L'avortement (1972)

De Medfilm



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Titre :
L'avortement
Série :
Année de production :
Pays de production :
Réalisation :
Conseil scientifique :
Durée :
63 minutes
Format :
Parlant - Couleur - 16 mm
Langues d'origine :
Sous-titrage et transcription :
Sociétés de production :
Commanditaires :
Archives détentrices :

Générique principal

réalisation : Roger Benamou / présentation : Jean-Pierre Elkabbach / participants : Albert Netter, Lucien Neuwirth, Rosie Maurel, Fanny Deschamps, André Geraud, Charles Dauzats, Delphine Seyrig

Contenus

Sujet

Débat sur la dépénalisation de l'avortement en France.

Genre dominant

Émission de plateau

Résumé

L'avortement en France est devenu un fait social et médical que la loi n'a pu ni empêcher ni réduire malgré sa rigueur. On évalue à près de trois mille le nombre quotidien d'avortements clandestins, donc illégaux et lourds de drames. En moins de 48 heures, trois évènements sont venus rappeler la brûlante actualité de ce problème : le procès d'une mineure de 17 ans, Marie Claire Chevalier, poursuivie pour avortement et relaxée par le tribunal pour enfants de Bobigny; trois propositions de loi à l'Assemblée nationale; et un sondage de "Sud Ouest" révélant que 63% des Français se prononcent en faveur de la liberté totale de l'avortement.

Participent à ce débat animé par Jean-Pierre Elkabbach : Dr Albert Netter (chef du service de gynécologie de l'hôpital Necker), Lucien Neuwirth (député UDR, questeur de l'Assemblée nationale, père de la loi sur la contraception). Ils sont interrogés par les journalistes Fanny Deschamps (Elle), André Géraud (La Croix), Charles Dauzats (RTL, "Parisien libéré") et par Rosie Maurel (INF2). Delphine Seyrig (l'"invitée mystère") participe au débat par écran interposé.

(d'après Notice INA n°CAF88038215)

Contexte

Législation sur l'avortement et la contraception en France

Selon la loi de 1920, déterminée par une politique nataliste, l'avortement est un crime passible d'un jugement en Cour d'Assises, la contraception est interdite ainsi que toute propagande anti-conceptionnelle. En 1942, sous le régime de Vichy, l'avortement devient crime d'Etat. En 1966, le chanteur Antoine, avec la chanson "la loi de 1920", met en cause la loi éponyme : "Dans un coin il y a un fourneau / L'évier est mort, on leur a coupé l'eau / Elle s'approche du feu la folie sur la peau / Et pourtant / Il suffit de tourner un robinet / Ça me tremble, les enfants dorment à coté / Ils ne se sont plus jamais réveillés / Et pourtant / On aurait dû penser pourtant / Penser à revoir enfin la loi de 1920".

En 1967, la loi Neuwirth autorise la contraception ; il faudra attendre 1973, soit cinq ans après le vote de la loi pour que les décrets d'application paraissent enfin au Journal Officiel. L'avortement reste interdit. Une forte inégalité se manifeste alors entre les femmes ayant les moyens de se faire avorter en Suisse ou en Angleterre où l'avortement est légal, et les femmes qui doivent s'en remettre à l'avortement clandestin. Créé en 1970, le Mouvement de Libération de la Femme milite pour la légalisation de l'Interruption Volontaire de Grossesse. Sous la présidence de Valéry Giscard d'Estaing, l'Assemblée Nationale vote la loi du 17 janvier 1975 relative à l'interruption volontaire de grossesse, dite loi Veil. Elle encadre la dépénalisation de l'avortement en France.

Pétition des 343

Cette pétition, parue le 5 avril 1971 dans le no 334 du magazine Le Nouvel Observateur, appelle à la légalisation de l'avortement en France, en raison notamment des risques médicaux provoqués par la clandestinité dans laquelle il est pratiqué. Le 10 sept. 1975, à l'occasion d'un entretien télévisé avec le journaliste Paul Giannoli, Jeanne Moreau une des signataires du manifeste, affirme : "C'était important (pour une actrice comme moi) parce que les gens qui signaient s'exposaient à des poursuites judiciaires et à l'emprisonnement. Alors, il est plus facile de mettre en prison une femme pas connue qui vit dans un HLM que des femmes célèbres - soit parce qu'elles sont actrices, écrivains, biologistes ou médecins." A propos de son expérience de jeune femme : "Ca se faisait, mais il fallait avoir beaucoup d'argent ou alors en douce. On s'exposait à l'horreur personnelle et c'était tellement condamné que c'était épouvantable. C'était une punition." Si elle n'y a pas eu recours ce n'était "pas du tout" à cause de son éducation religieuse, mais "parce que je n'avais pas assez d'argent;"

Procès de Bobigny

En octobre et novembre 1972, un procès pour avortement s'est tenu à Bobigny (Seine-Saint-Denis). Cinq femmes y furent jugées : une jeune femme mineure — Marie-Claire Chevalier — qui avait avorté après un viol, et quatre femmes majeures, dont sa mère, pour complicité ou pratique de l'avortement. Ce procès, dont la défense fut assurée par l'avocate Gisèle Halimi, eut un énorme retentissement et contribua à l'évolution vers la dépénalisation de l'interruption volontaire de grossesse en France. Des voix de scientifiques et de médecins se sont fait entendre pendant ses séances. Le biochimiste et biologiste Jacques Monod de l'Institut Pasteur a déclaré : "L'avortement n'est pas l'infanticide". Selon lui, "le droit de donner ou de ne pas donner la vie appartient "de toute évidence à la personne qui est appelée à la donner" ("il y a 50 ans, le procès de l'interdiction de l'avortement à Bobigny", article AFP, oct. 2022.) Le professeur Paul Milliez, médecin et catholique fervent, a affirmé que dans une telle situation, « il n'y avait pas d'autre issue honnête » que le recours à l'avortement. « Je ne vois pas pourquoi nous, catholiques, imposerions notre morale à l'ensemble des Français ». Ses propos lui ont valu, dès novembre 1972, un blâme du Conseil national de l'ordre des médecins, ils ont par ailleurs bloqué son admission à l'Académie de médecine.

Actuel 2

Actuel 2 est une "émission-débat" diffusée les lundis soirs sur la 2e chaîne, présentée par jean-Pierre Elkabbach. Sa diffusion a cessé en 1973. "Par le choix des thèmes, la diversité des participants, la dureté des échanges qui n'excluait pas l'approfondissement, Actuel 2 a donné à notre télévision un ton de liberté que les pays anglo-saxons possédaient avant nous. Chaque semaine, les meilleurs journalistes venus des quatre coins de la France politique interrogeaient en direct des personnalités, qui, à des titres divers, marquèrent l'année : de B. Bardot à J. Duclos, de D. Seyrig au cardinal Marty, de F. Mitterrand à P. Messmer et à J.-J. Servan-Schreiber, de A. NBen Nathan à Al Erian, de G. Marchais à J. Lecanuet, de P. Mendès-France à J. Soustelle, du Pr. J. Bernard au Pr. J. Tremolières, de semaine en semaine, la vérité s'est souvent dégagée de ces rencontres souvent inattendues. Ainsi les Français ont-ils participé à l'essentiel de la vie politique - élections, controverses entre l'Armée et les Eglises, guerre du Proche-Orient - et aux débats culturels, même les plus tabous : l'avortement, la sexualité et la folie... Cette émission n'était pas seulement le reflet de l'instant ; elle aimait traverser le miroir pour révéler les avenirs possibles." - présentation de la compilation des textes des échanges des émissions parue en 1973 : Jean-Pierre Elkabbach, Actuel 2, Paris, 1973.¨

Delphine Seyrig

Delphine Seyrig est "l'invité mystère" de l'émission. Pour chaque sujet, Actuel 2 prévoit l'intervention d'un invité dont l'identité reste dissimulée aux autres invités. Alors que ceux-ci sont réunis sur un plateau, l'"invité mystère" intervient par moniteur interposé. Actrice française, Delphine Seyrig a tourné avec des réalisateurs de renom. Sa filmographie compte des références de premier ordre : L'année dernière à Marienbad d'Alain Resnais (1960), Accident de Joseph Losey (1966), La Musica de Marguerite Duras (1967), Mister Freedom de William Klein (1968), Baisers volés de François Truffaut (1968), La Voie lactée de Luis Buñuel (1969). Militante féministe, elle signe en 1971 le Manifeste des 343. En 1972, elle intervient aux côtés de l'avocate Gisèle Halimi, Simone de Beauvoir lors du procès pour avortement dit Procès de Bobigny (vois plus bas). La première démonstration de l'avortement par la méthode de Karman a lieu dans son appartement en août 1972. La réalisatrice Carole Roussopoulos l'ayant initié au maniement de la vidéo légère en 1974, Delphine Seyrig se joint à l'association Les Insoumuses, dédiée à la création vidéo féministe, qui comprend Carole Roussopoulos et Iona Wieder. En 1976, partir d'interviews qu'elle tourne avec une vingtaine d'actrices (dont Jane Fonda, Juliette Berto, Shirley Mc Lane, Maria Schneider), elle réalise Sois belle et tais-toi.

Éléments structurants du film

  • Images de reportage : Non.
  • Images en plateau : Oui.
  • Images d'archives : Non.
  • Séquences d'animation : Non.
  • Cartons : Non.
  • Animateur : Oui.
  • Voix off : Non.
  • Interview : Oui.
  • Musique et bruitages : Oui.
  • Images communes avec d'autres films : Non.

Comment le film dirige-t-il le regard du spectateur ?

Le magazine télévisuel Actuel 2

La mise en scène de l'émission Actuel 2 répond au souci de dynamiser les émissions dites "magazines" pour les élever au niveau des journaux télévisés désormais alimentés par des reportages tournés dans le monde entier et diffusés le plus rapidement possible après la survenue des événements qui les ont inspirés. Selon l'animateur Jean-Pierre Elkabbach, voici les orientations prises en conséquence par Actuel 2 :

" - Dépouiller le décor et simplifier la présentation pour éviter de transformer de tels débats en spectacles, de les dramatiser par la mise en scène.

- Rendre plus incisifs le dialogue ou la controverse en obtenant des invités, quel que soit leur rôle, concision et rigueur.

- Faire appel, afin de mettre davantage en relief les oppositions, à un témoin surprise dont le nom devait demeurer secret, quoiqu'il arrive. Ce fut une innovation acceptée et dans l'ensemble réussie. Grâce aux arguments de messieurs P. Mendès-France, J. Duclos, j. Soustelle ou M. Poniatowski et à la passion du docteur Gentis, de Gisèle Halimi et de Delphine Seyrig..." - Jean-Pierre Elkabbach, Actuel 2, Paris, 1973, pp. 14 et 15.

Comment la santé et la médecine sont-elles présentées ?

La médecine et la santé sont représentés par l'invité médecin, le Dr. Albert Netter. Interrogé sur le sentiment des médecins à l'égard de la pratique de l'avortement, il répond que par tradition, il sont troublés de "donner la mort" alors qu'ils sont supposés défendre la vie. Il ajoute que ce sentiment est sans doute amené à évoluer.

Diffusion et réception

Où le film est-il projeté ?

télévision française, 2nde chaîne, vendredi 13/10/1972 à 20h31.

Communications et événements associés au film

Public

tout public

Audience

Descriptif libre

Générique en animation, motifs abstraits, graphisme "Actuel 2".

Parler pour les femmes, parler au nom des femmes

A. Netter évoque les questions du début la vie in utero. Il affirme qu'au regard de la médecine, de la morale et de la loi, la vie de la mère est prioritaire sur celle de l'embryon. Delphine Seyrig, "témoin surprise" de l'émission, déclare qu'il n'y a pas à avoir honte d'avorter, évoque le recours à la méthode Karman. C. Dauzats et F. Deschamps posent le problème de la responsabilité et de l'absence des hommes dans le domaine de la contraception et de l'avortement. Pour A. Netter et L. Neuwirth, il faut modifier la loi de 1920, mais la libéralisation totale de l'avortement n'est pas souhaitable. Delphine Seyrig pense que chaque femme doit pouvoir se faire avorter dans les conditions qu'elle souhaite. Elle s'indigne du fait que des hommes débattent de la liberté à accorder aux femmes. Le Dr Netter fait part des techniques nouvelles en matière d'avortement. Il estime que l'avortement bien fait est d'un risque un peu moindre que celui d'une grossesse menée à terme, à condition que ce soit dans les trois premiers mois. Il se défend cependant de faire de la propagande pour l'avortement.

Les perspectives de législation

L. Neuwirth lit les nouvelles recommandations du Conseil de l'Europe en ce qui concerne l'usage des produits contraceptifs et l'avortement dans les Etats membres du Conseil de l'Europe. A. Netter pense que l'avortement doit être gratuit, qu'il est légitime d'avorter des femmes enceintes parce que leur mari était en état d'ivresse. Pour L. Neuwirth, il faut faire une loi de transition sur l'avortement pour sortir de l'avortement clandestin et payant. - L. Neuwirth évoque son projet de loi, en 1966, qui "dépassait le simple problème de la contraception". Il pense qu'aujourd'hui il faut "avoir le courage" d'essayer de régler le problème de l'avortement. Pour A. Netter, l'être humain est biologiquement programmé avant la conception, et il n'est indépendant de sa mère qu'au moment de la naissance. Au regard de la médecine, de la morale et de la loi, la vie de la mère est prioritaire sur celle de l'embryon.

Philosophie de la conscience et de la vie

L. Neuwirth pense que la liberté d'enfanter sous-tend la connaissance de la signification de la transmission de la vie et de la façon de la transmettre A. Netter pense, à titre personnel, que le vivant se situe au niveau de la concience. Il semblerait que l'embryon soit dépourvu de conscience. Pour L. Neuwirth, un avortement n'est jamais confortable, il est toujours un traumatisme et un constat d'échec. Il se bat pour faire adopter un "système d'information nationale" pour que les femmes aient un choix. Il estime qu'il est prioritaire de faire "une espèce de protection contre l'avortement clandestin", il ne croit pas à la liberté de l'avortement et évoque les législations japonaise et américaine en la matière.

Avortement : "fléau social"?

Delphine Seyrig, "témoin surprise" de l'émission, en duplex depuis un autre studio, déclare : "Ce n'est pas un fléau d'avorter, il n'y a pas à avoir honte d'avorter, il s'agit simplement d'un problème de liberté personnelle pour la femme. Je pense que la liberté en effet est la connaissance de la sexualité toute entière. Les femmes devraient savoir (..) à quel point la reproduction n'est qu'une partie accessoire de leur sexualité (..) l'avortement devient de moins en moins traumatique. Je parle des moyens qui existent actuellement et qui ne coûtent rien puisqu'il s'agit d'une seringue en plastique et d'une petite canule en plastique souple (la méthode karman) qu'à la rigueur avec un miroir une femme peut s'administrer elle-même." Le Dr Netter : "l'avortement fait par la femme elle-même risque d'être septique et risque des complications assez sérieuses" C. Dauzats et F. Deschamps posent le problème de la responsabilité et de l'absence des hommes dans les domaine de la contraception et de l'avortement

Inégalité devant l'avortement

- Rosie Maurel : "C'est incontestable qu'il y a un clivage par l'argent ou par le milieu intellectuel." - D. Seyrig : "Quand une femme est obligée de travailler et d'élever des enfants tout en même temps c'est un traumatisme énorme." - F. Deschamps : "Il y a des femmes qui avortent trois ou quatre fois par an clandestinement, tous les médecins le savent, alors que va-t-on faire, et quand on est médecin est-ce qu'on n'a pas envie que la loi change ?" - Dr Netter : "Personnellement j'ai très fortement envie que la loi change, c'est indubitable. Cette loi est extraordinairement pesante pour le médecin. Chaque cas dans les cas d'avortements est un cas particulier, et personnellement si j'avais une solution à proposer, c'est que chaque cas particulier soit examiné." - L. Neuwirth : "Donner du jour au lendemain la liberté totale de l'avortement alors que des millions de femmes ignorent tout, du moins l'essentiel des moyens que leur apporte la contraception, et puis aussi une certaine pensée, je pense que c'est faire une erreur médicale" - Dr Netter : "les avortements à répétition sont désastreux physiquement et moralement, la libéralisation totale n'est pas souhaitable" - J.P Elkabbach : "Monsieur Neuwirth est-ce que vous êtes d'accord avec ce haut magistrat qui est M. Arpaillange, et qui écrit dans un rapport secret qui a fait beaucoup de bruit qu'il fallait décriminaliser certains délits comme l'avortement ?" - L. Neuwirth : "Bien sûr, il faut le décriminaliser." - Dr. Netter : "Les Anglais sont mieux organisés que nous. Oui, ils ont monté des cliniques, ils se sont dépêchés, mais je ne pense pas en effet que le corps médical français soit en mesure actuellement d'apporter une solution à tous les problèmes si l'avortement était totalement libre". - F. Deschamps : "En somme les médecins français préfèrent faire des curetages d'urgence plutôt que de faire des avortements normaux et sous anesthésie". - J.P Elkabbach : "D'où vient la résistance du corps médical français à tous les problèmes qui concernent la contraception ou la sexualité?" - Dr Netter : "Ils ont généralement choisi de donner la vie, et pour eux ça leur parait extraordinaire de faire le contraire. Nous avons des traditions auxquelles il est très difficile de s'abstraire. J'admets tout à fait que ce sont des préjugés basés sur la tradition, je pense qu'il est nécessaire de libéraliser pour des raisons sociales ou économiques ou psychologiques ou médicales et il ne me semble pas qu'il soit bon de le libéraliser totalement à la demande" - F. Deschamps : "Si vous dites que chaque cas doit être examiné, une loi très libérale laisserait à chaque praticien dans chaque cas devant sa sa cliente le droit de décider" - A. Netter : "C'est ce que je désire personnellement" - L. Neuwirth pense qu'il faut modifier la loi de 1920 qui doit être "dépoussiérée" et "repensée", mais que l'infrastructure médicale française n'est pas adaptée à une libéralisation totale.

Parler pour les femmes, parler à la place des femmes (2)

- F. Deschamps : "Je finis par trouver indécent que ce soit toujours des hommes qui s'expriment sur ce problème, et qui disent demain les femmes auront ou non le droit d'avorter" - A. Netter : "Il y a un problème moral absolument indubitable (pour les médecins) et c'est pour cela que je considère que chaque cas est affaire de conscience du médecin, et surtout de la patiente, de la femme.. et du couple" - Rosie Maurel : "des professeurs éminents comme le Pr. Milliez disent que ce problème devait être laissé à la conscience des médecins. Comment se fait-il M. Netter, je sais que vous êtes un libéral, que le Conseil de l'Ordre maintienne leur position rigoriste, ultra réactionnaire ?" - A. Netter : "Je crois que il y a des avortements qui ont été faits dans les hôpitaux officiellement, avec déclaration du Conseil de l'Ordre, même au Parquet, pour des raisons médicales qui n'entraient pas dans la loi et qui sont très bien passés. C'est bien ce qui prouve que cette loi est tout à fait dépassée" - Delphine Seyrig : "Chaque femme doit pouvoir se faire avorter dans les conditions qu'elle souhaite, il conviendrait que ça ne se fasse pas forcément en milieu hospitalier mais fait par des équipes paramédicales très capables de faire ces choses là (..) on a parlé de sexualité vagabonde, moi je trouve ça absolument méprisant, odieux. La sexualité des femmes n'est pas plus vagabonde que la sexualité des hommes. Vous êtes tous des hommes, là, on est en train de discuter si on doit leur donner la liberté, en somme nous sommes des petites personnes .. On ne nous donne pas notre autonomie, l'autonomie de notre corps. Il n'y a que deux femmes dans votre débat, il ne s'agit pas de libéralisation de l'avortement mais de liberté de l'avortement" - F. Deschamps : "D. Seyrig dessert absolument notre cause" - L. Neuwirth : "Delphine Seyrig je ne comprends pas pourquoi vous êtes opposée à la contraception. Depuis le début vous ne parlez que d'avortement" - D. Seyrig : "Je prends la pilule, donc je sais que je suis pour la contraception. Je sais qu'il m'arrive de l'oublier , et je sais que si je l'oublie, je suis bonne pour un avortement, voilà, et toutes les femmes le savent" - le Dr Netter expose les techniques nouvelles en matière d'avortement et estime que l'avortement bien fait est d'un risque un peu moindre que celui d'une grossesse menée à terme, à condition que ce soit dans les trois premiers mois.

La position de la médecine et la conjoncture en Angleterre

- André Géraud : "Docteur Netter, si une jeune fille enceinte vient vous trouver et vous dit qu'elle veut garder son enfant que lui conseillez-vous ?".. "vous ne faites pas de la propagande pour l'avortement ?" - A.Netter : "Ecoutez, il nous arrive souvent de voir des filles de 18 ans qui viennent nous voir et disent je ne veux pas le garder. J'essaie d'abord de lui demander quelles sont ses raisons et dans les cas les plus habituels nous arrivons à faire admettre cette grossesse et à la faire aller à terme. Et dans la grande majorité des cas, les femmes viennent nous remercier de leur avoir demandé de le conserver" - L. Neuwirth : "Nous n'avons pas suffisamment d'hôtels maternels et ce qui est tristement remarquable c'est que le pourcentage le plus élevé de fréquentation ce sont les toutes jeunes filles qui se retrouvent en état de grossesse due à leur ignorance car personne ne leur a jamais expliqué que l'on pouvait un jour se trouver enceinte, et comment." - J.P Elkabbach : "J'ai entendu dire qu'un certain nombre de médecins envisageaient de pratiquer l'avortement malgré la loi et de le dire. Est-ce qu'il vous semble que ce soit une bonne manière de contourner la loi ? - Dr Netter : "Je crois que c'est une bonne manière de parvenir en effet à faire admettre que la loi doit être modifiée" - L. Neuwirth :"Je crois que tout le débat aura prouvé au moins une chose, c'est que on a pris conscience dans notre pays que l'avortement existait, qu'il y avait une loi qui le régissait, que cette loi était mauvaise et qu'il fallait la modifier". L. Neuwirth lit les nouvelles recommandations du Conseil de l'Europe (plans du document, projet de résolution du Conseil de l'Europe, entre les mains de L.Neuwirth) en ce qui concerne l'usage des produits contraceptifs et l'avortement dans les Etats membres du Conseil de l'Europe - F. Deschamps : "Pourquoi tant de résistance envers un progrès dans ces lois de l'avortement (..)" - L. Neuwirth : "il faudrait le demander à ceux qui résistent" - F.Deschamps : "Je crois que vous résistez tout de même un petit peu.." - A. Netter : "Nous résistons en effet un peu et l'exemple de l'Angleterre n'est pas très encourageant. L'avortement doit être gratuit, sans cela vous allez aboutir à l'éclosion d'un commerce de l'avortement qui est la chose la plus pénible et désagréable qui soit" - F. Deschamps : "Il existe ce commerce. Il y a des sages-femmes, il y a des médecins qui, en France se font payer fort cher, beaucoup plus cher qu'en Angleterre pour faire des avortements, et j'en connais, et vous le savez bien docteur, et la liberté individuelle ne sera pas reconnue ?" - A. Netter : "Il me semble.. Mais je suis peut être trop vieux !.. que malgré tout la conception est un geste qui doit être conscient, qui doit être volontaire, et j'ai peur que si l'avortement est entièrement libéralisé, la conception devienne un acte animal".

L'enjeu de l'information sexuelle

- F. Deschamps : "Au cours de beaucoup de mes reportages j'ai travaillé dans des milieux qui sont de la souffrance, des Français inférieurs sur le plan de la conscience. Vous savez bien que la reproduction animale elle existe" - A. Netter : "Oui elle existe..j'ai eu beaucoup de cas de femmes qui étaient enceintes parce que leur mari était en état d'ivresse, il est tout à fait légitime de faire un avortement dans ce cas là" - F. Deschamps : "Ne croyez vous pas que vous allez avoir beaucoup d'avortements légitimes à faire?" - J.P Elkabbach : "M. Neuwirth, une commission de l'Assemblée nationale a hier approuvé votre proposition de création d'un office national d'information familiale et probablement d'éducation sexuelle" - L. Neuwirth : "La sexualité ça existe c'est une chose, mais il y a aussi la transmission de la vie qui est un autre domaine, et lorsqu'il arrive à ce moment là un accident malheureux dans le secteur de la transmission de la vie, à ce moment là, oui le problème de l'avortement est posé et ne peut pas être résolu dans le cas de la loi de 1920. Ce qui à nos yeux compte, et nous sommes nombreux à le penser, c'est d'essayer d'améliorer les individus, les hommes, les femmes, de les former, de les informer, de faire en sorte qu'ils rentrent dans cet univers conscient, qu'ils sachent parfaitement ce qu'ils font, qu'ils aient les moyens de le faire".

La perspective de la bataille politique

- F. Deschamps : "Vous parlez pour l'avenir mais qu'est ce que vous allez faire pour le présent ?" - Neuwirth : "D'abord ne plus tergiverser pour travailler dès demain pour l'avenir, ne pas remettre à demain l'éducation sexuelle dans les écoles .. pour les cas qui existent, c'est vrai nous devons très vite modifier la loi sur l'avortement, non pas pour faire une loi définitive mais je dirais pour faire une loi de transition qui répondra aux drames que nous connaissons actuellement. Nous avons besoin d'une loi de transition, il faut la faire et je le dis" - F. Deschamps : "Et pensez-vous que vous la ferez avant les élections ? et que ce n'est pas un bon moment de lancer la bataille de l'avortement comme on a lancé la bataille de la pilule pendant une campagne électorale ?" - L. Neuwirth : "Madame, la bataille de la pilule remonte bien avant ma présence au Parlement, c'est une vieille bataille, elle n'est pas encore gagnée. Il est vrai que les problèmes électoraux comptent pour tout. Le problème de l'avortement est un problème qui nous concerne tous, c'est un problème de liberté individuelle et de conscience collective, voilà pourquoi je souhaite que les élections n'aient rien à voir dans le domaine de l'avortement et de la loi que nous devons sortir très vite.. Je m'exprime en tant que législateur chargé de mettre en place une loi" - Elkabbach : "Il y a une proposition de loi d'un député de la majorité, le Dr. Peyret, UDR et qui traîne depuis deux ans et qui n'a pas progressé. Alors est-ce que vous n'avez pas été trop optimiste, est-ce que vous serez suivi, pas seulement dans votre formation politique, mais dans d'autres formations politiques qui ont peut être l'impression que c'est peut être pas un thème électoral ?" - L.Neuwirth : "C'est vrai que mon expérience personnelle en ce qui concerne la loi sur la contraception m'a appris à ne pas être optimiste mais à continuer à me battre". - A. Netter (s'adressant à F. Deschamps) : "Madame, dans l'Etat de New York l'avortement a été rendu libre et puis ils ont fait machine arrière dans un an cette loi n'aura plus lieu et ceci parce qu'ils ont constaté qu'il y avait beaucoup d'inconvénients. En Suisse ils ont des commissions qui décident s'ils sont d'accord ou pas, et je trouve que c'est un assez bon système". - Conclusion de L. Neuwirth (agacé, s'adressant à F. Deschamp) : "Ecoutez madame, vous poussez à l'extrême les positions une loi de transition. On doit sortir de l'avortement clandestin qui est une catastrophe, je rejoins le Dr. Netter là dessus, et en plus l'avortement payant dans des conditions de mercantilisme est révoltant".

(adaptation de la notice Ina médiapro : CAF88038215.)

Notes complémentaires

Actuel 2 a traité une seconde foi du sujet sous le titre : "Avortement : libération de la femme ou politique de la famille?" le lundi 10/12/1973 à 20h37.

Résumé INA : A l'occasion du prochain débat, à l'Assemblée nationale, d'un projet de loi visant à réviser et à libéraliser la loi de 1920 relative à l'avortement, Jacques Idier reçoit Claude Peyret, député UDR et rapporteur du projet de loi, qui est interrogé par les journalistes Jean-Claude Petit (La Vie catholique), Noël Bayon (L'Aurore), Claudine Escoffier Lambiotte (Le Monde), et Irène Allier (Le Point)". En incrustation, les résultats d'un sondage d'opinion Sofres l'Express. Claude Peyret indique qu'en dépit d'une opinion publique plutôt favorable à la libéralisation de l'avortement, les parlementaires ont été sensibles aux pressions récentes, au lobby exercé par les opposants à l'avortement et à la modification de la loi de 1920. Bien que catholique, il considère que la religion ne doit pas intervenir dans notre Etat laïc. Il répond aux questions relatives aux intérêts économiques des opposants et partisans du projet de loi. Evoque le contenu de sa proposition de loi, élaborée depuis plusieurs mois au sein d'un groupe d'étude parlementaire présidé par le Dr. Berger, concernant la contraception, l'éducation familiale, et l'avortement. Pour améliorer les conditions de la contraception en France, il préconise de supprimer en priorité les autorisations pour les mineures, car ce sont elles qui recourent le plus souvent à l'avortement clandestin; d'obtenir le remboursement des contraceptifs par la Sécurité sociale, et souhaite que l'on trouve en France, comme dans tous les pays d'Europe, des préservatifs en vente dans des distributeurs. En ce qui concerne l'information et l'éducation sur les problèmes de la vie, des décrets d'application et des crédits ont été accordés pour la première fois cette année dans le budget de la santé publique. Il évoque les lenteurs et retards dont la loi Neuwirth a fait l'objet, et pense qu'il faudra lever tous les interdits en ce qui concerne la publicité des procédés anti-conceptionnels. La solution de l'adoption en réponse au drame de l'avortement a été envisagée dans sa proposition de loi. Les invités évoquent la question de savoir si l'avortement est un meurtre, celle du début de la vie humaine, le problème éthique posé aux médecins, le problème et les drames causés par les avortements clandestins; la création, prévue par le projet de loi, de centres destinés à la prise en charge des futures mères en désarroi; et les avortements pratiqués actuellement dans un certain nombre de centres d'orthogénie avant la dixième semaine.

Références et documents externes

Contributeurs

  • Auteurs de la fiche : Joël Danet