L’équipe médicale
Depuis 1888, les médecins sont formés à l’École de santé militaire de Lyon. Admis sur concours après au moins quatre inscriptions en faculté de médecine, ils y séjournent deux à quatre ans. Ils sont inscrits à la faculté et suivent également un enseignement pratique dans les hôpitaux. Après leur thèse, ils sont nommés médecins aides-majors de 2e classe et suivent une année de formation complémentaire à l’École d’application du Val-de-Grâce. Cette année se termine par un concours à l’issue duquel les jeunes médecins sont affectés, selon leur classement, dans des régiments ou des hôpitaux de métropole ou bien d’Afrique du Nord. Ainsi, lors de la déclaration de guerre, il y a : 1710 médecins (dont 300 élèves), 5 médecins inspecteurs généraux et 20 médecins inspecteurs, 50 médecins principaux de 1re classe et 95 médecins principaux de 2e classe, 370 médecins-majors de 1re classe et 580 médecins-majors de 2e classe, 590 médecins aides-majors de 1re et 2e classe. Mais ceci ne suffit pas pour fournir en hommes la zone des armées, la zone de l’intérieur et les postes outre-mer. Aussi la mobilisation s’intensifie pour passer à 15 363 médecins mobilisés en 1915. Parmi les différents grades de l’équipe médicale filmés ici, nous pouvons distinguer deux médecins-major ou médecins aides-majors de 1re classe grâce à leur képi et insigne de grade sur leurs manches. Guidant un homme habillé en civil, avec un canotier, ils semblent attentifs aux soins apportés aux convalescents, les saluent et discutent longuement avec eux.
Des soins spécialisés
Après les déboires de l’année 1914, nous assistons à un véritable perfectionnement des soins, notamment de ceux résultants de services spécialisés qui accueillent des soldats dans les hôpitaux de l’intérieur. Parmi ces soins spécialisés, nous devons citer la rééducation et appareillage : plus de soixante-sept pour cent des blessures sont des atteintes aux membres et de très nombreux blessés, notamment dans les premiers mois de la guerre, sont amputés. Ces derniers reçoivent alors des appareils provisoires puis définitifs et bénéficient de soins complémentaires de physiothérapie et d’ergothérapie. Chaque région militaire dispose, pour ce faire, d’un centre d’appareillage. La rééducation concerne également les blessés devenus sourds et/ou aveugles. Dans cette séquence, nous pouvons apercevoir plusieurs soldats amputés bénéficiant de divers appareillages : l’un d’entre eux se déplace en béquilles axillaires plus confortables tandis qu’un autre bénéficie d’une certaine autonomie de déplacement grâce à un fauteuil roulant plus maniable. Nous notons également, au premier plan, la présence d’un membre de l’équipe médicale en train d’effectuer des gestes techniques : il s’agit peut-être d’un acte de kinésithérapie, d’un acte kinésithérapeutique ou bien encore d’une pose de bandages.
Les infirmières
Ce n’est qu’en 1907 qu’ouvre la première école d’infirmières à Paris, à la Salpêtrière (les « petites bleues ») mais les premiers diplômes n’apparaîtront qu’en 1922. La profession n’est, en effet, pas encore clairement définie : les fonctions assurées étant aussi bien celles d’infirmières, d’aides-infirmières, d’auxiliaires ou bien encore de gardes-malades. Leur trop petit nombre ne permet pas de combler le vide des hôpitaux de l’intérieur laissé par le personnel masculin appelé au front par la loi Dalbiez en 1916. L’engagement volontaire des femmes membres des sociétés de la Croix-Rouge (la Société de secours aux blessés militaires, l’Association des dames françaises et l’Union des femmes de France) permet de doubler la capacité en lits des hôpitaux militaires et de compenser cette perte. L’apport de ces trois sociétés est considérable dans les hôpitaux de l’intérieur avec environ trois mille infirmières de la Croix-Rouge détachées en renfort. C’est ainsi près de cent dix mille personnes qui sont mobilisées. À la demande des sociétés de la Croix-Rouge, un arrêté présidentiel du 19 mars 1915 leur réserve désormais l’exclusivité du port de la croix rouge sur le bandeau. Les grades sont échelonnés et vont d’aide-infirmière (ou auxiliaire), à infirmière et infirmière-major. Dans ce film, nous pouvons observer la pose d’une perfusion d’antibiotiques ou d’une solution de réhydratation par l’une d’entre elles, reconnaissable grâce à la croix rouge centrée sur son bandeau. Ayant bénéficié d’une formation médicale, elle est parfaitement apte à dispenser des soins. Cette présence féminine, idéalisée, qui « lave, panse, console et aide à mourir » dans les hôpitaux français laissera un sentiment d’infinie reconnaissance à beaucoup de soldats blessés. La société de l’époque n’hésite d’ailleurs pas à créer à travers ces infirmières volontaires un modèle d’ange gardien ou de « sainte laïque » dévouée aux soldats.
La visite de l’homme au canotier
Cette présence d’un civil dans un hôpital militaire ne peut que nous intriguer, ayant l’habitude de n’y observer que des uniformes même parmi les convalescents. Nous pouvons formuler plusieurs hypothèses sur son identité. S’aidant d’une canne pour marcher, il nous est difficile de savoir si cet homme est désormais réformé et retourné à la vie civile ou s’il agit par excès de coquetterie. Est-il un journaliste venu observer l’organisation de cet hôpital dans le but de rédiger un article de presse vantant le Service de Santé des Armées ? Dans ce cas, le film est-il orienté ? Les images montrant des montagnes d’oreillers sur lesquels s’appuient les braves convalescents ainsi que des bouquets de fleurs fraîches sur les tables de nuit peuvent résulter d’une volonté délibérée de mise en scène dans un but mélioratif. Le mystère reste entier.