Sur les traces de Balint (1977) (1976)

De Medfilm



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Titre :
Sur les traces de Balint (1977)
Année de production :
Pays de production :
Réalisation :
Conseil scientifique :
Durée :
82 minutes
Format :
Parlant - Couleur - 16 mm
Langues d'origine :
Sous-titrage et transcription :
Sociétés de production :
Commanditaires :
Archives détentrices :

Générique principal

avec Nadine Alari, Anouk Ferjac, Michael Lonsdale, Denis Manuel, Michel Vitold, Georges Wilson ; images : René Gosset

Contenus

Sujet

Exposé sur les méthodes de formation psychologique du médecin selon la méthode mise au point par Michaël Balint.

Genre dominant

Documentaire

Résumé

Après une introduction biographique sur Balint, le film expose ses théories sur la formation psychologique des médecins et les modalités de la mise en œuvre

Contexte

Le groupe Balint
Au début du film (02.45), un témoin qui n'est pas nommé, rappelle l'enjeu professionnel qui a motivé la mise en place des groupes Balint : « Il s'agit de situer l'époque où l'expérience Balint est apparue. C'est après la Deuxième Guerre Mondiale, une époque où le médecin s'est trouvé en possession d'une série invraissemblable de techniques nouvelles, de possibilités nouvelles, où il a été pris dans l'engrenage de la société industrielle et de la société de production et de consommation. La brèche ouverte par Balint permet au médecin de ré-ouvrir sur une autre dimension de sa profession, car, pris qu'il était dans cette accumulation de techniques, il perdait quelque chose qui avait été sa personnalité. Cette retrouvaille que permet Balint augmente son intérêt et son plaisir d'exercer cette profession. C'est dans la mesure où il a retrouvé ce plaisir qu'il est en mesure d'apporter au malade autre chose que ce que la société de production et de consommation lui impose. Il apporte au malade la dimension d'une jouissance personnelle. »
Un film qui s'appuie sur le travail du Dr. Sapir
Le projet est initié par Eric Duvivier à la suite de la lecture du livre du Docteur Michel Sapir : La Formation psychologique du médecin (1972). Gastroentérologue de formation, Michel Sapir a initié une analyse à la fin des années 50, se consacre à la psychanalyse dans les années 60. Il travaille alors sur les effets psychosomatiques du stress au travail. Il est proche des idées de Sandor Ferenczi et de Michael Balint, notamment sur la question de la relation soignant-soigné.Michel Sapir a consacré une large partie de son travail dans les années 70 et 80 à la formation des médecins et des personnels soignants.

Éléments structurants du film

  • Images de reportage : Oui.
  • Images en plateau : Non.
  • Images d'archives : Oui.
  • Séquences d'animation : Non.
  • Cartons : Non.
  • Animateur : Oui.
  • Voix off : Non.
  • Interview : Oui.
  • Musique et bruitages : Oui.
  • Images communes avec d'autres films : Non.

Comment le film dirige-t-il le regard du spectateur ?

selon Duvivier : « L'objectif (…) est de servir d'interrogation sur la fonction médicale et sur ce qu'on peut faire au niveau de la formation. » (revue "Médecine/cinéma" n° 31, 3e trim. 1976, pp. 37 – 43). Le film comporte une dimension réflexive à double titre : il invite les médecins à réfléchir sur leurs propres expériences en prenant connaissance, par le bais des groupes de parole qui lui sont restitués, de celles des autres. Par ailleurs, le fonctionnement même du groupe de parole est mis en question, les scènes le restituant étant mises en perspective, à intervalles réguliers, par les interventions du Dr Sapir qui interrompent le flux de leur succession.

Comment la santé et la médecine sont-elles présentées ?

Ici, il s'agit d'un film sur les médecins à l'usage des médecins qui vise à les faire réfléchir sur les enjeux psychologiques de leurs relations aux patients. Les médecins à l'image sont montrés comme des individus dotés d'une personnalité et d'affects et non comme d'infaillibles thérapeutes.

Diffusion et réception

Où le film est-il projeté ?

salle de cours, salle de cinéma pour des séances de prestige à l'usage de la profession médicale

Communications et événements associés au film

plaquette de présentation, article dans la revue "Médecine/cinéma" (n° 31, 3e trim. 1976, pp. 37 – 43).

Public

étudiants, chercheurs, professionnels de la médecine

Audience

Descriptif libre

Première partie : rappel de la personnalité de Michael Balint, postérité de ses théories

3 phases : présentation du scientifique Balint et de sa femme Enid qui témoigne sur la genèse des groupes / interviews témoignages sur les expériences de médecins au sein des groupes et sur leur bienfaits / images avec voix off de morceaux choisis d'une semaine de travail en groupe Balint discontinu à Divonne (semaine franco-suisse). Cette captation est la première décision prise par Michel Sapir et Eric Duvivier, avant de faire toute reconstitution filmée de groupe Balint. Suite à cette première partie du tournage, s'écoulent deux ans d'interruption faute de financements. Ils viendront finalement des différents congrès concernés.

L'un des intervenants de cette première partie, pendant la séquence de 07:09 à 09:13 est Jean Guyotat, psychanalyste et neuropsychiatre - membre de la Société psychanalytique de Paris - membre fondateur du Groupe lyonnais de psychanalyse Rhône-Alpes. Sa contribution vise à sensibiliser aux apports possibles des théories et des méthodes de Balint aux études en médecine. Jean Guyotat avait donné un long entretien dans Le psychotique dans la ville, film qu'Eric Duvivier avait réalisé en 1973 (aussi sur Medfilm).

Seconde partie : le dispositif de reconstitution des séances

Il s'agit de reconstituer une séance de groupe de paroles à partir de la réalité de ces groupes. Duvivier part de la consignation écrite de l’enregistrement de différent groupes Balint. Il met en scène le Dr. Sapir qui intervient de temps à autre par surimpression pour ajouter ses commentaires « sur leurs avantages, leurs inconvénients, leurs dangers, leurs limites, etc. » (dans "Médecine/cinéma" pp. 37 – 43). Duvivier a respecté ce dispositif dans la majeure partie du film, d’où l’attribution de son écriture au Dr. Sapir. Duvivier choisit d'employer des acteurs et non des vrais médecins. « Il semblait difficile de faire jouer à des médecins leur propre rôle, surtout au cours de plusieurs années » et parce que « le groupe Balint fonctionne essentiellement sur le discours et nous avons pu le vérifier de façon très frappante, en voyant que des acteurs, qui ne correspondaient pas physiquement au médecin qu'ils jouaient ou qui jouaient même plusieurs médecins en un seul personnage, pouvaient reproduire une atmosphère vécus dans les groupes uniquement avec des paroles et ceci avec plus d'intensité que la réalité. » (dans "Médecine/cinéma" pp. 37 – 43). Duvivier ajoute à propos du travail mené par les comédiens : « nos acteurs, n'ayant jamais joué ce type de rôle ont été, au début, un peu froids et rigides, exactement comme des médecins au début d'un groupe ; puis, on le sent très bien au cours du déroulement des séances, les choses se modifient. Par exemple, dans la manière de s'asseoir sur le divan, etc.. Il y a beaucoup de spontanéité dans leur jeu. » (dans "Médecine/cinéma", pp. 37 – 43).

le médecin face à ses pairs, le médecin face à lui-même

Les séances Balint, telles que le film les restitue, mettent en jeu des individualités différentes, quoiqu’elles partagent une même pratique professionnelle. Le premier médecin, sûr de lui, fait le récit de son expérience sans s’interrompre pour interroger ses confrères, sans attendre une réaction particulière de leur part. C’est un soliloque qui a simplement besoin d’un auditoire. Un autre, au contraire, avance avec difficulté dans l’exposé de son cas, fait volontiers part de ses troubles et de ses inquiétudes, cherchant de la part des autres, des informations et des opinions qui lui permettraient d’avancer avec davantage d’efficacité et de sérénité. La première affirmation du film est de révéler, ou rappeler, la diversité des personnalités que recouvre la figure unique du médecin.

Rapports de force entre les participants

A mesure qu’il progresse, le film met en évidence le rapport des forces inhérent à tout groupe où le beau parleur voisine avec le timide. Ce rapport se manifeste dès la prise de parole : qui se décide ? Qui aura assez d’aplomb pour le faire ? Le film montre même une médecin qui se laisse interrompre au moment où, avec un certain embarras, elle commence à parler, comme si elle n’avait pas été entendue. Ce plan, inutile d’un point de vue informatif, témoigne de l’ambiance sourdement conflictuelle de la séance, voire, suggère que ce sont encore les hommes qui y distribuent la parole. Un autre médecin tend à rompre la logique de groupe en privilégiant l’animateur psychanalyste comme interlocuteur ; il s’adresse même directement à lui, selon les mots du rédacteur de médecine/cinéma « dans un défoulement sexuel (dans "Médecine/cinéma" n° 31, p. 42)». Un petit théâtre se reconstitue à chaque séance, façonné par les individualités en jeu, évoluant à mesure qu’elles se fréquentent. Enfin, la présence d’un psychanalyste au sein du groupe, qui tient lieu de leader chargé de l’animer, influe sur le comportement de chacun. C’est lui le référent ultime, chargé d’articuler les échanges ou de les relancer. Quoiqu’il s’astreigne à la discrétion, selon le Dr. Sapir, il est l’interlocuteur privilégié de la parole du groupe.

Récits sur le patient, confessions de soignant

Le Dr Sapir, dans l’entretien donné à « Médecine / cinéma » affirme que, de même que l’ « acteur se met dans la peau du médecin » (dans "Médecine/cinéma" n° 31, p. 40), le médecin, pendant une séance Balint courante, « s’identifie au patient ». Le film, pourtant, ne donne pas cette impression. Les médecins que les comédiens incarnent, partent toujours de leur point de vue lorsqu’ils évoquent leur relation au malade qui se confie à eux. Ils décrivent les affects qu’ils éprouvent en sa présence en même temps que l’observation qu’ils font de son cas. Ils expliquent ensuite les décisions thérapeutiques qu’ils prennent selon cette observation, mais aussi, avouent-ils, selon le ressenti psychologique qu’ils éprouvent à son égard. Aucun d’eux ne se projette dans le patient, ne cherche à adopter son point de vue. Le film montre des médecins qui parlent d’eux-mêmes à travers le récit qu’ils font de leur pratique, laquelle engage une relation avec le malade. Celui-ci, en quelque sorte, constitue un tiers dans le dialogue que chaque médecin engage avec ses confrères et lui-même. Cette démarche réflexive met à jour une solitude, une fragilité, un sentiment d’incertitude chez les différents personnages de médecins, même ceux qui paraissent les plus sûrs d’eux, les plus à mêmes de maîtriser l’expression de leurs sentiments. De cette façon, le film tend à faire part d’une vulnérabilité partagée dans toute la profession.

Les modes de rapport au patient.

Aversion physique, érotisation, sympathie/antipathie. Les récits qui s’enchaînent, comme agencés exprès, constituent un échantillon de rapports du médecin à son patient. Nous observons qu’ils se structurent sur des pôles affectifs nettement distincts : l’aversion physique qu’ une des femmes médecins éprouve pour sa patiente obèse fait pendant à l’attirance érotique que subit un de ses confrères vis-à-vis d’une jeune patiente séductrice. Le médecin incarné par Michael Lonsdale fait part d’une relation qui évolue de l’antipathie à la sympathie, d’une relation complexe où la difficulté de s’entendre se même à un sourd attachement. Chaque médecin insiste sur ses efforts pour surmonter son a priori, son préjugé, tout mouvement irraisonné susceptible d’interférer dans sa pratique. Il n’en reste pas moins que, par son récit, personnel et désinhibé, nous comprenons que ce même mouvement détermine en partie la relation thérapeutique. Le médecin incarné par Michael Lonsdale juge qu’une cure est nécessaire à sa patiente : c’est aussi le moyen de ne plus avoir affaire à elle pendant la durée de cette cure. Le médecin qui éprouve un désir pour la sienne s’improvise masseur pour soulager ses lombaires : c’est aussi l’opportunité d’une caresse.
La nécessite de verbaliser et de psychologiser au détriment d'un diagnostic.
Une cohérence se remarque d’un cas à l’autre à mesure que le film se poursuit. Chaque médecin tend à le « psychologiser », à subordonner à l’explication psychologique la cause physique qui en serait la « somatisation ». Certains médecins se reprochent mêmes de ne pas avoir engagé assez tôt cette interprétation psychologique, empêchés, non pas par leur souci de privilégier le soin du corps, mais par leurs préjugés inconscients qui les a détournés d’une lecture psychologisante. C’est un travail sur soi que le médecin doit aboutir, visant à maîtriser son préjugé ou son désir, comme préalable au soin. Sa participation aux séances Balint va dans ce sens puisqu’il lui permet de verbaliser ses sentiments. D’où la nécessité de les rendre régulières, de les inscrire dans le quotidien diversifié de sa pratique. Bien sûr, le fait que ces séances sont menées par un psychanalyste induit une interprétation psychologisante de la part des participants. Le groupe montré dans le film décide même de se centrer sur des cas d’hystérie, ce qui, de l’aveu du Dr. Sapir, « n’est pas inoffensif. » Mais les médecins se prêtent volontiers au jeu, comme s’ils éprouvaient le besoin d’aller au-delà de leur diagnostique en l’inscrivant dans la relation qui l’engage au patient, le renvoyant à un « connais-toi toi-même » préalable qu’ils peinaient à assumer dans la solitude de leur pratique.

La mise en scène de Duvivier : un mode de récit en résonance avec le cinéma contemporain, l'exemple de Une sale histoire de Jean Eustache

Dans l'article que lui consacre la revue médecine/cinéma (n° 31, 3e trim. 1976, pp. 37 – 43), déplore le manque d’ambition dans la réalisation: « Le film est un long métrage avec participation d’acteurs connus, et des contraintes de temps, mais fallait-il, pour autant, tourner dans une pièce qui ne rend aucun contraste, avec une caméra qui reste passive… » (p. 43). Il est cependant intéressant de remarquer qu’un film contemporain de Jean Eustache, « Une sale histoire » (diffusé en 1977) présente de nombreux points de comparaison. Mettant en scène un homme qui raconte à des inconnus comment il est devenu voyeur dans les toilettes d’un café parisien, « Une sale histoire » se déroule aussi dans une pièce unique, laquelle, salon bourgeois meublé Louis-Philippe et bordé de bibliothèques garnie de livres reliés, ressemble tout à fait à celle où se déroulent les séances Balint du film de Duvivier. Dans le film d’Eustache, par ailleurs, la caméra adopte une semblable « passivité », dont on pourrait juger qu’elle n’est qu’apparente, puisqu’elle vise à se faire oublier par le spectateur pour le mettre en vis-à-vis de l’orateur qu’elle filme, comme s’il était un des auditeurs qu’il a réunis autour de lui. A remarquer enfin que l’orateur chez Eustache est interprété par Michael Lonsdale, un des « acteurs connus » du film de Duvivier. Celui-ci emploie la même technique de sous jeu, parole nonchalante, silences troublants, regards perdus, gestes vagues. Pour Eustache, Lonsdale devait rejouer le récit d’un ami qu’il avait d’abord filmé. De même, Duvivier puise dans la parole de médecin consignée par Sapir pour constituer les dialogues de son film, notamment le monologue du même Lonsdale. « Une sale histoire » est considéré aujourd’hui comme un film d’une audace remarquable par ses partis pris de mise en scène qui engagent un rapport vertigineux avec le réel. N’est-ce pas une ambition comparable que Duvivier a nourrie ? Samise en scène si proche de celle d’Eustache, tend à le montrer. A ceci près qu’elle se trouve ici au service de la vocation scientifique du film médical. Fonds Eric Duvivier code 462.

Notes complémentaires

Références et documents externes

Contributeurs

  • Auteurs de la fiche : France Garat, Joël Danet
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