Haute-Ariège, le portrait d'un médecin de campagne (1972)

De Medfilm



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Titre :
Haute-Ariège, le portrait d'un médecin de campagne
Série :
Année de production :
Pays de production :
Réalisation :
Durée :
6 minutes
Format :
Parlant - Couleur -
Langues d'origine :
Sous-titrage et transcription :
Sociétés de production :
Archives détentrices :
Corpus :

Générique principal

Journaliste : Claude Stéphane

Contenus

Sujet

Conditions d'exercice de la médecine générale dans une région reculée de la France.

Genre dominant

Documentaire

Résumé

Témoignage d'un médecin de campagne en Haute Ariège. Il sillonne toute l'année les routes du canton, au volant de sa voiture, pour visiter ses patients.

Contexte

Médecine

Le film vise à rappeler le rôle clé que joue le médecin généraliste dans un réseau de prise en charge sanitaire lié à un territoire donné (généraliste – spécialiste - hôpital), mais aussi, décrire son action au sein d'une sociabilité rurale, en tant que médiateur de l'institution médicale. Le ministère de la Santé, créé en 1920, est longtemps resté une administration centrale sans service extérieur. Pour mener à bien sa politique, et notamment ses mesures hygiénistes, il a dû lutter contre une trop grande décentralisation des politiques sanitaires et sociales alors confiées aux municipalités et aux départements. Sous Vichy, un Code de la Santé publique est promulgué et un service public central institué. À la Libération, le Plan Debré achève cette prise en charge nationale des problèmes sanitaires et sociaux.

Société française

Le film fait écho à la situation contemporaine de la ruralité. La France est engagée dans un mouvement de désertification de certaines de ses zones rurales et de poursuite de la centralisation qui crée des déséquilibres importants dans le réseau territorial. En 1947, le géographe Jean-François Gravier écrit Paris et le désert français, ouvrage dans lequel il rappelle que le centralisme politique hérité de l'Ancien Régime a gagné, de proche en proche, les sphères économique, culturelle, éducative, jusqu'à faire de la centralisation parisienne la règle générale. Vingt ans plus tard, le sociologue Henri Mendras mène une étude dans le monde paysan. Son livre, La fin des paysans, annonce la disparition de l'"état de paysan" et l'émergence du "métier d'agriculteur", dans une période marquée par l'exode rural et la modernisation. Selon Bertrand Hervieu, également sociologue, cette fin correspond à celle d'une "société de transmission-assignation", car on naissait, travaillait et mourait paysan. Mais il évoque aussi l'amenuisement numérique des paysans dans la société française, qui est rappelé dans le film.

Éléments structurants du film

  • Images de reportage : Oui.
  • Images en plateau : Non.
  • Images d'archives : Non.
  • Séquences d'animation : Non.
  • Cartons : Non.
  • Animateur : Non.
  • Voix off : Oui.
  • Interview : Oui.
  • Musique et bruitages : Non.
  • Images communes avec d'autres films : Non.

Comment le film dirige-t-il le regard du spectateur ?

Depuis les années cinquante, les sujets de JT ou les documentaires télévisés qui traitent de la médecine en milieu rural se centrent sur le personnage du « médecin de campagne » et structurent leur narration par la récurrence d’une situation type : les trajets en voiture que ce médecin doit accomplir pour couvrir le ressort territorial de sa patientèle. Ces documentaires filmés au plus près du terrain du médecin. Par leurs similarités de traitements, ils montrent un rapport particulier à l’espace qu’engage la responsabilité de soigner dans des territoires isolés. Ils témoignent par ailleurs d’un souci constant de « dramatiser » auprès des citoyens la représentation des espaces ruraux, objet de désertification, vieillissement et déshérence.

Comment la santé et la médecine sont-elles présentées ?

Le personnage du médecin de campagne constitue un intermédiaire entre l'institution sanitaire et la population. Il représente l'institution auprès des personnes qu'il va soigner, et symétriquement, il se fait porte-parole de la population quand il témoigne des pensées et des émotions qu'il a recueillies auprès de ses patients. Ici, le médecin est ancré dans le terroir, il en a l'accent et sa parole est directe et franche.

Diffusion et réception

Où le film est-il projeté ?

Télévision, Première chaîne, diffusion le 30 septembre à 19h05

Communications et événements associés au film

Public

Audience télévisuelle

Audience

Descriptif libre

L'arpentage d'un territoire

Une voiture DS avance sur la route sinueuse tracée dans un paysage montagneux. Elle ne rencontre aucun autre véhicule sur son passage. De même, le paysage qui se déploie dans les plans larges est solitaire. En incise, un plan dans la voiture, avec le médecin filmé tantôt en contre-plongée, tantôt de dos. C'est sa voix qui occupe la bande-son. Il parle de lui, de son expérience de médecin, de son rapport à la population. Aucune introduction de journaliste à son témoignage. Un accent de terroir marque sa voix. "Il y a quinze ans que je suis médecin dans mon canton de montagne. J'ai 27 communes. Et il est six heures du soir. Et j'en suis à ma quatorzième visite. Je connais toutes les familles. Je suis le seul médecin dans le coin. Je fais 70000 kms chaque année." Son ton est las alors qu'il aligne des chiffres précis qui témoignent de l'étendue de son ressort et de l'exigence de disponibilité et d'énergie qui en découle. Pas de musique, mais le bruit assourdi du moteur et un cliquetis dans l'habitacle au moment où il se tait : le son est pris de l'intérieur du véhicule, y compris quand celui-ci est filmé de l'extérieur depuis le bord opposé de la route. (01:09)

Une visite dans un hameau

À l'angle d'un muret de pierres sèches surgit le nez de la voiture qui s'immobilise. La caméra garde le même point de vue alors que le médecin sort de l'habitacle. Dézoom sur le médecin qui avance dans l'allée bordée par le muret, marche d'un pas résolu et tourne sans hésiter à droite pour passer un seuil de maison voilé par un rideau à franges. Le plan large ainsi créé montre en vis-à-vis de la maison une bâtisse fruste aux grandes ouvertures sans vitres, avec un plancher supportant des cageots empilés. Alors que la voix du médecin se fait entendre, disant "Bonjour", pano qui rejoint un des murs pignons avec une étroite ouverture en son centre. Léger zoom sur cette ouverture qui donne aussitôt sur un plan en intérieur, pris de l'autre côté. Le médecin se penche sur une femme âgée. "Ouvrez les yeux", lui dit-il. Alors qu'il continue son examen, dézoom qui extrait le regard de l'intérieur de la maison pour lui faire épouser un point de vue depuis la chaussée sur la fenêtre à côté de la porte d'entrée. Pano vers la gauche, comme en promenade. Le muret est franchi, des poules picorent le sol sous le plancher de l'étage du bâtiment qui fait face à la maison, la masse noire d'un chien occupe le bord cadre gauche. Tout ce soin apporté à la description des abords de la maison où se passe la visite témoigne d'un souci d'évoquer son contexte. Ce sont comme des notes filmiques qui se succèdent pour rappeler la configuration caractéristique d'un hameau et le voisinage des animaux avec l'habitant. La voix du médecin continue d'interroger, en off : "La tête vous fait mal?" Il sort par la porte à rideau, va rejoindre sa voiture. Une voix se fait entendre : "Au revoir monsieur!", travelling d'accompagnement jusqu'au moment où il ouvre la portière et s'installe au volant. Alors qu'il manoeuvre pour s'extraire de l'étroite allée, un piano fait entendre ses arpèges en roulis mélancoliques. (02:43)

La fin de la séquence consacrée à l'itinérance du médecin revient sur le motif de la voiture sillonnant une route sinueuse dans un désert de garrigues aux reliefs contrastés. En commentaire, sa voix : "je rentre au cabinet, j'espère que c'est fini". Expression d'incertitude sur la quantité de travail que suppose chaque journée, et sur la lassitude que cause sa pratique. Dans le raccord avec la scène suivante, un cri de bébé : ce n'est donc pas fini. Gros plan sur un bébé qui pleure, examiné par le médecin accompagné par sa mère. "Ouvre la bouche!" dit-il à l'enfant. Ses gestes pour chercher la pommade dans la pharmacie de son cabinet sont vifs et méthodiques. Dès qu'il replonge dans l'action, il recouvre son énergie. (04:01)

Entretien au domicile

Dans un couloir de vestibule, une sacoche est posée sur une petite table installée devant une double porte. Le médecin est chez lui. En off, la question du journaliste : "Votre journée prend fin à quel moment exactement?" La caméra pivote pour passer la cloison qui sépare le vestibule du bureau du médecin. Il est assis devant des rayonnages de livres aux couvertures uniformes, devant une table chargée de papiers qui le sépare du journaliste qui est assis en face de lui. Le médecin a un geste vague pour dire son impuissance à répondre précisément. "C'est impossible de dire. La journée est finie, mais la nuit commence." Le journaliste le lance sur la solitude que doit éprouver un médecin exerçant en zone rurale. Le médecin, visage fermé, répond de sa voix monotone mais au ton ferme : "Je pense que je fais de la médecine, je ne veux pas dire la meilleure médecine, mais ce que je fais est très varié. Seul évidemment, parce que je dois décider seul. La médecine c'est difficile. Ça progresse, il faut se recycler. Il n'est pas possible chaque fois qu'on a un problème de faire hospitaliser les malades, ce qui serait la solution idéale et de tout repos : d'abord parce qu'ils sont souvent réticents, ensuite parce qu'on ne peut pas encombrer les hôpitaux. Il ne faut donc compter que sur soi. C'est ce qui ennuie le plus les médecins comme moi, car s'il se trompe..." Le médecin hausse les sourcils, écarquille les yeux pour évoquer son appréhension devant une hypothèse qui se présente chaque jour à lui. Le journaliste lui demande s'il y a des avantages. Le médecin répond : "la liberté, la gentillesse des gens, la considération c'est fini, mais il parfois même de la reconnaissance et surtout la satisfaction personnelle." Dernier plan sur son visage que jamais un sourire n'anime, au regard résolu qui fixe le journaliste pour appuyer des propos qu'il énonce sans jamais hésiter, comme lorsqu'on fait part de l'expérience de toute une vie.

Notes complémentaires

Références et documents externes

Contributeurs

  • Auteurs de la fiche : Caroline Sala, Joël Danet