Prévention du suicide : mythe ou réalité ? (1973)
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Sommaire
Générique principal
Images René Gosset
Son Joël Courtinat
Auteurs Docteur Jean-Pierre Soubrier ; travail du groupement d'études et de prévention du suicide
Avec le concours de : Centre de prévention du suicide de Bruxelles
Docteurs Cosyns et Willmotte, Les « Samaritains » (Londres)
Révérend Chad Varah, équipe de médecine pénitentiaire de Lyon
Professeur Marcel Colin, Hôpital Fernand Widal Clinique toxicologique
Professeur Michel Gaultier
Montage Albert Luzuy
Contenus
Sujet
Les méthodes mises en oeuvre pour prévenir le suicide et les structures qui les appliquent.
Genre dominant
Résumé
Le suicide est présenté comme découlant d'un isolement et d'un problème de communication. La prise en charge du suicide devrait être à la fois sociale et médicale. La Ligue nationale belge d'hygiène mentale, avec son Centre de prévention du suicide qui propose une ligne téléphonique spécialisée, est montrée comme exemple d'accompagnement des personnes concernées après leur hospitalisation, et de soutien. Les Samaritains, en Grande-Bretagne, proposent une autre solution d'accompagnement sous forme de lien amical ou simplement d'écoute.
Contexte
Une co-production Sciencefilm-Laboratoires Sandoz
Le dossier de production du film, intitulé "Vers une prévention du suicide", indique que celui-ci devait initialement porter ce titre. Un "protocole d'accord" entre les deux partis prévoit que le film, à partir de la date de sa signature (oct. 1972), doit être réalisé dans les douze mois qui suivent. Le montant du soutien par les Laboratoires s'élève à 110 350,50 F en quatre versements. Les recettes hypothétiques seraient à se partager à 50%-50% (Dossier de production Science film "Vers une prévention du suicide" - archives DHVS)
L'encadrement pénal du suicide et son approche médicale
Si l’on compare la situation de la France avec l’Angleterre, les différences paraissent a priori flagrantes sur le plan juridique, puisque le code pénal français de 1791 décriminalise l’acte tandis que le suicide reste passible de poursuite durant toute la période victorienne (Anderson 1987 ; MacDonald et Murphy, 1993) et ne fut dépénalisé en Angleterre qu’en 1961. La tendance au retrait judiciaire, dans sa pratique, est pourtant similaire. En 1879, le suicide n’est plus compris dans la catégorie des homicides et en 1882, le suicidé peut être enterré de jour. S’inscrivant dans le contexte d’une dépénalisation en France dès 1791, un grand nombre d’études en médecine mentale, en hygiène publique et en médecine légale abordent le phénomène du suicide de différents points de vue : individuel ou pathologique, collectif ou social, juridique et médico-légal.
Ces études élaborent des statistiques sur les diverses causes, analysent les écrits des suicidés, les rapports de police, établissent des liens entre la psychopathologie et la volonté de vivre, analysent la responsabilité et la volonté du suicidé, et tentent d’établir les critères médico-légaux permettant de distinguer le suicide de l’homicide. En élargissant les frontières de son expertise et son champ d’action, la médecine cherche à circonscrire, définir et prévenir ce phénomène complexe, considéré comme un symptôme de la folie, un danger de contagion morale pour la population, mais aussi comme un moyen d’échapper à une sanction judiciaire, à la douleur physique ou morale. Des influences terminologiques et conceptuelles réciproques s'exercent entre la littérature et la psychiatrie au début du XIXe siècle. Certaines notions comme l’ennui, le vague des passions et le tædium vitae se transforment ainsi en concepts psychiatriques dans les traités des aliénistes. (cf. Marc Renneville et Eva Yampolsky, « Histoires de la pathologie du suicide », Criminocorpus, mis en ligne le 14 mai 2018, consulté le 04 octobre 2024. )
Éléments structurants du film
- Images de reportage : Oui.
- Images en plateau : Non.
- Images d'archives : Oui.
- Séquences d'animation : Non.
- Cartons : Oui.
- Animateur : Non.
- Voix off : Oui.
- Interview : Oui.
- Musique et bruitages : Oui.
- Images communes avec d'autres films : Non.
Comment le film dirige-t-il le regard du spectateur ?
Le film présente plusieurs saynètes fictionnelles qui prennent place dans la ville ou à l'hôpital. De cette façon, le public prend acte que le suicide est un problème de proximité qui intervient dans le cadre ordinaire de la société.
Comment la santé et la médecine sont-elles présentées ?
Diffusion et réception
Où le film est-il projeté ?
Circuit médical (« Prix des dix meilleurs films » au festival du film médico-chirurgical, Distinction aux Entretiens de Bichat 1973)
Communications et événements associés au film
Public
Corps médical
Audience
Descriptif libre
Distinction aux Entretiens de Bichat
Titre
Préambule : le suicide, un drame d'aujourd'hui
Sur fond bleu, un texte tapé à la machine ; le générique défile sur un fond de mer et une petite musique douce :
« Le phénomène « suicide » est une réalité quotidienne, et l'on connaît la fréquence montante des tentatives de suicide. S'il est difficile actuellement d'obtenir des statistiques précises à ce sujet, on admet que la mortalité médicale générale baisse sauf pour la mort par suicide dont nous ne connaissons que les chiffres inférieurs. Pour toute la France, on estime que le taux de morts par suicide est proche de celui des morts par accidents de trafic. Chacun d'entre nous, sur un plan individuel ou en groupe, peut contribuer à sauver des vies humaines qui, suicidaires, ne demandent qu'à mieux vivre et ne pas mourir... La prévention des suicides apparaît comme nécessaire. »
La caméra suit une marche au travers des marchés de Paris le long de la Seine, pendant le commentaire : « Le suicidant est un isolé, il se présente et s'estime comme tel. Il s'isole des siens comme de la Société qui parfois le détermine à se replier sur lui-même. La Société moderne n'a pas résolu les problèmes de la communication interhumaine. » Suit un plan en noir et blanc devant un bâtiment qui ressemble à une église peut-être ; la caméra recule dans une rue en suivant un homme qui sort de ce bâtiment ; nous entendons, en extra diégétique, comme une hallucination auditive, des voix de femme et d'homme qui rappellent une discussion de terrasse. Dans une pièce (la scène est en couleur), la caméra parcourt des brochures de journaux : Le Journal du Dimanche titre « J'aime le courage de ceux qui se suicident », France-Soir « Montherlant a réussi sa mort comme son œuvre », les Entretiens de Bichat « Angoisse des médecins face à l'augmentation des suicides chez les jeunes ». Sous le commentaire : « Les mass-medias (souligné dans le scénario des archives du CRI) jouent à ce propos un rôle ambigu. Ils peuvent encourager un individu à se tuer, mais ils peuvent par ailleurs aider à informer le public et les autorités des possibilités de prévention du suicide. » ; le thème de l'utilisation de l'outil « média » pour la prévention du suicide apparaît. Un nouveau gros titre de France-Soir « Extraordinaire sauvetage par téléphone d'une désespérée entre Paris et New York » sur le commentaire « L'isolement affectif et social ressenti par l'individu peut conduire à ce passage : la tentative de suicide, accès ultime et indirect à la verbalisation de sa propre angoisse » ; s'en suit un plan sur une chambre et un téléphone dont le bruit montre que la communication est coupée. La caméra tourne à l'intérieur d'une petite pièce rappelant une cellule de prison sous le commentaire « Le suicide peut être considéré avec Freud, « comme un meurtre de soi-même à 180 degrés » ».
Comportement du 'suicidant'
Une nouvelle séquence, en caméra subjective, montre les mains d'une personne, à table, qui pousse son assiette pour pouvoir écrire ; puis on voit le visage d'une femme dans un miroir de salle de bain. Commentaire : « Le suicidant exprime souvent son intention proche de mourir. Cependant le désir de ce suicide est très souvent ambivalent » (commentaire rajouté par rapport au scénario : le suicidant est comme un Janus, une face orientée vers la mort, l'autre vers la vie, parfois tour à tour).
Lorsque le commentaire indique que « Le suicidant peut exprimer son désir de mourir de façon indirecte », la caméra montre la vue d'une ruelle vide puis tourne en plan fixe vers une seconde ruelle identique.
Lorsque le commentaire explique que « Nombre de suicides sont d'origine inconsciente, révélés par des équivalents suicidaires : tel l'accident du trafic (ajout : engageant également la vie d'autrui. Mais ce peut être aussi une absorption intempestive et chronique de drogues diverses ou d'alcool qui conduit en réanimation) », la caméra est d'abord à l'intérieur d'une voiture qui fait un accident puis débute une scène dans un hôpital (salle de réanimation) qui se terminera par le commentaire : « la prévention générale du suicide est d'ordre médical et social à la fois. Bien trop souvent, ce n'est qu'après la tentative de suicide, lors de l'hospitalisation que l'on pourra comprendre le suicidant, l'écouter et prévenir la récidive. Ce temps est intitulé Post-Vention. »
L'importance du soutien, l'assistance par téléphone
« Le rôle de l'équipe institutionnelle est fondamental et détermine tous les pronostics. Son but est de démystifier le suicide sujet-tabou mais aussi de dépsychiatriser le phénomène. » La caméra, en plan serré sur un homme, dézoome au fur et à mesure que l'homme parle et on se rend alors compte qu'il parle à trois médecins de ses différents séjours en divers services, avouant que certains furent plus agréables grâce à une atmosphère plus détendue. Il évoque son désir de mourir malgré l'espoir d'une intervention qui empêcherait sa mort, dévoilant que ses venues au centre ne sont pas toujours motivées par les tentatives de suicide, mais aussi par le besoin de conseils. Un médecin le questionne sur ce que « représente une unité médicale comme celle-ci, ou médico-sociale disons », à quoi l'homme répondra « pour moi, le service de l'hôpital représente énormément, représente tout, pour moi c'est une seconde mère » (la caméra resserre sur son visage pour montrer son émotion). Nous percevons ici explicitement le grand but de ce film : montrer l'importance primordiale du soutien psychologique et du suivi médical et social dans ce genre de situation. Le commentaire poursuit « Il faudra offrir au rescapé, qui se présente comme un ressuscité, une étape de récupération narcissique somatique et psychique, puis physique et sociale avec une large possibilité de dialogue à ces différents niveaux » et c'est alors que l'homme évoque le besoin d'aide à la sortie de l'hôpital : « si je ne venais pas là, où voulez-vous que j'aille ailleurs ? ». La seconde partie du film se centrera sur l'aide téléphonique : « Téléphoner à un centre ou à un poste d'écoute spécialisé est la réponse à cette question. C'est aussi le premier temps de la prévention du suicide ». La caméra montre des images d'un bâtiment et zoome sur la plaque « Ligue nationale belge d'hygiène mentale, Centre de prévention du suicide ». La vue se poursuit à l'intérieur où une standardiste décroche le téléphone, proposant son aide à la femme au téléphone qui semble réticente car elle ne la connaît pas. La femme avoue avoir des problèmes, qu'elle se sent seule dans sa grande maison, que ses amis et sa famille ne sont pas à l'écoute et ira jusqu'à dire : « alors moi ma famille c'est le 430303 » (numéro du centre) ». Elle explique qu'elle a effectivement souvent téléphoné et qu'elle se sent en confiance. Elle poursuit sur ses problèmes de solitude et ses tentatives de se suicider avec des médicaments, souhaitant intimement « que ça réussisse ».
La caméra raccorde sur des trains qui passent. Puis sur la vue extérieure d'une chambre d'hôtel, la caméra zoome sur une pièce éclairée pour suivre directement avec un plan sur la standardiste. « Ce n'est pas toujours facile, l'angoisse peut être « sans voix » ». Le téléphone sonne, la personne à l'autre bout du téléphone ne semblant pas répondre : « Patience, délicatesse et maîtrise de soi sont les qualités requises pour l'écoutant ». Une jeune femme vient comme volontaire au centre et explique : « Il n'est point nécessaire d'être un spécialiste reconnu de l'hygiène mentale, mais le choix des volontaires est délicat », la femme vient pour « en parler sainement, sans tabou ». « Chaque cas doit être étudié par l'équipe du centre avec contrôle du groupe par lui-même. »
Le commentaire poursuit : « De ces rencontres se dégagent les notions d'appréciation du risque suicidaire et du potentiel létal. De même que les cas où le recours à l'intervention est urgent à décider. » La caméra se centre sur une des bandes du magnétophone, puis nous voyons une discussion entre plusieurs personnes du centre ; l'une pose la question d'un lien entre drogue, alcoolisme et suicide, l'autre parle des structures hospitalières qui sont souvent inadaptées à la prise en charge du suicidant, les poussant à faire appel au centre. Lors d'une réunion regroupant huit personnes, l'assemblée écoute la bande magnétique d'une discussion lors d'un appel et la commente.
L'exemple des Samaritains en Grande-Bretagne : la spécialisation médicale n'est pas nécessaire
La caméra montre, dans la rue, une affiche représentant un visage de femme âgée, intitulée « Potential suicides are faced with a number of choices. Phoning the Samaritans is one of them » (nous ne sommes plus en France) ; commenté par : « En effet, on ne saurait parler de prévention du suicide sans démontrer la possibilité de la prise en charge du suicidant, dans la rue, sur un mode amical et anonyme. D'égal à égal et en dehors de tout contexte psychiatrique ou « psychiatrisant » ». Suivant une jeune femme qui marche dans un couloir de métro, celle-ci est attirée par une affiche « Pregnancy testing... », elle note le numéro. « Sans éliminer pour autant l'aspect médical éventuel du problème à partir d'une organisation contrôlée » ; la même jeune femme est désormais dans une cabine téléphonique londonienne, en pleine nuit, et pleure. Le téléphone sonne chez un homme. Il répond ; donne un papier à une femme, en appelle une autre pour intervenir auprès de la jeune femme en pleurs. Cette dernière femme prend sa voiture pour se rendre à la cabine téléphonique et aperçoit la jeune femme contre le bord d'un pont. Les deux femmes se rendent dans un café pour discuter.
Le commentaire introduit l'entretien avec le Révérend Chad Varah : « La prévention du suicide est née il y a 20 ans en 1953, institutionnalisée par le Révérend Chad Varah. Qu'en pense-t-il aujourd'hui ? ». Cet entretien commence en voix hors champ, la caméra restant un moment sur la discussion entre les deux femmes. Le Révérend explique que c'est principalement le fait de parler à un ami qui permet dans un premier temps de rechercher des solutions adéquates au problème (cette phrase se place en rapport avec la situation de la jeune femme enceinte) puisque la discussion permet le réconfort, et l'encouragement qui sont des besoins primordiaux dans ce genre de situation. Le Révérend est maintenant en situation d'interview, un livre à la main, sur un pont de Londres. Selon ses dires, la prévention du suicide doit concerner médecins et psychiatres dans le cas de maladies avérées (une dépression par exemple) pour qu'il y ait traitement médical. Pourtant, le Révérend indique avoir rencontré beaucoup de personnes ne présentant pas de maladies motivant une intervention psychiatrique ; une présence amicale se trouvant alors suffisante, comme dans le cas de la jeune femme précédente où la « crise émotionnelle » peut être contenue par la discussion d'abord, puis par l'intervention médicale si avortement il y a. Environ 12 % des situations pour lesquelles les Samaritains interviennent lui semblent être des cas psychiatriques. Le Révérend soutient qu'il n'est pas dans leur habitude de se décharger de ces « cas trop difficiles pour eux » et que le psychiatre, au vu d'une association, peut bénéficier de leur aide.
Le film se termine sur une citation de Montherlant in « Le Treizième César » mars 1970 : « Nombre de suicides, si on les avait remis seulement d'une heure, on ne les exécuterait pas. Donnez-vous cette heure, pour le moins » qui apparaît en surimpression sur un plan en travelling avant d'une femme dans une cabine téléphonique londonienne.
FIN Sandoz sciencefilm
Fonds Éric Duvivier code 399.
Notes complémentaires
CIL - Cote 399 + dossier sur le film (préambule en français)
Contributeurs
- Auteurs de la fiche : Caroline Ruebrecht