Delagrange présentent ». Le titre apparaît sur une vue panoramique des toits de Paris en noir et blanc. On aperçoit une gargouille sur la gauche. En surimpression au milieu de l'image, une sirène bleue d'ambulance persiste pendant le générique et le préambule, sous une musique stressante : « Ces documents recueillis dans un court laps de temps illustrent des aspects variés de l'intervention du psychiatre de garde aux urgences d'un hôpital général. Le médecin sur le terrain est lui aussi chargé de traiter ou d'orienter des malades vers tel ou tel type d'assistance. Cette activité psychiatrique « primaire » peut être divisée schématiquement en trois catégories de situations, avant même d'entrer dans un cadre nosologique précis : La PSYCHIATRIE PURE : sujets pouvant être pris en charge par des psychiatres après élimination très probable de toute pathologie organique. La PSYCHIATRIE MIXTE : malades ayant une affection organique et une affection psychiatrique évoluant de pair ou relevant d'une seule et même étiologie. Les ÉTATS AIGUS TRANSITOIRES faits de crises aiguës, d'ivresse, de tentatives de suicide sans lendemain, de rixes, de réactions intenses à des événements personnels ou professionnels. »

Premier cas

Une ambulance arrive à l'hôpital, sous l'écriteau URGENCES. La musique tendue est bientôt recouverte par les cris d'un homme. Nous le voyons s’agiter dans une salle de consultation. Un médecin cherche à le maîtriser. L’homme est élégamment habillé. Il semble qu’il ait participé à une soirée qui a mal tourné. Il touche sa tête de façon répétée au même endroit. On comprend qu’il est blessé. Tantôt il hurle agressivement, tantôt il se met à geindre comme un enfant. Nous distinguons à peine ce qu'il dit. Quatre membres du personnel de l’hôpital tentent de le maîtriser. Ils parviennent à l’allonger sur une civière. Lorsqu'il est calmé, un médecin entame le dialogue. Il s’est assis à côté de lui, lui a posé une main sur l’épaule : - Tu bois ?
- De la bière…
- Tu as quel âge ?
- Trente-deux ans.
- Tu bois combien de bières par jour ?
- Douze à quinze. De la Leffe.
- Tu bois jamais d’alcool ?
- Si, du whisky.
Il observe une blessure qu’il s’est faite au bras. Le médecin le rassure. Le patient désigne son crâne : « Ça se voit l’agrafe, ou pas ? ». Le médecin répond que ça se voit mais que ça va se fermer, puis il poursuit l’entretien. Dans la séquence, nous observons que plusieurs micros pendent du plafond pour capter le son. Il est probable que le tournage ait été assuré par un unique opérateur. L’homme pris en charge adresse plusieurs regards à la caméra, comme pour prendre l’opérateur à témoin de sa situation. À remarquer que la séquence comporte plusieurs coupures, souvent dans l’axe : elle a été montée. C’est le cas de toutes les séquences tournées dans l’hôpital. 07.00. Cut. Nous nous trouvons dans une cabine de montage, filmée en oblique depuis la gauche. Des étagères garnies de bobines de film occupent le fond de la pièce. Deux hommes sont assis derrière une table. Nous comprendrons que l’un d’eux est le Dr Grivois. L’identité de l’autre n’est pas indiquée. C’est lui qui stoppe le défilement du film qu’ils regardaient. Par un raccord son avec la séquence précédente (la continuation du dialogue entre le médecin et le patient), nous comprenons que c’est celle-ci qui passait dans la visionneuse de la table. Médecin 1 : - Il y a beaucoup de violence dans ce cas. La première réaction du médecin est qu’il doit faire quelque chose. Il doit suturer une paie, il faut couper le plus vite possible cette violence. Petit à petit, la présence des blouses blanches fait l’effet de drogues et on arrive à un calme relatif. Est-ce que tu penses qu’il faut laisser cette violence se déchaîner ? Elle est à la limite du supportable au départ. Dr Grivois : - Il faut essayer à tout prix de la laisser se développer tout en la contenant, car ce garçon, il a des choses à dire. C'est très important qu'il y ait quelqu'un pour l'écouter. C'est tout de même plus satisfaisant que de l'envoyer au poste ou de lui faire une piqûre qui va le faire dormir tout de suite ». Le médecin 1 réenclenche le défilement de la bande. (08.30.)

Deuxième cas

Une civière portant un homme allongé pénètre dans la salle de consultation, poussée par deux membres du personnel de l’hôpital et un agent de police. « On va le mettre là », dit un des membres du personnel, comme si l’homme n’était pas en état de l’entendre. Les membres du personnel lui adressent des ordres tout en essayant de le maîtriser : « Soyez calme ! ». Un médecin identifie que l’homme a une oreille infectée. Un second médecin vient et entame le dialogue : « Qu’est-ce qu’il vous arrive ? Restez tranquille ! » Il examine son torse sur lequel la caméra resserre. « Vous vous êtes fait blesser… avec quoi ? » L’homme se tord et gémit. Un agent lui tient les mains pour l’empêcher de s’agiter davantage. Cut. Plan poitrine de l’homme, à présent assis. Il semble exténué. Dr Grivois, en commentaire en off : « C’est un homme qui est arrivé extrêmement agité, totalement mutique. On l’a envoyé à la radio parce que c’était nécessaire en fonction de sa plaie précordiale. Ces soins, ces gestes qu’on a faits avec lui ont amené une sédation progressive et la possibilité d’un dialogue. Et je rappelle qu’il ne s’agit pas du tout d’un alcoolique. »Plan moyen sur l’homme assis en face du médecin psychiatre qui l’invite à évoquer sa tentative de suicide. L’homme, à présent très calme, dans une posture élégante, répond qu’il préfère ne pas en parler. « Pourquoi ? » reprend le médecin : ruse pour répéter l’interrogation première. L’homme explique que sa femme est partie avec leur enfant. En off, Grivois répète sa phrase pour qu’elle soit bien intelligible. (10.37)

Il ajoute, toujours en off, pendant que le sujet est filmé en in, continuant de parler, soit en plan rapproché, soit en plan moyen : « On constate une retenue liée au caractère ethnique du sujet. La reprise du langage peut se faire sur un rythme un peu lent, propre à chaque sujet. Ça, il faut savoir le respecter. Il faut rendre la parole au sujet. C’est le seul moyen de l’aider. Et tout ça n’est possible qu’au prix d’une grande patience, d’une capacité à respecter les silences. Cela ne peut se faire non plus sans un engagement affectif qui est parfois difficile à soutenir. » (11.55). Fin du commentaire, retour au son in de la salle de consultation : là aussi, silence dans la salle. Le sujet regarde le plafond. Zoom sur lui au moment où le médecin interroge : « Que puis-je faire pour vous ? » Sourire triste de l’homme qui répond : « Rien, je pense. » Comme le médecin réitère sa question, le sujet répond : « Rien, à part me donner des chaussons pour rentrer chez moi. » (12.04). Retour cabine, visionneuse en gros plan qui montre le dernier plan tourné dans la salle de consultation, la dernière réplique du sujet mise en raccord son. Pano pour montrer les deux médecins assis devant la table. Médecin 1 : - Alors j’ai une question à te poser. À la fin, il est très calme, il discute avec un psychiatre. Mais tout ce qu’il dit, il pourrait l’exprimer à un interne de garde. Qu’est-ce qu’apporte le psychiatre ? S’il n’était pas là, n’importe qui aurait pu le faire parler de cette manière.Grivois : - En l’occurrence, ce qui est important pour le sujet, c’est que, grâce au psychiatre qui est quand même techniquement mieux équipé que l’interne pour une situation purement émotive et aiguë comme celle-ci, il a été orienté vers l’équipe qui a pu le prendre en charge. Et on a des nouvelles de temps en temps, on sait qu’au lieu de fonctionner de façon explosive, et par crises, par troubles du comportement, il a adopté une façon plus adulte et équilibrée de s’adresser à son entourage. Hochements de tête approbateurs du médecin1 qui réenclenche le défilement de la bande (14.01).

Troisième cas

Un homme assis sur une chaise, se prend la tête dans ses mains, se plaint d’avoir mal. Il est difficile de le comprendre, d’autant qu’il a un accent étranger. Il demande ses papiers, se met à insulter une personne hors champ, de l’autre côté de la porte de la salle de consultation. Pano, on comprend que c’est un agent de police qui a gardé ses papiers. Une infirmière lui demande de s’allonger pour que le médecin puisse l’examiner. Assis sur la civière, il replie des papiers posés dessus en expliquant qu’on l’a frappé à la tête, répétant plusieurs fois : « Salope ! » L’infirmière lui explique qu’elle va lui administrer une piqûre pour le calmer. Il répond qu’il a une femme au Maroc et une autre dans « le deuxième » (arrondissement). « Deux femmes…, » dit l’infirmière avec une moue. « Bon, on va vous faire la piqûre. » Commentaire en off de médecin 1 pendant qu’à l’image, l’infirmière prépare la piqûre et que le sujet continue de s’agiter, s’asseyant ou quittant la civière. « Alors là, j’ai une question à te poser. Alors qu’on n’a donné aucun neuroleptique au patient précédent alors qu’il était dans une violence inouïe, pour celui-là, vous faites une piqûre. Qu’est-ce qui se passe ? » Réponse en off de Grivois : « Ben là, si tu veux, on a d’abord le barrage dû à l’alcoolisme. Ensuite le barrage linguistique est énorme, il empêche tout dialogue véritable. Il y a un effort des deux côtés, mais on ne va pas loin. On ne peut pas attendre un effet thérapeutique d’un dialogue, c’est pour ça qu’on a recours à la piqûre. Le patient va dormir au lieu de déambuler toute la soirée dans le service des urgences de l’hôpital. » Quoique paraissant plus calme, l’homme reprend ses allées et venues entre la porte et la civière, continue d’examiner fébrilement les papiers de son portefeuille étalés dessus, maugréant de vagues menaces (17.13).


Quatrième cas

Cut. Un homme assis en face du psychiatre. Quarantaine d’années, voix stable, débit rapide mais maîtrisé, faconde d’intellectuel. Mais le propos, dans sa verbosité, s’avère délirant. Il se plaint de douleur suite à une goutte mise dans le café qu’il va boire chaque matin dans un bar. Il demande à ce qu’on lui fasse une prise de sang « parce qu’il y en a beaucoup qui ne savent pas ce que j’ai dans le sang ». Il parle comme s’il organisait lui-même sa prise en charge. Le médecin lui demande s’il est d’accord pour se faire hospitaliser à Sainte-Anne. Il acquiesce pour un jour ou deux, évoque sa paie de commandant que perçoit l’administration de l’hôpital pendant ses séjours, les examens par les psychiatres qui constatent « qu’il n’est pas malade. » (19.17). Retour dans la cabine. Filmés depuis l’angle droit, en oblique, les deux médecins regardent attentivement la visionneuse. Le médecin 1 arrête la bande.Médecin 1 : - Alors là, je comprends mieux la nécessité du psychiatre à des urgences médicales, parce que visiblement devant ce malade, l’interne de garde ou le médecin sont un petit peu perdus pour le prendre en charge. J’ai l’impression par contre que dans le milieu naturel que représente l’urgence, ça doit pas être mauvais qu’il ait été pris en charge (ainsi). Grivois : - Oui, c’est important qu’il y ait quelqu’un qui l’écoute, qui passe un moment avec lui avant de l’adresser ailleurs, que le sujet n’ait pas l’impression de vivre ce départ comme un rejet. Mais ce qui est important aussi, c’est que de tels malades soient bien examinés par un médecin, physiquement, qu’étant donné le caractère évident de sa pathologie mentale, qu’il ne soit pas tout de suite étiqueté ‘malade mental’ et qu’il n’ait pas le doit d’être examiné comme tout un chacun. C’est très important, devant un cas comme celui-là, ce double aspect de l’hôpital général (20.30).


Cinquième cas

Entrée des urgences, un homme entre, menotté, accompagné d’agents. Pano dans le couloir, cut, on le voit entrer dans la salle de consultation sans menotte. Il s’assoit docilement. Commentaire de Grivois en off : « Ce jeune homme était en train d’escalader la façade de la cathédrale. » Il est interrogé par un policier puis par un médecin. Très posément, il explique qu’il a passé plus de six heures dans la mairie de Paris, renvoyé d’un service l’autre, pour obtenir le récépissé des papiers d’identité qu’il avait perdus suite à une « altercation dans une boîte de nuit à l’occasion du mariage de ma sœur ». Il sourit avec malice pour expliquer que, bien qu’il contribue lui-même à l’emploi des fonctionnaires, il comprend qu’ils souhaitent quitter leurs bureaux le plus tôt possible un vendredi. Cut. Retour à la cabine, le médecin1 se demande pourquoi cette personne est traitée à l’hôpital alors qu’elle n’a visiblement aucun problème d’ordre médical. Grivois répond que l’hôpital est lieu-réceptacle qui réachemine vers d’autres lieux plus appropriés, y compris le dépôt s’il s’agit d’un simple délit. Silence de l'autre médecin qui ne paraît pas convaincu.


Sixième cas

Un médecin face à un jeune homme qui se tient le buste incliné. Il sourit de façon énigmatiquement fixe. Sa voix est aiguë, efféminée. Le médecin lui demande ce qu’il faisait au sous-sol de la Samaritaine et si ça lui arrivait souvent de le faire. Le jeune homme éclate de rire, se déplace dans la pièce, se rassoit et se penche vers le médecin en cachant son visage derrière la couverture d’un livre (pornographique ?). Le médecin garde le sourire et se tient à l’écoute alors que le jeune homme lui prend la main et la porte à ses lèvres. Il lui explique qu’il volait une cassette de film pornographique. Le dialogue est confus, il semble que le jeune homme négocie une prise en charge qui lui permettrait de ne pas être renvoyé à la police. 25.13. Retour à la cabine. Médecin 1 : - L’arrivée d’un malade comme ça dans des urgences où il n’y pas de psychiatre, c’est vraiment la panique, parce qu’il est inquiétant. Ce garçon qui relève de la psychiatrie lourde, et qui connaît manifestement très bien les circuits de ces structures, pourquoi on l’amène dans un hôpital général, ne peut-on le diriger directement vers elles ? Grivois : - Oui, c’est très important de ne pas confier au brigadier-chef de gare la décision d’orientation d’un tel patient. C’est au médecin de décider. C’est fondamental, même sur le plan des libertés individuelles (26.29).


Septième cas

Un homme par terre, le bras bandé, maîtrisé par des agents et des infirmiers. Quand il se libère, il fonce en direction de la caméra. L’opérateur se retranche derrière la porte de la pièce. Il continue néanmoins de filmer par son entrebâillement. Une infirmière tente de lui administrer une piqûre en relevant un pan de sa chemise. L’homme finit par se laisser faire, assis sur une chaise. Il demande un papier et un crayon. Il se retourne vers la caméra : « Eh, dégage, toi ! » Il se lève et avance vers elle dans une attitude menaçante. « Mais non, c’est rien », dit une infirmière pendant qu’un agent lui prend le bras. Cut. L’homme gît sur le carrelage, cherche à enlever le bandage de son bras, retourne vers la caméra en prenant une chaise comme s’il avait l’intention de la lancer. Cut. Il est acheminé en fauteuil roulant vers une civière. Il geint pendant qu’une infirmière lui désinfecte des blessures qu’il a à différents endroits du corps. Le plan taille sur l’homme allongé permet de voir qu’il n’a que trois doigts à la main gauche. Gros plan pédagogique : un nuancier est étiqueté à une fiole. L’extrémité d’une languette colorée est approchée du nuancier pour déterminer la teinte dont elle se rapproche le plus. En off, les plaintes de l’homme continuent (29.29). Retour à la cabine, gros pan sur la visionneuse qui montre le dernier plan de la séquence précédente, puis dézoome sur les deux médecins assis derrière la table. Médecin 1 : - Alors là c’est une vraie urgence médicale, un état de confusion, un état d’agitation et une hypoglycémie chez un alcoolique. Mais on voit quand même mal ce médecin débarquer comme ça chez le médecin généraliste. Grivois : - C’est là que l’équipe qui travaille ensemble se sent rassurée d’être un groupe et de pouvoir affronter ensemble une telle violence.


Huitième cas

Dans l’hôpital. Une dame d’âge mûr, accompagnée de deux autres dames et d’infirmières. Elle hésite à avancer plus loin. Les infirmières la rassurent en lui disant que les deux autres dames continueront de l’accompagner. Elle est finalement isolée avec un médecin qui lui demande comment elle s’appelle et quel âge elle a. Elle ignore ces interrogations en expliquant avoir à prendre un cachet pour son cœur, qu’elle cherche dans son sac à main. Elle refuse de se laisser examiner, continuant de farfouiller cette fois dans un sachet de course. Quand elle baisse la tête, on voit qu’elle ne prend plus soin de la coloration de ses cheveux. (32.16). « Votre fils est là ? », demande plusieurs fois le médecin. Elle répond distraitement oui, puis ne répond plus. Elle se redresse, regarde la caméra : « Dites à monsieur, que sur l’honneur, je le crois », ajoute-t-elle avec un sourire. Elle l’enjoint de la suivre, et malgré les tentatives du médecin pour l’en empêcher, quitte la pièce (33.28). Retour à la cabine. Grivois : - C’est tout à fait caractéristique d’une coopération médecin-psychiatre. Le médecin n’a pas eu le temps de se rendre compte que cette malade n’était pas confuse, c’est son collègue psychiatre qui a fait le diagnostic d’aphasie de Wernicke. C’est une femme qui, par ailleurs, a dû souffrir d'une embolie dans son cerveau, responsable de ce trouble dans son langage (34.10).


Dernier cas ou malentendu sur la personne

Extérieur jour sur une cour, le pan d’un pare-brise en amorce du champ, surmonté d’une enseigne de taxi. Un homme s’extrait du véhicule, sépare les rubans de plastique de l’entrée du service, avance en titubant, croise un médecin auquel il lance : « Ne me retenez pas ! ». Deux infirmières postées de part et d’autre d’un comptoir où il se dirige en tenant des propos incohérents. Elles le rejoignent et le soutiennent pour l’accompagner vers une salle d’attente. « Le médecin va arriver », dit celle qui reste avec lui tandis que l’autre est allée le chercher. L’homme s’assoit et se redresse plusieurs fois de suite, cherchant à dire quelque chose. Le médecin arrive en lui demandant s’il a de l’argent pour payer le taxi qui l’a acheminé jusqu’ici. L’homme fouille son blouson en demandant : « Un taxi ?.. ». Son débit est rapide, ses paroles sont très difficilement intelligibles. Il bégaye, zézaye. Le médecin et les infirmières l’accompagnent dans le couloir particulièrement encombré de membres du personnel et d’agents de police. Ils l’amènent dans une salle de consultation et l’allongent sur une civière. « Mais ça sert à rien, proteste l’homme en se relevant. C’est pas moi, c’est mon chien. » Le médecin lui demande s’il boit de l’alcool. L’homme répond qu’il n’a pas le temps de boire, qu’il peut le prouver en tenant en équilibre sur un pied. Le médecin, sentant que la jambe de son pantalon est humide, lui demande s’il n’a pas perdu ses urines. « Je n’ai rien perdu, répond l’homme. » Le médecin demande à l’infirmière de faire venir le « psy de garde ». Le Dr Grivois arrive dans la pièce peu après, sans qu’il y ait de coupure dans le film. Le médecin lui désigne l’homme assis sur la civière : « Je pense que soit il se fout de moi, soit… c’est pour toi. » Pendant que le médecin sort du champ, l’homme explique aussi à Grivois que c’est son chien qui est malade. Grivois lui pose des questions basiques : « quel jour sommes-nous ? quel mois ? où sommes-nous ? » auxquelles l’homme ne répond pas, continuant de bafouiller frénétiquement. « Vous avez vomi sur votre genou ? » reprend Grivois. L’homme est incapable de répondre. « Il y a quelque chose qui ne va pas ! » L’homme parle enfin, explique qu’en rentrant du travail, il retrouve chez lui son chien étendu par terre alors que d’habitude il l’accueille en jappant. Il mime la scène en s’affaissant et en s’étendant sur le carrelage. Grivois semble désemparé. Le médecin est revenu. Il relève l’homme avec l’aide des infirmières. « Est-ce que vous avez un chauffage ? » demande-t-il. « Bien sûr ! » répond l’homme. « Quoi, comme chauffage ? ». L’homme répond de façon incohérente. « Bon, on va lui faire un dosage de CO… Tu mets sur trois litres ! » dit le médecin à l’infirmière. Grivois lui demande à l’homme de lui décrire sa journée. L’homme commence à lui répondre. « Jusqu’à votre arrivée chez vous, tout allait bien », dit Grivois. Le médecin revient : « On a eu les pompiers au téléphone, le chien est effectivement intoxiqué à l’oxyde de carbone ! ». Cut. L’homme acheminé sur un brancard, sous respiration artificielle, accompagné par le médecin qui commente à un collègue : « Ça s’est d’abord présenté sous un mode psychiatrique. Les résultats de Fernand Widal confirment que c’est une intoxication sévère. » Ils sortent du service, rejoignent une ambulance.
Reprise de la musique tendue du générique du début pendant qu’on voit les médecins et les infirmiers en train de faire entrer le brancard dans le véhicule.


Commentaire général

Dernier carton sur fond bleu, avec logo : FIN-DELAGRANGE INTERSCIENCEFILM. Ainsi, c’est sans retour vers la cabine de montage, donc sans dernière analyse de la part des deux médecins référents, que se termine une séquence qui illustre une situation où l’interprétation psychiatrique du cas s’avère une fausse piste, la vraie étant son intoxication suite à un accident de chauffage. Il est étonnant que cette séquence soit laissée au spectateur sans analyse, d’autant que tout le propos du film est de défendre le rôle d’un psychiatre de garde dans un service des urgences. Par ailleurs, il paraît évident que cette même séquence, si elle s’appuie sur un fait vrai, ne peut être que sa reconstitution : les trajectoires sans faille de la caméra d’un espace à l’autre, les entrées et sorties parfaitement rythmées des différents personnages, la situation dramatisée et son issue qui a l’apparence d’un dénouement (en fait, il s’agissait de ça et non pas de ce qu’on croyait), le tempo de ce récit, tous ces éléments sont parfaitement agencés comme une séquence scénarisée et repérée. Cette dernière séquence contraste en cela avec les précédentes, beaucoup plus chargées des aléas et de l’incertitude du réel, qu’il s’agisse des comportements ou des paroles de chaque protagoniste. Il semble donc que cette dernière séquence agisse comme une démonstration qui se passe, à ce titre, d’analyse a posteriori.

À noter que le film fait beaucoup penser à "Urgences" que Raymond Depardon tourne en 1988 dans les mêmes lieux.

Notes complémentaires

réf. du document au CIL : Cote 512 + dossier sur le film

Références et documents externes

Contributeurs

  • Auteurs de la fiche : Caroline Ruebrecht, Joël Danet