Vivre avec ses traitements (1999)

De Medfilm



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Titre :
Vivre avec ses traitements
Série :
Année de production :
Pays de production :
Réalisation :
Durée :
30 minutes
Format :
Parlant - Couleur - video
Langues d'origine :
Sous-titrage et transcription :
Sociétés de production :
Commanditaires :
Archives détentrices :
Corpus :

Générique principal

Gén. fin : réalisation Catherine Tourette-Turgis / Remerciements pour leurs témoignages à... (suit une liste de prénoms) / Cadre et mixage Baptiste Fillioux / Moyens techniques : Laboratoires Glaxo-Wellcome - Département de comunication / Musique originale et interprétation : Lenize Paulo / Production : Comment dire / Avec le soutien de : Laboratoires Glaxo-Wellcome / Remerciements pour leur participation : DDASS du Bas-Rhin, Bouches-du-Rhône, Côte d'Or, Haute-Garonne, Rhône / Tous nos remerciements aux associations : Action Traitements, AIDES, Arcat SIDA, Act Up, Sol En Si, CRIPS / SIDA Info Service Numéro Vert 0 800 840 800.

Contenus

Thèmes médicaux

Sujet

L’impact des effets secondaires de la trithérapie dans la vie quotidiennes des malades.

Genre dominant

Documentaire

Résumé

Différents patients témoignent tour à tour de leur quotidien marqué par la maladie et son traitement. Les questions auxquelles chacun répond concernent d'abord son traitement (date de début, résultats et effets secondaires), ses attentes vis-à-vis de son médecin et les réactions de celui-ci.

Contexte

La prise en charge de l'épidémie

Au début des années 1990, le programme mondial de lutte contre le sida a 3 objectifs : prévenir l’infection, réduire l’impact du VIH, assurer l’unité des efforts nationaux et internationaux de la lutte contre le sida. Le montant du budget du programme est de 90 751 590 US dollars en 1990. L’OMS collabore avec les Nations-Unis, l’UNICEF, l’UNESCO, la banque mondiale, les ONG. En 1990, le nombre de séropositifs dans le monde est estimé à 8 millions, en 1995, l'estimation se hausse à 18 millions. La même année est créée l’ONUSIDA, structure internationale destinée à mieux coordonner les différentes instances intervenantes. Avec l’arrivée des trithérapies en 1996, le sida se « normalise » dans les pays du Nord, les malades ayant accès aux traitements liés. En revanche, dans les pays du Sud, la progression se poursuit et la question de l’accès aux traitements devient primordiale. En 2000, 36,1 millions de personnes sont séropositives. En France, depuis le début de l'épidémie et jusqu'en 2001, entre 60 000 et 65 000 personnes ont développé le sida en France : elles ont été atteintes par au moins une des 27 pathologies (tuberculose, lymphome, toxoplasmose cérébrale, pneumocystose...) qui marque l'entrée des personnes infectées par le VIH dans le stade le plus grave et le plus avancé de l'infection. S'il est difficile d'évaluer avec exactitude le nombre de personnes "séropositives", la déclaration obligatoire ne portant que sur le stade SIDA, environ 90000 patients sont suivis dans les services hospitaliers français dans le cadre de l'infection à VIH.

Les effets de la trithérapie

Suivre une trithérapie implique de pâtir d'effets secondaires. En premier lieu des lipodystrophies (troubles de la distribution graisseuse) : pertes de graisses sur les pommettes, fonte des muscles au niveau des membres, accumulation de tissus sur la ceinture abdominale, élargissement de la poitrine chez la femme, apparition d'une bosse de graisse au sommet du dos. Autres effets : ostéoporoses, événements cardio-vasculaires. Leur survenue est susceptible de décourager de nombreux séropositifs de s'engager dans des traitements.

Par ailleurs, les traitements sont particulièrement contraignants, et d'autant plus efficaces qu'ils sont suivis d'une façon rigoureuse. Il ne fait pas oublier une prise et respecter à la lettre leurs consignes d'administration. "Les agences de recherche et les laboratoires pharmaceutiques mettent en exergue l'impact déterminant du comportement des patients sur leur état de santé. Le groupe TRT-5 (voir plus bas) est fréquemment sollicité comme expert des comportements des patients vis-à-vis des médicaments. Plusieurs actions associatives tentent de faire passer auprès des malades le message de l'observance des traitements." (Janine Barbot, Les malades en mouvements - La médecine et la science à l'épreuve du sida, Paris, 2002, p. 277).

Les associations de malades

Act-Up, Aides, Arcat-SIDA, Actions Traitements, citées au générique, "font partie du groupe inter associatif TRT-5 constitué au tournant des années 1980-1990 pour faire front commun sur la recherche." (Janine Barbot, Les malades en mouvements - La médecine et la science à l'épreuve du sida, Paris, 2002, p. 44.).

AIDES, fondé en 1984 à l’initiative de Daniel Defert, promeut la parole des malades : « AIDES veille à ce que les personnes concernées soient au cœur des décisions, des projets et de leur réalisation. »

Act Up est fondé en 1989 par Didier Lestrade et Pascal Loubet. Entre 1989 et 1996, Act Up travaille pour le développement et la mise sur le marché de traitements contre le VIH en France. La référence est le mode d’action d’Act Up New York créé en 1987 : die in, manifestations, interventions dans les événements scientifiques.

Arcat SIDA est une association médiatrice facilitant le dialogue entre les acteurs impliqués : médecins, chercheurs, sociologues, psychologues, journalistes : « Arcat SIDA n’est pas Act up, son rôle n’est pas de dénoncer mais d’inventorier, d’analyser et de proposer » - Laurent de Villepin.

Actions Traitements est une association qui favorise le dialogue des malades avec les professionnels de santé pour faciliter la circulation de l’information et l’accès aux traitements efficaces. Approche « pragmatique » sans considération sociale : comment satisfaire au plus vite les malades considérés comme consommateurs de soins?

La communication sur le SIDA

Après 1994, les trithérapies sont mises sur le marché. Les jeunes ne sont plus la cible principale des films d'information et de prévention. Les thèmes du port de l'encouragement au port du préservatif et de la solidarité envers les malades continuent de marquer les contenus.

Le producteur

Le film est produit par Comment dire, organisme de formation et de conseil en communication sociale spécialisé dans le counseling. Depuis sa création en 1991, Comment Dire développe ses activités dans les domaines de la formation de professionnels de santé et d'acteurs associatifs. La structure élabore des guides pédagogiques, assure la production de vidéo-formation pour fournir un appui méthodologique aux équipes de santé. Comment Dire a édité 5 guides de counseling et produit 3 vidéo-formation dans le domaine de l'infection par le VIH et de l'hépatite C. Ses fondatrices sont Maryline Rébillon, psychologue et formatrice ayant travaillé pendant plusieurs années comme éducatrice à la Protection Judiciaire de la Jeunesse, et Catherine Tourette-Turgis, maître de conférences en Education à la Santé à l'université de Rouen (France). Comment dire est agrée par le ministère de la santé.

Éléments structurants du film

  • Images de reportage : Oui.
  • Images en plateau : Oui.
  • Images d'archives : Non.
  • Séquences d'animation : Non.
  • Cartons : Non.
  • Animateur : Non.
  • Voix off : Non.
  • Interview : Oui.
  • Musique et bruitages : Oui.
  • Images communes avec d'autres films : Non.

Comment le film dirige-t-il le regard du spectateur ?

Le film donne la parole aux patients pour qu'ils puissent faire part des contraintes qu'ils rencontrent au quotidien, dans leur vie intime. De cette façon, le système de soins est mis en question. Ses protagonistes ne sont pas présents à l'écran : destinataires du film, ils sont appelés à regarder comment vivent les patients dont ils ont la charge en dehors de leur champ d'action. Ici, les malades se montrent informés et revendicatifs. Ils connaissent bien leurs traitements et cherchent des solutions (régimes alimentaires, agents thérapeutiques complémentaires) aux problèmes que ceux-ci leur posent.

Comment la santé et la médecine sont-elles présentées ?

Santé et médecine ne sont évoquées que par la parole des patients. Il s'agit de montrer la réalité de la maladie au domicile ou dans l'espace public, non dans les structures de soins, de façon à mettre en images ce qui reste hors champ pour les professionnels de santé.

Selon les différents patients interrogés dans le film, les médecins s'intéressent avant tout à l'effet thérapeutique du traitement et négligent ses effets secondaires. Le contenu des entretiens montre cependant que les médecins doivent à présent composer avec des patients mieux informés et capables de défendre leur cause. Ceux-ci insistent sur leur désir de ne pas réduire leur existence à la stricte observation du traitement et de pouvoir continuer de profiter de ses plaisirs.

Diffusion et réception

Où le film est-il projeté ?

formations professionnelles, entreprises

Communications et événements associés au film

Public

Professions de santé

Audience

Descriptif libre

Le début du film se déroule sur une musique hispanique jouée avec des arpèges de guitare et des vocalises. Intérieur jour, pièce d’un appartement moderne avec un canapé rouge rangé contre un mur sur lequel est accroché une peinture aux couleurs vives. Dans la perspective du couloir, des pans de murs jaune : un agencement de couleurs gaies qui donne un cadre serein et avenant aux différents témoignages qui vont se tenir là. Pendant le générique, des hommes et femmes, parfois isolés, parfois réunis dans le champ, sont filmés au ralenti pendant qu’ils sont maquillés pour le tournage. Ils rient, ils se regardent avec complicité, ils ont l’air détendus, comme si la réalisation du film leur avait fourni un espace de rencontre. La maladie, en même temps qu’elle les a contraints à l’isolement, les unit à ceux qui partagent la même expérience. Ce plan matérialise également le groupe de paroles auquel certains patients qui y appartiennent vont faire référence. Nous verrons que le parti-pris général pour la mise en scène consiste à faire se succéder les entretiens qui comportent chacun les mêmes thèmes, avec un son in des réponses et la suppression des questions au montage.Les questions auxquelles chacun répond concernent d'abord son traitement (date de début, résultats et effets secondaires), ses attentes vis-à-vis de son médecin et les réactions de celui-ci.

Premier témoignage

Gros plan serré sur le visage d’un homme, regard noir, sourcils et cheveux d’un même noir. Il annonce qu’il a quarante ans, qu’il est séropositif depuis 1988, et qu’il a commencé sa trithérapie en 1997. Quand il parle, son regard se dirige vers le bord droit du cadre, désignant un interlocuteur resté hors champ. Invité à évoquer les effets secondaires du traitement, il parle de diarrhée. Après avoir pris le petit-déjeuner, il retourne au lit parce qu’il sait qu’il va sentir « des douleurs très fortes au niveau des tripes qui se tordent. » Un hochement de tête pour appuyer son affirmation : « j’adapte ma vie à mes diarrhées. » Il décrit le régime auquel il se tient : beaucoup de légumes, peu de graisses animales. Il explique également que la lipodystrophie (effet indésirable des antirétroviraux qui consiste en une prise de graisse au niveau du ventre, de la nuque et du cou) dont il souffre peut être liée au suivi d’une bithérapie. Etant donné que les avancées de la science ne lui permettent pas de contenir cet effet, il en conclut qu’il devra s’y adapter comme « à un handicap ». Comment pourra-t-il discerner, à quarante ans, les transformations dues à la lipodystrophie de celles liées au vieillissement ? Parole de « patient-expert », qui a assimilé le lexique médical qui concerne son cas et qui parvient, par sa connaissance de la maladie et de son traitement, à analyser les ressorts de son état et à anticiper les interrogations que l’ évolution de celui-ci l’amènera à affronter. Il témoigne ensuite de ses souffrances psychologies devant une image de soi abîmée par sa transformation physique. Il souhaiterait des « vacances thérapeutiques », pouvoir arrêter le traitement pour limiter cette transformation, mais son expérience du SIDA l’en dissuade : « j’ai fait les maladies opportunistes, j’ai vu la mort devant moi. Quand même, cette saloperie me fait vivre. » En ce qui concerne ses projets d’avenir, sa priorité est de vivre au moins jusqu’en l’an 2000. Quand il est passé devant la tour Eiffel, il s’est dit : « Ah, 271 jours ! », faisant allusion au nombre affiché sur un écran lumineux installé sur la tour, qui correspond au décompte chronologique avant le début du nouveau millénaire. Fondu en blanc sur son visage qui sourit, chaîné avec le plan initial montrant les différents protagonistes du film réunis sur le même canapé, reprise du thème musical qui était associé à ce plan (05 :28).

Deuxième témoignage

Gros plan serré sur le visage d’une jeune femme, elle nous apprend qu’elle a 28 ans. Elle indique la chute de sa charge virale et l’augmentation de ses T4 à mesure de son traitement. La précision de ses informations montre qu’elle aussi agit en « patient-expert ». Interrogée sur les effets secondaires, elle cite des problèmes de démangeaison avec l’apparition de plaques, et des problèmes de poids. Avec un sourire amusé, elle évoque la réponse de son médecin : « il vaut mieux prendre des kilos que d’en perdre. » Alors qu’elle expose les problèmes qu’elle rencontre pour s’habiller, sa voix est mise en off et nous la voyons de maquiller. Cet écart par rapport à la mise en scène générale permet de suggérer discrètement le dommage que cette prise de poids entraine sur l’image de soi. Elle décrit ensuite les problèmes administratifs qu’elle rencontre vis-à-vis de la Préfecture pour obtenir « l’aide médicale ». Elle l’a obtenu pour une unique année, or c’est cette aide qui lui permet de continuer le traitement. Elle souffre de ses effets secondaires, mais elle tient à le prendre parce qu’elle sait que de cette façon, elle « achète » sa vie. Elle a vu autour d’elle des malades mourir, elle sait que les médicaments sont nécessaires. Aussi s’abstient-elle de juger le traitement. Concernant ses relations avec les siens, elle prend en compte le fait qu’en Afrique, son continent d’origine, avoir le SIDA équivaut à mourir, si bien qu’elle diffère le moment où elle annoncera la maladie à sa mère. Revenant sur le suivi du traitement et ses conséquences, elle appelle les médecins à les prendre en compte et à ne pas se contenter de faire de la baisse de la charge virale un objectif unique. Son regard revient de plus en plus vers l’objectif comme pour appuyer ses propos. Fondu de son visage avec le plan initial du groupe réuni sur le divan, reprise de la musique (10:28).

Troisième témoignage

Filmé en plan d’ensemble, assis sur le même sofa rouge, un homme qui est intervenu dans Témoignages sur les trithérapies, autre film de la série « Infection à VIH » réalisé l’année d’avant par l’association Comment dire (également dans Medfilm). Il affirme que son médecin lui a récemment appris qu’il était lipodystrophié. Désignant son abdomen, il explique «Ca se manifeste par une adiposité centrale, là », et un desséchement de la peau et une incarnation des ongles. Il se plaint du temps que le médecin a pris pour le lui annoncer, et de façon générale, de l’insuffisance de ses informations. « C’est un pléonasme de dire ça, mais lui pense qu’un effet secondaire est justement secondaire. C’est un peu inquiétant parce que ça signifie quand même une modification du métabolisme. » Il décrit les difficultés que le traitement impose au quotidien sur son mode d’alimentation. Par ailleurs, la surcharge pondérale lui cause de la fatigue. « Il faut traîner son corps. » Et de nouveau, c’est l’image de soi qui est mis en jeu. « C’est déprimant de me voir un peu énorme dans la glace, de sentir ce corps qui mute. » Ces effets secondaires, avec les coups de fatigue qui l’accompagnent, ne permettent pas de réintégrer sereinement le monde professionnel. Compte tenu que ce monde réclame des personnes attrayantes et en forme, il insiste sur la pression exercée par « ce regard social sur les gens qui prennent des médicaments ». Il parle d’une possible intervention liée à la réduction des boules de Bichat. Cet ensemble de propos témoigne que nous avons affaire là aussi à un patient très bien informé, qui s’est même fait une idée de la manière dont la médecine devrait agir pour un cas comme le sien. Sa compagne étant elle-même séropositive et sous traitement, il apprécie de ne pas avoir à lui parler du sien. La fin de la séquence devient très coupée, avec des plans courts et une perte de fluidité dans la suite de propos. Elle inclut un moment de silence, comme si les mots ne venaient plus, comme si le discours avait perdu son axe initial. Pour finir, il insiste sur la souffrance qu’il éprouve à ne pas aimer son image avec « ce corps de mutant ». Fondu de son visage avec le plan initial du groupe réuni sur le divan, reprise de la musique (15:11).

Quatrième témoignage

Une femme assise sur la banquette rouge, les traits tirés sous son maquillage prononcé. Dans le plan précédent, nous l’avons vu avec un enfant sur ses genoux. Elle se prénomme, affirme qu’elle est séropositive depuis trois ans, « en même temps que » son fils. En suivant son traitement, elle a grossi et son visage s’est enflé. Son fils, qui suit aussi un traitement, a des plaques. Les fatigues qu’elle éprouve l’angoissent. Contrairement aux témoins précédents, elle ne connaît l’intensité de sa charge virale et le nombre de ses T4. « J’essaie de savoir lire mes examens. » Elle se différencie également des témoins précédents par sa difficulté plus grande à s’exprimer, à trouver les mots et mobiliser les informations qui conviennent à son propos. Ses ressources économiques sont limitées, celles de son compagnon aussi. Elle a besoin d’une aide sociale et demande « l’EAH » (sans doute l’AAH). Autre difficulté : elle peine à s’exprimer devant son médecin, si bien que son compagnon l’accompagne pendant les consultations pour assurer le lien. Elle estime que le traitement est une grande charge. Ses traits se contractent quand elle en parle : « Il faut pas oublier les heures, il faut emmener les médicaments partout. » Quand elle sort son fils, elle doit aussi penser aux médicaments qu’il doit prendre. Sursaut d’orgueil : « Je n’ai jamais oublié et je n’oublierai jamais. Pour moi, j’ai oublié, pas pour lui. Je fais attention au petit. » Fondu de son visage avec un plan de groupe réuni sur le divan, reprise de la musique (18:47).

Cinquième témoignage

Une femme filmée en gros plan, cheveux courts laqués, le visage fardé avec soin. Sa séropositivité date de 1982 ou 1984, « je sais pas très bien ». En suivant les traitements, elle a « beaucoup gerbé ». Elle a réussi à s’adapter grâce à des tisanes, mais elle reste affectée moralement. « C’est là que ça passe pas », dit-elle en désignant sa tempe. Nouvelle étape, depuis un an : sa lipoatrophie la fait maigrir beaucoup, « des jambes, des fesses, des bras ». C’est une fonte de graisse sous-cutanée qui fait saillir les veines sur le corps. A l’image, nous la voyons alors entrer dans la pièce et s’asseoir par un plan d’ensemble qui nous montre sa silhouette d’une finesse excessive. Elle aussi parle de l’angoisse que lui procure la vision de son reflet dans la glace, l’obligeant à se confronter à ses transformations. « Il faut accepter un corps qui s’abîme un peu. Par exemple cet été, je ne sais pas si j’aurai le courage de me mettre en maillot de bain sur la plage. Ou alors la nuit… » Elle veut parler d’un autre effet qu’elle subit comme d’autres. Elle fait une pause, regarde vers le bas, passe sa main sur sa nuque : « Je dis ça : ‘la vie est un long fleuve sans sexe.’ C’est vraiment mort, c’est dans le coma. Une anesthésie de la libido. » Quoiqu’elle ait fait des exercices pour se remettre en forme, elle garde de son traitement des « séquelles sur le moral ». Quand elle va voir son médecin, c’est elle qui aborde les effets secondaires, lui se concentre sur le nombre de T4 et la charge virale. Elle a exigé de lui la prescription de compléments – elle cite : acides aminés, oligo-éléments, vitamines. Comme les trois premiers témoins, elle se montre informée, désireuse de discuter avec le médecin des options de traitement qui lui conviennent le mieux. Comme les autres témoins, elle peine à attirer l’attention de celui-ci sur la nécessité de disposer d’un confort physique suffisant pour pouvoir envisager les autres aspects de la vie que celui de la maladie. Elle insiste sur ce sujet à la fin de l’entretien : « Au médecin, le message que je voudrai faire passer c’est de ne pas nous entraver. Il faut qu’ils nous facilitent la tâche. Il n’y a pas que les médicaments qui nous gardent en vie, il y a aussi l’espoir et l’envie de vivre. » Malgré cette difficulté qu’elle éprouve à vivre sereinement son traitement, elle a l’impression de vivre une nouvelle vie. Pour la première fois depuis de nombreuses années, elle commence à faire des projets. Elle s’arrête sur cette phrase, fixe son interlocuteur resté hors champ en gardant le silence, avec une grande expression de tristesse sur son visage. Fondu de son visage avec un plan de groupe réuni sur le divan, reprise de la musique (23:47).

Sixième témoignage

Une jeune fille filmée en gros plan. Sa voix est douce et posée, son regard pétille quand elle un élan de sincérité. Elle a dix-sept ans, elle est séropositive depuis sa naissance. Elle est lycéenne dans une école de mode. Elle sourit avec timidité, rit un peu : « Et donc voilà, ça se passe bien. » Un long temps s’est écoulé avant qu’elle ne comprenne la raison exacte de son traitement : « J’ai cru que c’était un problème de sinus. » Les tuteurs responsables de son éducation ne voulaient pas lui révéler sa séropositivité. Ils ont fini par le lui apprendre il y a deux ans, elle aurait préféré que ce soit avant. Avec « l’adolescence, c’est trop dur ». En prenant son traitement, elle a subi des réactions cutanées, des gonflements, des nausées… Elle fait du sport pour contenir la prise excessive de poids. Elle sourit avant de poursuivre : « En fait, le plus gros effet secondaire qu’on parle pas, c’est le mensonge. C’est-à-dire quand le docteur ou le professeur ne parlent pas aux enfants. Je serais docteur, j’emploierais le mot virus. Ils sont pédagogues, ils sont capables d’expliquer, je pense. » Elle garde l’espoir et mise sur les avancées de la technologie. « Je me suis mis une date dans la tête, d’ici deux ans, c’est bon. Je ne prendrai plus de médicament, je ne serai plus malade. » Néanmoins, la séropositivité la contraint à la solitude. Elle souhaiterait rencontrer des personnes dans son cas, qui l’accompagnent, qui lui permettent de voir comment leur maladie évolue, « pour savoir, simplement ». Dernier sourire, fondu.

Générique de fin, le groupe réuni sur la banquette est filmée au ralenti. Des gestes de tendresse ici ou là, manifestant la familiarité qui les unit : les bras de l’un reposent sur les épaules de l’autre, des mains se tiennent. Le plan resserre sur l’un ou l’autre, se pose enfin sur l’enfant qui, tout en continuant ses jeux, jette à la caméra un regard interrogateur.

Notes complémentaires

Références et documents externes

Contributeurs

  • Auteurs de la fiche : Joël Danet
  •  :
SNSF-logo.png  Cette fiche a été rédigée et/ou traduite dans le cadre du projet Neverending Infectious Diseases