Question de solidarité (1982)

De Medfilm



Pour voir ce film dans son intégralité veuillez vous connecter.
Si vous rencontrez un problème d'affichage des sous-titres, veuillez essayer un autre navigateur.

Titre :
Question de solidarité
Série :
Année de production :
Pays de production :
Réalisation :
Durée :
28 minutes
Format :
Parlant - Noir et blanc - 16 mm
Langues d'origine :
Sous-titrage et transcription :
Commanditaires :
Archives détentrices :
Corpus :

Générique principal

Gén. début : "Kaléidoscopie"

Gén. fin : Horine Cristi - auteur / Kirchner Odile - auteur / Paintault Micheline - auteur / Bellon Roger - musicien / Paintault Micheline - réalisatrice / Nous remercions les habitants du département de l'Hérault de leur aimable collaboration... copyright Ministère de l'Éducation Nationale - CNDP France 1982

Contenus

Thèmes médicaux

Sujet

Explication du principe et de la mise en œuvre de l'institution de la Sécurité sociale, en particulier sur le plan de la prise en charge publique des arrêts de travail pour cause de maladie, à l'exemple de situations vécues dans le contexte de la production viticole dans l'Hérault.

Genre dominant

Documentaire

Résumé

Le film commence par une séquence tournée aux guichets de la Sécurité sociale pour montrer son fonctionnement, voire ses pesanteurs. Il consiste ensuite en plusieurs séquences, tournées dans l'Hérault, qui sont autant d'études de cas sur la mise en oeuvre de la sécurité sociale du point de vue patronal : les charges que requiert son financement entraînent la diminution de l'embauche. Le film fait aussi intervenir Nicole Questiaux, alors ministre de la Solidarité nationale, qui s'oppose à ce point de vue en rappelant le bien-fondé citoyen et économique de la Sécurité sociale.

Contexte

La sécurité sociale Le principe de protection sociale figure dans la Déclaration des droits de l’homme : la société doit subsistance à ceux qui sont hors d’état de travailler. Peu à peu s’impose au sein de la société le devoir de substance aux plus démunis. Au XIXe siècle, des sociétés de secours mutuels et des Mutuelles ouvrières sont mises en place à l’initiative des ouvriers, structurées par branches d’activité (mines, chemins de fer…). Leur fonctionnement repose sur des cotisations prélevées sur les membres actifs, reversées sous forme d’indemnité aux malades, chômeurs, grévistes… Par ailleurs, la politique paternaliste du patronat met en œuvre des caisses de secours et des régimes de retraite (et aussi des dispensaires, des hôpitaux, des crèches, des logements) pour fixer une main-d’œuvre instable (ex. au Creusot). Cependant, il y a des sollicitations croissantes faites aux pouvoirs publics pour mettre en place une protection sociale obligatoire. Au sein du patronat, les résistances à cette mesure viennent de ceux qui préfèrent maintenir les ouvriers dans une condition faible. Au sein des ouvriers, les réticences sont le fait des militants qui estiment qu’une telle évolution constituerait un obstacle à la Révolution.

La situation en France est conditionnée par les avancées dans d’autres pays. De 1881 à 1889, en Allemagne, le chancelier Bismarck met en place un système complet d’assurances sociales. La loi de 1888 est relative à la protection contre les accidents de travail. Le 5 avril 1910 est créé un système interprofessionnel de retraites. En Angleterre, en 1911, est voté le National Insurance Act. Pour les salariés de l’industrie et du commerce, par les lois du 05 avril 1928 et du 30 avril 1930, est créé un système obligatoire d’assurances sociales (concernant les maladies, la maternité, l’invalidité, la vieillesse, le décès). Aux États-Unis, la loi du 11 mars 1932 prévoit la création d’un système obligatoire de versements d’allocations familiales financées par les versements réguliers des employeurs. Le 19 août 1935 est mis en place la Social Security sous l’impulsion de Roosevelt. En 1942, le rapport de Lord Beveridge étend le bénéfice de la sécurité sociale à toute la population.

En mars 1944, le programme du Conseil National de Résistance propose un plan complet de mise en place de la sécurité sociale pour assurer à tous les citoyens des moyens d’existence dans les cas où ils sont incapables de se les procurer par le travail. Le régime de retraite par répartition se substitue alors au régime par capitalisation. Les ordonnances des 4 et 19 octobre 1945 créent un système qui refond les différents systèmes d’assurances sociales mis en place dans les années trente. Elles reconnaissent le rôle complémentaire des mutuelles. Après la Seconde Guerre mondiale sont créés les régimes complémentaires des cadres et des non-cadres (Agirc-Arrco). Les ordonnances de 1967 réorganisent le régime général avec un financement séparé pour les trois branches (santé, vieillesse, famille). Des lois se succèdent pour organiser le système :

04 juillet 1975 : assurance vieillesse obligatoire pour toute la population

12 juillet 1977 : la branche famille s’applique à toute la population

26 mars 1982 : abaissement de l’âge d’accès à la retraite à 60 ans

01 décembre 1988 : création du RMI financé par l’État, versé par la CAF.

À partir de la crise de 1975, le débat généré par la sécurité sociale oppose ceux qui veulent maintenir l’esprit de 1945 à ceux qui veulent prendre en compte l’évolution sociale et économique qui a entraîné la désindustrialisation et la transformation des structures sociales. La gestion de son déficit se pose depuis sa création. La montée en charge du régime a entraîné une hausse des dépenses qui n’a pas été anticipée. Ces dernières décennies, le déficit tient davantage à la très faible croissance des ressources (avec une stagnation de la masse salariale).

Nicole Questiaux

Nicole Questiaux, qui intervient dans le film, a été Ministre de la Solidarité nationale entre 1981 et 1982 sous le premier gouvernement Mauroy. En juillet 1979, à la fin du septennat de Valéry Giscard D'Estaing, le ministre de la Santé et de la Sécurité sociale, Jacques Barrot, présente ses mesures pour ramener les comptes à l’équilibre à la fin de l’année 1980 : augmenter les recettes et baisser les dépenses notamment de santé, avec une augmentation de 1 % de la part salariale. La gauche critique ces mesures qui ne demandent aucun effort au patronat. En 1979, alors qu'il est le leader de l'opposition de gauche, François Mitterrand, critiquant la politique sociale du gouvernement Barre et du septennat de Valéry Giscard D'Estaing, propose de faire payer les arriérés de cotisations patronales aux entreprises. Il estime que dans l'immédiat c'est à l'État de prendre en charge ce déficit. À plus long terme, il propose la nationalisation des industries pharmaceutiques, la décentralisation de la médecine et de l'hospitalisation tout en développant la politique de prévention.

Éléments structurants du film

  • Images de reportage : Oui.
  • Images en plateau : Non.
  • Images d'archives : Oui.
  • Séquences d'animation : Non.
  • Cartons : Non.
  • Animateur : Non.
  • Voix off : Oui.
  • Interview : Oui.
  • Musique et bruitages : Oui.
  • Images communes avec d'autres films : Non.

Comment le film dirige-t-il le regard du spectateur ?

Le film s'appuie sur l'observation et le témoignage : il commence par des scènes, réalisées comme prises sur le vif (mais en fait reconstituées), représentatives du quotidien des guichets de la Sécurité sociale. Le face-à-face entre responsable et usager qui le caractérise est susceptible de tourner à la confrontation ou d'engendrer un malentendu. En cela, Question de solidarité porte l'influence du cinéma documentaire de Frederick Wiseman, dont l'oeuvre, qui se poursuit depuis 1968, consiste en des recueils d'instants de vie dans les institutions. Sa démarche vise à éclairer le spectateur, en le ramenant à son statut de citoyen, sur les enjeux propres à la mise en oeuvre de leurs principes, et ainsi, à l'interroger sur les limites que rencontre leur fonctionnement.

L'articulation des scènes tournées dans les entreprises de l'Hérault avec l'entretien de la Ministre de la Solidarité vise à mettre en place les termes du débat : le financement du système pèse-t-il trop sur le patronat? Faut-il renoncer à ce mécanisme de solidarité? N'est-il pas au contraire nécessaire d'un point de vue social et économique?

Comment la santé et la médecine sont-elles présentées ?

La médecine est évoquée du point de vue de son financement et de ses avancées. Elle est représentée par le personnage d'un médecin retraité qui témoigne des conditions de vie de ses patients avant la mise en place de la Sécurité sociale

Diffusion et réception

Où le film est-il projeté ?

Établissements scolaires

Communications et événements associés au film

Bulletin de la Radio-télévision Scolaire

Public

Élèves de secondaire

Audience

Descriptif libre

Préambule : de la difficulté de s'adresser à la Sécurité sociale par téléphone

Carton qui indique le titre de la série : "Kaléidoscopies". En voix off, une voix de femme filtrée par un téléphone : "Assurances maladie bonjour...". En plan américain, une jeune femme dans une cabine téléphonique. La composition du plan est très fermée : les parois et la toiture de la cabine encadrent la jeune femme ; autour de la cabine et en transparence derrière sa paroi vitrée, on aperçoit une façade à coins de pierre et l'encadrement d'une fenêtre : surcharge de lignes qui enserrent le personnage. La jeune femme tient un combiné dans une main, de l'autre le boîtier du combiné fixé à la cabine, comme si elle avait besoin de s'arrimer à un objet pendant la conversation. Elle explique qu'elle est en arrêt maladie depuis trois semaines et qu'elle "n'a pas touché son argent". La voix dans le téléphone lui demande son numéro d'immatriculation. La jeune femme sort sa carte de son sac à main, commence la lecture, s'interrompt et demande : " Qui ça ? " d'une voix soucieuse. Dans le téléphone, la voix d'une autre femme dit : "Allô ?". La jeune femme paraît surprise par ce changement d'interlocutrice, regarde dans le vide, puis se ressaisit et reprend : "Allô ? Madame ? Voilà, je suis en arrêt maladie depuis trois semaines et je n'ai toujours pas touché mon argent...". Dé-zoom, nous voyons que la cabine où elle se trouve est installée à un carrefour urbain. Le titre apparaît en surimpression : "Questions de solidarité". Une musique au piano, de tonalité enjouée, couvre la voix de la jeune femme qui continue sa conversation. On l'entend dire : "Mon numéro ?", indiquant de cette manière qu'elle doit répéter l'information qu'elle vient de donner. (00:38)


Interrogations, demandes et coups de gueule au guichet

Pont routier dans le prolongement d'un boulevard, des bus passent. En surimpression, la mention infographiée : "Montpellier (Hérault), Juin 1982". Int. du bus, par la transparence de la paroi vitrée du véhicule, travelling le long des façades d'un bâtiment au fronton duquel est écrit : "Sécurité sociale - caisse primaire d'assurance maladie". Le bus s'immobilise devant un abri avec un panneau qui indique l'arrêt "sécurité sociale". Dans l'axe du boulevard, une femme âgée en train de marcher tourne vers le bord-cadre droit, puis panoramique dans le même axe qui revient vers la façade du bâtiment de la Sécurité sociale entrevu tout à l'heure. Int. du bâtiment, un grand hall où des personnes sont assises en rang devant des guichets et des bureaux semi-cloisonnés. Gros plan sur un panneau d'affichage électronique qui indique un nombre pendant que retentit un signal sonore : c'est le système d'appel des usagers. Contrechamp sur un jeune homme qui lève les yeux dans sa direction et se dirige vers le guichet. Il annonce qu'il est au chômage depuis un an, il vient d'être victime d'un accident et souhaite savoir s'il est couvert. La responsable au guichet le rassure : il n'y a pas de problème puisqu'il est toujours indemnisé par l'ASSEDIC. Cut. La vieille femme que nous avons vu entrer dans le bâtiment a remplacé le jeune homme. La responsable lui indique que les renseignements concernant la retraite sont à prendre "à la caisse vieillesse, en face, derrière les plantes". Zoom sur la paroi vitrée d'un bureau installé dans le hall. La vieille dame s'est assise en face d'une responsable qui lui indique qu'elle va d'abord étudier le parcours professionnel de son mari. "Il aura plusieurs retraites, commence à lui répondre la responsable, parce qu'il a appartenu à..." La scène est interrompue par un homme qui se présente sur le seuil du bureau. Elle lui demande de retourner attendre son tour, mais il insiste : il se plaint de la décision prise par la Sécurité sociale de retirer de l'argent sur le compte de sa mère. En off, la voix de la responsable : "Attendez votre tour, on vous expliquera". Il obtempère en maugréant. Pourquoi cette scène? Sans doute pour montrer les incompréhensions et inquiétudes que sécrète le système chez les usagers et auxquelles les guichetiers doivent quotidiennement faire face. (03:22)


Étude de cas dans une exploitation viticole

Panoramique sur des champs de vigne traversés par des routes de campagne, qui aboutit à l'indication infographiée : "Pinet (Hérault) 1982". Dans les champs de vigne, des ouvriers coupent les grappes de raisin. Commentaire : une voix d'homme évoque une exploitation familiale du vin. La période est difficile parce que le personnel est réduit. Explication par la même voix : " Depuis 1970, les charges sociales employeur ont été multipliées par six. " Le coût du vin de consommation courante n'a pas du tout augmenté de façon proportionnelle. Un jeune homme face caméra, une pipe à la main, parle devant des fûts. C'est sa voix qui était diffusée depuis le début de la séquence. "Je ne peux pas embaucher. De plus, il y a la concurrence des vins italiens." Il explique qu'en plus de la production, il a choisi d'assurer la vente et le suivi commercial. " Ce qui nous fait un surcroît de travail. " Retour dans les vignes, le jeune homme interpelle un ouvrier. " Pourquoi vous êtes seul ? " L'ouvrier lui répond que son collègue a ressenti des douleurs à son ventre. Le patron hausse des épaules, soupire : "Bon ben là, il va se faire opérer, ça va nous faire deux mois d'arrêt de travail, encore une fois !" De retour dans la propriété, il rejoint un autre homme à sa terrasse. Ils discutent de la manière de se répartir le travail pour pallier l'absence de l'ouvrier qui va probablement se faire hospitaliser. "Avec le poids des charges sociales que nous avons, je ne pense pas que ce soit raisonnable d'embaucher quelqu'un." Pano sur les bâtiments de la propriété : l'enjeu est de pouvoir la conserver. (06:31)


Autre étude de cas : une fabrique de vêtements

Musique lyrique. Vue générale sur un village bordé par une rivière asséchée. Mention infographique : "Ganges (Hérault). Juin 1982". Rue de village, encaissée entre des alignements de façades hautes. Intérieur d'une fabrique, des morceaux de tissu sont traités par des machines industrielles. En commentaire, une voix d'homme : " Nous fabriquons des bas,des collants, et nos cherchons à faire des articles de qualité " qui s'adressent à un public jeune. Travelling sur des femmes activant les machines, le visage concentré, le geste sûr. En commentaire, la même voix d'homme précise que le personnel s'est réduit de 60 à 30. Dézoom sur des chevalets métalliques chargés de robes. Dans son bureau, l'homme poursuit son explication. Il est assis devant un buffet de style Louis Philippe qui rappelle que l'activité est ancienne, et derrière une table chargée de cartons d'emballage et d'imitation en plastique de mollets humains. L'entreprise doit subir les assauts de la concurrence chinoise et celle qui se développe derrière le rideau de fer". Il ajoute qu'il doit assurer 75 % de charges d'un salaire, dont 30 % à la sécurité sociale. Ces deux séquences rappellent donc que l'employeur investit dans le système de couverture sociale quand il rémunère son personnel. En plan poitrine, face caméra, le patron ajoute qu'il faudra en finir avec ce système qui sclérose les esprits, empêche les initiatives, et suivre le modèle d'autres pays comme les États-Unis qui ont adopté des systèmes d'assurances personnelles dans le cadre du travail. "Ceci crée des obligations, mais évite que ce pays soit un pays d'assistés." Le film inclut donc l'exemple d'un patron de conviction libérale qui s'oppose ouvertement au principe de solidarité globale qui prévaut en France (08:35).


Entretien au ministère de la Solidarité

Dans une vaste pièce, situation d'entretien : deux femmes assises face à face dans un sofa circulaire, un opérateur les filme. Mention infographique : "Salon du ministère de la Solidarité Paris (juin 1982)." Une des deux femmes en plan poitrine. Mention infographique : "Nicole Questiaux" (Ministre de la Solidarité nationale enterre 1981 et 1982 sous le premier gouvernement Mauroy)." C'est vrai que quand l'emploi ne va pas, la solidarité ne va pas. Pourquoi ? Parce qu'elle est financée sur les salaires. Mais dire que pour cela il faut attaquer le système de sécurité sociale, c'est ignorer l'idée même qu'en ont les gens. " C'est un système égalitaire qui contribue à la richesse du pays. C'est un réel coût, mais ce ne doit pas être considéré comme un poids sur les entreprises parce que "cet argent retourne dans l'économie". Dans les villages où les retraités sont nombreux, s'ils n'avaient pas d'argent à dépenser, "que deviendrait le petit commerce ?" Et qu'en est-il des établissements hospitaliers et des maisons d'enfants financés par la sécurité sociale ? Nicole Questiaux évoque les temps plus anciens où ce système de solidarité n'existait pas, où les personnes âgées devaient composer sans la retraite. Par ce rappel, qui plaide en faveur du maintien du système, Question de solidarité résonne avec la version de 1969 de La sécurité sociale. (10:40)


Témoignage d'une femme retraitée sur son parcours de vie

Évocation de la présence des personnes âgées dans l'espace public : sous le proche d'entrée d'un village, silhouette d'un vieil homme qui avance lentement en faisant tournoyer sa canne. Sur un air mélancolique, joué par une flûte et un piano, dé-zoom sur un paysage de campagne pour montrer un point de vue pris depuis un balcon dominant une mosaïque de toitures de tuiles, une tête de femme âgée en bord-cadre droit. Voix de femme âgée qui doit correspondre à celle qui vient d'apparaître à l'image : "Je suis dans cette résidence parce que j'ai travaillé toute ma vie. C'est mon seul repos !" Nous la suivons dans son petit appartement. Elle se plaint du bruit des enfants qui passent sous sa fenêtre en mobylette : ils sont bruyants, et ils ne travaillent pas. Question en off : " Qui vous paie la retraite ? Ce sont ces jeunes qui cotisent ". la vieille femme estime que ce sont plutôt les cotisations qu'elle a versées pendant toute sa carrière qui lui assurent sa retraite. Dans La sécurité sociale, film CNDP de 1969, Pierre Laroque déplorait que trop de citoyens tenaient ce raisonnement erroné : je me paie ma retraite par les retenues que j'ai eues sur mes rémunérations successives. Nouvelle question : "Quand vous vous êtes cassé le pouce, qui a payé le soin ?" Elle répond que c'est le patron par son assurance. Ensuite, la femme qui l'interroge l'amène à se rappeler le temps où sa mère étant malade, elle était contrainte de demander du pain au curé du village : récit exemplaire d'une époque où les mécanismes de solidarité étaient différents, non institués. (13:05)


Les formes de solidarité et de couverture avant 1945

Autre évocation du temps qui a précédé la mise en place de la Sécurité sociale : par des plans sur une bâtisse ancienne, depuis l'allée qui y mène, plantée de hauts platanes, à la cour qui s'étend devant, avec un gros plan isolant le fronton " Honneur au travail ". C'est une ancienne manufacture de draps. Une voix d'homme témoigne de l'époque de la Seconde Guerre mondiale, quand, médecin généraliste, il soignait des ouvriers qui y avaient travaillé. "Tout était groupé autour de la manufacture : vie paroissiale, vie communale, école, loisir et logement des ouvriers". Évocation d'un système social organisé par le capitalisme industriel en développement au XIXe siècle, regroupant les services et habitats pour les ouvriers autour des usines. Plan sur une plaque de marbre que lit une voix en off : " Nos ouvriers et nous, c'est la même famille". Filmé dans une église, celle attachée à la manufacture, l'ancien médecin explique qu'il s'agit là du paternalisme à l'ancienne : en contrepartie de la sécurité de l'emploi et de l'assistance, l'ouvrier "manquait cruellement de liberté". Plan sur le portail fermé, puis sur les panneaux rouillés d'un système d'écluse, puis sur le lit presque asséché d'une rivière, autant de traces d'un site à l'abandon, symbolique d'un système périmé.(15:07)

Pano dans une pièce de bureau qui montre une étagère remplie de livres, une tablette chargée de fioles, un bureau chargé de dossiers, fiches et cassettes audio. En off, la voix du médecin historien de la séquence précédente : "C'est dans cette pièce que j'ai exercé la médecine pendant quarante ans. Depuis que je suis à la retraite, je classe des dossiers et je remue des souvenirs. Il faut bien vous dire que dans les premières années et quand quelqu'un était malade, il avait son épargne personnelle et la charité, et notamment celle de son médecin". Fin du panoramique, le médecin-historien se tient derrière son bureau. Il ajoute : " Mais ce n'était pas le désert social. Il y avait des régimes particuliers, il y avait surtout depuis 1927 l'assurance sociale qui ne concernait qu'une petite partie des ouvriers. 1945 est le grand tournant, à l'idée de l'épargne individuelle s'est substituée la couverture sociale et collective ; c'était un changement de mentalités total." Sur un air de charleston, photographies anciennes de foules ouvrières et coupures de presse de L'Humanité ou du Figaro datant de 1945 évoquant, entre autres faits d'actualité, la mise en place de la Sécurité sociale. L'historien précise qu'il existe des survivances de régimes différents par l'attachement des catégories concernées. (17:34)


Exemples de régimes spéciaux : les commerçants indépendants et les agriculteurs

Plan large sur une rue de village, intérieur d'une épicerie. Deux hommes derrière un comptoir en blouse de travail, l'un explique à l'autre qu'il a dû investir dans une nouvelle machine à couper la charcuterie. Interrogé sur sa gestion de la Sécurité sociale, il répond que c'est son épouse qui s'en occupe, de même que l'approvisionnement et la vente. À la caisse, l'épouse répond aux questions qui lui sont posées. Son mari est rattaché à un régime spécial pour les indépendants ; elle-même, en tant que salariée de son mari, est rattachée au régime général. Même si elle cotise beaucoup à l'URSSAF, estime-t-elle, elle est satisfaite de sa couverture. "C'est bien compliqué tout ça, comment faites-vous pour vous informer ?" La femme répond qu'elle va suivre des formations et qu'elle prend connaissance des revues professionnelles. Plan sur elle, à son bureau, en train de lire des ouvrages.

Un homme âgé franchit une porte qui donne sur la rue, fait quelques pas, rencontre un autre homme âgé. Ils parlent de la santé des vignes, puis le second se plaint auprès du premier qu'il a reçu de Montpellier un courrier auquel il " ne comprend rien " et lui demande de l'éclairer à ce sujet. Quand ils se séparent, le plan reste sur une petite fille assise sur un banc, l'air songeur : est-ce pour montrer qu'elle est isolée dans une population vieillissante ? Intérieur, salon d'appartement, sept personnes sont réunies autour d'une table : que des têtes grisonnantes ! Au bout de la table, nous reconnaissons le vieil homme du plan précédent. La conversation vient sur une femme âgée qui demande une aide ménagère. Une femme présente souhaite que sa demande soit satisfaite : si cette femme âgée était soignée à l'hôpital, elle se sentirait "déracinée". De plus, ce choix de soins à domicile permet des économies. Depuis le début, cette séquence insiste sur la vieillesse des habitants. La caméra resserre sur le visage de la femme qui vient de parler. Elle explique qu'elle appartient au secteur agricole et qu'elle élue de l'échelon local de la Mutualité sociale des Agriculteurs. Un homme assis en face d'elle explique que l'échelon local s'occupe des demandes de prêts et d'aides ménagères, de l'organisation de campagnes sanitaires. Le premier homme montré dans la séquence, assis au bout de la table explique que la MSA est financée par les cotisations des agriculteurs pour 1/3, l'État et le régime général pour les deux autres tiers : " Il est normal que le régime général aide la Mutualité sociale agricole, il n'y a plus de jeunes dans nos campagnes et à l'heure actuelle ils cotisent à la Sécurité sociale ". En même temps que la séquence explique une forme de régime spécial, elle dévoile un problème social de fond dans la région : la désertion du rural par les jeunes générations. (22:19)


Les enjeux de pouvoir et de financement : qui siège dans le Conseil d'Administration

La nouvelle séquence ouvre sur la façade du bâtiment abritant la Sécurité sociale que nous avons vue au début du film. Une femme tend un micro à un homme : il lui explique qu'un problème de santé le mettant dans l'incapacité de travailler pour plusieurs années, il peut se faire soigner grâce à la Sécurité sociale. Les plans qui suivent sont dédiés à l'organisation du Conseil d'administration. Un employé explique que le nouveau système prévoit les élections pas les assurés eux-mêmes et l'augmentation du nombre de leurs sièges. Dans la salle du Conseil d'Administration, un homme nomme les différents représentants. Les différents syndicats impliqués sont indiqués en infographie. L'historien médecin que nous avons vu dans la séquence historique est montré assis devant un moniteur qui diffuse la poursuite de l'entretien avec Nicole Questiaux, Ministre de la Solidarité. Elle souhaite rendre aux assurés et usagers la majorité des sièges dans les CA de la Sécurité sociale. "Tout à fait d'accord !", s'exclame-t-il. C'est, selon la ministre, une mesure qui respecte la part des salariés dans son financement. Elle admet que les dépenses augmentent davantage que les recettes. " Si l'emploi ne va pas, la Sécurité sociale ne va pas non plus". Par ailleurs, elle admet qu'il faut veiller à moins gaspiller. L'historien médecin approuve une nouvelle fois. Un homme est à ses côtés. Quand l'entretien de Nicole Questiaux se termine, ils quittent le poste de télévision et vont rejoindre une table dressée où les attend une vieille femme. La conversation qui s'engage revient sur les contenus des propos qu'ils viennent d'entendre. Le médecin historien estime qu'il faut assumer le progrès social et assurer une médecine de qualité. Pour limiter le gaspillage, les médecins sont prêts, selon lui, à contribuer à la limitation des coûts. " Quand nous remettons un vieillard sur pied, nous ne faisons pas un travail économiquement rentable, nous faisons un travail humainement rentable." La femme, sans doute l'épouse du médecin, intervient : "Ne faut-il pas aussi que les gens se sentent un peu plus responsables ?" Le médecin approuve en estimant que c'est au médecin à encourager le patient à "gérer lui-même sa santé". Par ailleurs, en prenant en charge la Sécurité sociale sur le plan institutionnel, les usagers s'en sentiront davantage responsables. "C'est ce que nous espérons de l'actuelle réforme". L'homme qui est leur invité prend la parole : il est d'accord pour responsabiliser les usagers, "mais il ne faut pas culpabiliser les gens dans leur maladie ou la maladie de leurs proches". Alors qu'il évoque le cas d'une mère de famille dont un enfant est handicapé, sa voix diminue de volume et le plan se termine sur un dé-zoom qui amène le spectateur à prendre ses distances avec la scène tout en en imaginant la suite. Générique qui mentionne les différents participants du film sur un fond de cartes d'immatriculation et d'affiliation.

Notes complémentaires

Références et documents externes

Contributeurs

  • Auteurs de la fiche : Joël Danet
  • Sous-titres Anglais : Élisabeth Fuchs, Julie Manuel
Erc-logo.png  Cette fiche a été rédigée et/ou traduite dans le cadre du projet BodyCapital, financé par l'European Research Council (ERC) et le programme de l'Union européenne pour la recherche et l'innovation Horizon 2020 (grant agreement No 694817).