Présentation du quotidien dans les infrastructures médicales françaises
À partir de 1915, consécutivement aux lourdes pertes des premiers mois de la guerre, un nouveau schéma d’évacuation des soldats blessés est mis en place. L’objectif est une prise en charge plus précoce des blessés, au plus proche de la ligne de front, afin de limiter les pertes. Ce film nous introduit, dans ses premières minutes, diverses infrastructures de cette nouvelle organisation à travers la présentation d’un poste de triage, de plusieurs ambulances et d’hôpitaux d’évacuation et intérieur. L'opérateur filme le quotidien de ces infrastructures et de leurs personnels : visite d’un abri sous-terrain à Reims, nettoyage des douches au château de Virly, laverie de l’ambulance des contagieux de Fimes, etc. La plupart du temps, la prise de vue panoramique est effectuée depuis l’extérieur des bâtiments réquisitionnés pour la durée du conflit et, sans les cartons et les allées et venues du personnel médical, rien ne nous laisserait penser qu’il s’agit d’infrastructures médicales – si ce n’est peut-être la présence de baraquements provisoires en bois. Ainsi, la présentation de l’hôpital Notre-Dame d’Épernay s’attarde sur une scène de rue avec des civils et des voitures hippomobiles.
Les acteurs médicaux
Les différentes séquences nous présentent tour à tour différents acteurs du corps médical de l’époque. Ainsi, au poste de triage de Reims, nous pouvons distinguer au premier plan la présence d’un médecin-inspecteur. Comme les autres généraux, il porte l’uniforme des officiers sur lequel sont cousues, au bout de la manche, des étoiles argent posées sur un écusson de velours qui ressort à l’image. Son rôle est d’organiser de façon plus rationnelle l’évacuation des blessés vers les différentes structures de soin ; on le voit d’ailleurs observer les feuilles d’évacuation des soldats blessés qui les suivront tout au long de leur convalescence. Dans la même séquence, nous pouvons également observer la présence d’un médecin aide-major de 2e classe portant une large blouse blanche. Le dixième carton nous présente l’ambulance chirurgicale du docteur Sencret à Belleville. L’ambulance est une infrastructure clef du schéma d’évacuation des soldats blessés. Évacués du poste de secours proche de la ligne de front par des brancardiers divisionnaires, c’est à l’ambulance qu’une grande partie des soins est effectuée. L’objectif est de stabiliser l’état de santé des blessés avant de les évacuer vers différents hôpitaux et centres d’évacuation. Pour ce faire, certaines opérations chirurgicales peuvent y être pratiquées (comme c’est le cas ici). Autres grands acteurs médicaux présents dans ce film : les étudiants en médecine. Lorsqu’ils atteignent la date de conscription, ils sont incorporés comme soldats dans un régiment ou dans une SIM. Après plusieurs semaines d’instruction militaire, ils sont mis à la disposition d’un médecin-chef qui est chargé de compléter leur formation. Ils peuvent ainsi être admis comme infirmiers puis, après une année de service, comme médecins auxiliaires. Les dernières séquences de notre film montrent des moments de leur formation avec des cours dispensés par le médecin-major Robert Picqué que l’on distingue par sa tenue blanche. Les étudiants manipulent des instruments et se rassemblent pour observer une opération abdominale sur ce qui semble être le corps d’un jeune patient puis pour assister à une décortication pulmonaire sur le corps d’un adulte. Leur formation doit être la plus complète possible afin qu’ils puissent, lorsqu’ils seront sur le terrain du conflit, limiter les pertes humaines grâce à leurs compétences, mais aussi leurs innovations : en temps de guerre, certains médecins se sont ainsi illustrés par leurs nouvelles approches de la médecine et des soins prodigués.
Un parcours admirable : le médecin-major Robert Picqué (1877 – 1927)
Devenu docteur en 1900, il est reçu au concours de l’agrégation de chirurgie en 1906 puis au concours d’agrégation d’anatomie et d’embryologie de médecine en 1913. La même année, il publie Traité pratique d’anatomie chirurgicale et de médecine opératoire. Lors du conflit, il est placé à la tête d’une ambulance chirurgicale hippomobile au sein de laquelle il s’illustre par sa volonté de porter au plus près de la ligne de front le secours aux blessés. Il pratique également une thérapie interventionnelle avec des moyens modernes : examens radiologiques, analyses bactériologiques et chimiques, transfusion sanguine, etc. En 1919, à la fin de la guerre, il est nommé médecin-chef de l’hôpital chirurgical complémentaire de Talence, près de Bordeaux. Avec l’appui des autorités médicales, il développe, en pionnier, le secours médical aérien. Il meurt tragiquement en 1927 en chutant de l’un de ses appareils lors d’une intervention. La Première Guerre mondiale retiendra de lui son rôle dans la modification d’une voiture de chirurgie hippomobile modèle 89 dont on peut apercevoir un exemplaire en train d’être chargé de matériels à la toute fin du film. Les « autochirs » sont une innovation du conflit : elles permettent l’organisation d’une salle d’opération transportable sur des camions. Ainsi, ce nouveau service chirurgical mobile peut servir de façon autonome, mais aussi au renfort d’une ambulance ou d’un groupe d’ambulances. Grâce à sa mobilité, l’« autochir » peut s’adapter à toutes les conditions du front.