La chaîne (1967)

De Medfilm



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Titre :
La chaîne
Série :
Année de production :
Pays de production :
Réalisation :
Durée :
14 minutes
Format :
Parlant - Noir et blanc - 16 mm
Langues d'origine :
Sous-titrage et transcription :
Sociétés de production :
Commanditaires :
Archives détentrices :

Générique principal

(principales informations du générique relevées dans ses termes originaux)« Une émission de Noémie Geoffroy »

Contenus

Thèmes médicaux

Sujet

Conséquences du développement du travail à la chaîne en usine sur la sécurité et le bien être psychique de l'ouvrier.

Genre dominant

Documentaire

Résumé

Après un court exposé sur l'évolution de la production industrielle vers le développement du procédé de la chaîne, discussion sur les répercussions que cette méthode de travail entraîne chez l'ouvrier, d'un point de vue psychique et physique. Finissant sur une présentation de la cybernétique et de l'apparition de l'électronique comme nouvelles technologies, le film laisse ouverte la question des conséquences sociales de ce nouveau stade de l'évolution.

Contexte

Développement du procédé de la chaîne dans la production industrielle, au moment où celle-ci est appelée à s'intensifier dans un contexte de reconstruction nationale et de relance économique mondiale. En contrepartie, développement du militantisme socialiste qui s'empare des nouveaux moyens de communication pour interpeller l'opinion, notamment le cinéma (cinéma ouvrier, premières expériences de réalisations collectives avec les ouvriers).

John Berger, en 1973, tente de décrire le vécu de la chaîne : " Le geste isolé ne demande pas en lui-même un gros effort, mais la répétition par laquelle le geste est ajouté au geste, précisément mais inexorablement, la pile de gestes qui s'entassent minute après minute, heure après heure, est épuisante. Le rythme du travail ne donne pas le temps de préparer le geste, d'exiger un effort du corps. Le corps perd son esprit en accomplissant le geste." - John Berger et John Mohr, Le septième homme - un livre d'images et de textes sur les travailleurs immigrés en Europe, Paris, 1976.

Éléments structurants du film

  • Images de reportage : Oui.
  • Images en plateau : Non.
  • Images d'archives : Non.
  • Séquences d'animation : Non.
  • Cartons : Non.
  • Animateur : Non.
  • Voix off : Oui.
  • Interview : Oui.
  • Musique et bruitages : Non.
  • Images communes avec d'autres films : Non.

Comment le film dirige-t-il le regard du spectateur ?

En se présentant comme un exposé objectif sur une des évolutions de l'économie du pays, le film oriente le choix de ses illustrations (gravures et prises de vues) et ses questions aux intervenants pour amener le spectateur à prendre conscience de l'injustice sociale et de la nuisance sanitaire que représente cette évolution.

Comment la santé et la médecine sont-elles présentées ?

Par un entretien de dix minutes avec un spécialiste de la médecine du travail (le Dr Moulins) qui fait part de son analyse et de ses conclusions prédictives à l'encontre de la chaîne : cet entretien a fonction de considération objective qui doit emporter l'assentiment du spectateur.

Diffusion et réception

Où le film est-il projeté ?

Établissements scolaires (en 1969, le taux d'écoute de la télévision scolaire est de 2 à 6%. En 1973, 1/3 des écoles bénéficient d'un téléviseur solaire. - revue "Éducation - Formation" n° e- 289 - déc. 2008)

Communications et événements associés au film

Dossier dans le bulletin de la Radio-Télévision Scolaire

Public

Élèves des écoles (et les autres téléspectateurs)

Audience

Descriptif libre

Introduction historique : première révolution industrielle, fin de l'ère artisanale
Gravures de scènes industrielles au XIXe siècle. Des enfants et des femmes sont devenus travailleurs de force, tirant des chariots, manœuvrant une poulie au fond d’un puits. Le commentaire constate leur « asservissement à la machine ». Suivent d’autres gravures montrant des barricades, des fusillades, des manifestations ouvrières sur fond de détonation. La carrosserie d’une automobile de la Belle Époque au stade de la finition, un ouvrier ajustant son siège arrière de reps rembourré. « Ceux qui fabriquaient les premières voitures pouvaient éprouver la joie de créer une œuvre. » GP de mains maniant les pièces mécaniques du véhicule disposées sur l’établi. « Ils étaient présents à tous les stades de l’opération, l’expression ‘fait main’ s’appliquait parfaitement aux premières automobiles. » Une famille à la vaisselle dans la cuisine de leur appartement. L’homme lave, la femme essuie, l’enfant range : c’est une illustration introductive de la division des tâches. « On avait le temps. On n’a plus le temps. Le travail se divise. On se spécialise. Et on fait la chaîne. »
la chaîne : division du travail, abrutissement, fin de l'esprit d'initiative
GP de mains disposant des pantoufles sous l’aiguille d’une machine à coudre automatique, répétant leur geste une fois la semelle cousue à la pantoufle. « La chaîne divise le travail en tâches très menues qui ne demandent qu’un seul geste, toujours le même, répété sans réflexion. »Une musique de revue, trépidante, illustre ironiquement de mornes plans montrant des files d’ouvriers installés dos à dos, exécutant les tâches complémentaires d’une chaîne de fabrication. Dans les vastes ateliers abritant des hauts-fourneaux, des hommes s’affairent, réduits à des silhouettes perdues au bas du cadre. « De puissantes machines accomplissent les tâches les plus dures, évitant à l’homme les efforts musculaires – et son rendement s’en trouve accru. » GP sur des mains maniant écrous et boulons sur une tablette munie d’une cheville. « Les gestes sont étudiés pour gagner en rapidité. Avec ces cadences, l’efficacité de chacun est devenue très grande. » Le commentaire ajoute, préservant son axe dialectique : « mais en contrepartie, toute initiative est exclue. Chaque geste est déterminé par la place de l’ouvrier sur la chaîne. » Long travelling sur une succession de carrosseries de voitures suspendues à d’un rail, avançant d’un atelier à l’autre, lesquels sont alignés sur l’axe du rail. Dans chaque atelier, des hommes s’activent à la hâte sur la carrosserie qui vient à leur portée. « L’homme devient un rouage de la chaîne. »
Entretien avec un cadre de Renault : à propos de santé et de sécurité dans le système de la chaîne
Entretien avec Mr Vallet, Chef de Service chez Renault, dans son bureau. Homme corpulent, vêtu d’une chemise blanche qu’il a ornée d’une cravate, sur laquelle il a enfilé un débardeur en laine, il a l’air emmerdé, soucieux de parler comme il convient à sa hiérarchie. On vient de lui demander de caractériser le travail à la chaîne. « L’artisanat était caractérisé par le travail d’un homme qui fabrique un produit individualisé… » GP sur une main qui brique les charnières d’un châssis comme s’il parachevait une œuvre. Le châssis se détache sur une feuille de papier sur laquelle il a été modélisé en dessin. Retour au travelling sur la chaîne de carrosseries de voitures. « … Alors qu’en opposition, la production de série est un travail répétitif par un ensemble d’hommes associés dans cette exécution. La pénibilité diminue, mais la responsabilité est accrue, on confie aux hommes des machines qui ont un prix très élevé. » Plans de machines-outils motorisées et câblées. L’homme a été évacué du champ. L’équipe de tournage poursuit : « On dit travail à la chaîne, travail en miettes. C’est-à-dire travail pauvre, à une cadence pénible. Est-ce exact ? » Mr Vallet ne se démonte pas. Il se peut qu’il attendait la question. « Nous avons une responsabilité qui est d’abord une responsabilité humaine, comme pour toute entreprise. Mais il faut voir en outre que la santé des travailleurs pose la question de la préservation du capital humain. Un élément primordial est la sécurité. La préservation est nécessaire contre certains éléments toxiques ». Ainsi, Mr Vallet s’est retranché derrière la question de la sécurité, qu’il présente comme la condition nécessaire pour conserver une main-d’œuvre valide.
Entretien avec un médecin du travail : à propos de la tristesse ouvrière
La santé des employés se limite à la préservation de leur intégrité physique, notion restrictive qui permet d’évacuer la pénibilité liée à la répétitivité qui entame leur bien-être mental. C’est cette question qui va être abordée directement par le Dr Moulins, spécialiste en médecine du travail, dans une nouvelle séquence d’entretien. Assis derrière son bureau, le Dr Moulins paraît aussi à son aise que M. Vallet. Il jette un œil rapide aux fiches posées dessus avant de répondre en mangeant volontiers ses mots pour en finir plus vite. Ses propos n’en restent pas moins incisifs quand il veut préciser le fond de sa pensée. « C’est en général vrai que le travail à la chaîne soulage l’effort musculaire des travailleurs. Les machines font à la place de l’homme les tâches les plus dures – soulever les poids, transporter les matériaux… mais si le travail à la chaîne diminue l’effort musculaire brut, il entraîne cependant en fin de journée une fatigue plus grande du fait de la répétition… » Retour sur les mains qui boulonnent en série puis plan sur un pied qui appuie sur une pédale – aucun visage n’est montré, les corps deviennent anonymes. «  … Certes, il y a diminution des accidents, le progrès sur ce point a apporté une protection… » Des mains confectionnent le rembourrage d’un siège auto. «…Mais il est certain qu’un travailleur trouve la plénitude dans la réalisation d’un travail complet. L’ouvrier qualifié tire fierté d’un travail bien accompli. Or sa vie dans un atelier est perturbée par un travail devenu automatique…. » Le siège de la voiture passe maintenant aux étapes supérieures de la chaîne : découpe, pose, finition. « … On a constaté une tendance à la résignation, à la fatigue, et même et à l’amertume, constituant la tristesse ouvrière. » L’expression « la tristesse ouvrière » détone dans le propos du médecin par sa formulation résolument politique. Elle exprime sa solidarité profonde avec la cause des travailleurs, qu’il paraît pourtant réticent à affirmer dans le cours de l’entretien, comme s’il ne souhaitait pas lui imprimer une tournure radicale qui ne conviendrait pas à sa position professionnelle.
Fatigue psychique de la chaîne, l'automation et le sentiment d'inutilité
Retour sur le travelling de la chaîne de fabrication des carrosseries. « Les cadences trop rapides entraînent une fatigue physique et psychique profonde, un sentiment de lassitude, avec perte de mémoire, difficulté à suivre une conversation, signes sur lesquels le congé hebdomadaire reste sans effet. L’homme est attaché à la machine dans le travail à la chaîne. Il faut qu’il la suive, elle le domine. Et à partir d’un certain niveau (de cadence), il n’est plus capable de s’adapter. C’est là qu’apparaissent les troubles nerveux. » GP sur le visage du docteur qui regarde vers le sol, parle comme s’il pensait tout haut. « Il est certain que ce progrès n’est pas positif. Le profit accable l’homme (ces mots à peine distincts). Ce n’est pas le but recherché par ceux qui s’intéressent aux problèmes humains. Il faudra que des mesures soient prises sur le plan technique et social pour que le progrès dû aux sciences serve les intérêts des hommes. » Foule d’ouvriers regagnant les sorties des usines. Au plan suivant, elle se transforme en foule de manifestants. Le commentaire reprend : « Les ouvriers n’ont pas tiré bénéfice de ces progrès de rendement. Et comme au siècle précédent, les conflits qui opposent les travailleurs aux entreprises jalonnent l’histoire du XXe siècle. » La musique reprend, un orchestre classique jouant une symphonie échevelée par-dessus des images de tableaux de bord clignotants et autres cadrans de contrôle ou représentations de programmes informatiques. « Et voici qu’aujourd’hui apparaît l’automation. Non seulement la machine remplace l’effort musculaire mais aussi certaines fonctions du cerveau. La machine automatisée se contrôle elle-même grâce à l’électronique… » Un point lumineux s’agite et roule dans un circuit lumineux numéroté. « .. Cette nouvelle révolution industrielle pose des problèmes aussi graves que les étapes précédentes de l’évolution technique. » Cette observation laconique s’avère être le mot de la fin. Pendant que des moteurs fixés à un rail subissent l’intervention de machines outils – si c’est bien le cas, à remarquer que les images techniques ne sont jamais explicitées par le commentaire, ni les fonctions des outils, ni la vocation de la chaîne : pour rester dans le registre politique, le film se garde de verser dans l’exposé économique – le mot « fin » se détache en surimpression.

Notes complémentaires

Références et documents externes

Contributeurs

  • Auteurs de la fiche : Joël Danet