Magic fauteuil (1990)
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Sommaire
Générique principal
Réalisation
Monique Saladin
Alain Casanova
Assistant
François Bedel
Ingénieur du son
Philippe Lecocq
Montage
Dominique Frasez
Jean-Claude Bolmont
Conseiller technique
Lynn Davis (AFM)
Production
Starfilm International
Laboratoire B.Frybourg
(CNAM)
Nous remercions vivement:
Le muséum National d’histoire naturelle
Les écoles maternelles de Lattre de Tassigny du Perreux, de Polangis, de Joinville-le-pont
La piscine municipale du Perreux
« Jacadi » du centre commercial de Créteil.
Léonard Ginsburg, Françoise, Yvon et Tristan Martin, Isabelle Hureaux, Rolande Camus
Et bien sûr Juliette et Emmanuel
(C) starfilm international 1990
Contenus
Sujet
L'arrivée des fauteuils "Turbo" en France et leur impact dans la vie quotidienne des enfants atteints d'amyotrophie spinale.
Genre dominant
Résumé
Magic Fauteuil montre la vie quotidienne de deux enfants atteints d'amyotrophie spinale, Juliette et Emmanuel, ainsi que les efforts de leurs parents pour leur offrir le plus d'autonomie possible, en particulier grâce au fauteuil verticalisateur Turbo.
Contexte
L'AFM-Téléthon
Le contexte de production de ce film est étroitement lié à l’association française pour la myopathie : AFM. En 1958, une poignée de parents révoltés contre l'ignorance et l’impuissance de la médecine et de la science face aux maladies neuromusculaires qui touchent leurs enfants, décident de créer l’Association Française pour la Myopathie. L’AFM se bat alors pour faire reconnaître des maladies délaissées par les pouvoirs publics et mal connues des médecins et des chercheurs. En 1976, l’AFM est reconnue d’utilité publique.
Mais ce qui a contribué à la notoriété de cette association, c’est son rôle dans la création du Téléthon. En 1986, à la demande de Bernard Barataud, alors président de l'AFM, Pierre Birambeau, directeur du développement, part aux États-Unis avec sa famille pour étudier le Téléthon américain, un marathon télévisuel caritatif porté, depuis 1966, par le comédien Jerry Lewis. Convaincus que le Téléthon est la solution pour sortir les maladies rares de l’oubli et disposer des moyens de les combattre, les deux hommes (tous deux pères de garçons atteints d’une myopathie de Duchenne) proposent à l’AFM de transposer en France le concept américain et d’organiser un Téléthon français.
Le premier téléthon français aura lieu en 1987, et connaitra un succès immédiat (29 650 000 euros de dons)
Ce film a été produit en 1990, soit trois ans après le premier Téléthon. Il a très certainement été pensé pour être diffusé auprès d'un large public, dans une volonté de sensibiliser les spectateurices à ces cas rares de maladies infantiles. Par ailleurs l'AFM a fait du remboursement des fauteuils électriques un de ces combats, ce film contribue à démontrer que les fauteuils "turbo" alors importés d'Angleterre, représentent une révolution pour le quotidien des familles concernées, et donc de justifier leur prise en charge par la Sécurité Sociale.
Ce film a été produit par deux producteurs :
- la société Star film international, spécialisée dans le secteur d'activité de la production de films institutionnels et publicitaires. Cette société n’est plus en activité aujourd’hui.
- le laboratoire Brigitte-Frybourg, qui dépend du Conservatoire national des arts et métiers (Cnam) à l’époque. Il a été depuis délocalisé à Laval.
Depuis 1997, l’AFM a créé une société appelée « AFM Production ». Son objectif est d’informer, de partager les connaissances et de sensibiliser le grand public aux enjeux majeurs d’aujourd’hui, que sont la santé, la recherche scientifique et médicale, le combat pour la citoyenneté et les droits, notamment à travers les histoires de vies des familles touchées par des maladies génétiques rares.
Ce film produit 7 ans avant la création de cette société de production répond néanmoins à tous ces objectifs.
Le cinéma direct
L’approche cinématographique de Monique Saladin et Alain Casanova s’inscrit dans le mouvement du cinéma vérité, ou comme il a été renommé plus tard, cinéma direct.
Né en Amérique du Nord entre 1958 et 1962, le cinéma direct s’emploie à capter les moments du quotidien, à rechercher les situations de spontanéité, pour transmettre directement le réel.
Son avènement est rendu possible notamment par l’évolution technologique des caméras et magnétophones, rendus plus légers et fiables.
Les réalisateurs en parlent en ces mots dans leur ouvrage Le regard des autres, publié en 1990 :
Le cinéma direct est né de trois mouvements concomitants. Sortir des
studios d'abord, et utiliser la caméra comme stylo, comme instrument d'eth
nologie ou de sociologie avec une approche pragmatique, un peu comme les
Anglo-Saxons ou les Québécois, plutôt qu'intellectuelle et universitaire à la
française.
Il y a eu enfin l'essor fantastique de la télévision.
Avec le 16 mm et aujourd'hui la vidéo, très sensiblement, le caméraman
va s'approcher du sujet pour écouter et même dialoguer, grâce à la maniabilité
de plus en plus grande du matériel de prise de vues. C'est désormais le
contenu du discours qui bien souvent va rythmer les séquences et même
servir de fil conducteur au montage. Le cadre serré guette et traque la parole
libératrice, comme le silence éloquent, tout aussi révélateur.
Éléments structurants du film
- Images de reportage : Oui.
- Images en plateau : Non.
- Images d'archives : Non.
- Séquences d'animation : Non.
- Cartons : Non.
- Animateur : Non.
- Voix off : Non.
- Interview : Non.
- Musique et bruitages : Non.
- Images communes avec d'autres films : Non.
Comment le film dirige-t-il le regard du spectateur ?
La notion clé à retenir dans la réalisation de ce film est la volonté de créer une proximité entre les personnes filmées et le spectateurices. Cela répond naturellement à l’objectif de l’AFM qui est de produire des films qui permettent au grand public d’appréhender le quotidien de ces enfants et de leurs familles touchées par une maladies rare, ici particulièrement par l’amyotrophie spinale. Ce film donne la parole aux parents, ce n’est pas un film destiné à expliquer la maladie mais plutôt ses répercussions sur la vie quotidienne et les épreuves auxquelles se trouvent confrontés les parents des enfants malades.
Le film ne montre pas d’images des enfants dans des structures hospitalières mais dans des lieux quotidiens, qui sont ceux de tous les enfants: l’école, la piscine, le centre commercial. Les activités filmées sont toute de l’ordre de « la vie de tous les jours » : sortir de la voiture, laver l’enfant, l’habiller. Il tend à démontrer comment ces actions communes sont pour ces enfants et leurs parents d’une très grande complexité.
Les spectateurices sont donc ainsi amenées à s’identifier à ces familles, soumises aux mêmes contraintes que n’importe quel parent (aller travailler, s’occuper des enfants, jouer avec eux…) mais qui doivent parallèlement assumer un handicap extrêmement lourd. Le public se trouve face à des images de reportage, dont la dimension esthétique ne semble pas être l'enjeu prioritaire. Néanmoins par de subtils effets de juxtaposition d'image, les réalisateurices parviennent à donner une dimension artistique et donc très émotionnelle à ces images brutes. Par exemple, l'image du fauteuil au milieu des corps dansants des jeunes enfants fait ressortir la matérialité de ce fauteuil et la masse qu'il représente comparé au corps encore si petit de la jeune Juliette.
Dans l'introduction du Regard des autres (1990), Monique Saladin se confie en ces termes:
" Toute rencontre provoque une certaine émotion mais sans doute est-elle plus forte, même inconsciemment, avec une personne handicapée. Comme dans toute situation humaine, elle change selon les personnes, les lieux et les raisons de la rencontre. Certes, dans toute communication inter-personnelle, on joue un peu à cache-cache avec ses propres sentiments, mais ce jeu devient plus compliqué avec bon nombre de handicapés. Il n'est pas facile d'établir avec eux la juste distance relationnelle. On oscille entre une mise à distance ou une trop grande implication. Il y a surtout une rigidité de communication qui s'instaure et qui semble difficile à modifier. Il faut libérer les émotions, les leurs comme les nôtres. Ne plus en avoir peur, les apprivoiser car si elles n'arrivent pas à s'exprimer, nous ne pourrons jamais nous adapter à la situation. Nos émotions font partie du processus d'adaptation.
Arriver à une attitude réceptive à l'autre, sans angoisse ni rejet, sans compassion, ni pitié ni complaisance, dans une supposée supériorité que vous donne la conscience de votre propre intégrité apparente, demande beaucoup de temps. Toutes ces choses oblitèrent nos rapports avec ces autruis, miroirs dérangeants de nos fragilités et de nos déficits. Le moi idéal, modèle ou idole, est battu en brèche par ce renvoi à nos incomplétudes, à nos diminutions, à la plus massive et déterminante de celles-ci : la perte de la vie. Elles sont donc des images insoutenables de notre propre mort. Ces sentiments, concomitants mais aussi contradictoires, sont autant d'éléments qu'il a bien fallu, à un moment donné, regarder en face.
Comment admettre que nous soyons doubles en nous-mêmes puisque la vie et la mort s'y affrontent? Comment devenir conscients de nos inconscients et des désarrois qui y règnent? Comment réussir à devenir complice de notre malaise? Le handicap n'est-il pas, finalement, un déficit d'identité, une détérioration du rapport au monde qui va jusqu'à la mort? Etais-je seule habitée de tout cela? Fallait-il le taire ou en parler? N'était-ce pas moi le monstre?
C'est alors que je me suis aperçue que parmi les valides, tout le monde, ou presque, avait peur, et que les handicapés, aussi, finissaient par avoir peur de la confrontation. Chacun campait sur ses positions. La communication, les rapports entre valides et handicapés se passent comme si les deux groupes en présence se faisaient réciproquement peur. Des deux côtés, même si l'on s'observe à la dérobée, la méconnaissance des problèmes de l'autre est importante. Les défenses profondes qui se manifestent lors d'une confrontation ne sont guère entamées. Souvent les problèmes sont mal posés. Chaque geste des uns augmente la gêne des autres. Où se situe cette peur? Comment la débusquer? Peut-on la dépasser? Comment peur et marginalisation peuvent- elles céder la place à une communication capable de transformer progressi vement les relations? Il fallait sortir de cette situation, d'autant plus qu'aujourd'hui, parmi les 320 millions d'habitants de la Communauté européenne, près d'un tiers vit de façon plus ou moins proche, et plus ou moins régulière, les problèmes induits par les handicaps de plus de 30 millions d'entre eux. "
Comment la santé et la médecine sont-elles présentées ?
La santé et la médecine ne sont pas les « personnages principaux » de ce film mais constituent plutôt un arrière plan. À aucun moment les réalisateurices ne nous placent en immersion dans le milieu médical, il s’agit plutôt de voir comment les protocoles médicaux et notamment les outils technologiques prennent place dans le quotidien des familles.
Le premier élément majeur qui représente la dimension médicale est bien évidemment le fauteuil "Turbo" dont les deux familles présentées dans le film ont fait l’acquisition. Il s’agit d’un fauteuil qui, à ce moment-là n’est pas encore commercialisé en France et que les familles ont été chercher en Angleterre. Ce fauteuil est un élément crucial dans le développement des enfants atteints d’amyotrophie spinale, à plusieurs égards :
- Aspect physiologique :
Le fait de se verticaliser régulièrement améliore la circulation sanguine et le transit intestinal des personnes restant assises ou allongées très longtemps.
- Aspect social :La communication d'une personne assise dans un fauteuil roulant avec d'autres personnes se tenant debout génère inconsciemment des relations hiérarchiques qui peuvent dans certains cas être mal vécues psychologiquement et créer des douleurs cervicales à force de regarder vers le haut. La verticalisation permet d'éviter cette situation et de mettre les enfants à la hauteur de leurs camarades.
- Aspect pratique :
Le fauteuil roulant verticalisateur améliore l’accessibilité. Principalement utilisé au domicile, le fauteuil permet d'accéder aux placards, d'être à la bonne hauteur pour mettre la table par exemple comme le fait Juliette à un moment du film.
Un autre équipement médical est également donné à voir : l’appareil respiratoire Bird.
Le papa de Juliette est filmé pendant l’utilisation de l’appareil avant le coucher de sa fille. Ce moment n’est pas filmé pour nous expliquer son utilité précise, ni pour nous expliquer son fonctionnement, mais plutôt pour mettre en valeur le fait que ces techniques médicales ont pris place dans le quotidien et même dans le rituel du coucher d’un petite fille.
Le soin ici est dispensé par les mères et les pères, qui sont tout à la fois parents et soignants. La scène du massage d'Emmanuel par sa mère en est un exemple probant. On assiste alors à un moment de complicité parent-enfant, mais aussi une véritable source de soulagement physique pour l'enfant que l'on peut voir se détendre alors considérablement. On comprend aussi dans les récits qu'une dimension de la santé n'est pas assez prise en compte : celle qui affecte la qualité de vie des parents, qui se réveillent toutes les nuits, qui portent des charges très lourdes, et subissent une angoisse quotidienne concernant l'avenir de leurs enfants. Qu'en est-il alors de leur santé psychique? Sans aborder cette question de façon frontale, le film sensibilise le public à la question de la santé des aidantes qui est encore aujourd'hui d'une grande actualité.
Diffusion et réception
Où le film est-il projeté ?
Nous n'avons pas trouvé d'information sur la diffusion de ce film y compris sur inamediapro. Cependant on peut faire l'hypothèse que c'est un film destiné à être projeté lors de l'émission télévisée du Téléthon.
Communications et événements associés au film
Monique Saladin et Alain Casanova sont également en 1990 les réalisateurs du documentaire sur les myopathies La vie entre vos mains, où apparaissent encore Emmanuel, Juliette et leurs mères.
Emmanuel Hureaux a fait l'objet d'un reportage de France Télévision en 2016.
Il est également intervenu à propos de l'intelligence artificielle lors de l'évènement S3Odéon, qui rassemble des témoignages sur les enjeux des sciences, de la santé et de la société
Public
Grand public
Audience
Descriptif libre
Le refus du désespoir
Magic fauteuil offre le portrait de deux enfants atteints d’amyotrophie spinale, Emmanuel et Juliette, et le témoignage de leurs parents.
Le film s’ouvre sur des scènes de mouvement, où l’on voit, grâce à un fauteuil, Juliette, souriante, danser, et Emmanuel, espiègle, s’éloigner en roulant après un tour de manège, contrastant avec le récit fait par leurs mères du pronostic sévère qu’elles ont reçu, de l’abandon qu’elles ont ressenti.
Leurs témoignages disent la maladie incurable, évolutive, l’espérance de vie de quelques mois, et malgré le manque de solutions proposées, leur volonté d’offrir à leur enfant une vie la plus normale possible. (2’55)
L’enfant pilote
Le fauteuil "Turbo" est alors présenté : commercialisé uniquement en Angleterre, c’est lui qui offre à Juliette et Emmanuel la possibilité de se déplacer, d’aller à l’école, de jouer, d’aider à la maison, de gagner en autonomie, mais aussi de s’exprimer, y compris dans le refus. L’enfant peut le piloter seul, et il permet d’adopter un position assise ou bien debout. (3’30)
Le mouvement retrouvé
On accompagne ensuite Juliette et sa maman à la piscine, où l’on assiste à un moment de plaisir, la petite fille ayant appris à dépasser son appréhension et à se mouvoir dans le bassin. L’eau permet en effet à l’enfant, contre toute attente, de retrouver le mouvement de la marche. Nous retrouvons ensuite Juliette jouant dans le jardin avec son frère. Après quelques aménagements de la maison, elle peut aller où elle le souhaite en fauteuil. (5’50)
Nuit et jour, parents-soignants
Les manipulations multiples, du "Turbo" dans la voiture, la charge de ses batteries, l’appareil respiratoire Bird, ainsi que des nombreuses attelles de nuit sont également montrées. Les parents disent les tâches de soin, la fatigue, l’angoisse, la difficulté de ne pas en vouloir à leur enfant, d’être en forme pour leur journée de travail, de garder une vie de couple. La grand-mère d’Emmanuel dit également son inquiétude, et le temps qu’il lui a fallu pour se sentir prête à garder son petit-fils et offrir ainsi un répit aux parents. Pendant ces témoignages, nous voyons néanmoins le bénéfice de cet investissement familial, dans le regard d’un enfant qui parle sans aucune difficulté, manifeste sa curiosité, joue, apprend avec les autres. (12’30)
Des passions et des projets pour l’avenir
Si les parents et grands-parents témoignent de l’énergie demandée par cette prise en charge, l’entrée en institution n’est pas souhaitée, la relation étant forte, nourrie d’amour, de curiosité partagée et de projets. Le film s’achève sur une séquence où Emmanuel visite le musée d’histoire naturelle, comblant sa grande curiosité pour les dinosaures. (16’45)
Notes complémentaires
Pour faire cette fiche nous avons collecté de nombreuses informations sur différents sites, notamment sur le site de l'AFM
AFM-Téléthon
Certains articles nous ont permis de mieux comprendre l'évolution des fauteuils roulants:
Fauteuils roulants
L'ouvrage Le regard des autres, publié en 1990, est disponible en ligne sur la bibliothèque en ligne de la BNF: Le Regard des autres
Contributeurs
- Auteurs de la fiche : Béatrice Derouin, Chloé Brugnon