La maison des pauvres (1968)
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Sommaire
Générique principal
Gén. fin : Commentaires et interview - Frédéric Pottecher / Images - Jacques Delarue / illustration sonore - Gérard Gallo / Réalisation - Charles Brabant
Contenus
Sujet
L'hôpital aujourd'hui reste la maison publique qui continue d'accueillir et prendre en charge les personnes les plus précaires et les plus fragiles.
Genre dominant
Résumé
L'émission commence par un rappel historique sur la vocation caritative de l'hôpital, avec des documents d'archives, et se prolonge sur la façon dont les hôpitaux restent aujourd'hui un abri pour les populations marginalisées. Entretiens avec le Pr. Charles Dubost, le Dr. Paul Milliez, le Dr. Emerit, le Pr. Lucien Léger, le Pr. Fred Siguier et le Dr. Fayet.
Contexte
L'hôpital, son histoire en 1967
L’institution hospitalière s’incarne à l’origine dans des bâtiments destinés à recevoir les pauvres et les malades. Cette mission d’assistance a marqué l’histoire de l’hôpital : au milieu du XIXe siècle encore, alors que s’affirme la fonction soignante de l’hôpital, la loi de 1851 prévoit que les hôpitaux accueillent les malades de la commune sans condition de ressources. La loi du 21 décembre 1941 ouvre l’hôpital aux malades payants et accélère sa transformation en établissement de soins. L’hôpital tire désormais l’essentiel de ses ressources de ses activités de soins, organisées au sein de différents services et rémunérées par des prix de journée. Le personnel hospitalier bénéficie en outre d’un statut propre assimilé à la fonction publique. En 1958, la création des centres hospitalo-universitaires (CHU) fait entrer l’enseignement et la recherche au sein de l’hôpital tout en permettant aux praticiens de choisir de pratiquer le plein temps à l’hôpital. Enfin, la loi de 1970 organise un service public hospitalier qui s’appuie à la fois sur les hôpitaux et les cliniques privées. Ces transformations successives de l’hôpital permettent de comprendre que sa place dans la société a changé ; elles ont aussi imposé une adaptation de son administration.
La place de l’hôpital dans la société relève d’un ensemble de représentations et de fonctions assignées à cette institution. Tout d’abord, l’hôpital est perçu comme un lieu où est proposé un service public. Les soins qui y sont dispensés sont accessibles à tous, et en fonction de la couverture sociale dont les individus bénéficient il est fréquent qu’ils ne paient qu’une partie des frais d’hospitalisation. Les populations sont d’autre part très attachées à leurs hôpitaux, et l’annonce de la fermeture d’un établissement ou de services au sein d’un hôpital est souvent mal reçue par les populations qui considèrent qu’elles sont abandonnées. Ces réactions s’expliquent par les choix politiques en matière d’offre de soins qui ont été affirmés au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. La mise en place de la sécurité sociale s’accompagnait d’un effort considérable pour offrir à tous l’accès au plus grand nombre de soins, en particulier grâce à la modernisation de l’hôpital.
L’effort d’équipement et de création d’infrastructures hospitalières a permis de préciser les attributions de l’hôpital. Il accueille des populations très hétérogènes : individus accidentés (en particulier des accidentés de la route), personnes atteintes de maladies graves (cancer, maladies chroniques, maladies dégénératives, etc.), et enfin de très nombreux patients qui viennent consulter des spécialistes à l’hôpital et subir des examens plus approfondis. L’hôpital accueille également les femmes sur le point d’accoucher ou des personnes âgées dont l’état général exige des soins constants. L’hôpital est devenu le lieu où l’on naît et celui où l’on meurt. Pour autant, la fonction asilaire n’a pas disparu. Certes, l’hôpital n’est plus un lieu d’enfermement comme l’a décrit Michel Foucault, mais il continue à accueillir des individus marginalisés par leur état de santé psychique ou physique. Et l’hôpital est aussi devenu au cours des dernières décennies un lieu de substitution à la médecine générale ou à la pédiatrie pour des populations dont le rapport à la maladie et au soin a considérablement changé. Les services d’urgences sont devenus le réceptacle des misères sociales et morales, en particulier dans les grandes villes.
Le maintien de la fonction asilaire
Même si les évolutions récentes ont renforcé la fonction médicale de l’hôpital, l’institution hospitalière demeure un miroir des problèmes sociaux à un moment donné. Certes, l’hôpital est devenu un lieu d’exercice d’une médecine de spécialité et de haute technologie, mais il reste néanmoins un lieu d’accueil pour les plus vulnérables. On consulte le spécialiste plus volontiers à l’hôpital qu’à son cabinet de ville pour des raisons de prix. On y meurt (on y finit ses jours) dans des services de gériatrie faute de pouvoir accéder à d’autres formes d’hébergement. Cette ambivalence de l’hôpital s’ancre dans une histoire longue. L’hôpital d’aujourd’hui est le lieu où sont réalisées les premières médicales, comme les greffes du visage. Mais il n’a pas définitivement rompu avec des fonctions asilaires, qui perdurent, en dépit des réformes organisationnelles, dans les services d’urgence et de gériatrie. (d'après : Chauveau, S. (2011). Quelle Histoire de L'hôpital Aux Xxe et Xxie Siècles ? Les Tribunes de la santé, 33(4), 81-89. https://doi.org/10.3917/seve.033.0081.)
Éléments structurants du film
- Images de reportage : Oui.
- Images en plateau : Non.
- Images d'archives : Oui.
- Séquences d'animation : Non.
- Cartons : Oui.
- Animateur : Non.
- Voix off : Oui.
- Interview : Oui.
- Musique et bruitages : Non.
- Images communes avec d'autres films : Non.
Comment le film dirige-t-il le regard du spectateur ?
Le journaliste Frédéric Pottecher est régulièrement montré à l'image et c'est sa voix qui dit le commentaire. Nous sommes invités à l'accompagner pendant son enquête et c'est à ses côtés que nous rencontrons ses différents protagonistes. Lui-même originaire de Bussang où a lieu toute la seconde moitié du film, Pottecher manifeste sa familiarité avec les personnes qu'il y interroge, intensifiant son accent et adoptant des expressions populaires.
La réalisation prend régulièrement des orientations documentaires qui lui permettent de suggérer, évoquer, plutôt que nommer et désigner. Le plan qui introduit la séquence sur les orphelins recueillis à l'hôpital montre de nombreuses chaussettes de différentes tailles qui sèchent sur une corde à linge.
Comment la santé et la médecine sont-elles présentées ?
L'objectif de ce volet est de montrer que l'hôpital a conservé sa vocation initiale d'accueil des populations marginalisées. Son récit commence avec des gravures montrant les indigents. Il se poursuit par la description de la prise en charge de personnes âgées dans l'hospice de Beaune ou l'hôpital de Bussang, puis sur celle de l'accueil des orphelins dans le même hôpital de Bussang. Les personnages centraux sont les infirmières et infirmiers, médecins généralistes, soeurs qui s'occupent de ces personnes qui, autrement, connaîtraient une situation de détresse. le reportage insiste sur le décalage entre l'investissement dans l'équipement technique et celui dans l'hôtellerie.
Diffusion et réception
Où le film est-il projeté ?
télévision, diffusion le mardi 09/01/1968
Communications et événements associés au film
Public
Tout public
Audience
Descriptif libre
"Gueux, malades et miséreux"
Drones inquiétants en musique de fond. Carton avec mots en blanc sur fond noir : "Les hôpitaux" ; puis, en clignotement autour de "les hôpitaux", les noms de "Brabant" et "Pottecher" ; puis les mots "aujourd'hui" et "la maison des pauvres". Salle de musée, des gravures de portraits ou de vues de bâtiments mises sous verre sous forme de plaques en tourniquets ou de meubles présentoirs. Un homme les considère tour à tour, on reconnaît le journaliste Frédéric Pottecher. Il s'arrête devant l'une d'elles. Zoom sur l'image en question qui montre une salle commune d'hôpital, avec son poêle au centre de la pièce, et des individus maigres et souffreteux dans ses lits. Autre gravure zoomée sur laquelle est représentée une cour fermée de bâtiments sur laquelle des hommes en uniforme maltraitent des hommes dans des tuniques grises. L'homme lit tout haut le cartel correspondant : "Ferrement des condamnés aux galères à Bicêtre en 1791." Ces deux images choisies parmi toutes celles exposées témoignent de deux usages de l'hôpital : l'accueil des pauvres et le traitement carcéral de condamnés par la Justice. Pottecher se penche pour lire la notice : "Bicêtre fut pendant deux siècles un véritable caravanserail, à la fois hospice, asile de fous et d'épileptiques, hôpital pour traitements des vénériens et prison." Pottecher, continuant la lecture, cite les hôtes célèbres de Bicêtre : le Marquis de Sade, Vidocq, Ange Pitou. Plein cadre sur une toile montrant des enfants priant avec une religieuse. Lecture du cartel par Pottecher en off : "la prière des teigneux, 1853, acquis par l'impératrice Eugénie, Trousseau." Pottecher continue sa visite, un conservateur lui montre une boîte qui contient les instruments de trépanation de Dupuytren, en extrait un vilebrequin et le trépan auquel il s'ajuste, puis deux scies, puis un bistouri terminé par une boule qui lui permettait de "glisser sur le cerveau". Pottecher commente ses explications de "Ah oui" songeurs. Sur une gravure plein cadre montrant des patients dans une salle commune, au corps étique et grimaçant de misère et de mal-être, le commentaire précise que plusieurs hôtel-Dieu ont été mises en place au VIIe siècle en France. Sur d'autres images montrant les ravages de la Guerre de Cent ans, évocation de l'élévation des hospices de Beaune, "premier hôpital moderne". Son fondateur, Guillaume de Salin, prévoit d'y accueillir "les gueux, les malades, les miséreux" que les tueries massives et les destructions des conflits ont fait venir de toutes parts dans la ville. Le premier hôte y est pris en charge en 1442. Une voix psalmodie en latin, vues sur la salle commune avec lits aux rideaux et petite table à double plateau supportant un pichet et différents récipients en métal. Les plans sur les lits alternent ceux d'un crucifix et d'un vitrail d'église : l'hôpital est d'abord un lieu religieux où ce sont les âmes qui, avant tout, sont prises en charge. (05:51)
"Franz Hals? Rembrandt? Non, l'hôpital aujourd'hui..."
Travelling en contreplongée sur une façade de bâtiment, montrant une galerie surmontée d'un toit rythmé par des chiens assis. Son criard de cloche. Le commentaire explique qu'au XIIIe siècle, des léproseries et des hôtel Dieu se sont multipliées en France, "toutes ces fondations étaient entre les mains des religieux et vivaient uniquement de dons". Peintures médiévales montrant les premiers types de soins : trépanation, auscultation, la saignée, le clystère. L'application du clystère est représentée par une peinture flamande. Succède à la vue de cette peinture la prise de vue actuelle d'une chambre commune. Vaste espace bordé de lits à rideaux à la mode médiévale, avec en son centre, un poêle et une grande table en bois. Des chaises en bois sont rangées contre, un bouquet de fleurs sur son plateau. Au fond de la pièce, l'âtre d'une cheminée, des fresques sur les murs. Pottecher : "Ces deux images se ressemblent. Franz Hals? Rembrandt? Non, l'hôpital de Beaune, tel qu'on y vit encore aujourd'hui, en 1967." Le plan fixe est prolongé par un panoramique puis un travelling qui portent le point de vue vers des patients âgés, assis ou alités, dans une attitude de prostration. Autre travelling dans une autre pièce commune avec une fontaine et sa vasque, qui pivote sur une infirmière nourrissant un vieil homme à la cuillère. Et c'est vrai que cette succession de plans donne l'impression que c'est une imagerie hospitalière de la Renaissance qui s'anime. "Beaune est intact, c'est le témoignage des cinq premiers siècles de l'histoire des hôpitaux." Vue sur une façade de grand bâtiment du XIXe siècle qui, par un panoramique, se prolonge par la vue sur un bâtiment moderne. Succession d'entretiens de médecins (les Dr. Milliez et Emerit) qui reviennent sur l'introduction et la fonction de leur profession au sein des hôpitaux. Les premiers médecins y apparaissent avec la révolution française, comme Corvisart (Jean-Nicolas Corvisart). Le patient qui y était accueilli était pauvre : "Il était honteux d'y aller". L'hôpital était le lieu où "on allait mourir". Le Dr. Paul Milliez se souvient que dans son enfance, l'hôpital Broussais était surnommé "Broussais la mort". Les tuberculeux y "mouraient comme des mouches car il n'y avait aucun moyen de les soigner". Avec un sourire, il ajoute : "c'était affreux, mais tout cela est transformé". (09:32)
L'hôpital, l'usine à soins
Filmée en gros plan, une infirmière intervient avec une sonde sur un patient dont on ne voit que le visage renversé, son cou tiré. Gestes vifs et précis. Commentaire d'un autre médecin : "Actuellement l'hôpital, c'est autre chose. C'est une usine à soins, ce devrait être une usine à soins." De ce fait, poursuit-il, l'hôpital coûte plus et demande une organisation plus complexe. Il déplore le retard considérable pris pour s'adapter à cette situation. Une infirmière en visite guidée mène vers les bureaux et les chambres communes pour dénoncer la saleté des murs. Plans rapides et confus de bloc opératoire. Pottecher enchaîne, expliquant que l'hôpital est à la fois le lieu où ces négligences perdurent, et celui où est mis en place un dispositif de pointe de retransmission vidéo des opérations chirurgicales comme celle d'un kyste du pancréas par le Pr. Alain Léger : "un circuit intérieur de télévision permet à ses élèves de suivre son cours". Images de l'opération telles qu'elles sont captées par le dispositif interne. Pottecher ose une transition insolite : "Cet homme opéré sera bien soigné, mais sera-t-il bien chauffé?" Petite séquence de coupe dans la séquence chirurgicale qui montre un homme en blouse de travail et cravate, visiblement dans une cave, explique à Pottecher, qui se tient en amorce du cadre, qu'il casse des chutes de bois de menuisier pour alimenter les fourneaux. "Il n'y a pas de chauffage central, explique-t-il". Retour dans la salle d'opération où l'équipe chirurgicale continue son intervention. Commentaire de Pottecher : "Ce malade sera bien opéré, mais il mangera froid." Nouvelle "séquence de coupe" qui montre un personnel de l'hôpital transportant un seau sur une brouette dans la cour de l'hôpital, alors que nous continuons d'entendre le Pr. Léger commenter son opération. Commentaire de Pottecher : "la première impression que l'on ressent en abordant l'hôpital est celle de la disparité, marque presque infaillible de ce qui est français. " Il annonce la suite de l'émission : une enquête en France pour comprendre ce "monument de complexité".(12:43)
A Bussang : "la partie hospice est plus importante que la partie médecine"
Vallée de Bussang, musique onirique. Zoom sur les bâtiments hospitaliers. "Un hôpital rural dans un pays rude". En plan d'ensemble, Pottecher parcourt son allée central et pénètre dans l'un d'eux. "... Rude par son climat, sa situation au bout de la vallée". Il ouvre une porte sur laquelle est écrit le mot "bureau" et sur laquelle une affichette est punaisée, avec l'inscription : "bureau ouvert aux employés et hospitalisés de 14h à 17h". Pottecher et une femme en blouse blanche sont assis de part et d'autre d'une table. Il la présente comme la "directrice-économe" de l'institution. Elle l'informe que l'hôpital comprend 127 lits dont 8 lits en médecine, 8 lits maternité, 84 lits hospices et 27 lits pour "orphelinat garçons". Pottecher en conclut que "la partie hospice est plus importante que la partie médecine". Elle en convient et estime que c'est le cas de tous les hôpitaux ruraux. A Pottecher qui lui demande le montant du budget prévisionnel de l'établissement, elle répond : "52 millions d'anciens francs". Le prix de la journée est "8,40 francs en hospice, 20 francs en médecine et 34 francs en maternité". Pottecher : "c'est-à-dire qu'avec 8.40 francs, vous arrivez à faire vivre un vieillard". La directrice répond : "oui, il y a la nourriture, l'entretien, le personnel, le chauffage..."
Reprise de la musique champêtre. Vue sur une des chambres, des homme assis sur un lit ou sur une chaîne, chacun séparé des autres par une cloison qui s'arrête à un couloir qui longe les fenêtres. Commentaire : "Ils étaient seuls chez eux, un jour ils ont eu froid. Et ils sont venus s'asseoir là où on s'occupe d'eux." La directrice dit qu'il s'agit d'ouvriers du textile ou des scieries, de bûcherons, de cultivateurs, qui disposent de la retraite des vieux travailleurs (entre 50 et 70 000 anciens francs par trimestre), à laquelle s'ajoutent des retraites complémentaires. Gros plans sur les visages de ces hommes et femmes âgés, ils se parlent avec le sourire et parfois le coin de l'oeil qui pétille. Commentaire de Pottecher : "pas de misère, pas de déchéance - la pauvreté digne attendue pour la fin de leurs jours, acceptée sans affliction parce qu'il y a l'hôpital". L'entretien se poursuivant, Pottecher demande à la directrice si l'hôpital arrive à apporter à ces patients le confort nécessaire. Gros plan sur la directrice qui baisse les yeux : "On ne peut pas dire que le confort actuel leur suffit, il y aurait toujours à faire sur le plan confort..." Sourire qui semble son exprimer son souci d'honnêteté. Succession de gros plans sur les visages de femmes âgées, ou sur leurs mains. Assises en groupe, elles écoutent l'une d'elles qui chante une chanson de jeunesse. Une soeur coiffée d'une cornette, assistant à la séance, leur sourit avec bienveillance. Entretien avec elle, isolée dans le champ, en train de coudre. Elle dit avoir 71 ans et s'occupe des personnes âgées depuis "un an et quelques mois". Elle ne trouve pas la tâche pénible : "j'aime beaucoup mes vieilles". Souvenirs de guerre, elle a soigné clandestinement des résistants blessés au maquis. Les déplacements se faisaient "à pied, par tous les temps".
A Bussang : visites et consultations
Scène de visite. La soeur au volant d'une 4L qui sillonne une route de campagne, filmée depuis la place du mort. Elle braque et se range le long d'une maison isolée. Sur le pare-brise est collée une vignette avec la lettre "S" et le mot "soins". Sa manoeuvre fait fuir une volée de poules. Ext. la voiture de profil, la soeur rejoint la maison, une mallette à la main. Int. sur une fenêtre aux voilages noués. Commentaire : "à la ferme, on ne fait pas que soigner : on parle". Le plan suivant, plus large, montre que nous sommes dans une cuisine. La soeur pénètre dedans, pose sa mallette sur la table, et comme le commentaire l'a annoncé, initie une conversation avec la femme qui l'a accueillie. Elles parlent des rhumatismes dont cette femme souffre, puis de la famille, de la "petite" inscrite "au collège technique". Gros plan sur le ruban qui tient le voilage, raccord extérieur sur la même fenêtre, panoramique pour montrer la vallée en contrebas. Cut, la soeur redémarre sa 4L. La caméra s'attarde sur le lieu qu'elle vient de quitter, le chien enchaîné dont les abois occupent la bande son, le tracteur garé devant la bâtisse. Retour à la soeur dans l'habitacle de sa voiture, interviewée par Frédéric Pottecher : elle avoue que par temps de neige, rejoindre ces foyers isolés "n'est pas très amusant", même si elle peut équiper son véhicule de pneus neige et que les passages du chasse-neige le matin ont dégagé la voie. Au coeur de l'hiver, il lui arrive de faire une quarantaine de piqûres en une unique journée de visites. A La Hutte, où elle se rend régulièrement, la population est essentiellement composée de personnes âgées (Pottecher dit "vieux", la soeur dit "personnes âgées"). Certains d'entre eux viennent vivre en pension à l'hôpital. Pottecher aborde le problème de manque de personnel dans les hôpitaux ruraux. A Bussang, les habitants s'en inquiètent, selon la soeur. Le commentaire ajoute : "400 hôpitaux ruraux dans toute la France, dont nous allons connaître les difficultés". (26:09)
Int. un homme en blouse blanche attablé devant un bureau, termine l'écriture d'un courrier. Le plan s'élargit au moment où il donne le pli à un homme assis de l'autre côté de la table. Nous devinons que c'est un médecin avec son patient. Ils se lèvent tous les deux, le médecin raccompagne son patient. Quand il ouvre la porte, nous voyons que le mot "consultations" est écrit sur sa face extérieure. Pottecher succède au patient, lui et le médecin rejoignent son bureau pour l'entretien. Le médecin explique que l'hôpital rural accueille les malades qui ne peuvent être "efficacement soignés chez eux pour des raisons familiales, financières ou médicales". Il cite des cas de pneumonie, phlébite, troubles cérébraux qui surviennent en hiver dans les fermes isolées. "S'il faut voir le malade deux fois par jours, on le fait descendre à l'hôpital le temps de sa maladie." Pottecher évoque le cas d'une vieille femme qui, il y a deux ans, au mois de janvier, alors que la neige s'élevait à 40 cms, a été descendue à pied, sur une chaise, depuis sa ferme, parce qu'elle souffrait d'une "congestion bilatérale". Le médecin apprécie ces conditions dures de travail, il les préfère à l'éventualité d'aller travailler en ville où il faut monter et descendre "les escaliers des HLM". (28:51)
A Bussang, l'accueil des orphelins : "remplacer la famille"
Dernier volet, sur les enfants recueillis par l'hôpital : il s'agit, répond la responsable de l'établissement en voix off, de "cas sociaux, d'orphelins qui n'ont ni père ni mère". Nous les voyons en rangs par deux, cheminer sur la route du village pour rejoindre l'école, puis se disperser dans la cour de récréation où la caméra les suit dans leurs courses, leurs jeux et leurs mises en rangs. Ils sont de différents âges. La prise en charge à l'hôpital permet, ajoute-t-elle, de ne pas séparer les frères, ce qui serait plus difficile s'ils étaient mis en nourrice. Ce enfants sont dirigés vers l'hôpital par des assistants sociaux ou les parents eux-mêmes - elle évoque de nombreux problèmes d'"éthylisme" et les divorces. La direction de l'hôpital doit veille au bon déroulement de leur scolarisation et de leur apprentissage professionnel. Vue en plongée dans la cage d'escalier de l'aile de l'hôpital réservée aux enfants orphelins. Ils gravissent les marches en désordre, s'égayent dans les couloirs. Commentaire conclusif de toute la séquence à Bussang : "ici l'hôpital est tout : maison de santé, maternité, hospice, maison de retraite, orphelinat." Les chambrées le soir : les enfants se déshabillent et revêtent leurs pyjamas avec des gestes vifs, désordonnés, qui trahissent leur excitation. La caméra furète dans la pièce à l'affût d'une cabriole, d'un geste espiègle, se met à bouger de façon désordonnée comme si elle était gagnée par la fébrilité générale. Le commentaire continue, évoque la mission qu'endosse l'hôpital de " prendre en charge des enfants non seulement sur le plan matériel mais aussi sur le plan moral, remplacer la famille...". (31:38)
"Si on entre dans un hôpital, il faut accepter l'idée de dévouement"
La directrice évoque une fugue d'enfants survenue récemment. Elle est allée personnellement les rechercher avec la mère supérieure et un gendarme, "dans ma voiture et dans la montagne". Comme les enfants retrouvés ont été accueillis chez un médecin à minuit, elle est allée les prendre le lendemain matin, un dimanche, à 7h. Cette anecdote témoigne de l'obligation qui lui est faite, par la multiplicité de ses responsabilités, d'être parfaitement disponible, de mettre son temps libre et sa propre voiture à la disposition des usagers de l'hôpital. Son entretien avec Pottecher est à présent en in. Il lui demande si ces priorités qu'elle accorde à l'hôpital n'incommodent pas son mari. Elle joue nerveusement avec le cordon qui sert de marque page pour le gros volume qu'elle a ouvert devant elle, répond qu'il doit s'y faire. Pottecher va plus loin, lui demande si ces contraintes ne lui permettent pas, en contrepartie, d'être davantage rémunérée. Elle répond non, lève les yeux vers Pottecher, explique : "Si on entre dans un hôpital, il faut accepter l'idée de dévouement." Elle ajoute qu'elle aime son métier, mais qu'il lui prend "énormément de temps". Un autre problème qu'elle juge "insoluble" : le manque de personnel. Les cinq religieuses qui y travaillent reçoivent une "indemnité de vestiaire" de 80000 anciens francs par trimestre pour les 5!". Raccord avec le médecin de la séquence précédente qui qualifie de "dérisoires" les indemnités que les religieuses reçoivent "en contrepartie des services qu'elles nous rendent et du dévouement qu'elles nous prodiguent." Retour sur la directrice qui explique que l'effectif des religieuses a diminué de 7 à 5 alors que le nombre de lits a doublé.
Les bâtiments de l'hôpital vus en plan général, dans le creux de la vallée, puis vues sur des hommes qui bêchent un carré de terre, des bêtes dans l'étable, du linge qui sèchent à une corde. Retour de la musique champêtre qui avait animé le début de la séquence sur Bussang. Commentaire : "C'est dire la situation critique de cet hôpital dont le bon fonctionnement ne repose que sur le dévouement des religieuses, du médecin, de l'intendante économe qui fait fonction de directrice. Que restera-t-il si ces dévouements s'en vont? Une telle entreprise ne peut pas dépendre que de la vocation de quelques uns." Plan final sur Pottecher et l'intendante-directrice qui descendent les marches d'un grand escalier commun. Pottecher rappelle qu'elle cumule les fonctions d'intendante, de brancardière, d'infirmière, qu'elle s'occupe d'une ferme et qu'elle a deux enfants. Quand prend-elle des congés? Gros plan sur le visage de la femme dont la blondeur des cheveux, le bleu cristallin de ses yeux, le blanc de sa blouse et de son pull s'assortissent avec le fond pâle du champ. Son regard se lève, sa voix reste calme pour répondre qu'elle ne s'accorde pas plus de huit jours. "C'est pas trop dur?" "Non, il faut accepter, sinon on fait autre chose". Le film se fixe sur son doux sourire. La musique champêtre reprend. Carton qui annonce le prochain volet : "la maison traditionnelle".