Et la vie continue (1949)

De Medfilm



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Titre :
Et la vie continue
Année de production :
Pays de production :
Réalisation :
Durée :
17 minutes
Format :
Parlant - Noir et blanc - 35 mm
Langues d'origine :
Traduit :
Sous-titrage et transcription :
Sociétés de production :
Archives détentrices :

Générique principal

« Commentaire: Juliette Jeanloz; Speaker: Jean Valois; Musique: Hans Haug; Montage sonore: Maria Mongini; un film réalisé par C.G Duvanel; Genève » « Ce film est dédié aux malades et à tous ceux qui savent les comprendre et les aider »

Contenus

Thèmes médicaux

Sujet

Présentation de l’héliothérapie développée par le Dr Auguste Rollier à Leysin pour combattre la tuberculose.

Genre dominant

Documentaire

Résumé

Le documentaire présente le séjour à Leysin de patients atteints de tuberculose. Il met l'accent sur les soins prodigués, particulièrement l’héliothérapie développée par le médecin Auguste Rollier. Nous pouvons voir comment le malade est d’abord examiné, puis traité ainsi que sa vie en cure. Le film insiste sur le fait que, même en période de maladie et de convalescence, la vie, le travail et les loisirs peuvent se poursuivre. Surtout, le film donne un message d’espoir, nous montrant qu'une prise en charge de la tuberculose est désormais possible.

Contexte

Le film

Charles-George Duvanel (1906 – 1975) est un cinéaste suisse qui, pendant les années 1910 et 1920, se forme de manière autodidacte en collaborant avec des professionnels comme Émile Gos. Après des études de commerce, il se perfectionne aux côtés d’Arthur-Adrien Porchet au sein de l’Office cinématographique de Lausanne. Il développe une expertise dans les actualités hebdomadaires, lesquelles influencent la pratique documentaire de nombreux cinéastes. Ce mode de filmage devient ainsi un élément essentiel de la production cinématographique en Suisse (Jaques 2016, 165). Établi à Genève, il a poursuivi une carrière de producteur-réalisateur indépendant, se spécialisant dans la réalisation de films sur commande, notamment pour les Chemins de fer fédéraux suisses, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et l'Office suisse d'expansion commerciale. Entre 1935 et 1971, il a collaboré avec le laboratoire Cinégram de Genève, ainsi qu'avec des partenaires tels que le critique de cinéma Arnold Kohler, l'écrivain Maurice Zermatten et le musicien Hans Haug. En tant que membre fondateur de l'Association suisse de producteurs de films en 1935, il a également siégé à la Chambre suisse du cinéma de 1942 à 1963 (Cosandey 2023).

La tuberculose après la Seconde Guerre Mondiale

Et la vie continue… se situe dans le contexte d’après-guerre. Au XIXe siècle, la tuberculose a causé des dégâts considérables, devenant ainsi une préoccupation majeure des politiques de santé publique au début du XXe siècle. Pour accueillir les malades, de multiples structures ont été érigées, telles que les sanatoriums. Ce film explore l’organisation de la vie des patient.e.s au sein d’établissements à Leysin consacrés à l’héliothérapie. Depuis la fin du XIXe siècle, l’héliothérapie a été bénéfique dans le traitement de la tuberculose. Le documentaire a été tourné une année après le premier essai clinique randomisé de l’histoire de la médecine pour la streptomycine, antibiotique destiné à traiter la tuberculose. L'introduction des antibiotiques a significativement réduit le risque de contagion en Suisse, entraînant une nette diminution du nombre de décès liés à la tuberculose (passant de 3055 en 1947 à 869 en 1957, puis à seulement 20 en 2008). Cette avancée médicale a rendu les institutions antituberculeuses obsolètes. Dans les années 1960, les sanatoriums et les préventoriums ont fermé leurs portes, laissant place à une transformation de ces établissements en hôtels, cliniques de réhabilitation, ou centres de traitement pour d'autres affections pulmonaires telles que l'asthme et les allergies respiratoires (Corti 2012).

Entre 1900 et 1931, un total de 277 nouveaux édifices de tailles et de styles divers et variés sont érigés par des sociétés et des particuliers. 38 de ces bâtiments ont par exemple vu le jour en 1915. Grâce à de campagnes publicitaires très efficaces, les établissements dirigés par le médecin Auguste Rollier (1874 – 1954) connaissent un succès retentissant, propulsant Leysin au rang de destination thérapeutique emblématique. En 1940, Rollier supervise pas moins de 18 sanatoriums qui accueillent plus de 1 500 curistes venant du monde entier. En parallèle, de nombreux centres de cure indépendants ont été construits dans la station, principalement dans l’entre-deux-guerres. En 1946, la station compte ainsi 3 500 patients répartis dans 80 sanatoriums (Chappuis 2021).

Auguste Rollier

Rollier s’installe à Leysin en 1903 et ouvre la clinique Le Chalet destinée aux enfants, puis établit un véritable empire : en 1940, il est responsable de dix-huit cliniques accueillant près de 1500 tuberculeux qui bénéficient aussi de ses techniques orthopédiques. R. s’inspire à la fois de la médecine géographique, qui tire parti du climat, et des procédés héliothérapiques de Niels Ryberg Finsen au Danemark et d’Oskar Bernhard aux Grisons. Il profite de la situation idéale de Leysin pour mettre au point sa "cure solaire". Destinée avant tout aux malades atteints de tuberculose extrapulmonaire et ostéo-articulaire, elle insiste sur les effets stimulants du climat d’altitude et du bain de soleil pour l’ensemble de l'organisme. Partisan d'une médecine holiste, R. développe la notion d’"orthopédie morale", destinée à renforcer sur le plan social et moral les bienfaits physiques de l’héliothérapie. Il prône la pratique de la culture physique et d’activités renforçant la vie morale et spirituelle (chœurs de malades, bibliothèque, scoutisme). Il instaure des écoles de plein air et met sur pied en 1930 la Clinique manufacture, où les malades exercent une activité manuelle. Sa réputation dépasse les frontières de la Suisse : de nombreux médecins assistants viennent suivre son enseignement à Leysin, comme les étudiants de l’université de Lausanne, dont il sera professeur honoraire en 1928. Docteur honoris causa des universités de Lausanne (1917) et de Berne (1944). Chevalier de la Légion d'honneur. L’impact de la doctrine de R. s’estompe peu à peu après 1945. (d'ap. Barras)

Éléments structurants du film

  • Images de reportage : Oui.
  • Images en plateau : Non.
  • Images d'archives : Non.
  • Séquences d'animation : Oui.
  • Cartons : Non.
  • Animateur : Non.
  • Voix off : Oui.
  • Interview : Non.
  • Musique et bruitages : Oui.
  • Images communes avec d'autres films : Non.

Comment le film dirige-t-il le regard du spectateur ?

Le documentaire est composé d’images prises dans une clinique à Leysin et ses alentours. Il est accompagné d’une musique extradiégétique ainsi que d’une voix over qui guide les spectateurs dans l’interprétation des images. Le film s’ouvre sur le plan d’un homme qui éternue ; le commentaire intervient : « Santé ! Avez-vous songé à tout ce que ce mot veut dire ? » Par cette question, le commentateur interpelle directement le spectateur et stimule sa réflexion sur cette expression en apparence banale. Et pourtant, signale-t-il, « la santé c’est tout ». La santé est synonyme de joie, de beauté, de force. Mais dans certaines circonstances, comme la guerre, elle peut également être mise en péril. Ce commentaire combine deux modalités discursives : une modalité informative qui nous renseigne sur le sujet traité, nous oriente dans la lecture des images, et une modalité plus poétique et lyrique qui confère au discours une dimension emphatique, typique des documentaires de l’époque.

Nous observons le quotidien des patient.e.s. sur une année qui, malgré la maladie, continuent leurs activités. Le ton des images ainsi que de la bande sonore est positif afin de transmettre un message d’espoir (ce terme est d’ailleurs répété à plusieurs reprises). Jusqu’à la deuxième minute, l’intonation du commentaire est grave, conférant au propos sur la tuberculose une dimension dramatique. A d'autres passages, le film se fait plus léger légèreté afin de dédramatiser le sujet. Même si le patient doit partir loin de chez lui pour aller en cure, cela ne veut pas dire que sa vie s’arrête pour autant. Au contraire, « la vie continue », comme on peut l’entendre à plusieurs reprises. Cette formule répétée suggère que la tuberculose n’est pas fatale, qu’une solution existe combinant héliothérapie, gymnastique, thérapies occupationnelles, le tout avec le soutien bienveillant et professionnel du corps médical.

Comment la santé et la médecine sont-elles présentées ?

La santé et la médecine sont présentées dans des activités quotidiennes. Nous pouvons voir le parcours de patients, des examens médicaux qu’ils subissent, des soins apportés durant la cure, jusqu’à la guérison finale. Le but du documentaire est de montrer l’efficacité des traitements, et principalement de l’héliothérapie. Il montre aussi que les soins ne sont pas lourds pour le patient, qui peut continuer à travailler et avoir des loisirs. Le soutien médical est présenté autant d’un point de vue physique que moral. Plusieurs plans montrent les équipes médicales occupées à examiner les patients et à échanger avec eux, ainsi qu’à discuter de certains cas sur la base de radiographies. Le film insiste sur le matériel technique à disposition, sur les procédures (par exemple le pneumothorax), sur le rôle d’« ami, de confident, de conseiller » du médecin. La médecine est synonyme de progrès et d’humanisme, elle est la solution quand la maladie s’installe et altère les membres. Dans une logique rhétorique typique du discours médical, le film juxtapose des images de patients avant et après le traitement, de sorte à mettre en évidence le pouvoir transformateur de la cure.

Diffusion et réception

Où le film est-il projeté ?

Dans les salles de cinéma ; la journée du film suisse à Bruxelles en novembre 1949; la Biennale de Venise de 1950 ; la 65e assemblée générale de l’Association des Intérêts de Genève en 1950; le 25e anniversaire de la Cité Universitaire de Paris durant l’été 1950; l’assemblée générale de la Société de Développement du quartier de l’Est lausannois le 17 avril 1951; la Xe assemblée générale de l’Association cantonale vaudoise des hôteliers en juin 1951. Le documentaire est prévu au départ pour être diffusé dans les salles de cinémas suisses romandes. Et la vie continue… est finalement diffusé lors de plusieurs assemblées ainsi qu’à la Biennale de Venise ce qui souligne le succès du documentaire ainsi que de son réalisateur.

Communications et événements associés au film

Public

Tout public

Audience

Descriptif libre

Importance et fragilité de la santé

La musique du générique s’arrête et le film s’ouvre sur un plan d’un homme éternuant. À la suite de cette image, le commentaire s’adresse au spectateur en disant : « Santé ! Avez-vous songé à tout ce que ce mot veut dire ? ». Il énumère plusieurs significations, telles que : « source de la joie » ou encore « gage de beauté », avec des plans de femmes discutant, prenant le soleil. Puis le film enchaîne sur des images d’ouvrier, torse nu, travaillant en plein soleil. Ces images illustrent le commentaire : « c’est la force qui rend facile les travaux ». Cette séquence illustre la définition d’être en bonne santé. Santé qui sera mise en péril plus tard par la tuberculose et donc souligne son importance.

Plan représentant des ruines dues à la guerre, et même un crâne humain. Ces scènes sont utilisées comme métaphore de la fragilité de la santé qui est appuyée par les paroles sur un ton grave : « comme les civilisations humaines les plus prospères sur lesquelles les guerres accumulent les pleurs et les ruines, la santé est vulnérable et constamment menacée ». Plan montrant le bacille de Koch sur fond noir. Images de population vivant dans les ruines, puis de peuple plus bourgeois faisant la fête, avec les bacilles en superposition. Cette séquence démontre le fait que la tuberculose peut toucher tout le monde, peu importe le milieu dans lequel nous vivons. (1:48)

Contexte

Sur les images d’une femme montant dans un train, commentaire : « Un nom est prononcé Leysin. Il faut quitter la pleine, arracher une vie à la maladie ». Paysages, vie des habitants du village. La musique donne une connotation positive et patriotique de ce contexte.

Images scientifiques : une station météo et des outils de géographes. « Un médecin est alors venu, qui gagne par la douceur des paysages s’est mis à étudier le climat montagnard », ce sont les paroles qui accompagnent ces plans. Nous pouvons supposer que c'est Auguste Rollier. Première apparition visuelle des cliniques avec en commentaire : « Et c’est ainsi que de la petite clinique de bois aux sanatorias élevant leurs grands murs blancs dans les pâturages. Leysin est devenu aujourd’hui une vaste cité étagée au flanc des alpes suisses tournée comme les fleurs vers le soleil ». Cette séquence raconte comment Leysin est devenue une station réputée pour ces cures d’héliothérapie. (3:35)

Aspect scientifique de la médecine

Examens médicaux que subit un patient, avec différents outils, comme des microscopes ou des seringues. Commentaire : « la science se penche sur la tuberculose, sur ce fléau qui atteint tous les organes, les membres du corps humain ». Un médecin fait une radiographie du thorax d’un patient. La musique s’arrête, le commentaire : « le bacille de Koch s’attaque facilement aux poumons ; le premier souci du médecin sera de déceler et de localiser les lésions ». (5:08)

Le quotidien rythmé des patients

Commentaire : «  Comme le poumon immobilisé par le pneumothorax, le malade est astreint au repos. Le corps tout entier va participer à la régénération. Et la vie continue… » Une infirmière installe un patient pour qu’il soit confortable dans son lit avec en arrière-plan le paysage montagneux de Leysin. Plusieurs images de malades défilent, certains lisent, d’autres peignent, ponctuées de la phrase et la vie continue. Malgré l’alitement le patient peut continuer de pratiquer ses loisirs. Séquence sur le quotidien des patients, loisirs, visite journalière du médecin qui est désigné comme étant « l’ami, le confident, le conseiller » et les différents soins qui prennent. Ces différents éléments permettent d’établir une vision positive des cures et des médecins. « De l’aube naissante au soir tombant, on vit sur les galeries », l’accent est remis sur les bénéfices de l’héliothérapie.

Les patients non alités peuvent reprendre un train de vie plus conforme au rythme « normal ». Ils participent à la vie dans le village, aller au marché, faire des achats, s’installer en terrasses. Repas de midi montré comme un moment créateur de lien entre les patients. « Ceux qui ont pu quitter leurs alvéoles vont se retrouver nombreux autour des tables aux nappes blanches où de solides amitiés se nouent ». La routine quotidienne de la cure revient avec l’heure de la sieste, élément partagé avec tous les villageois. « La cité montagnarde va vivre maintenant le conte de la belle au bois dormant ». Les patients, les villageois, les automobilistes doivent s’arrêter aux heures prévues. Les malades font donc partie intégrante du village. Puis la musique reprend, « la vie continue ». Les loisirs effectués par les curistes : jeu d’échec, de carte, visites au cinéma, au théâtre, au tea-room. Ceux qui ne sont pas alités peuvent se promener dans Leysin. le film par moments fonctionne comme une réclame touristique. (11 :19)

Et la vie continue

Retour à la clinique. « Ainsi passent les jours ». Ce n’est plus le rythme de vie d’une journée qui nous est présenté, mais le séjour sur un plus long terme. Des patients en train de travailler, même au lit, avec différents outils et machines adaptés. Artisans, ouvriers, commerçants, artistes, écrivains et étudiants. Une bibliothèque est à disposition des étudiants, le laboratoire est même mis à disposition d’un jeune chimiste.

Dimanche au sanatorium. Son des cloches de l’église : «  le dimanche est au clocher ». Les patientes éclaireuses même alitées sont aidées afin de pouvoir effectuer le salut au drapeau dans la montagne. Les moins touchées pourront même jouer au théâtre autour d’un feu de bois. La séquence suivante se concentre sur une patiente : Nicole. Elle se déplace à l’aide de béquilles dans les rues de Leysin, une enveloppe à la main. « Ne la plaignez pas quand vous la voyez déambuler en béquilles. Son horizon n’est plus fermé par les murs d’une chambre ». Par l’utilisation du 'vous', le spectateur est interpellé directement et est invité à revoir les préjugés qu’il aurait pu avoir. Nicole regarde le train qui redescend en pleine, symbole du retour à la maison. Cette nostalgie de la rentrée est accentuée avec le travelling avant, imitant le mouvement du train. La figure de Nicole se rapetisse, la musique ralentit, le commentaire nous informe que "demain elle sera guérie". Fondu au noir. (14 :28)

Les patients au fil des saisons

Après les journées, les semaines, le film fait place aux saisons. Nous voyons des toits enneigés : « l’hiver anime la montagne de ses paillettes brillantes ». Nous observons ensuite différentes activités hivernales : luge, ski, décorations des galeries. Nous voyons des adultes et des enfants, les activités sont pour tous « petits et grands ». Une fois de plus, le film montre que même les patients alités peuvent bénéficier des joies de la saison froide en faisant du traineau. Grâce au rythme de la musique, au ton enjoué du commentaire et des différentes activités représentées, l’hiver est montré comme un moment joyeux pour tous.

Après l’hiver vient le printemps, synonyme de renouveau. De jeunes patients font de la gymnastique au soleil. Des fleurs se balancent au grès du vent. Le tout est accompagné d’une musique légère en fond et du commentaire qui dit : « Des corps harmonieux le fêtent et fêtent leur guérison en un hymne à la joie et à la vie comme les fleurs qui relève la tête après l’ouragan plus fraîches et plus belles ». Le printemps est présenté comme métaphore de la guérison du patient. Tout comme la nature, sa santé renaît, il pourra rentrer. « Le gai papillonnement des draps ; un sourire fleuri à la portière ».

La musique ralentit, le ton de la voix baisse également sur l’image du train qui redescend en pleine et disparait dans un fondu au noir. (17 :04)

Notes complémentaires

Importance et fragilité de la santé Le film s’ouvre sur un plan d’un homme éternuant. À la suite de cette image, la voix-over s’adresse au spectateur en disant : « Santé ! Avez-vous songé à tout ce que ce mot veut dire ? ». Elle énumère plusieurs significations telles que : « source de la joie » ou encore « gage de beauté », avec des plans de femmes prenant le soleil. Puis le film enchaîne sur des images d’ouvriers, torses nu, travaillant en plein soleil. Ces images induisent le commentaire suivant : « c’est la force qui rend facile les travaux ». Cette séquence donne une définition de la santé comme résidant essentiellement dans la joie de vivre, la beauté physique, la vigueur. Une santé qui sera mise en péril plus tard par la tuberculose.

Nous passons ensuite à un plan représentant des ruines dues à la guerre et même un crâne humain. Ces scènes sont utilisées comme métaphore de la fragilité de la santé qui est appuyée par les paroles sur un ton grave : « comme les civilisations humaines les plus prospères sur lesquelles les guerres accumulent les pleurs et les ruines, la santé est vulnérable et constamment menacée ». Elles se distinguent du reste du film, en ce qu’elles n’ont rien à voir avec la réalité politique de la Suisse restée neutre durant la Seconde Guerre mondiale (le reste des images est tiré de paysages et de la population suisses). Leur portée est donc essentiellement symbolique, bien que la référence au conflit mondial, dont le souvenir est encore vif, permette de rappeler la fragilité de l’humain et de la paix. Pour exprimer l’emprise (sournoise et invisible) de la tuberculose, la séquence suivante enchaîne des plans où un plan stylisé du bacille de Koch, blanc sur fond noir se superpose à des images de personnes pauvres, puis riches. Cette séquence montre que la tuberculose peut toucher tout le monde, peu importe le milieu social (1′ 48″).

Contexte Sur les images d’une femme montant dans un train, nous pouvons entendre la voix-over dire : « Un nom est prononcé Leysin. Il faut quitter la plaine, arracher une vie à la maladie ». Passant devant le Château de Chillon, s’élevant dans les hauteurs, passant sur un pont de moyenne montagne, le chemin de fer conduit vers le village, destination finale du parcours. Musique et voix over aux accents patriotiques célèbrent ensemble les paysages pittoresques de Leysin et sa transformation en station réputée internationalement pour lutter contre la tuberculose. La séquence suivante introduit le thème de la lutte contre la maladie par la science, en commençant par le motif de l’étude du climat montagneux. « Un médecin est alors venu, qui gagne par la douceur des paysages s’est mis à étudier le climat montagnard ». Il s’agit du docteur Auguste Rollier qui s’installe à Leysin au début du XXe siècle pour ouvrir un « chalet » qui deviendra une clinique (Rollier 1936, 1953). La première occurrence visuelle des cliniques faire entendre le commentaire suivant : « et c’est ainsi que de la petite clinique de bois aux sanatoria élevant leurs grands murs blancs dans les pâturages. Leysin est devenu aujourd’hui une vaste cité étagée au flanc des alpes suisses tournée comme les fleurs vers le soleil ». Cette séquence raconte ainsi comment Leysin est devenue une station réputée pour ces cures d’héliothérapie (3′ 35″).

Aspect scientifique de la médecine : La médecine est mise en scène à travers ses instruments (microscopes, seringues, tomographe, etc.) et ses protocoles ( examens médicaux, visites, colloques de médecins, etc.).  «  La science se penche sur la tuberculose, sur ce fléau qui atteint tous les organes, les membres du corps humain ». La musique s’arrête, on voit un médecin faire une radiographie du thorax d’un patient. « Le bacille de Koch s’attaque facilement aux poumons ; le premier souci du médecin sera de déceler et de localiser les lésions ». L’absence de musique extradiégétique sur ces différents plans leur confère un aspect grave et solennel. La terminologie employée, appartenant au registre scientifique, souligne le professionnalisme et la rigueur des équipes en charge des patients (5′ 08″).

Le quotidien rythmé des patient.e.s : La musique reprend doucement avec le commentaire : « comme le poumon immobilisé par le pneumothorax, le malade est astreint au repos. Le corps tout entier va participer à la régénération. Et la vie continue… ». Nous pouvons voir à ce moment-là une infirmière installant un patient pour qu’il soit confortable dans son lit avec, en arrière-plan, le paysage montagneux de Leysin. Plusieurs images de malades défilent, certains lisent, d’autres peignent, ponctuées de la formule « et la vie continue ». Malgré l’alitement, le patient peut continuer de pratiquer ses loisirs, et même à travailler, La cure n’entrave nullement la « productivité » des patient.e.s, suggère le film. Le soleil se joint à l’expertise des médecins pour soigner les plaies des tuberculeux osseux : « l’héliothérapie scientifiquement appliquée » se combine aux soins prodigués à travers des « appareils spécialement conçus ». « De l’aube naissante au soir tombant, on vit sur les galeries », proclame la voix over. La gymnastique pratiquée couché-e sur les galeries exposées au soleil promet un retour certain à la vie « normale ». Mais à condition d’être patient-e, souligne le commentaire. S’enchaînent alors différents plans qui fait entrevoir la perspective de guérison : les patient.e.s peuvent participer à la vie du village, aller au marché, faire des achats, s’installer en terrasses, partager un repas « Ceux qui ont pu quitter leurs alvéoles vont se retrouver nombreux autour des tables aux nappes blanches où de solides amitiés se nouent ». La routine quotidienne de la cure revient avec l’heure de la sieste, élément partagé avec tous les villageois.e.s, comme le dit la voix over « la cité montagnarde va vivre maintenant le conte de la belle au bois dormant ». Patient.e.s et villageois.e.s, doivent s’arrêter à l’heure de la sieste. Le montage suggère qu’une voiture s’arrête devant un panneau de circulation indiquant les heures de repos : 14h00 à 16h00 et 22h00 à 7h00. À la sieste, succède le moment des loisirs : jeu d’échec, jeu de cartes, visite au cinéma, au théâtre, au salon de thé. Ceux qui ne sont pas alités peuvent se promener dans le village Leysin. Les plans mettent l’accent sur les paysages montagneux, les sentiers, les animaux. Et la vie continue… mobilise ici une rhétorique promotionnelle qui rappelle le film touristique. La cure permet non seulement de guérir, mais de poursuivre ses activités préférées dans un cadre idyllique favorable à la sociabilité (11′ 19″). Le film suggère ainsi la plus-value d’une cure qui garantit la guérison sans s’ennuyer ni perdre en « productivité ». Médecins et patients sont ici créateurs, de santé pour les uns, d’activités pleines de sens pour les autres.

Et la vie continue :

À l’aide d’un fondu au noir, nous quittons le village pour retourner à la clinique. Le commentaire en voix-over – « ainsi passent les jours » – indique une ellipse temporelle. Ce n’est plus le rythme de vie d’une journée qui nous est présenté, mais le séjour sur un plus long terme. La séquence montre des patient.e.s en train de travailler, y compris ceux qui sont immobilisés dans leurs lits. Cela indique que ni la maladie ni les traitements n’entravent les activités des malades. « La maladie n’interrompt pas le rythme des travaux » (11′38″). Au contraire, le contexte de la cure s’adapte afin que les patient.e.s alités puissent poursuivre leurs tâches habituelles grâce à des outils et machines adaptés. Car avant d’être des malades, les patient.e.s sont avant tout artisans, ouvriers, commerçants, artistes, écrivains et étudiants, semblent suggérer le discours filmique. La clinique est représentée comme un lieu qui se plie aux besoins des malades afin que « la vie continue ». Les étudiant.e.s, par exemple, disposent d’une bibliothèque, un jeune chimiste, d’un laboratoire, un « futur médecin » d’un microscope qu’il manie sur son lit. On fait même venir des professeurs de la plaine pour offrir des cours qui « maintiennent un contact fécond avec l’Alma Mater ». Le sanatorium est ainsi dépeint comme un espace où s’éveillent des vocations professionnelles. Ensuite, nous pouvons voir une journée dominicale. La séquence est introduite par l’arrêt de la musique pour laisser place au son des cloches de l’église  : « le dimanche est au clocher ». Puis, la mélodie reprend, les patientes éclaireuses même alitées sont aidées afin de pouvoir effectuer le salut au drapeau « sur les hauts pâturages ». Les moins touchées pourront même jouer au théâtre autour d’un feu de bois. La séquence suivante se concentre sur une patiente en particulier, Nicole. Nous pouvons l’observer se déplacer à l’aide de béquilles dans les rues de Leysin, une enveloppe à la main. La voix over précise : « ne la plaignez pas quand vous la voyez déambuler en béquilles. Son horizon n’est plus fermé par les murs d’une chambre ». Par l’utilisation du « vous », le spectateur est interpellé directement et est invité à revoir ses préjugés. Une fois de plus, la situation du malade est représentée de manière positive car Nicole se trouve sur le chemin de la guérison. Par après, nous l’apercevons regarder le train qui redescend vers la plaine, symbole du retour prochain à la maison. Filmé depuis le train en mouvement, le plan montre la figure de Nicole qui se rapetisse, la voix-over indiquant que demain « elle sera guérie ». L’espoir est donc permis pour cette jeune fille qui s’en ira demain « d’une allure dansante comme les autres jeunes filles ». La séquence se termine sur un fondu au noir (14′ 28″).

Les patients au fil des saisons : La dernière séquence du film s’ouvre avec une musique plus dynamique. La transition en fondu en noir permet de marquer un changement dans la temporalité. L’enchaînement des saisons fait place à celui des journées et des semaines. Nous voyons des toits enneigés, avec le commentaire suivant : « l’hiver anime la montagne de ses paillettes brillantes ». Nous observons ensuite différentes activités hivernales : luge, ski, décorations des galeries, qui réunissent « petits et grands ». Une fois de plus, le film montre que même les patient.e.s alité.e.s peuvent bénéficier des joies de la saison froide en faisant du traineau. Grâce au rythme de la musique, au ton enjoué de la voix over et aux différentes activités représentées, l’hiver est montré comme un moment joyeux pour tous. Après l’hiver vient le printemps. Le printemps est synonyme de renouveau. Nous pouvons voir de jeunes patients faire de la gymnastique au soleil. Le plan suivant montre des fleurs se balançant au gré du vent, le tout est accompagné d’une musique légère et du commentaire qui explique : « des corps harmonieux le fêtent et fêtent leur guérison en un hymne à la joie et à la vie comme les fleurs qui relèvent la tête après l’ouragan plus fraîches et plus belles ». Le printemps est présenté comme métaphore de la guérison. Tout comme la nature, sa santé renaît. Le vocabulaire utilisé appuie cette métaphore de la santé comme renaissance  : « le gai papillonnement des draps ; un sourire fleuri à la portière ». Le film se clôt sur l’image du train qui redescend en pleine et disparait dans un fondu au noir, symbole du retour à la vie civile (17′ 04″).

L’accent mis sur l’absence de rupture totale avec la vie quotidienne rappelle le fonctionnement de la Clinique Manufacture du Dr Auguste Rollier qui sera inaugurée en 1930. Il s’agit de combiner cure de soleil et cure de travail pour permettre aux patient.e.s de continuer leurs activités professionnelles, sans sacrifier leur santé. Un article paru dans la revue de la Croix Rouge en 1934 explique : « Ce vaste bâtiment est destiné à cette nombreuse catégorie de tuberculeux qui ne peuvent guérir dans leur milieu, qui n’ont pas les moyens de se soigner en clinique et pour qui abandonner le métier, serait se couper les vivres. […] Cette solution, il est vrai, n’est possible qu’avec certains malades. Il ne s’agit ici que des tuberculeux chirurgicaux, soit des personnes ayant une tuberculose « fermée », la plupart du temps osseuse. Alités, parfois immobilisés sur le dos ou sur le ventre, ces malades peuvent exécuter un travail utile, si l’on met à disposition des engins parfaitement adaptés à leur position. […] La moyenne de durée du traitement a été, en 1932, de 19 mois. Les 61 malades qui, l’année dernière, ont quitté la clinique, se répartissent ainsi : guéris, 80% ; très améliorés, 16% ; stationnaires, 3 %. Ces résultats confirment, comme ceux des exercices précédents, l’utilité de la cure de travail associée à l’héliothérapie et à une orthopédie rationnelle » (Anon., « La Clinique-Manufacture de Leysin. Cure de soleil et cure de travail », 1934, 33). Les patients y fabriquent des « fusibles pour les téléphones et télégraphes de la Confédération », « des petites pièces électriques destinées à la signalisation de chemins de fer, des pièces d’appareillages pour les wagons [sic] », des « ressorts de différents calibres, des carcasses d’abat-jour », « des bobines d’induction pour microphones », mais aussi des « pantoufles », des tricots, des « faux-cols », de la broderie, confectionnés en particulier par les femmes. L’article conclut : « c’est la preuve irréfutable du bienfait de cette cure combinée, où le corps, soutenu par un bon moral, profite pleinement du soleil de la montagne (idem 34). Ce souci d’efficacité s’explique en partie pour des raisons économiques, car la Suisse, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, ne retrouve que lentement une situation normale. L’année 1948 marque « la fin totale du rationnement », alors que 1949 représente « le retour complet à la démocratie » (Senn et al., 2015). Par ailleurs, depuis l’expérience de la Première Guerre mondiale, le pays a toujours cherché à rester aussi autonome que possible, en produisant un maximum de biens à l’intérieur de ses frontières.

Références et documents externes

'Sources'

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Coopération, n°11, 18 mars 1950.

Courrier de Leysin, 28 avril 1972.

Feuille d’Avis de Lausanne, n°265, 10 novembre 1949.

Feuille d’Avis de Lausanne, n°30, 6 février 1950.

Feuille d’Avis de Lausanne, n°94, 24 avril 1950.

Feuille d’Avis de Lausanne, n°100, 30 avril 1951.

Feuille d’Avis d’Orbe et des environs, n°78, 1 octobre 1952.

Feuille d’Avis de Vevey, n°182, 5 août 1950.

Je vois tout – en famille, n°8, 22 février 1950.

Journal de Genève, n°295, 16 décembre 1949.

Journal de Genève, n°43, 20 février 1950.

Journal de Genève, n°112, 13-14 mai 1950.

La Suisse : Le journal du matin, n°324, 20 novembre 1949.

La Suisse : Le journal du matin, n°350, 16 décembre 1949.

La Suisse : Le journal du matin, n°47, 16 février 1950.

La Suisse : Le journal du matin, 14 mars 1950.

La Vie protestante, n°1, 6 janvier 1950.

Le Courrier, n°343, 16 décembre 1949.

Le Peuple, n°179, 5 août 1950.

Le protestant, n°1, 15 janvier 1950.

L’illustré, n°1, 5 janvier 1950.

Nouvelle revue de Lausanne, n°149, 27 juin 1951.

Pour tous, n°4, 24 janvier 1950.

Radio Je vois tout, n°17, 26 avril 1956.

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ROLLIER, Auguste, La cure de soleil, Paris, J.-B. Baillière, 1936.

ROLLIER, Auguste, Une thérapeutique qui vise l’homme tout entier : ou les adjuvants de l’héliothérapie dans les cliniques du professeur Rollier à Leysin : 1903-1953, Leysin, Société des établissements héliothérapique, 1953.


'Littérature secondaire''''

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Contributeurs

  • Auteurs de la fiche : Maude Lopez