La machine et l'homme (1956)

De Medfilm



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Titre :
La machine et l'homme
Année de production :
Pays de production :
Réalisation :
Durée :
20 minutes
Format :
Parlant - Noir et blanc - 16 mm
Langues d'origine :
Sous-titrage et transcription :
Sociétés de production :
Commanditaires :
Archives détentrices :

Générique principal

"Commentaire dit par Michel Bouquet ; musique de Philippe Arthuys, Service de la recherche de la RTF"

Contenus

Sujet

Essai cinématographique, ou méditation audiovisuelle sur l'évolution des rapports de l'homme et de la machine, considérés comme une interdépendance conflictuelle, en Occident depuis le développement industriel du XIXe siècle.

Genre dominant

Documentaire

Résumé

Un essai qui se déroule en 6 chapitres :
1. L'artisan maître de sa machine, de son œuvre et de son temps ;
2. L'ouvrier d'usine, dépossédé de son savoir-faire, astreint à la répétitivité de la tâche, devenu auxiliaire de la machine dans un renversement hiérarchique ;
3. La machine a envahi le secteur de l'agriculture, s'est substituée au paysan arpentant les champs ;
4. Développement de l'« automation » dont l'effet est de placer l'intervention de l'homme au moment de la conception de la machine et de la programmation de sa tâche ;
5. L'homme désœuvré organise sa révolte : grèves et manifestations ouvrières ;
6. Une tentative de synthèse et de dépassement : puisque la machine est à même de remplacer l'homme, c'est à la société de se réorganiser pour permettre à celui-ci de jouir d'une vie sans travail.

Contexte

L'accélération du développement industriel dans le contexte de la reconstruction après-guerre a favorisé l'essor de la mécanisation, mais aussi l'innovation technologique (avec la cybernétique) qui rend les machines davantage autonomes. Cette évolution d'ordre économique bouleverse les méthodes de travail. Les effets sociaux de cette mutation sont mal connus, mais font déjà l'objet d'un débat entre ceux qui estiment qu'un dispositif comme la chaîne, en même temps qu'elle augmente le rendement, sécurise le geste du travailleur, et ceux qui pensent que celui-ci est aliéné par la répétitivité du geste auquel il est désormais astreint (sans plus être impliqué aux différents stades de la production comme l'artisan d'autrefois), et que la prise en charge de la production par la machine seule pousse les ouvriers au chômage.

Éléments structurants du film

  • Images de reportage : Oui.
  • Images en plateau : Non.
  • Images d'archives : Oui.
  • Séquences d'animation : Non.
  • Cartons : Non.
  • Animateur : Non.
  • Voix off : Oui.
  • Interview : Non.
  • Musique et bruitages : Oui.
  • Images communes avec d'autres films : Non.

Comment le film dirige-t-il le regard du spectateur ?

Il s'agit d'un essai, une réflexion personnelle destinée à interpeller les hommes en tant qu'acteurs sociaux. À partir de vues de films industriels retaillées et reséquencées, assorties d'une musique énigmatique et perturbante et d'un commentaire au contenu analytique, le film amène le spectateur à mettre en perspective ses propres représentations d'un monde du travail modernisé à marche forcée...

Comment la santé et la médecine sont-elles présentées ?

Elles ne le sont pas. L’analyse du film ainsi que sa mise en scène induisent cependant que la machine génère un rapport morbide, aliénant, propice à la dépression.

Diffusion et réception

Où le film est-il projeté ?

Télévision scolaire et ciné-clubs

Communications et événements associés au film

Public

Élèves des établissements et spectateurs de ciné-clubs

Audience

Descriptif libre

Le temps de l’artisan : l’âge d’or du travailleur
Le film commence par les images d'une séquence du Tonnelier de Georges Rouquier (cm de 26 min inclus dans une série sur les artisans : « le potier », « le chaudronnier » en sont d'autres éléments). Mais la bande-son est différente. La musique, jouée par une épinette, progresse avec prudence, espaçant ses notes, en accord avec les gestes du tonnelier dont le regard est surpris dans la perspective du tonneau qu'il façonne, filmé de l'intérieur. De même, le commentaire salue « le rythme lent des anciens jours ». La musique s'accélère dès la séquence suivante, le grain des notes de l'épinette se multiplie alors que nous découvrons un horloger à sa table de travail, achevant de mettre au point un mécanisme qui rendra bientôt son œuvre indépendante de ses mains. L'ouvrier est encore montré comme un homme installé de longues heures sereines dans la solitude étroite de son atelier, enveloppé du halo de sa lampe de bureau, aux prises avec une tâche qu'il mènera de la première étape jusqu'à la dernière, ainsi qu'un Gepetto à l'ouvrage.
La chaîne : répétition du geste, aliénation à la machine
En contraste, le plan suivant nous jette dans la vastitude d'un haut fourneau projetant ses gerbes d'étincelles à la manière d'un volcan, devant lequel se dressent quelques silhouettes d'hommes anonymes, perdues dans le bas du champ. Leurs gestes produisent des sons pesants que la bande-son isole et répète. De même, quand des moteurs se succèdent sur une chaîne de montage, le plan est haché à dessein, préfigurant le procédé « jump cut » (coupes arbitraires dans le plan pour donner une impression de mouvement heurté et saccadé) : désormais, le mouvement de fabrication est purement mécanique, différent de la motricité humaine. Le commentaire caractérise alors la relation homme-machine comme une « entente dangereuse ». Séquence de travail à la chaîne pour la fabrication industrielle de bouteilles puis de vêtements. Les hommes, alignés en de longues perspectives, répètent un geste unique. La musique ajoutée à ces images, qui s'emballe davantage, donne à la séquence un aspect chorégraphique, imprimant une distance ironique au rendu documentaire des prises de vues. Le commentaire appuie : « 40 000 torsions de bras pour huit heures de travail : agrafons ! Agrafons ! » Les gestes identiques effacent les visages aux expressions mornes. « On a perdu la force de sourire. »
Un champ caressé par le vent sous un ciel uniforme. La musique est devenue encore plus étrange : un bourdonnement aigu qui semble annoncer une venue hors champ. C'est une moissonneuse-batteuse qui fait bientôt irruption dans le paysage. En se substituant aux hommes qui l'arpentaient autrefois pour le semer et récolter, elle lui a ôté son caractère immémorial que rendaient les tableaux de Millet.
La robotisation, l’automation : nouvelles formes d’assujettissement
Nouveau chapitre, nouveau stade de l'évolution des rapports homme-machine : l'automatisation ou l'« automation ». Nous avons quitté les espaces traditionnels, l'atelier, l'usine, le champ agricole, dans lesquels la machine agissait et se multipliait, pour errer dans des espaces qui lui sont désormais strictement dédiés, organisés selon sa logique, sa motricité, son circuit de production, agi par la commande, le programme, et la cybernétique. Le commentaire insiste sur « le sens du toucher, le sens visuel, les terminaisons sensibles » acquises par le robot. « Dans ces vastes halls, on est gagné par le sentiment que de grandes aventures vont naître, conduites par des capitaines sans visage ». Le visage qui avait perdu son sourire s'efface à présent tout à fait de la représentation du travail. Nous sommes loin du regard attentif, des traits tendus par l'effort et la concentration qui caractérisaient celui du tonnelier de Rouquier. Un cadre anonyme, dont le film s'amuse à reproduire un exemplaire à l'infini, s'affaire sur des écritures : « l'ordinateur remplace une armée de comptables ». La musique épurée, ne produit que des sons isolés, sans plus dessiner de mélodies. Un léger écho anime leurs sonorités électroniques. « La machine pensante a remplacé le cerveau humain. De quoi demain sera-t-il fait ? »C'est à présent que la méditation se développe, prenant le pas sur le ton fasciné de l'analyse historique qui l'a précédé. De même, la machine ne règne plus sur l'image, celle-ci est reconquise par l'homme désœuvré qui y exprime sa frustration, sa détresse, puis sa colère. Dans les vastes rues d'une métropole, un homme mal rasé, aux vêtements rapiécés, avise les vitrines rutilantes, aux alignements impeccables, des magasins modernes. Gros plan sur son visage qui exprime une moue rageuse. « Il rejette cette société qui ne le reconnaît pas. » S'ensuivent des scènes de grève et de mouvements insurrectionnels. La musique a cédé à un son strident auquel se mêle la rumeur des foules en colère.
Pour finir, le film tente quand même une réconciliation. La machine émancipe l'homme des tâches quotidiennes auxquelles il était astreint. Elles travaillent pour lui, lui offrent le temps libre. L'image cherche à s'épanouir parmi les fleurs des champs et les esplanades des nouveaux grands ensembles. « ... car la machine est faite pour servir et la vie pour être vécue. » Ainsi, la machine qui captait le temps, la force et l'intelligence de l'homme, qui a fini par se substituer à lui en lui ôtant sa dignité de travailleur en même temps que son gagne-pain, pourrait, à mesure qu'elle acquiert en autonomie, le rendre à lui-même, mettre à nu sa quête de bonheur.

Notes complémentaires

Références et documents externes

Contributeurs

  • Auteurs de la fiche : Joël Danet
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