Générique, puis début des témoignages tous tournés dans l'habitacle d'une voiture en marche. On entend le vrombissement fluctuant du trafic, le changement d'orientation se perçoit par le dehors aperçu à travers des pans de pare-brise. Le principe est de donner les conditions pour une parole sincère, qui naît d'une réflexion intérieure, cette parole que peut permettre l'ambiance propre à un déplacement en voiture. L'habitacle du véhicule, le fait d'être en déplacement permanent invitent à se livrer sincèrement, sans enjeu de représentation, sans pression d'un auditoire. Là encore, c'est le dispositif choisi par les documentaristes, éminemment cinématographique, qui permet de renouveler les conditions de verbalisation d'analyses et d'émotions personnelles. Nous le retrouverons d'ailleurs, dix ans plus tard, dans le film Ten d'Abbas Kiarostami, réalisateur qui affectionne la voiture qui roule comme lieu de tournage. Les fonctions de chaque protagoniste ne sont pas indiquées en infographie. C'est en écoutant leurs propos que le spectateur doit les deviner.
Premier témoignage
Une femme d’une quarantaine d’années. Elle a constaté que les gens ne savent pas grand-chose, sous entendu sur le sida. Elle informe ses proches. Elle est « à fond dedans » tous les jours, c’est normal qu’elle connaisse le sujet.
Second témoignage
Un homme d’un quarantaine d’année, avec une veste de costume et une écharpe. Il explique qu’on annonce pas la séropositivité de la même façon selon le patient, si l’on a affaire à un père de famille, un homosexuel isolé… En tant que médecin généraliste, on s’insère dans une histoire. « Il ne nous demande pas de nous approprier ce qu’il est en train de vivre. » L’attitude doit être l’écoute.Il raconte que dans les premiers articles sur le sida, la maladie était considérée comme celle des homosexuels et des Haïtiens. C’était des papiers culpabilisants. Lui aussi, au début, pensait que la responsabilité d’un patient infecté était engagée. Des discours éthiques ont surgi qui l'ont conduit à repenser cela. Le médecin explique que dans les séances de formation, ses collègues ont des phrases qui trahissent leur sentiment que le patient est coupable de ce qui lui arrive. « C’est la faute de personne si on a attrapé un virus qui est passé dans l’écosystème dans la communauté humaine. »
Troisième témoignage
Une femme de 45 ans environ. « Je ne pensais jamais que ça m’arriverait dans ma vie médicale une nouvelle maladie que je découvre. Je pensais qu’on ne pouvait plus rencontrer ça au Vingtième siècle. (…) Ca a été extrêmement passionnant. On était pas préparé à ça. C’est peut-être une des rares maladies mortelles qu’on peut éviter par certains comportements en partie sexuels.(…) On sait tous au fond de nous qu’on a parfois des moments où on maîtrise mal nos désirs, alors si on ne sait pas maîtriser le désir, ça veut dire qu’on peut être malade du sida… »
Quatrième témoignage
Une femme d’une trentaine d’année. Elle est infirmière et raconte qu’on ne lui a pas appris à gérer la dimension humaine, le côté relationnel des soins, mais aussi le rapport avec le corps, avec la mort. Elle s’est vu être débordée. Elle a accepté, quand elle était élève, de revoir un patient en dehors de l’hôpital sans qu’il y ait pour autant de réel lien d’amitié, elle ne savait plus où se situer.