La médecine militaire en générale est un phénomène à part entière, et celle de 14-18 marque sa naissance car elle est la première à être confrontée à une guerre moderne, mondiale et massive à la fois sur terre, sur mer et dans les airs. Nul pratiquant n’est préparé à la nécessité de fournir de tels soins, et il faut s’adapter rapidement à ces nouveaux maux. De plus, la société en temps de guerre est confrontée à un stress permanent et sous-jacent, même du côté des civils. Ce travail dans l’urgence a cependant vu naître des innovations majeures malgré ces conditions physiques et psychologiques terribles, comme la renaissance de la prise en charge psychiatrique, la chirurgie réparatrice, la mobilisation hospitalière, l’ambulance, etc.
Progrès de la médecine militaire
La médecine de guerre est remarquable par les innovations qu’elle génère: chirurgie d’urgence, découverte du Dakin comme antiseptique ; radiologie; autogreffes et multiplication des chirurgies réparatrices et (plus de 15 000 « gueules cassées » à l’issue du conflit) ; sérums contre le tétanos, la gangrène gazeuse et la diphtérie ; vaccination contre la typhoïde et les paratyphoïdes ; transfusions de bras à bras (grâce à la connaissance des groupes sanguins A, B et O et à l’usage du citrate de soude comme anticoagulant) ; usage du casque Adrian et des masques à gaz ; soins neuropsychiatriques ; rééducation motrice et respiratoire ; prothèses… La guerre de 14-18 marque la naissance de la médecine militaire, pour la première fois confrontée à une guerre moderne, mondiale et massive à la fois sur terre en mer et dans les airs. Nul praticien n’était préparé à de tels soins. Ce travail dans l’urgence a cependant vu naître des innovations majeures malgré ces conditions physiques et psychologiques terribles.
Soigner sur le front
Une œuvre testimoniale assez considérable des soignants de tranchées a été collectée. Et c’est en analysant l’extrait de texte de Georges Duhamel (1884-1966), La Vie des Martyrs, que l’on peut souligner plusieurs caractéristiques de cette médecine de guerre. Georges Duhamel illustre médecin, humaniste et d’écrivain marginal, parle de son expérience médicale au front. Il est aussi particulièrement renommé pour avoir usé du témoignage de guerre brut, lui-même d’ailleurs dira « où l'évidence des objets rend superflue toute conclusion », et se refusera toujours d’orner la vérité des faits par une opulence d’effets de styles littéraires. En effet ici, la plume est percutante, et un champ lexical de l’abondance et de la violence est bien présent, montrant bien que le nombre de blessés à soigner était considérable. L’auteur rapporte également les conditions désastreuses de soin, que ce soit au niveau matériel ou de l’hygiène car il fallait éviter les obus, et gérer les opérations chirurgicales dans des conditions de stérilité nulle étant donné la présence omniprésente de boue et de vermine. Louis Maufrais (1889-1977) à la base externe à l’hôpital Saint-Louis, sera aussi appelé à prêter main forte au secours des troupes. Et dans le deuxième document issu de son livre témoignage J’étais médecin dans les tranchées, le lecteur peut aussi constater les blessures impressionnantes propres au terrain ainsi que l’impossibilité de procéder à l’innovation médicale de l’époque, la transfusion sanguine, étant donné les conditions. L’eau est mêlée de boue, et il faut faire avec un peu de café. L’entassement aussi menace la bonne pratique des soins et la salubrité, étant donné qu’on n’arrive même pas à isoler les malades, et cela implique une méthode de « triage ». Il ne fait aucun doute que les images emmagasinées par ces médecins font froid dans le dos, et aucun médecin de l’époque n’était préparé à de tels événements sociaux et techniques dans le cadre de leurs compétences. Cette première guerre à ce point déshumanisé devient alors un laboratoire à ciel ouvert, mettant au défi le personnel soignant face à des maux de guerre qui marquent encore et toujours l’histoire.