Voyage au centre de l'homme (1973)

De Medfilm



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Titre :
Voyage au centre de l'homme
Série :
Année de production :
Pays de production :
Réalisation :
Conseil scientifique :
Durée :
49 minutes
Format :
Parlant - Couleur - 16 mm
Langues d'origine :
Sous-titrage et transcription :
Sociétés de production :
Archives détentrices :
Corpus :

Générique principal

gén. fin : journaliste : Paul Ceuzin / Conseiller artistique : Patrick Volle / Ingénieur du son : Roger Jeanbrun / Directeur de la photo : Michel Kelber / réalisation : Claude de Givray.

Contenus

Sujet

Ce reportage s'intéresse aux nouveaux procédés expérimentaux d'investigation des organes du corps humain : fibroscopie, thermographie, échographie.

Genre dominant

Documentaire

Résumé

Ce reportage s'intéresse aux nouveaux procédés expérimentaux d'investigation des organes du corps humain. Le professeur Jean Duhamel explique le principe du fibroscope. A l'hôpital Saint Antoine, le docteur Ligori explore le tube digestif d'un patient lors d'une fibroscopie : les dents, les cordes vocales, le tube digestif, l'estomac, le pancréas, l'intestin grêle. Le patient a également la possibilité d'observer son estomac et le pylore. Jean Duhamel explique que le cancer de l'estomac étant beaucoup plus fréquent au Japon, ce pays pratique couramment le gastrocinéma (cinéma endoscopique). Il souligne l'importance du contact du malade avec son médecin. "Rien ne me parait aussi cruel dit-il que ces malades abandonnés comme des numéros dans un vaste hôpital". Des images de la télévision japonaise nous montrent le fonctionnement de la fibroscopie cardiaque. A la clinique de la porte de Choisy, le docteur Houstrières pratique une fibroscopie pulmonaire. Fibroscopie du cerveau (image du sillon médian entre les deux hémisphères cérébraux), de la vessie. Dans le cadre d'un examen de dépistage du cancer du sein, une patiente subit une thermographie (à l'aide d'une caméra infrarouge). Le médecin analyse les images de la thermographie (thermovision). A l'hôpital de Bobigny, après avoir préparé des plaques de cristaux liquides, le professeur Jean Tricoire fait une démonstration de thermographie par plaque (examen d'un sein) . Il explique qu'il est l'inventeur des substances de guidage de la chaleur afin d'obtenir des images très nettes et ajoute que la plus petite tumeur maligne décelée faisait 3 millimètres sur 5 millimètres. Une femme subit une échographie, un médecin explique l'intérêt de cette nouvelle technique. (notice INA)

Contexte

Fibroscopie et endoscopie sont des synonymes désignant des méthodes d'imagerie médicale permettant de visualiser l'intérieur des conduits naturels ou des cavités de l'organisme par l'intermédiaire de petites caméras vidéo (ou fibres optiques). Ces techniques sont utilisées dans un but de diagnostic mais peuvent être couplées à des petits instruments permettant des prélèvements ou des interventions chirurgicales. Le premier endoscope médical date de 1852 ; il a été fortement modifié et amélioré dans les années 30 avec la mise au point d'un tube semi-flexible destiné à étudier l'intérieur de l'estomac. Dans les années 50, l'émergence des fibres optiques a permis de réaliser des endoscopes entièrement flexibles appelés fibroscopes et d'élargir ainsi les champs d'investigation.

En 1956, Basil Hirschowitz, aidé de L.C. Curtiss et C.W. Peters construise le premier fibroscope aux États-Unis. Cet appareil, entièrement souple, était composé de deux faisceaux de fibres de verre (36 000 au total) dont l’un transmettait la lumière et l’autre l’image ; l’avantage était double : d’abord disposer d’une lumière froide distale, non dangereuse, ensuite, pouvoir tenter de franchir le pylore. A partir de ce prototype, des firmes industrielles allemandes, puis japonaises, se mirent au travail. Apparurent successivement des mollettes directionnelles permettant l’orientation de l’appareil dans deux directions, puis dans quatre, ce qui permit d’explorer toute la cavité gastrique. Durant les premières années de l’endoscopie souple, tout endoscopiste exigeait d’avoir vu une radiographie de l’estomac avant son examen, ce qui lui permettait d’établir des corrélations radio-endoscopiques ; une étude faite en 1975 par le Pr. Jean Guerre de l'Hôpital Cochin établissait que sur 223 examens, l’endoscopie levait le doute devant 154 clichés difficiles à interpréter. Grâce à l’amélioration constante de l’appareillage, l’endoscopie ne se limita plus à l’estomac et au duodénum et s’étendit d’abord au côlon, puis au grêle qu’il est actuellement possible d’explorer dans sa presque totalité. (cf. Pr. Jean Guerre, "Histoire de l'endoscopie digestive" dans Médecine/Sciences, n° 15, 1999.)

Éléments structurants du film

  • Images de reportage : Oui.
  • Images en plateau : Non.
  • Images d'archives : Oui.
  • Séquences d'animation : Non.
  • Cartons : Oui.
  • Animateur : Oui.
  • Voix off : Oui.
  • Interview : Oui.
  • Musique et bruitages : Oui.
  • Images communes avec d'autres films : Oui. Le reportage est ponctué par plusieurs extraits d'un film de Richard Fleischer "Le voyage fantastique" (1966).

Comment le film dirige-t-il le regard du spectateur ?

La mise en scène de l'émission fait en sorte que l'imagerie médicale, produit de la science, soit domestiquée par le téléspectateur au moyen de la musique douce et du commentaire, tour à tour descriptif et méditatif qui l'environnent.

Comment la santé et la médecine sont-elles présentées ?

Par le moyen des entretiens qui entrecoupent les exposés sur les différentes techniques d'imageries, l'émission cherche à établir en quoi celles-ci sont à mêmes d'être appliquées massivement pour rendre la médecine préventive plus efficace. Il est alors question de coûts de ces technologies et de la capacité des médecins généralistes de les prendre à leur compte.

Pour chaque procédé abordé, les journalistes examinent comment il peut être appliqué le plus largement possible et comment l'inscrire dans la chronologie des examens des patients. Ce que l'émission cherche à affirmer, c'est qu'il ne suffit pas de saluer les nouvelles prouesses techniques de visualisation, et la capacité des médecins de la maîtriser, il est également nécessaire de voir comment elles redéfinissent la politique de prévention pour en faire bénéficier la population concernée.

Diffusion et réception

Où le film est-il projeté ?

télévision, 2e chaîne, lundi 29 janvier 1973 à 22h30.

Communications et événements associés au film

Public

tout public

Audience

Descriptif libre

Préambule, la métaphore du "Voyage fantastique"

Musique de type thriller, avec des coups de tambour et un motif mélodique heurté et répété. Dans une lumière localisée sur le centre du champ, avec de l'ombre tout autour, un panoramique sur une fiole en porcelaine de pharmacien. Elle vole en éclats, s'y substituent une vue sur l'intérieur d'un appareil électronique avec son câblage compliqué, puis une vue sur l'intestin d'un mannequin d'anatomie pivotant sur lui-même. Indications de générique ; "Une émission proposée par Paul Ceuzin / Horizons / Voyage au centre de l'homme - Paul Ceuzin - Claude de Givray." L'émission commence avec des plans du Voyage fantastique de Richard Fleischer, qui décrit sur le registre de l'anticipation la miniaturisation d'une équipe scientifique qui va être propulsée dans le corps d'un patient pour effectuer une opération "de l'intérieur." Au terme de la séquence qui montre les membres de l'équipe regarder par le cockpit de leur vaisseau le spectacle de l'organisme dans lequel ils se déplacent, le commentaire dit : "Bien sûr, tout celà est faux". Présentant le film dont ces iamges sont extraites, il ajoute : "Pour la première fois, notre corps cessait d'être un coffre-fort qui emprisonne la vie et qu'on ne pouvait pénétrer que par de sanglantes effractions." Le commentaire conclut : "Ce film n'a que quelques années, six ans, et déjà il est rejoint par la réalité. En effet, sans décor, sans trucage, sans comédiens, nous allons faire le même voyage mais dans le réel avec les moyens de la science médicale en 1973." (02:44)

Présentation du fibroscope

Comme au générique, une scène sur fond noir. Une main dispose un pot rempli de tiges de fibre optique, élément de décoration. "Ces fils conduisent la lumière comme un fil de métal conduirait l'électricité." Ces fibres mis en faisceau permettent la mise au point du fibroscope. Dans un laboratoire, un homme et une femme en blouse blanche. Gros plan sur la main de l'homme qui tient un appareil que le commentaire désigne comme le fibroscope. Il est pourvu d'un "lave-glace" et d'une petite pince pour faire des prélèvements. Grâce à lui ", nous pouvons voir ce que le film américain n'avait pas exploré : le tube digestif." Intervention du professeur Jean Duhamel qui pose devant des planches de radiographie : il explique que jusqu'à la mise au point du fibroscope, la non-linéarité de l'oesophage ne permettait pas son exploration. Le journaliste propose la métaphore de la "route en lacets" que le professeur reprend à son compte. (04:27).

Exploration fibroscopique de l'oesophage

Dans une salle d'hôpital, un patient est allongé. Un médecin introduit le fibroscope dans la bouche. "Restez calme, n'avalez pas!" Image filmée par le fibroscope qui est enfoncé dans le corps : dans un cadre lumineux mis en oblique sur fond noir, surfaces rougeoyantes qui palpitent. C'est une vue sur l'intérieur de la bouche. "Au passage, on reconnaît les dents, puis les cordes vocales qui se contractent au passage de l'appareil." Musique douce et lyrique à la fois pour solenniser l'apparition de ces images inédites de l'intérieur du corps humain. Le fibroscope fait suivre son évolution dans le tube, le long de l'oesophage, dans l'estomac et le pylore. Les parois souples vibrent. "Les pulsations que l'on devine sont dues aux battements du coeur, tout proche." Encore l'image d'un intérieur de tuyau organique rouge, nous sommes au niveau du cardia. " Le fibroscope va l'explorer dans tous les sens, un peu comme l'aurait fait un spéléologue dans une caverne ou dans un gouffre." Plan de coupe sur le médecin auprès du patient étendu, il manie le fibroscope en réglant la mollette du viseur (sans doute pour faire la mise au point). Il prend l'extrémité du fibroscope et le tend au patient : "Vous prenez ça, monsieur, et vous regardez l'intérieur de votre estomac, tranquillement... Vous voyez le pylore?" Gros plan sur le patient qui regarde dans le fibroscope avec concentration. Retour aux images données par le fibroscope : l'orifice du pylore est approché, ses bords sont parcourus de reflets lumineux. "C'est merveilleux, non? C'est de la dermatologie, vous avez vu ça comme la paume de votre main!" dit le médecin, qui prend le patient à témoin. Le patient sourit : "C'est prodigieux!". Il lui retire le fibroscope de la bouche, lui demande si l'opération s'est bien passée. Le patient répond oui, se relève et quitte la salle d'intervention. (07:05)

La colonoscopie : un "voyage d'affaires"

Le médecin devant un tableau lumineux où sont affichés des clichés permis par la pénétration du fibroscope jusque dans le duodénum (partie initiale de l'intestin grêle qui commence au pylore). Dans un bloc, un patient allongé, des images d'écran montrent le canal pancréatique dans lequel a été injecté du liquide opacifiant qui permet de visualiser le pancréas : le champ visible est inscrit dans un cercle cerné de noir, comme une ouverture à l'iris. En gros plan, une main ajustant un cathéter à la tête du fibroscope. "Il faut maintenant l'introduire dans l'orifice du canal pancréatique. Peu à peu le pancréas va devenir visible sur l'image radiographique." L'image radiographique du pancréas apparaît. Le commentaire explique que le pancréas étant transparent aux rayons X, avant que ces techniques d'opacification possibles, il fallait opérer pour le visualiser. Avec le fibroscope, il devient même possible de pénétrer dans cette longue et tortueuse galerie : l'intestin grêle". A l'image, vue par la caméra fibroscopique qui montre l'intérieur d'une cavité aux replis mous. "On arrive là aux limites de ce qu'on peut atteindre aujourd'hui." L'autre voie est rectale. De nouveau, exposition de clichés sur tableau lumineux. Le médecin explique que grâce à la flexibilité du fibroscope, il devient possible d'explorer le gros intestin long et courbe. "C'est pas facile à faire, dit le médecin. Mais les malades tolèrent très bien cet examen " qui se fait sans anesthésie générale mais avec une "légère pré-médication." S'ils se plaignent, le médecin réagit aussitôt pour diminuer la douleur. Vue dans le bloc, deux médecins se partagent le fibroscope qu'ils consultent alternativement, l'un d'eux donne des instructions à une infirmière qui apporte le cathéter. Commentaire : "Ce voyage dans les profondeurs du corps, ce n'est ni l'indiscrétion, ni même la curiosité qui en sont à l'origine. Nous pourrions même dire que ce n'est pas une promenade, un voyage de loisirs, mais plutôt un voyage d'affaires, un voyage utile car cette région de l'intestin abrite souvent des petites tumeurs. Le plus souvent, ce sont des polypes bénins mais ils sont quelquefois plus graves. Et la colonoscopie permet donc en complément de la radiographie de les déceler et de faire un petit prélèvement pour faire une analyse." Par la caméra de l'appareil introduit apparaissent les images du prélèvement en train de se faire, en off s'entendent les instructions du médecin.

Entretien avec Jean Duhamel

L'entretien se déroule devant le tableau lumineux où sont affichés les clichés radiographiques. Jean Duhamel explique que les Japonais sont mis au point une technique de fibroscopie qui leur permet d'explorer l'intestin grêle. Il ajoute qu'ils arrivent, en plus de faire des prélèvements, à enlever complètement la polype ou la tumeur avec "une espèce de lasso électrique". Ca évite une grande intervention par voie abdominale. Le journaliste lui posant la question de la prévention par dépistage au moyen d'une observation au fibroscope, le médecin perd l'enthousiasme qu'il affichait. Il pense que la radiologie suffit, et qu'il faut recourir à la gastroscopie "ou gastrofibroscopie" uniquement pour les cas douteux. Le journaliste, poursuivant son idée de la prévention, fait observer que les Japonais procèdent à un dépistage systématique qui est du ressort de la médecine du travail. Le médecin répond que la population japonaise présente plus de cas de cancers de l'estomac. La médecine japonaise procède à des "gastro-cinéma" sur elle, et les clichés douteux donneront lieu à des gastroscopies chez les personnes correspondantes. Le journaliste s'obstine : "Ce n'est pas seulement un problème de matériel, c'est un problème de structure de la médecine." Le médecin répond qu'"en France, on tient compte de réactions psychologiques du malade : on les interroge longuement. La médecine n'est pas uniquement une question de dépistage systématique, c'est une question de contact, de raconter ce qu'on a, ce qui s'est passé dans sa famille, comment on souffre et à quelle heure... tout ça est très important." Le journaliste demande si la mentalité des populations n'entre pas en ligne de compte. "Il est certain, admet Jean Duhamel, que les français ne sont pas des gens qui acceptent des examens très systématiques. Il y a u côté individualiste qui persiste chez nous." Le journaliste demande si le médecin lui-même ne préfère pas "soigner que prévoir". Silence embarrassé du médecin. Il finit par répondre que c'est un problème auquel il n'est pas possible de répondre actuellement. "Mais je pense que la confrontation, le contact avec le malade d'un médecin particulier qui lui parle, qui le connaît, est absolument essentiel. Rien ne me paraît plus cruel que ces malades qui sont abandonnés comme des numéros dans un vaste hôpital, perdant tout à coup leur identité." Nouvelle question du journaliste : "Même si, statistiquement, les résultats sont meilleurs?" Le médecin sourit, hausse des épaules, de nouveau embarrassé : "Il faut du recul pour juger..." (17:38)

Le voyage entre fiction et réalités

Nouvel extrait du film "Le voyage fantastique" : séquence sur la traversée du coeur, "une des étapes les plus émouvantes" du film, selon le commentaire. A la scène de fiction succède une séquence de reportage réalisé au Japon sur un jeune homme dont on explore le coeur sans l'avoir anesthésié. Il a été introduit dans une veine de son bras un fibroscope qui doit aller jusqu'au coeur. A son extrêmité, un ballonnet rempli de sérum physiologique donner la lumière nécessaire à la prise de vues. Retour au film de Fleischer : c'est maintenant l'exploration des poumons. A la fiction correspond la réalité avec les travaux du Dr. Oustrière à l'Hopital de la Porte de Choisy. Vues de la caméra qui filme l'intérieur des bronches à mesure que le fibroscope avance dans le larynx, la trachée, - "de simples tuyaux". Nouvelle scène du "Voyage fantastique, cette fois les explorateurs se sont introduits dans le cerveau humain. Transition avec une image de fibroscope." Nous aussi nous sommes dans le cerveau grâce à un fibroscope de 4mm de diamètre. Puis nouvelle exploration, cette fois dans l'intérieur d'une vessie. La sonde progresse dans le canal de l'urétre, puis pénètre dans la vessie. "Quel livre de leçon de choses pourrait nous faire découvrir l'un des mécanismes de la machine humaine, et aussi quelques unes de ses anomalies? En effet ce qu'on voit maintenant, ce sont des calculs." Plusieurs formes orangées sont apparues dans le champ. Ensuite, plan d'un homme consultant l'édition d'un "atlas endoscopique" manuel compilant des clichés à l'usage des médecins. (25:14)

La thermovision pour le dépistage du cancer du sein

Commentaire sur une séquence de transition montrant une gymnaste s'entraînant au trampoline : "Mais cette exploration de la vie au plus profond de nous-mêmes ne se conçoit pas seulement au niveau des cavités et des multiples conduits qui parcourent l'organisme. C'est au coeur de la chair que la technique porte aujourd'hui le regard du savant. hier, la radiographie permettait de voir ce qui était assez dense pour arrêter les rayons X - les os, par exemple. Mais aujourd'hui, d'autres techniques savent révéler l'invisible." A remarquer le ton soutenu du commentaire : le vocabulaire métaphorique, l'élégance syntaxique et les périphrases empruntent à l'élégance transparence du langage du XVIIIe siècle. C'est celui qui est jugé le plus à même de faire comprendre la complexité du monde innovant et spécialisé de l'imagerie médicale, sans doute parce que le public cultivé auquel l'émission s'adresse y trouve ses repères de formulation et d'approche verbale des sujets intellectuellement exigeants. Par ailleurs, cet emploi du commentaire comme un "texte lu" qui accompagne le film, et non comme une réaction verbale aux images, rappelle la tradition du commentaire de facture littéraire dans les documentaires des années cinquante ("l'âge d'or du documentaire" pour reprendre les termes de Roger Odin), comme ceux de Rohmer, Varda, Resnais, etc. souvent confiés à des écrivains (comme Jean Cayrol, François-Régis Bastide...). En panoramique, un mouvement de caméra qui va d'un laborantin observant le viseur d'un appareil et manipulant sa mollette à une femme au torse nu, les bras levés et croisés derrière la tête. Une composition cinématographique qui révèle l'érotisme incident de la situation, d'autant que c'est un rassemblement de pièces mécaniques à la carrosserie lisse et rutilante qui sépare le regardeur mâle et de la femme regardée. En bord cadre gauche, un médecin s'adresse à la femme pour lui rappeler qu'étant donné qu'elle a quarante ans, dans un souci de "prémonition du cancer du sein qui vous inquiète toutes", il lui propose de procéder à un examen en thermovision. Gros plan sur une caméra placée dans un cylindre. "Voici le nouvel oeil du médecin. C'est une caméra infra rouge. Ce qu'elle sait montrer, ce sont les températures. Les points chauds font des taches sur l'écran". Irruption d'une musique romantique, à l'écran le résultat du filmage en infra rouge : le dessin du torse est reproduit en silhouette sur fond noir, défini par des lamelles plus ou moins épaisses qui rappelle le rendu de certaines oeuvres d'art cinétique, avec un balayage d'écran incessant qui fragmente la surface en zones blanches et noires et donne au plan un effet stroboscopique. Application de la fonction isotherme : "l'étude, à partir d'un gradient thermique de référence, de toutes les zones isothermes qui ont la même température". Sur le torse mis en noir apparaissent des taches blanches comme des ombres négatives. Le médecin, appuyé sur l'appareil, explique que la radiologie est apparue comme un "outil incomplet" pour au moins une femme sur cinq. Le contraste radiologique ne permet pas de faire apparaître les granules qu'elles ont dans leurs seins. La thermographie qui a été mise au point en grande partie en Suède, permet de faire apparaître des "points chauds" qui apparaissent avant que le cancer ne soit cliniquement palpable. Il ajoute que la méthode de la thermographie permet de repérer des hyperthermies mammaires dues à la prise de pilules contraceptives. Comme elle n'emploie pas de rayons X, elle met à l'abri d'un "péril génétique" celles et ceux qui y sont exposés. Le journaliste revient sur la question du dépistage de masse, de mandant si cet appareil le permet. Le médecin répond par l'affirmative sans hésiter, se prévalant de l'exemple des Etats-Unis, Houston Texas, où "toute une couche de population a été passée en détection thermovision." A cette information de prise en charge suit un instant de rêverie sur les mêmes images : toujours le torse thermo-filmé, cette fois en couleur, encadré par des droites graduées, donnant lieu à une composition étrange qui renouvelle par une nouvelle technique d'image la mise en scène d'un motif sensuel tant prisé par la peinture. "Ces images colorées, qui rappellent un peu les vitraux viennent du centre anticancéreux de Marseille. Elles sont simplement belles pour qui ne sait pas les déchiffrer." L'intervention d'une harpe en musique de fond accentue le statut de parenthèse onirique de la séquence. (31:03)

Autre méthode : la thermographie

La séquence suivante, tournée à l'hôpital de Bobigny, est dédiée à la thermographie par enduction de plaques de cristaux liquides (substance de guidage de la chaleur). Les plaques enduites et posées sur la surface de la peau visualisent les vaisseaux sanguins - torse de femme, et joue d'un patient que l'on chauffe préalablement et sur laquelle on applique une plaque. De nouveau, le film tire un parti érotique de la mise ne images du procédé d'observation : devant le torse nu d'une femme, la plaque employée fait écran, s'interpose entre la femme examinée et le public de l'émission. Le cadre devient cache, donne envie de voir plus que ce que promet un sein nu que la plaque ne cache pas, ou de revoir les seins que la plaque a momentanément révélé en se retirant du champ, que mettent en valeur, comme à dessein, une fine chaîne d'argent que la femme a mise en sautoir. Enfin, c'est encore la mise en tension entre les rondeurs palpitantes du corps avec la froideur rectiligne du matériel technique employé pour l'observer et le représenter.

Le médecin qui pratique cette méthode explique : "je crois que l'ingéniosité des médecins va permettre toute une série d'applications nouvelles", il cite les maladies de la peau. Le journaliste, arguant du caractère peu onéreux des plaques, demande si elles ne peuvent pas être employées par les médecins de ville pour permettre un dépistage massif. "Quand à moi, je le crois, répond le médecin. L'intérprétation sera plus ou moins facile selon le degré d'expérience du médecin, mais je crois qu'il arrivera très rapidement et très facilement à la zone d'alarme ". Ces avertissement remontés par les médecins par ce moyen permettraient d'éviter d'avoir à prendre en charge d'"énormes cancers". De nouveau, parenthèse de méditation sur les images qui, cette fois, font penser à des représentations de nébuleuses par leurs motifs d'"explosantes fixes" lumineuses qui poudroient sur une surface noire. Sur la musique de violons et de harpe déjà entendue dans une séquence de même registre, le commentaire reprend : " Derrière ces images que l'on n'ose trouver belles, car on peut toujours craindre qu'elles ne soient l'expression d'un mal terrible, se cache une véritable révolution de la médecine préventive." (38:28)

L'échographie et le diagnostic pré-natal

Commentaire sur la reprise du plan de la gymnaste à l'entraînement, cette fois aux barres asymétriques : "Un corps sain peut lui aussi avoir à révéler ses secrets, non pour y déceler le germe d'un mal mais pour y suivre ce qu'on appelle un 'heureux événement'. Une nouvelle technique permet en effet de lire à livre ouvert dans la vie pré-natale du futur bébé : c'est l'échographie". En plan d'ensemble, une femme allongée sur une civière, une caméra sur un bras est dirigé par un laborantin sur son ventre, bord cadre gauche un moniteur avec une image noir et blanc régulièrement balayée. Raccord en gros plan sur le moniteur dont l'écran est quadrillé, montrant une forme circulaire blanche sur un fond noir. Retour à la femme allongée, un médecin qui se tient à côté d'elle lui désigne l'écran : "Alors, voyez-vous madame, le cercle qui se trouve au milieu représente le contour de la tête de votre bébé." De nouveau le moniteur, le laborantin posté à côté, muni d'un crayon, fait devant l'écran un geste tournoyant de la main pour mettre en évidence le propos du médecin. Il pose ensuite une règle graduée sur l'écran. "Nous allons pouvoir mesurer le diamètre bipariétal de votre enfant". Le chiffre est donné est conforme à celui attendu concernant le développement selon l'âge du foetus. "7.6, c'est tout à fait en accord avec la date de vos dernières règles, tout va très bien!" Schéma animé pour expliquer le fonctionnement de l'échographie, avec des formes géométriques reliées par des flèches : "Ce ne sont plus les rayons X qui vont balayer la zone à explorer mais des ondes acoustiques c'est-à-dire des bruits, des ultra-sons. Ils vont se réfléchir sur chacun des obstacles qu'ils vont rencontrer. La vibration sonore rebondira alors sur les tissus et sera enregistrée." C'est un système "très précis et absolument inoffensif". Le médecin interviewé explique les usages de l'échographie : "On peut d'abord affirmer la réalité de la vie foetale, préciser la position du foetus, en étudier le développement", ce qui permet de voir si le volume de la tête est proportionnel à la taille du bassin. Plein écran, l'image échographique de la tête du foetus, avec la barre du milieu qui montre la limite entre les deux hémisphères cérébraux, le "sillon médian du cerveau". Autre image, plusieurs formes ondulées en blanc sur un fond noir, avec deux arcs joints en forme de bouche qui s'écartent et se rejoignent régulièrement : "Et voici les battements du jeune petit coeur." A nouveau la musique faite de harpes et de violons baigne gentiment les images. La mise en scène de l'émission fait en sorte que l'imagerie médicale, produit de la science, soit domestiquée par le téléspectateur au moyen de la musique douce et du commentaire, tour à tour descriptif et méditatif qui l'environnent. "Ici, c'est l'enfant tout entier qui se déplace, démontrant sa vitalité sous nos yeux." Aiguillés par le commentaire, comme la future mère a été aiguillée par les paroles du médecin, nous interprétons l'assemblage abstrait de formes blanches qui s'animent sur le fond noir, composons le contour d'une silhouette humaine en les triant et ne les assemblant mentalement.

Vision fugitive d'un foetus "mort depuis vingt jours" : à l'échographie, deux courbes l'une sur l'autre, inertes. Prélèvement qui échantillonne des cellules pour savoir si l'enfant souffre d'une anomalie génétique : "c'est ce qu'on appelle l'amniocentèse". Opérée dès la septième ou huitième semaine après l'arrêt des règles, quand la "cavité amniotique a atteint un certain volume" qui la rend observable, elle rend d'autant plus facile, selon le médecin, "l'interruption volontaire de grossesse". Une laborantine travaille par des découpages de clichés qu'elle assemble. L'amniocentèse "permettrait d'éviter bien des drames si toutefois on pouvait en toute sécurité la faire suffisamment tôt." De nouveau, il est question d'appliquer le plus largement possible ce nouveau procédé et de l'inscrire dans la chronologie des examens des patients. Ce que l'émission cherche à affirmer, c'est qu'il ne suffit pas de saluer les nouvelles prouesses techniques de visualisation, et la capacité des médecins de la maîtriser, il est également nécessaire de voir comment elles redéfinissent la politique de prévention pour en faire bénéficier la population concernée. Le médecin insiste sur le fait que le diagnostic pré-natal doit être fait "selon des indications précises" et qu'il ne peut être généralisable. Le médecin rappelle que l'appareil qui permet l'échographie est encore peu commercialisé en France. "Il y en a six en tout." Il ajoute qu'il y en a plus en France et en Espagne. "Il y a un très grand retard dans notre pays pour permettre une utilisation courante". Le journaliste lui demande si c'est une "carence", le médecin répond : "indiscutablement". De nouveau, le journaliste poursuit, par le biais de ses entretiens avec les différentes médecins, son propos sur l'urgence de mettre ces appareils à la disposition des médecins pour en faire bénéficier l'ensemble de la population française.

Retour à l'examen pré-natal, cette fois l'échographie révèle la présence de deux foetus. Le commentaire : "l'échographe ne se trompe pas et ne sait pas garder pour lui les surprises!"

Conclusion : "bouleverser la médecine et sauver des millions d'hommes"

Dernières images qui reprennent la citation du Voyage fantastique de Fleischer. Commentaire : "Le voyage auquel nous ont invité chacun de leur côté les scénaristes hollywoodiens et les hommes de science reste fantastique. Il a seulement cessé d'être impossible. Dans celui de fiction, il s'agissait de sauver un homme, dans celui que propose la réalité, il s'agir de bouleverser la médecine et d'en sauver des millions." Générique de fin.

Notes complémentaires

Références et documents externes

Contributeurs

  • Auteurs de la fiche : Joël Danet
  •  :
Erc-logo.png  Cette fiche a été rédigée et/ou traduite dans le cadre du projet BodyCapital, financé par l'European Research Council (ERC) et le programme de l'Union européenne pour la recherche et l'innovation Horizon 2020 (grant agreement No 694817).