L'alcoolisme 1. une maladie contemporaine (1966)

De Medfilm



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Titre :
L'alcoolisme 1. une maladie contemporaine
Série :
Année de production :
Pays de production :
Réalisation :
Conseil scientifique :
Durée :
22 minutes
Format :
Parlant - Noir et blanc - 16 mm
Langues d'origine :
Sous-titrage et transcription :
Sociétés de production :
Commanditaires :
Archives détentrices :

Générique principal

Contenus

Thèmes médicaux

Sujet

La prise en charge des malades de l'alcoolisme dans un établissement de post-cure.

Genre dominant

Documentaire

Résumé

Le film commence par un long développement à propos de jeunes motards s'exerçant sur un circuit de course : la lutte avec la vitesse exige d'eux une lucidité qui exclut la prise d'alcool. Le film nous entraîne ensuite dans un établissement de post-cure, évoque la prise en charge des patients à ce stade de leur traitement. Par leur voix ou celle des médecins, le film caractérise la maladie de l'alcoolisme et décrit l'évolution positive de leur santé physique et mentale. Le film cherche à ne pas aborder frontalement l'alcoolisme, au rebours de « L'alcoolisme » de Bachelart (1960). Pour cela, il commence par une longue séquence introductive qui paraît sans rapport avec le sujet. De même, les patients ne sont pas montrés. Pendant qu'on les écoute, on découvre des aspects du parc qui peuvent suggérer un renvoi à leur état intérieur, au moment où celui-ci s'est apaisé avec la post-cure.

Contexte

Politique sanitaire

Aux XIXe et début XXe siècles, place de choix de l'alcool dans le quotidien des classes laborieuses. Le vin, présent à table, était considéré comme une boisson vitalisante dans les sociétés rurales traditionnelles. Cet usage du vin se retrouve dans les modes de vie du prolétariat urbain. Les campagnes anti-alcooliques se multiplient depuis le dernier tiers du XIXe siècle (répression de l'ivresse publique par la loi du 13 février 1873, interdiction de l'absinthe juste avant le début de la guerre de 1914, obligation de l'enseignement "sur les dangers de l'alcool au point de vue de l'hygiène, de la morale et de l'économie sociale et politique"). Le cinéma participe rapidement à ces campagnes, cf. les films de Comandon et O' Galop, Petites causes, grands effets ou L'oubli par l'alcool réalisés en 1918.
À partir de 1954, sous l'impulsion du gouvernement Mendès-France, développement de l'action publique contre l'alcoolisme :
- fermeture des débits de boissons et réglementation des points de vente (sur les lieux de travail notamment : les employeurs doivent désormais mettre de l'eau potable à disposition de leurs salariés)
- développement de la prévention routière et prévention scolaire
- lancement de campagnes publicitaires anti-alcool
- réglementation de la publicité avec interdiction d'associer l'alcool au sport et à la conduite en automobile.
En 1954, le Haut Comité d'Études et d'Informations sur l'Alcoolisme est créé.

Éléments structurants du film

  • Images de reportage : Oui.
  • Images en plateau : Non.
  • Images d'archives : Non.
  • Séquences d'animation : Non.
  • Cartons : Non.
  • Animateur : Non.
  • Voix off : Oui.
  • Interview : Oui.
  • Musique et bruitages : Non.
  • Images communes avec d'autres films : Non.

Comment le film dirige-t-il le regard du spectateur ?

La narration est propre au genre documentaire, entre le reportage et l'essai réflexif : alternance de séquences descriptives et d'entretiens. Les images, prises sur le vif, sans reconstitution, tout en décrivant une situation ou un lieu, peuvent symboliser des états intérieurs évoqués par le commentaire. Celui-ci, sur le mode du je, est parcimonieux, et écrit dans un style littéraire, propre à une réflexion au long cours (et non à un simple commentaire de reportage). L'auteur est montré en situation d'entretien, posant les questions telles qu'elles lui viennent, pareil à Claude Lanzmann ou Marcel Ophuls.

Comment la santé et la médecine sont-elles présentées ?

Le personnel soignant est montré comme un personnel à l'écoute, attentif aux besoins psychologiques du patient. La parole est longuement laissée aux médecins interrogés pour qu'ils fassent part de leur analyse et de leur expérience. Certains ont déjà acquis une notoriété, comme le Dr Raby, fondateur du centre.

Diffusion et réception

Où le film est-il projeté ?

Établissements scolaires par la télévision scolaire

Communications et événements associés au film

Programme du bulletin de la RTS

Public

Classes de transition

Audience

Descriptif libre

Préambule – chez les jeunes : ivresse… de la vitesse
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GP sur un panneau de localité : « Montlhéry en Seine-et-Oise. » Pano sur la route qui traverse un village. Voix off : « J'ignore si cette époque est exceptionnelle. Je me méfie de ce type de considération sur le monde contemporain. Il n'en est pas moins vrai que ce jour-là, Astérix le Gaulois aurait été surpris. » Incidemment, le principe du film est déjà posé : sur des prises de vues documentaires, le commentaire développe des considérations de portée philosophique et sociologique, soigneusement écrites, sur le mode du "je". Nous évoluons entre l'effet de proximité des images et la distance prise par le commentaire. Vue sur un essaim de motos qui envahit la piste d'un circuit en ellipse. « Sur le manège cimenté, quelques bolides à deux roues nous avaient donné rendez-vous pour une étrange cérémonie. » La course est finie. Les conducteurs ôtent leur casque : nous découvrons qu'ils sont jeunes, garçons et filles mêlés. « Ceux-là ont le culte de la vitesse. Le bruit ne les dérange pas. Le voisin ne va pas tempêter : ils ont un lieu pour leur abus d'essence. Je les ai regardés tourner, ils avaient l'air heureux. Beaucoup plus tard, j'ai compris que ces images me serviraient à introduire mon propos. Devant les vitesses atteintes, on ne peut s'empêcher de penser que la technique est une esclave dangereuse, dont les révoltes sont directement proportionnelles aux performances. Plus elle progresse, plus elle exige de ses maîtres tension, précision, équilibre. » Rassemblés en PG autour d'une table en compagnie de leur entraîneur, le champion Georges Monneret, ils sont interpellés par l'auteur : « On dit souvent qu'il faut boire un coup avant de monter sur une moto... » Suite de GP sur des visages esquissant le même sourire surpris. Monneret s'emporte : « En 41 ans de métier, je n'ai jamais vu un champion faire ça. » Une jeune fille prend la parole pour affirmer qu'elle ne trouve pas dans l'alcool un plaisir équivalent à celui de la moto. Ainsi, nous progressons vers le sujet : les jeunes ne privilégient pas forcément l'alcool parmi les plaisirs qui s’offrent à eux, c'est au contraire un frein à l'épanouissement quand on lui préfère la vitesse. En effet, pour Monneret, « ce n'est pas la moto ou la voiture qui est dangereuse, c'est celui qui la conduit. »
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Un discours subtil, une approche sensible sur l'alcool
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Une fois dehors, les motards enfourchent à nouveau leurs engins. Un enfant de dix ans, le fils de Monneret, les accompagne sur une moto miniature. GP sur sa menotte qui agace la poignée de l'accélérateur. « Vous ne les trouvez pas curieux, ces enfants? Ils se sont déjà mis à la dimension du monde, plus rien ne les étonne. Ils manieront demain des machines électroniques. Peut-être iront-ils voir les étoiles de plus près. » Ainsi, le commentaire prend de plus en plus de champ avec son sujet, jusqu'aux étoiles... En passant, il valorise aussi l'image des jeunes. Sans nier leur inclination au danger, à la prise de risque par le biais de la vitesse, il estime que c'est un moyen pour eux de se projeter aux avant-postes du monde en marche. Peut-être est-ce un moyen d'amener le jeune public des productions scolaires à approcher en confiance le sujet de l'alcoolisme, soulagé de ne pas être confronté aux stéréotypes véhiculés à leur sujet.
[09'30"]

Entrée en post-cure
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Nous quittons le circuit... Piano et violoncelle mélancoliques se posent sur un travelling depuis l'intérieur d'une voiture. Nous avançons sur l'allée d'un parc vers les bâtiments blancs d'une belle demeure. En longeant ensuite le mur d'enceinte, nous traversons l'ombre projetée par un bosquet d'arbres avant de retrouver le parc inondé de la lumière du soleil. Ce plan introduit la suite du film en suggérant une épreuve qui a pris fin. « Ils avaient besoin d'herbe verte et d'espace. Ils ont fui le bruit et la vitesse, les journées difficiles, le travail impitoyable, les questions déchirantes. Il leur fallait un miroir pour se reconnaître » A l'image, une étendue d'eau montrée en pano par-delà les arbres. De nouveau, le message interprète le site. « La Seine offre le sien. Ces hommes dont nous ne verrons pas le visage affrontent dans une semi-clandestinité un mal qui les assiège. Il leur permettait parfois d'oublier, mais il les détruisait inexorablement. »
[11'54"]

Avancer aux côtés du malade
[11'54"]
L'auteur marche dans le parc en compagnie d'un médecin. Celui-ci indique que nous nous trouvons dans une propriété nobiliaire qui a été reconvertie en établissement de post-cure « destiné à recevoir en convalescence des hommes désintoxiqués ». Nous apercevons des silhouettes d'hommes avancer çà et là parmi les arbres. « Ces hommes ont engagé une lutte contre la drogue la plus répandue dans notre société : l'alcool ». Ainsi, le film cherche à provoquer l'empathie pour les malades de l'alcool tout en impliquant celui-ci dans la toxicomanie. Là aussi, le discours cherche à lutter contre le préjugé du public, en stigmatisant l'alcool (qui est bien une drogue) et en déculpabilisant l'alcoolique (qui a des raisons de boire). « La vie leur était devenue impossible. Certains étaient au bord de la catastrophe (un mot qui revient souvent dans le film pour qualifier le destin de l'homme qui ne s'est pas arrêté de boire). Ils se soignent aussi pour leur femme et leurs enfants. C'est dans leur foyer que la douleur est la plus vive. »
[13'23"]

L’alcool, danger physique, tentation renouvelée
[13'23"]
Un autre médecin dans son bureau : le Dr Fouquet. Il parle avec aisance du sujet, comme s'il habitué à le traiter en public. Il dégage même un certain charisme. L'auteur : « L'alcoolisme est considéré comme un vice. Comment le définiriez-vous? »Le médecin : « En effet, les alcooliques sont des malades de la volonté. Ce sont des êtres faibles. Les médecins pensent qu'il s'agit d'une maladie qui peut d'abord se définir comme la perte de la liberté de s'abstenir de l'alcool. Perdre de la liberté de se comporter normalement vis-à-vis du monde extérieur, c'est pathologique. » Vue sur l'onde du cours d'eau qui frissonne. Voix off d'un malade : « On sort faire une course, on prévoit de rentrer dans le quart d'heure. On rencontre un copain, ou même pas, en tous cas, quelque chose nous pousse à entrer dans un bistrot. »Le médecin reprend en in : « Cette maladie a aussi des effets sur le corps et l'esprit. » De nouveau la voix off du malade sur une vue du parc. C'est un montage parallèle qui appuie d'exemples personnels un exposé théorique sur le cours de la maladie. « On est drogué. On s'énerve, on a des gestes inconscients. » Le médecin rappelle que l'alcoolisme peut donner des cirrhoses, des polynévrites (atteintes du système nerveux), des troubles du caractère. « Sur le plan intellectuel, il y a aussi un affaissement, un appauvrissement qui peut aller jusqu'à l'encéphalopathie – la démence. On peut devenir alcoolique à quarante ans, lorsqu'on a bu plus d'un litre de vin par jour à partir de dix-huit ans. C'est le facteur toxique qui est au premier plan, comme il est fréquent en France. Une autre forme, aussi courante, atteint les jeunes, quand ce sont des individus phobiques, inquiets, mal dans leur peau. » Voix off du malade sur une vue de piquets plantés dans l’eau, aux abords de la rive : « Celui qui n’a pas de famille, ou qu’il a une famille que ça ne vaut pas le coup de les citer, et bien, il cherche un abri, comme quand il pleut.
Au docteur : « Est-ce que l’alcool a de vertus particulières ?- Ah, bien sûr. J’espère que vous avez bu un bon verre de vin et senti combien c’était agréable ! »
[17'53"]

Démocratisation de l’alcool, naissance d'un toxique social
[17'53"]
Par la voix du médecin, le film continue de développer un discours subtil à propos de l’alcool, en ne niant pas le plaisir qu’il procure. Voix off du malade : « Il m'a fallu une cuite pour aller demander une embauche à un patron. Ensuite, je suis resté cinq ans chez lui. Si je n'avais as bu, je n'aurais pas pu. » Il évoque le café comme un abri, un refuge, n'ayant jamais vu sa famille depuis qu'il a quatorze ans. Pour le médecin, l'alcool est « le privilège de l'homme. » Il est beaucoup moins répandu chez les femmes « quoiqu'on manque de statistiques fiables. » En revanche, il concerne toutes les classes. Il ne s'agit pas seulement d' « alcoolisme ouvrier » ou d ' « alcoolisme mondain ».
« C’est bien pour cela qu’on le considère comme une maladie ». À plusieurs reprises, l’auteur se fait l’avocat du diable : on dit que telle personne a beaucoup bu sans en avoir souffert, on dit que le whisky dégage les artères… Le médecin hoche de la tête d’un air entendu, comme s’il était rompu à ce type d’arguments, avant de les réfuter sereinement. Par sa réaction, on devine là aussi qu’il s’agit d’un orateur qui a forgé un argumentaire sur la question de l’alcool et l'a confronté au public. « On ne peut pas dire que le whisky est un médicament. On a aussi dit que le vin avait gagné la guerre, que le pinard avait fait des hommes forts, virils, et généreux. Tout ça, ce sont des arguments bassement publicitaires. » L’ouvrier insiste sur la pression des autres qui pousse à boire : c’est un effet de camaraderie. « Il faut que le gosse, il se mette à la portée de tout le monde. C’est un bain. » Un autre ouvrier revient sur la hantise du café : « Il faut dire qu’ils sont bien placés. Quand on rentre fatigué ou qu’on revient d’un long voyage, il y a toujours un café devant vous. » Le médecin insiste sur la démocratisation de l’alcool, à la source de l’alcoolisme. « Au XVIIIe siècle, l’alcool était rare, de fabrication et de conservation difficiles. Depuis un siècle et demi, il est disponible en tout temps et en tout lieu. » Il ajoute : « Peut-être en effet que l’homme a besoin d’un certain toxique, en tous cas ne choisissez pas celui-là. »
Retour sur le circuit de vitesse avant le générique de fin. Le film suggère-t-il qu’en fait de toxique nécessaire, autant choisir le risque et l’ivresse de la vitesse, ainsi que l’ont déjà compris les jeunes motards présentés dans sa première séquence ? Jusqu’à la fin, en tous cas, il poursuit un discours remarquablement nuancé. Pour caractériser l’alcoolisme comme une maladie, il prend soin de ne stigmatiser aucune catégorie de population, de même qu’il ne développe aucun argumentaire binaire, manichéen, à l’encontre du public jeune qu’il aurait constitué en stéréotype. De cette manière, ses auteurs espèrent le mettre en confiance, première étape pour qu’il opère la prise de conscience de leur message.
[22'34"]

Notes complémentaires

Références et documents externes

Contributeurs

  • Auteurs de la fiche : Joël Danet
  • Sous-titres Anglais : Élisabeth Fuchs