Biscuit de Savoie (1958)
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Sommaire
Générique principal
"LE GOUTER. Une émission de CATHERINE LANGEAIS et RAYMOND OLIVER. Réalisation ARNAUD DESJARDINS."
Contenus
Sujet
Dans cet épisode de l’émission culinaire pour enfants Le goûter, Véronique et Arnold réalisent la recette du Biscuit de Savoie, un classique de la pâtisserie française.
Genre dominant
Résumé
Pendant que le gâteau, qui a été préparé une première fois hors caméra, est au four, les enfants s’attellent à la préparation de la pâte du Biscuit de Savoie. Arnold commence par séparer méticuleusement les blancs des jaunes d’œufs, puis sort un instant du champ pour monter les blancs en neige. Sa petite sœur Véronique, quant à elle, est chargée de mélanger successivement les jaunes d’œufs, le sucre, le zeste de citron et la farine – non sans difficulté, nécessitant parfois l’aide du chef. Raymond Oliver, qui a surveillé la cuisson tout au long de l’émission, sort le gâteau du four et procède au rituel de la blague, sur laquelle se termine l’émission.
Contexte
Le goûter (1957-1958) se situe tout au début de l’histoire des « émissions de recettes » à la télévision française[1] et constitue certainement la première émission culinaire destinée aux enfants. Après l’échec d’un premier programme culinaire créé en 1953, l’émission Art et Magie de la Cuisine animée par le chef de renom Raymond Oliver et la célèbre speakerine Catherine Langeais à partir de 1954 trouve rapidement une forte audience et s’impose comme une émission majeure de la télévision française. À peine trois ans après le lancement de ce « classique en devenir », et fort de son succès, le tandem désormais célèbre propose une variante à destination des enfants. Le Goûter (1957-1958) s’avère être la première tentative de décliner l’émission phare. De nombreuses variantes seront en effet produites par la suite : La cuisine pour les hommes (1959-1961), La recette du spectateur (1962-1963) ou encore Bon appétit (été 1966).
L'émission est diffusée par la Radio-Télévision française (RTF) entre 1957 et 1958. Prenant l’apparence d’un concours culinaire, elle fait intervenir un duo d’enfants âgés de moins de 12 moins sous les yeux vigilants de Catherine Langeais et du chef Raymond Oliver. Les enfants viennent en plateau faire la démonstration d’une recette de goûter apprise à la maison et pour laquelle ils ont été sélectionnés en amont par le chef. Selon les consignes données par Catherine Langeais dans le premier épisode (émission du 07.11.1957), les jeunes téléspectateurs sont amenés à élire à la fin de l’année la meilleure recette, autant sur le résultat visuel et gustatif que sur les explications techniques données par les enfants. L’émission est diffusée à l'heure du goûter le jeudi, jour de la pause scolaire jusqu’en 1972, dans le cadre de la programmation enfantine L’antenne est à nous. D’une durée de 15 minutes environ, chaque épisode est consacré à l’élaboration d’un plat sucré, allant des classiques de la pâtisserie française comme le biscuit de Savoie aux inventions familiales telles que le « gâteau des familles ».
Éléments structurants du film
- Images de reportage : Non.
- Images en plateau : Oui.
- Images d'archives : Non.
- Séquences d'animation : Non.
- Cartons : Non.
- Animateur : Oui.
- Voix off : Non.
- Interview : Non.
- Musique et bruitages : Non.
- Images communes avec d'autres films : Non.
Comment le film dirige-t-il le regard du spectateur ?
Comment la santé et la médecine sont-elles présentées ?
Les considérations nutritionnelles sont quasiment absentes dans cette émission culinaire pour enfants, malgré la diffusion dans les années 1950 d’un discours "diététique" qui associe alimentation et santé. Le but de l'émission est en effet de faire la démonstration d'un savoir culinaire. Durant cette période d'après-guerre encore marquée par l’expérience du rationnement alimentaire imposé jusqu’en 1949, le sucre est généreusement utilisé dans toutes les recettes - dans des proportions qui étonneraient aujourd’hui. Par ailleurs, plus d’un tiers des recettes proposées par les enfants incluent de l’alcool (des recettes classiques telles que les bananes flambées mais aussi des recettes moins attendues comme les crêpes à la bière). Près de quatre ans après la campagne anti-alcoolique menée par l’ancien Président du Conseil Pierre Mendès-France qui touchait principalement les enfants à travers une politique de distribution de lait dans les écoles, on peut s’étonner de l’absence de messages de prévention ou de commentaires de la part des présentateurs.
En revanche, le lieu de la cuisine est représenté comme un espace moderne à risques pour l’intégrité physique des enfants. Les principaux dangers que les enfants peuvent rencontrer en pénétrant dans cet espace traditionnellement réservé aux adultes – a fortiori à la femme – sont les coupures et les brûlures. On assiste dans cette émission à l’émergence d’un discours de prévention des dangers domestiques à travers la figure du chef Raymond Oliver. En répétant des consignes de sécurité (utiliser un torchon pour sortir un gâteau four) ou en faisant les gestes à la place des enfants (couper un fruit), il se fait garant de la sécurité des enfants.
Diffusion et réception
Où le film est-il projeté ?
Le Goûter est émis entre 1957 et 1958 par la Radio-Télévision Française qui commence alors à peine à diffuser sur tout le territoire national grâce à la mise en service progressive d’émetteurs locaux et régionaux. On compte environ 1 million de téléviseurs en 1958[2] pour un taux d’équipement des ménages de l’ordre 6.1% en 1957 selon l’Annuaire rétrospectif de la France (1948-1998), Paris, 1990[3].
Communications et événements associés au film
Public
Le Goûter s’adresse spécifiquement aux enfants. L’émission est en effet diffusée (à de rares exceptions près) le jeudi, jour de la pause scolaire jusqu’en 1972, dans le cadre de la programmation enfantine L’antenne est à nous. Son heure de diffusion varie entre 16h et 17h[4]. En émettant à une heure de grande écoute des enfants, et surtout à l’heure du goûter, le programme propose ainsi aux jeunes téléspectateurs de réaliser leur propre goûter sur la base de la recette présentée par les enfants. Par ailleurs, ce programme jeunesse se caractérise par une forte proximité avec le public, contrairement à la plupart des émissions de l’époque. En invitant tout d’abord le public des jeunes téléspectateurs sur le plateau, elle crée cette relation directe. La présentatrice Catherine Langeais y contribue également en s’efforçant de s’adresser directement au public via l’expression « les petits amis » ou en n’hésitant pas à faire allusion aux nombreuses lettres qui arrivent à la rédaction.
Audience
Descriptif libre
- 00:00 – 01:00 Présentation de la recette
L’émission s’ouvre sur un plan large donnant à voir les deux enfants, de part et d’autre de la présentatrice Catherine Langeais. Sa présence en plateau, qui est assez rare au début de l’émission, s’explique par l’affairement qui règne déjà en cuisine. En effet, les enfants ont préparé une première fois le gâteau hors caméra afin qu’il ait le temps de cuire durant l'émission. Le Biscuit de Savoie nécessite une heure de cuisson, comme l’affirme le petit Arnold de façon très professionnelle. À la demande de la présentatrice, Raymond Oliver arrive ensuite en cuisine afin de surveiller la cuisson du gâteau dans le four. Son entrée est assez atypique puisqu’elle se produit dès le début de l’émission et n’est absolument pas mise en scène ou orchestrée de façon magistrale, comme c'est le cas dans la majorité des émissions. Habituellement, le chef apparaît à la fin de l’émission au moment de juger la recette : il fait d’abord entendre sa voix puis se montre à la caméra. Ici, Raymond Oliver fait, en quelque sorte, office de garant de la sécurité des enfants. Il effectue alors un geste peu compréhensible pour notre époque puisqu’il laisse la porte du four entrebâillée pendant les dix dernières minutes de cuisson. En l’absence de thermostat, cette technique permettait d’abaisser la température à l’intérieur du four. Bien que la gazinière soit relativement moderne et présente vraisemblablement plusieurs boutons, cette technique de cuisson était encore couramment utilisée dans les années 1950.
- 01:01 – 03:00 Séparer les blancs des jaunes : première étape délicate, en cuisine comme à la TV
Les deux présentateurs quittent ensuite le plateau pour laisser les enfants réaliser leur recette, en leur demandant de bien détailler les ingrédients et leurs proportions, ainsi que les différentes étapes. Après avoir versé 200 g de sucre dans un saladier, Arnold entreprend de séparer les blancs des jaunes de quatre œufs. Les gros plans utilisés pour suivre cette étape révèlent une mise en valeur des gestes techniques nécessaires à la recette. L’émission se caractérise, en effet, par un rapport technique à la cuisine, dans la mesure où la démonstration d’une recette apprise à la maison en constitue sa finalité. Il ne s’agit nullement de goûter les plats préparés. C’est pour cette raison que les savoir-faire sont valorisés visuellement, dans un objectif télévisuel pédagogique. Pendant ce temps, la petite Véronique mélange les jaunes et le sucre à l’aide d’une spatule en bois. Les enfants ne sont pas très bavards car ces opérations délicates leur demandent de la concentration. Les présentateurs essayent alors par tous les moyens de combler ce temps ‘mort’ à la caméra. Ils n’hésitent pas à taquiner Arnold et Véronique, en corrigeant la syntaxe des explications données par les enfants, ou à aborder des sujets étrangers à la cuisine, à l’instar de la remarque de la présentatrice à Raymond Oliver : « un frère qui est aussi blond que sa sœur ». En explicitant tout ce qui se passe sur le plateau TV, ils agissent en tant qu’intermédiaire entre les téléspectateurs et les compétiteurs. Catherine Langeais et Raymond Oliver, en quasi-absence de montage après tournage, font en sorte que l’émission « fonctionne ».
- 03:01 - 05:40 – Battre les blancs en neige : des risques télévisuels
Alors qu’Arnold s’apprête à prélever le zeste d’un citron, la présentatrice lui demande de revenir vers le plan de travail afin de rester dans le champ des caméras : « Mets-toi un petit peu plus par là-bas, tu veux ? Enlève ta petite terrine là-devant ! ». L’espace de la cuisine, qui est un décor relativement nouveau pour la télévision en 1957, représente en effet un défi technique, en termes de gestion de l’espace, du son, du temps et de la température. Le nombre de caméras étant limité – il y en a certainement trois – et leur position étant fixe, la présentatrice doit constamment veiller au bon placement des enfants dans l’angle de prise de vue. Elle n’hésite pas à employer un ton injonctif, voire strict, pour se faire respecter. Elle agit ainsi en garante des bonnes conditions de tournage. La remarque qu’elle adresse à Véronique, qui peine à mélanger la pâte, va dans le même sens : « On dirait absolument que Véronique veut cacher ce qu’elle fait ». Par ailleurs, Catherine Langeais affirme son autorité vis-à-vis de Raymond Oliver lorsque ce dernier souhaite venir en aide à la petite fille : « Alors Raymond ? Ah non non non non, je m’insurge ! …l’aider l’aider, y’a pas d’aide. On en a vu des plus petits se battre avec des… des plus gros ». En veillant au respect des règles du concours, elle marque son indépendance vis-à-vis de Raymond Oliver. Dans l’émission pour adultes Art et Magie de la Cuisine, leur relation télévisuelle est effet marquée par un rapport de subordination en défaveur de Catherine Langeais qui est représentée comme une élève.
Arnold annonce ensuite qu’il va battre les blancs en neige et quitte subitement le plateau. La présentatrice prend tout de suite sa place sur le plateau, sans pour autant expliquer la disparition du garçon de façon rationnelle, puisqu’elle affirme sur le ton de la blague qu’ « Arnold a décidé de s’en aller ». Seule sa remarque nous donne un indice : « à eux deux, ils font de la vraie musique ! ». En effet, il est d’usage dans l’émission de battre les œufs en neige dans le hors-champ, c’est-à-dire en dehors du champ de prise de son, afin de ne pas créer trop de bruit parasite. On entend tout de même le bruit du batteur mécanique en arrière-fond. Dans cet épisode, Catherine Langeais ne juge plus nécessaire d’expliquer la raison de son départ soudain, mais choisit de l’évoquer sur un ton ironique. Le son est en effet une dimension particulièrement difficile à gérer dans un décor de cuisine car, d’un côté, les ustensiles font beaucoup de bruit (spatule, terrine, casserole…), de l’autre, les enfants parlent tout bas. Catherine Langeais fait ensuite office de second de cuisine pour Véronique qui se retrouve seule en cuisine. Elle ajoute les zestes de citron et la farine au mélange que la petite fille continue de tourner. La présentatrice prend le temps de présenter le verre mesureur aux téléspectateurs. Il s’agit en effet d’un ustensile nouveau, dont la présence s’inscrit dans le processus de rationalisation de la cuisine et du travail domestique qui est à l’œuvre dans les années 1950. Catherine Langeais assure cependant la continuité télévisuelle avec Arnold à travers la voix. Sur un ton encore une fois ironique, elle lui demande : « Ça marche, Arnold ? Tu reviendras parmi nous parce qu’on s’ennuie, hein ! ».
- 05:41 - 07:19 Mélanger la pâte : quel effort !
Arnold revient en plateau lorsqu’il juge que les blancs sont suffisamment montés en neige. Mais les efforts déjà déployés ne suffisent pas à satisfaire les exigences des adultes. La présentatrice le reprend dès son retour : il doit encore « donner un petit coup ». Même le chef, en hors-champ, intime à Arnold de continuer à battre ses blancs. Lorsque Catherine Langeais quitte le plateau pour laisser les enfants travailler seuls, elle reprend immédiatement son attitude de commentatrice. Elle fait alors allusion à la couleur des joues du garçon qui témoigne, selon elle, de l’effort physique et non de l’émotion liée aux caméras. Comme le prouve sa réponse très ferme à la question du petit Arnold (« c’est pas à toi que je parle »), cette remarque est directement adressée aux téléspectateurs. La présentatrice adopte ainsi quasiment une attitude de voyeuse en disant à haute voix toutes ses pensées, dans le but de divertir les téléspectateurs. Mais il n’est pas du tout question de l’effort déployé par la petite Véronique qui, pendant tout ce temps, continue de tourner la pâte, non sans difficultés. L’attention télévisuelle est ainsi clairement concentrée sur le garçon à travers les remarques des présentateurs et le choix des caméras. La petite fille, à qui on ne pose pas de question, est considérée comme une simple préposée de cuisine.
- 07:19 - 08:57 - Sortir le gâteau du four : des risques domestiques
La nouvelle séquence est marquée par le rappel injonctif et pressant de Catherine Langeais au chef : « Raymond, le four, le four ! ». C’est finalement le petit garçon qui est chargé d’aller vérifier la cuisson du biscuit de Savoie, sur conseil de la présentatrice. Mais il est interrompu brusquement par Raymond Oliver qui lui défend de sortir le gâteau du four sans torchon. Le chef est ainsi représenté comme garant de la sécurité et de l’intégrité physique des enfants dans un espace ‘cuisine’ qui comporte de nombreux risques. La remarque conjointe des deux adultes « nous ne voulons pas avoir la responsabilité…d’une brûlure » témoigne de l’émergence d’un discours de prévention des dangers domestiques dans les émissions culinaires pour enfants. Mais le petit garçon ne se laisse pas démonter et parvient à faire rire les adultes. En affirmant tourner ses blancs « jusqu’à ce que la pâte soit bien molette, comme dirait Monsieur Oliver », Arnold désire montrer qu’il suit assidûment les émissions du chef. Il reprend en effet une de ses expressions phares. Mais Catherine Langeais reprend le contrôle de l'action lorsqu’elle trahit les mots du petit garçon prononcés avant l’émission – peu aimables pour sa maman -, sous forme de confidence aux téléspectateurs. La séquence est coupée net à 08:38, laissant entrapercevoir le gâteau sorti du four en gros plan. Difficilement visible à une vitesse normale de visionnage, ce plan apparaît clairement lorsque l’on ralentit la vidéo. Le montage, que l’on peut qualifier de brouillon, témoigne certainement du peu de moyens techniques dont disposait l’émission.
- 08:58 - 09:40 - La blague finale
L’épisode se termine sur la blague habituelle proposée par le chef. Si la présentatrice semble le prendre au dépourvu en lui demandant de raconter une petite histoire, Raymond Oliver trouve étonnamment, de façon très spontanée une blague en lien avec la recette proposée. « Quel est le comble pour un pâtissier ? C’est de bien chanter, et de tellement bien chanter qu’il peut faire des biscuits de sa voix ». Cela témoigne vraisemblablement de la grande part de mise en scène dans l’émission. L’épisode du Biscuit de Savoie qui nous est parvenu s’arrête de façon abrupte, interrompant Catherine Langeais en pleine discussion, révélant encore le caractère brouillon de l'émission.
Notes complémentaires
Références et documents externes
Cohen, Évelyne, et Lévy, Marie-Françoise (éd.), La télévision des Trente Glorieuses : Culture et politique. Paris, 2007.
Gaillard, Isabelle, La télévision : histoire d’un objet de consommation, 1945-1985, Paris, 2012.
Roger, Olivier, Les mises en scène de la cuisine dans les émissions de recettes à la télévision française, Mémoire de Master 2 Histoire sous la direction de Pascal Ory, 2014.
Contributeurs
- Auteurs de la fiche : Amélie Kratz
- Sous-titres Anglais : Élisabeth Fuchs
- ↑ Le concept d’« émission de recettes » est forgé par Olivier Roger dans Les mises en scène de la cuisine dans les émissions de recettes à la télévision française, Mémoire de Master 2 Histoire sous la direction de Pascal Ory, 2014.
- ↑ Gaillard, Isabelle, La télévision : histoire d’un objet de consommation, 1945-1985, Paris, 2012, p.117-119.
- ↑ Cité dans Cohen, Évelyne, et Lévy, Marie-Françoise (éd.), La télévision des Trente Glorieuses : Culture et politique. Paris, 2007.
- ↑ Selon le magazine Télérama (n°407 à 465), l’heure de diffusion variait entre 15h30 et 17h30.