Frank Armitage

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Frank Armitage

Frank Armitage est un peintre et artiste muraliste américain (naturalisé), connu pour la réalisation de décors dans plusieurs grands classiques Disney, ainsi que pour son œuvre d’illustrations biomédicales.

Né le 05 septembre 1924 à Melbourne, en Australie, Frank Armitage connaît dès son enfance une passion pour le dessin. Après avoir effectué son service militaire dans la Royal Australian Air Force pendant la Seconde Guerre mondiale, il s’oriente vers des études d’architecture dont il suivra les cours au Melbourne Technical College.
Mais, à 22 ans, il découvre par hasard un livre traitant de la peinture murale au Mexique. C'est pour lui une révélation : il abandonne alors ses études australiennes et, après un séjour de 18 mois au Canada où il vit le temps de se constituer des économies, il arrive au Mexique en 1948.
Comme il en témoigne dans une interview du Los Angeles Times du 16 décembre 1982, « je souhaitais simplement pouvoir travailler sur une œuvre à grande échelle et [cette peinture murale mexicaine] était l’image la plus époustouflante que j’avais jamais vue, œuvres de la Renaissance mises à part. Mais ces œuvres étaient de l’histoire passée ; moi, j’étais au moment présent et je voulais en faire partie» (« I just wanted to work on a large scale and [the Mexican mural] was the most exciting image I’d ever seen, apart from things that were done in the Renaissance, and that was history. This was present and I had to be part of it »).

Dès son arrivée à Mexico City, il intègre un institut dédié à la technique de la peinture dite muraliste. Impressionné par le fait que l’éducation est gratuite au Mexique, Frank Armitage décide de créer une peinture murale sur ce thème. C’est grâce à cette œuvre qu’en 1949, il gagne le premier prix d’un concours international de fresques murales organisé par David Alfaro Siqueiros (peintre muraliste mexicain de renom, contemporain de Diego Rivera et de José Clemente Orozco).
Ce dernier ayant remarqué le talent de Frank Armitage, il décide de l’engager comme assistant. Les 2 années qu’il passe à ses côtés, peignant des fresques sur plusieurs bâtiments publics, influencent grandement le concept artistique qui va devenir la « patte » de Frank Armitage.

Après avoir tenté en vain de lancer un mouvement muraliste en Australie, Frank Armitage émigre en 1951 en Californie, et en avril 1952, intègre les studios Disney en tant qu’animateur. Il démarre sa carrière sur les films (où il est non crédité) Peter Pan (1953) et La Belle et le Clochard (1955). Mais très vite, il trouve sa vocation en tant qu’artiste dédié à l’agencement de scènes et aux arrière-plans, ce qui est en lien avec son expérience en tant qu’artiste muraliste.

Durant les années 1950 et 1960, Frank Armitage travaille sur différents grands classiques de Disney tels que La Belle au Bois Dormant (1959), Mary Poppins (1964) ou Le Livre de la Jungle (1967).
C’est à cette époque qu’il commence à s’intéresser à l’anatomie humaine et à l’art médical. Il s’inscrit à l’UCLA (Université de Californie à Los Angeles) pour suivre notamment des cours de dissection et de sciences biologiques.

Le fait de combiner ses expériences de peintre muraliste et d’animateur chez Disney avec ces nouvelles aptitudes lui apporte alors une manière unique d’illustrer la médecine : il se met à casser les codes en vigueur qui consistent à éclairer le sujet par le haut gauche.
Il devient dès lors un artiste graphique ainsi qu’un réalisateur pour des universités telles que l’UCLA, l’USC (Université de la Californie du Sud) ou la San Diego State. Ses illustrations médicales paraissent également dans des revues renommées comme Geology Today, Biology Today, Omni Magazine ou dans la presse académique.
La particularité de Frank Armitage est qu’il amène le spectateur ou l’observateur en plein cœur de l’image, de façon à ce que celui-ci ait l’impression d’être immergé et entouré par tous les éléments qui y sont représentés.

En parallèle, il se lance dans la conception de films éducatifs parmi lesquels peuvent être cités Man and the Moon (1955 - une production Disney sur l’espace, co-produite par Werner Von Braun), Fill ‘Er Up! (1959 - film promotionnel sur l’essence produit par DuPont), Rhapsody of Steel (1959 - produit par l’US Steel) ou Mr Digit and the Battle of Bubbling Rock (1961).
À la fin des années 1950 et durant la décennie des années 1960, Frank Armitage travaille sur différents grands classiques de Disney tels que La Belle au Bois Dormant (1959), Mary Poppins (1964) ou Le Livre de la Jungle (1967). Son travail de la fin des années 1960 est très imprégné de son influence médicale comme en attestent certains paysages du Livre de la Jungle. On y retrouve ainsi des racines d’arbres qui ressemblent à s’y méprendre à des vaisseaux sanguins cérébraux.

En 1965, il devient consultant médical et artiste pour le film doublement primé aux Oscars, Le Voyage Fantastique. Frank Armitage intègre ce tournage très certainement sur recommandation d’Ub Iwerks ou d’Art Cruickshank, 2 artistes qui sont partis de chez Disney pour venir travailler à la 20th Century Fox. En tant qu’illustrateur, Frank Armitage utilise ses connaissances artistiques et anatomiques pour pouvoir concevoir des fresques qui sont ensuite montées en 3 dimensions sur les plateaux de tournage. Cette production est une grande émulation pour l’artiste : « l’idée était de penser grand mais de peindre petit. Cela a été source de grande satisfaction pour moi » (« the idea was to think big and paint small. That really satisfied me »).

Après Le Voyage Fantastique, Frank Armitage continue à la fois de travailler comme illustrateur médical freelance mais aussi sur des productions éducatives. On peut ainsi citer Steps Towards Maturity and Health (série des Upjohn’s Triangle of Health de Disney, 1969 - film évoqué dans Anatomical Animation) qui va illustrer pour la première fois aux écoliers le développement d’un fœtus vu de l’intérieur.

En 1970, à l’occasion d’une conférence qu’il doit présenter à l’Association of Medical Illustrators, Frank Armitage réalise le documentaire Anatomical Animation dans lequel il transmet sa passion pour l’illustration anatomique : vraie ode rendue à la beauté de cette branche artistique, il y fait état des principales avancées en la matière au cours des siècles et y fait mention d’une partie de ses œuvres majeures.

À cette époque, Frank Armitage réalise également des illustrations pour le célèbre Life Magazine. En 1971, dans le cadre d’un projet en 5 parties avec ce même magazine pour illustrer les fonctions du cerveau, il se met en relation avec le photographe Lennart Nilsson, spécialiste de la macro-photographie. Le résultat de leur travail est du domaine du jamais vu : la préface du magazine titre même « photographing the brain as no one ever has » (photographier le cerveau tel que personne ne l’a jamais fait).

Pour ce projet, Armitage dessine et conçoit son propre matériel pour produire les images, en s’inspirant d’une innovation faite par Disney : la caméra multiplane. Cela procure une sensation de profondeur à ses dessins, créant un effet tridimensionnel. Cette capacité d’immersion restera par la suite l’une des marques de fabrique de l’artiste. Au cours des années 1970 et 1980, il conçoit même d’autres procédés multiplanes avec des couches d’acétate réversibles.
Couplé à son intérêt tout particulier pour le cerveau et sa structure, ce procédé va servir à l’élaboration en 1976, en collaboration avec le neuro-anatomiste Robert B. Livingston, d’un film novateur en matière de neuro-imagerie : The Human Brain: A dynamic View of its Structures and Organization.

À partir de 1977, Frank Armitage se rapproche à nouveau de Disney et devient un « Imagineer », c’est-à-dire qu’il commence à travailler sur la partie R+D des parcs à thème Disney. Grâce à son travail sur les figures anatomiques, il contribue à la création du pavillon Wonders of Life au parc EPCOT (parc Disney en Floride). Il réalise également diverses fresques murales dans plusieurs parcs, notamment celui de Tokyo.
Sa carrière dans la scénarisation des parcs à thème Disney continue jusqu’en 1989, date où il prend sa retraite. Le seul projet qu’il n’aura pas réussi à mener à bien est celui d’une attraction pour le pavillon Vie et Santé (Life and Health Pavilion) du parc EPCOT. La volonté d’Armitage était de créer un circuit qui serait un vrai voyage à travers le système immunitaire du corps humain, projet qui a finalement été abandonné par la Direction à cause de la complexité de sa réalisation. Ce projet sera finalement transféré à George Lucas qui développera un nouveau scenario, lequel aboutira à l’ouverture en 1989 de l’attraction Body Wars (une attraction ayant de fortes similitudes avec Le Voyage Fantastique).

Deux des illustrations réalisées pour le pavillon Vie et Santé ont été exposées en 1986 au Musée de l’Illustration Américaine, à New York, dans le cadre de l’exposition « L’Art de la Médecine ». Comme le soulignait à l’époque Marty Sklar, vice-président de la division Disney Imagineering, « Frank apporte la précision de la connaissance du corps humain et des illustrations médicales à notre monde imaginaire. D’un côté, il est extravagant et de l’autre, il est minutieux. On peut dire qu’en quelque sorte, il est un pont entre 2 mondes » (« Frank brings the preciseness of the knowledge of the human body and of medical illustrations into our fantasy world. On one hand, he is fanciful and, on the other hand, he is totally accurate. He somehow bridges those two worlds », Los Angeles Times, 16 décembre 1986).

Il est vrai qu’à travers toute son expérience artistique et son implication dans nombre de films éducatifs et de recherches, Frank Armitage a démontré une volonté continuelle d’allier le beau à l’informatif (cf Anatomical Animation : « My goal was to make the presentation as beautiful as it is informative »).

Après son départ de chez Disney en 1989, Frank Armitage s’inscrit à des études doctorales de médecine orientale au Sino-American Medical Rehabilitation Assn. à Los Angeles, afin de mieux comprendre la médecine chinoise et de se spécialiser en acupuncture. Il poursuit par la suite ses travaux universitaires en Chine.

En 2006, il fait don d’une grande partie de son œuvre d’illustrations médicales à l’University of Illinois de Chicago dans le cadre du Biomedical Visualization Graduate Program.

En 2009, il est officiellement hissé au rang de légende Disney en se voyant décerné le « Disney Legend Award » par le National Fantasy Fan Club.

Un an plus tard, après avoir visionné un reportage sur les gorilles à dos argenté, il lègue plusieurs peintures à l’huile au Dian Fossey Gorilla Fund ainsi qu’au Center for Great Apes : les reproductions de ces œuvres sur des objets de merchandising permettent ainsi à ces associations d’obtenir plus de fonds.
Autour de cette même époque, il rejoint les Flying Doctors, une association de médecins bénévoles qui fournissent des soins gratuits aux populations mexicaines et latinoaméricaines émigrées aux États-Unis. Il s’installe à Paso Robles, en Californie, avec sa femme Karen Connolly Armitage, elle-même ancienne Imagineer de chez Disney. Ils montent ensemble une société d’architecte et Frank Armitage peint en parallèle des toiles et des fresques pour des particuliers.

Il s’éteint dans sa maison de Paso Robles le 4 janvier 2016, à l’âge de 91 ans.

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Contributeurs : Séléna Turquetil