Les infirmières : l'école du dévouement (1964)

De Medfilm



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Titre :
Les infirmières : l'école du dévouement
Série :
Année de production :
Pays de production :
Réalisation :
Durée :
42 minutes
Format :
Parlant - Noir et blanc - 16 mm
Langues d'origine :
Sous-titrage et transcription :
Sociétés de production :
Commanditaires :
Archives détentrices :
Corpus :

Générique principal

Gén. début : réalisation : Dominique Réty, production : Françoise Dumayet

Gén. fin : une émission de Françoise Dumayet / Avec le concours de Georges Paumier / Images : René Colas - Jacques Stoccane / réalisation : Dominique Réty

Contenus

Sujet

Présentation des conditions d'étude accéder à la profession d'infirmière et des conditions dans lesquelles celle-ci se pratique : durée, indemnités, logements, enseignements, types d'institutions où elles sont menées, tâches, possibilités d'avancement et de promotion.

Genre dominant

Documentaire

Résumé

Par une succession d'entretiens alternés avec des séquences de reportages en milieu hospitalier, le film détaille de la manière la plus prosaïque les conditions d'étude pour accéder au métier d'infirmière puis les conditions de sa pratique. Il y est évoqué la difficulté de pouvoir gagner sa vie et mener ses études, décrit le mode de vie, l'emploi du temps, le contenu habituel des tâches, la charge morale qui caractérisent la profession.

Contexte

La formation des infirmières

Jusqu’à la fin du XIXe siècle, soigner est un art essentiellement pratiqué par les religieuses. Dès le XIIIe siècle, les soeurs augustines s’occupent des malades de l’Hôtel-Dieu. Elles représentent l’une des principales congrégations religieuses hos­pitalières actives dans les hôpitaux de la Charité, Beaujon (dans sa première im­plantation à Paris), Lariboisière et Saint- Louis. Les religieuses vouent leur vie aux soins apportés aux malades, traités es­sentiellement sous l’angle de la santé spirituelle. Le mouvement de laïcisation amorcé en 1878 amène au départ progressif des reli­gieuses des hôpitaux, où elles n’occupent généralement plus que les postes de sur­veillance. Sont alors formées de véri­tables professionnelles laïques pour une prise en charge médicale des malades et pour leur prodiguer les soins nécessaires à leur guérison.


La circulaire du 28 octobre 1902 qui en­courage fortement la création d’écoles de formation, précise la définition de l’infir­mière : « L’infirmière telle qu’on doit la concevoir est absolument différente de la servante employée aux gros ouvrages de cuisine, de nettoyage, etc. Elle est réser­vée aux soins directs des malades ; c’est la collaboratrice disciplinée, mais intel­ligente, du médecin et du chirurgien ; en dehors de sa dignité personnelle qu’il est essentiel de sauvegarder, elle doit éprou­ver une légitime fierté d’un état que re­lèvent à la fois son caractère philanthro­pique et son caractère scientifique. » Des écoles d’infirmières municipales existent déjà avant la parution de cette circulaire : dès 1878, elles forment éga­lement des servantes et des aides-soi­gnants. Les règles d’hygiène, les notions en petite pharmacie et l’apprentissage de l’art des pansements leur permettent d’apporter tous les soins nécessaires aux femmes en couches et aux enfants.


En 1907 ouvre l’école d’infirmières de l’Assistance pu­blique dans l’enceinte de l’hôpital Salpêtrière. Le règle­ment de l’école reprend les propositions données dans la circulaire de 1902 sur l’hébergement des élèves, ain­si que sur les modules de formation et le recrutement. Les postulantes doivent être âgées de 18 à 30 ans, avoir de bonnes capacités intellectuelles ainsi qu’une bonne condition physique. La scolarité, d’une durée de 2 ans, est gratuite : en échange, les élèves s’engagent à servir l’As­sistance publique en travaillant dans un de ses hôpitaux pendant un certain nombre d’années. Les élèves suivent un enseignement théorique la 1re an­née, puis un stage pour la mise en pratique la 2nde année. Le temps de loisirs et de repos est également prévu dans le règlement. Cette école ne remet pas en cause la création des écoles municipales : on parlera ainsi des « bleues » (en référence au manteau bleu des nouvelles élèves) et des « municipales » pour distinguer l’origine des infirmières. Dans les années suivantes, des écoles ouvrent dans les hôpitaux de la Pitié, Lariboisière, Bicêtre ou encore à l’hô­pital Franco-Musulman (aujourd’hui Avicenne). Cf. https://archives.aphp.fr

Éléments structurants du film

  • Images de reportage : Oui.
  • Images en plateau : Non.
  • Images d'archives : Non.
  • Séquences d'animation : Non.
  • Cartons : Non.
  • Animateur : Non.
  • Voix off : Oui.
  • Interview : Oui.
  • Musique et bruitages : Non.
  • Images communes avec d'autres films : Non.

Comment le film dirige-t-il le regard du spectateur ?

Le film ancre sa mise en scène dans l'imagerie que l'histoire de la profession a créée pour que le public y trouve ses repères. Par les entretiens avec les infirmières d'aujourd'hui et les observations du commentaire, il amène cependant celui-ci à actualiser cette perception selon l'évolution de ses conditions et de la conjoncture du secteur et plus largement de la société.

Une manière récurrente de mettre en scène les entretiens avec les infirmières est de les montrer au travail, puis de les solliciter par une question qui les amènera, de façon artificielle, à abandonner leur tâche pour avancer vers la caméra et y répondre. Il s'agit d'ancrer les échanges avec elles dans leur environnement de travail et dans la chaîne de gestes dont elles doivent quotidiennement s'acquitter. Autre procédé récurrent dans le reportage : les faits généraux concernant les infirmières (horaires, tâches, expérience psychologique, vie privée) sont abordés dans des lieux spécifiques. Mais il ne s'agit pas d'une visite de l'hôpital service par service pour décrire de manière systématique les responsabilités que chacun réserve aux infirmières.

Comment la santé et la médecine sont-elles présentées ?

Ici, le film propose un double regard sur le métier d'infirmière : il s'agit d'approcher ses constantes (les qualités techniques et morales qu'il requiert) en même temps que de rappeler les difficiles conditions de son apprentissage et de sa pratique et d'alerter sur la conjoncture dégradée du milieu médical qui découragent les nouvelles vocations pour ce métier.

L'émission ne cesse de mettre en débat l'image de femme dévouée, sans vie personnelle, attachée au poste d'infirmière. Un de ses propos est de convaincre le public que les mentalités ayant changé, cette image ne doit plus avoir cours. Il faut réformer la profession pour que les personnes qui l'exercent puissent le faire efficacement, consciencieusement, sans se sacrifier pour autant. Ce n'est pas une opinion de journaliste, mais l'analyse des différents représentants du personnel médical qui ont été interrogés.

Diffusion et réception

Où le film est-il projeté ?

Télévision française, Première chaîne, jeudi 18/06/1964 à 21h41

Communications et événements associés au film

Public

Tout public, en particulier le jeune public (18-25 ans)

Audience

Descriptif libre

Compétences techniques et morales

Plan général en angle plat sur un amphithéâtre remplie d'un auditoire de femmes en tenue d'infirmière. Voix off masculine d'une personne qui s'adresse à elles. PLus loin dans le film, le commentaire nous apprendra qu'il s'agit de celle du Dr. Fouquet, chef du service de Phtisiologie à La Salpêtrière : "J'espère vous avoir fait comprendre l'importance des examens que nous pratiquons. Au début de tout traitement de tuberculeux, examens qui sont la garantie d'un succès constant dans le traitement de cette maladie." Cut, la caméra change d'angle à 90° pour montrer un professeur donnant un cours. Panoramique gauche, les infirmières applaudissent, se lèvent, rangent leurs matériel de prise de notes en échangeant entre elles, quittent les travées pour gagner l'allée centrale. Alors qu'elles avancent vers la caméra, au son de leurs conversations vives s'ajoute une musique baroque, solennelle, jouée par une section de cordes. En infographie, le titre de la série apparaît : "L'avenir est à vous".

Le Dr. Fouquet, face caméra : "Les infirmières sont mal connues du grand public. On exige d'elles une connaissance technique qui est considérable et elles doivent manifester des qualités de dévouement qui sont peu communes. Il faut aimer ses malades, aimer son prochain, aimer soigner. Et c'est auprès des malades qui ne guérissent pas que le rôle de l'infirmière prend toute sa noblesse." De cette façon, le médecin insiste sur la combinaison de deux types de qualités qu'exige le métier : la connaissance technique qui permet une pratique sûre, un dévouement de tous les instants jusqu'au dernier du malade.

Conjoncture de la profession

Vue d'un bloc opératoire où des infirmières préparent les instruments, assistent le médecin qui enfile sa blouse, aident l'équipe qui amène le futur opéré sur une civière. Commentaire en off : "Si ce métier exige des qualités de dévouement, il est également de ceux qui posent au monde entier des problèmes graves." Le commentaire cite une information de l'OMS qui constate le manque d'infirmières dans les centres hospitaliers d'Europe, d'Amérique et d'Asie. Le commentaire poursuit en rappelant que si toute la France subissait cette évolution, la région parisienne davantage encore- "en raison même de la concentration de population qu'on y rencontre". Le commentaire poursuit : "A Paris, dans le cadre de l'Assistance Publique, il y a 6000 soignants au chevet des malades, alors que dès maintenant, l'Assistance Publique en aurait besoin de 4000 supplémentaires."

Pendant que le commentaire déroule son exposé, la séquence se poursuit en images sur la préparation de l'opération (disposition des instruments sur la table, orientation de la lampe scialytique...). La musique baroque qui continue accentue son aspect protocolaire, lui donne un effet de cérémonial qui dépasse l'évènement pour rendre sa mise en images représentative de l'activité, la concentration, la technicité, la vélocité gestuelle, la complémentarité des tâches, la panoplie instrumentale propres à toutes les opérations contemporaines. Le commentaire ajoute qu'une légère augmentation des effectifs depuis 1962 témoigne que l'intérêt pour la profession n'a pas diminué. "Mais on redoute les conditions de travail, ainsi que les horaires difficiles à concilier avec une vie familiale normale." Vue sur le dôme de la Salpêtrière, puis sur la cour où des infirmières marchent en groupe dans une allée où circulent également des véhicules. Le commentaire rappelle que le budget de la Santé Publique de cette année (1964) est onze fois supérieur à celui de 1958. "Et depuis octobre dernier, un plan de réforme destiné à améliorer le sort des infirmières a été mis en oeuvre." Le commentaire indique les conditions d'accès aux études d'infirmière, la rémunération prévue, le nombre de places d'internat réservées aux étudiantes "de province" à La Salpêtrière. Ici, le film propose un double registre de perception : il s'agit d'approcher les constantes du métier d'infirmière (les qualités techniques et morales qu'il requiert) en même temps que d'alerter sur la conjoncture dégradée du milieu médical qui met en question la possibilité d'une relève par les nouvelles générations. (03:56)

"Les études sont très difficiles"

Trois infirmières s'activent dans une chambre commune. Elles vont dans le fond de la pièce où; isolées par un paravent, elles disposent des flacons sur une tablette. L'entretien collectif commence. Parmi les trois infirmières, deux sont internes "à l'école des Bleues" (cette école des « bleues » - en référence au manteau bleu des nouvelles élèves - est celle de l'AP, à distinguer des écoles d'infirmières municipales). Une des infirmières affirme qu'une bonne culture générale est nécessaire pour exercer ce métier. Elle détaille les disciplines enseignées pendant sa formation, elle estime que ces études sont très difficiles "parce que nous sommes d'abord fatiguées physiquement étant donné que nous faisons des stages le matin" avant de suivre ces cours et de retourner travailler le soir." Elle précise qu'en plus de la prise en charge des frais d'équipement, l'AP prévoit une rémunération des étudiantes de "3700 anciens francs". Le journaliste : "Comment faites-vous pour ajouter aux 37 francs de chaque mois?" L'infirmière : "Et bien on fait des veilles le samedi" " - Je croyais que c'était votre seul jour de sortie de la semaine?", " - Oui mais c'est aussi le seul où l'on peut gagner de l'argent." Le journaliste évoque l'engagement imposé par l'AP de travailler cinq ans pour cette institution en échange de la gratuité des études. L'infirmière estime que cet engagement "pose un problème": "On est jeunes, on pense à l'avenir, on voudrait se marier." Or, comme ces élèves viennent de province, et que leurs fiancés y vivent aussi, elles en sont éloignées pendant sept ans (le temps de leurs études et le temps de l'engagement). Sourire triste de l'infirmière qui ne cherche pas à cacher la difficulté de la situation qu'elle partage avec ses collègues. Des plans de coupe sur le visage des deux autres infirmières présentes symbolisent cette communauté de conditions qu'elles connaissent. Le journaliste demande à une autre des trois infirmières si elle s'est habituée "à la souffrance". Elle répond "non" avant même qu'il n'ait fini sa question, elle ajoute d'une voix calme mais ferme : "L'habitude, c'est tellement mauvais... On ne s'habitue jamais à la souffrance mais on arrive à la dépasser." Plans de coupe sur les infirmières en action dans la salle commune : l'une soutient une malade qui marche dans l'allée, deux autres réajustent la literie d'une autre malade. (07:24)

"Quand c'est bien fait, c'est remarquable"

Entretien avec une infirmière en chirurgie. Isolée dans le champ, son visage doux et gracile en gros plan, elle répond aux questions avec précision et timidité. En plans de coupe, elle est montrée poussant un chariot dans une chambre où, sous la surveillance de la malade qui la regarde avec attention, elle prépare une seringue, fait un pansement à l'aide de pinces, arrange la literie (elle parle de "nursing" parmi les tâches qu'elle doit accomplir". Elle explique que la technicité du métier d'infirmière l'a poussée à le choisir. Maîtriser celle-ci permet de travailler "rapidement, efficacement", et d'"appliquer la thérapeutique du médecin de façon parfaite". Elle ajoute : "C'est ce qui me plaît, parce que quand c'est très bien fait, c'est dur et c'est remarquable." Elle explique qu'elle aime la médecine, qu'elle a renoncé aux études en médecine à cause de leur longueur. Cette séquence fait le portrait d'une jeune femme qui aurait voulu être médecin et s'est rabattue sur le métier d'infirmier pour s'approcher le plus possible de sa pratique, priorisant la compétence technique. En montrant la passion que cette responsabilité est susceptible d'inspirer, il contrebalance l'entretien collectif avec des infirmières qui insistaient sur les conditions difficiles pour s'y préparer. (09:48)

Etre "un rayon soleil"

Façade de bâtiment. Le commentaire évoque les 180 écoles de la Croix-Rouge, établissements privés qui préparent au diplôme d'infirmière. Images de couloir et de salles de soins, le commentaire précise qu'il s'agit des locaux du service de phtisiologie de la Salpêtrière. Nouvel entretien avec une infirmière qui abandonne sa tâche et avance vers la caméra pour répondre aux questions. C'est le procédé récurrent de mise en scène des entretiens depuis le début du film. L'infirmière explique qu'elle paie ses études qui s'élèvent à 8000 francs par mois, sans compter les frais personnels et ceux des uniformes qu'il faut acquérir. Elle a dû travailler un an pour pouvoir financer ses études, "et j'ai dû demander une bourse" qu'elle précise s'élever à 26000 francs par mois. C'est le journaliste qui, dès le départ de l'entretien, l'oriente sur la question du financement. Un des objectifs de l'émission est d'aborder le plus frontalement et le plus en détail possible le volet économique du sujet. Mais l'entretien poursuit sur le thème de l'expérience de la souffrance des malades. "J'ai découvert qu'être infirmière n'est pas uniquement faire des pansements, des piqûres. C'est avant tout assurer auprès du malade une présence." Elle évoque la lettre qu'elle a reçue d'une patiente, dans laquelle celle-ci la remercie de lui avoir tenu compagnie, d'avoir été "son rayon de soleil" : "je me suis dit : c'est ça, dans le fond, que l'infirmière doit être auprès du malade.'" (12:53)

La vie "électrique" qu'on mène à l'hôpital

Vue sur l'inscription "Hôpital des enfants malades" pour indiquer que la séquence se déroule dans un service pédiatrique. Le commentaire indique que des agents hospitaliers, intéressées par le métier d'infirmière, ont pu avoir accès aux études correspondantes "dans le cadre de la promotion professionnelle". Il indique les modalités de cet accès. Une infirmière prépare un lit d'enfant dans une chambre. Sur un fond de cris d'enfants hors champ, elle explique au journaliste comment, étant agent hospitalier, elle engage des études infirmières. Elle affirme que la mesure de promotion professionnelle lui permet cette démarche. Si elle avait dû continuer de travailler, elle ne l'aurait pas entreprise. Grand hall d'école, des infirmières en discussion, sourire aux lèvres, échanges animés. Commentaire en off : "Au cours des études, les stages pratiqués dans les différents service n'ont pas seulement révélé les aspects encourageants de la profession". La formule est un euphémisme pour suggérer que ces stages ont fait prendre conscience aux étudiantes des aspects les plus difficiles (les plus ingrats?) de la profession qu'elles envisagent. Dans un amphithéâtre, la voix d'un homme resté en off, qu'on devine être celle d'un professeur, demande aux étudiantes qui souhaitent devenir "infirmières soignantes", c'est-à-dire non spécialisées, de se désigner. L'assemblée est nombreuse, seules quelques unes d'entre elles se lèvent. Gros plan sur l'une d'elles qui explique, résolue : "L'infirmière soignante est beaucoup plus proche du malade". Elle ajoute avec un sourire : "... et on a tellement besoin d'infirmières dans les salles". Une autre étudiante estime que si elle, et la grande majorité de ses paires, se spécialisent, c'est "pour échapper aux conditions difficiles de la vie des infirmières soignantes". Reportage dans des services, une infirmière détaille l'organisation de sa journée. Celle-ci commence à 15h et finit à 23h. L'infirmière commence par saluer ses malades, prend connaissance du rapport donné par l'infirmière de jour. Elle accomplit des actes médicaux en relais du médecin qui se décharge volontiers sur elle. Comme elle se trouve "à la tête d'une salle de 33 malades en chirurgie", elle se sent "surchargée et énervée". Elle a peur que le temps passé finisse par l'user : "Je me demande : 'est-ce que dans dix ans tu seras encore capable de faire ce que tu fais actuellement?'" Le journaliste lui demandant si elle songe à abandonner son métier, elle répond qu'elle "l'adore" et quelle ne veut "pas le lâcher". Le journaliste lui demandant ses conditions de logement, elle répond que l'hôpital lui a fourni une chambre. Plan d'une pièce étroite mais ordonnée et coquettement meublée, puis d'un espace cuisine où l'infirmière en cheveux pose une cafetière sur un des deux brûleurs de son réchaud. Plans impudiques sur l'étendoir où du linge sèche accroché contre le pan de verre dépoli de la salle de bains. En voix off, l'infirmière explique que l'eau est uniquement disponible sur le palier. Plus tard, dans le reportage (à 21.59), le commentaire précise que si les étudiantes ne sont pas contraintes de loger dans l'hôpital, certaines s'y résolvent étant données les difficultés pour se loger à Paris. Les infirmières qui ne logent pas à l'hôpital touchent une indemnité. Pour l'infirmière interrogée, vivre en dehors du cadre de l'hôpital est "déjà une récompense". "On passe un tiers de sa vie à l'hôpital, un tiers qu'on peut multiplier par deux étant donné la vie électrique qu'on y mène." Elle espère pouvoir obtenir un poste qui la fasse travailler de jour. Elle ne sait pas quand cela sera possible. "- Et ça ne vous décourage pas?" réponse avec un sourire triste. "- Pas pour l'instant".(19:41)

"Un mode de vie très différent"

Nouvel entretien avec une infirmière qui a terminé sa "veille" qui a duré de 22h à 7h du matin. Elle se tient devant un mur nu, tête nue, avec sa coiffe dans ses mains que se doigts lissent dans un geste de nervosité. Elle fait six fois ces veilles par semaine. Elle admet qu'elle va se reposer quelquefois durant ces plages de travail, quand la surveillante le permet. Elle travaille depuis un mois, dans un poste d'urgence de quinze lits. Elle va rester de veille "six mois ou un an". Pour elle, de tels horaires sont contraignants parce qu'ils empêchent les sorties, la fréquentation d'amis. Elle répond "oui" au journaliste qui lui demande si estime avoir un "mode de vie très différent". (20:47) Une autre infirmière, interrogée au chevet d'un lit qu'elle était entrain de préparer, auquel le journaliste demande s'il lui est difficile de quitter en pensée ses malades, répond qu'une infirmière "est soumise très jeune à des problèmes humains" qui occupent continuellement ses pensées. Comme l'infirmière précédemment interrogée, celle-ci insiste sur le fait que par la pratique de son métier, elle est différente des autres femmes de son âge. Le métier d'infirmière, en confrontant à la souffrance humaine, sépare celle qui l'exerce de ses proches ou des personnes qui ont son âge et une situation similaire. "Un malade incurable, poursuit l'infirmière qui se tient toujours au chevet du lit, va poser à l'infirmière la question de confiance, il lui demandera de dire la vérité. Pour l'infirmière, ça pose un problème de conscience". La gravité qui se lit sur son visage appuie celle de son propos. De façon générale, les infirmières interrogées, si elles ont l'embarras et la timidité communs aux personnes qui n'ont pas l'habitude de la confrontation à la caméra, sont enhardies par le besoin de dire l'intérêt profond qu'elles trouvent dans leur métier, les difficultés matérielles qu'elles doivent endurer pour l'étudier et le pratiquer, et les vérités humaines auxquelles il les confronte qui les oblige à mûrir plus vite. "Une infirmière peut se distraire comme les autres jeunes filles, mais dans certaines réunions, tout lui semblera futile au regard des problèmes auxquels elle doit faire face toute une journée".(21:48)

"Je ne conçois pas le métier d'infirmière avec le mariage"

Des façades de bâtiments hospitaliers modernes filmés en oblique, un panneau de béton au premier plan au graphisme sobre qui indique : "Clinique et Institut de stomatologie". Le commentaire évoque les projets de vie personnels des infirmières. "Ce métier qu'elle a choisi, qu'elle aime, sera-t-il compatible avec sa vie de femme?". C'est un autre procédé récurrent dans le reportage : les faits généraux concernant les infirmières (horaires, tâches, expérience psychologique, vie privée) sont abordés dans des lieux spécifiques ; il ne s'agit pas d'une visite de l'hôpital service par service pour une description systématique des tâches que les infirmières doivent accomplir dans chacun d'eux. Plan en intérieur, une jeune femme se tient devant deux éviers en ciment fixés à un mur carrelé. Posé sur la séparation des éviers, un bac rempli de linge en vrac. La voix qui l'interroge en off est féminine, or le sujet abordé est le mariage : trop intime pour être traité avec un homme? La jeune infirmière, souriante, répond que, compte tenu des horaires qui l'astreignent à l'hôpital, elle n'envisage pas le mariage, et encore moins la parentalité. Raccord sur un panoramique dans une crèche où une femme vient chercher un enfant qu'elle prend dans ses bras. La voix du journaliste, en off, l'interroge. Mariée, mère de famille, comment arrive-t-elle à exercer son métier d'infirmière? Elle répond qu'elle se lève à 4h30 pour amener son enfant à la crèche à 6h10 pour ensuite prendre à 7h30 son service à l'hôpital. Elle revient le chercher à 15h30, prend le métro, arrive chez elle à 17h. "Le soir, je suis fatiguée, parce qu'elle est lourde à porter". Le journaliste évoque le temps de travail à l'hôpital à celui à domicile qu'elle doit cumuler quotidiennement. Elle répond que son mari l'aide beaucoup et qu'ils ont trouvé un bon logement par l'Assistance Publique. L'implication du mari au domicile lui permet de continuer à pratiquer son métier.(24:33)

Promotion et ancienneté

Une salle de rééducation filmée en panoramique. Le commentaire indique qu'elle est située au centre de rhumatologie de l'hôpital Lariboisière. Le commentaire rappelle que l'avancement chez les infirmières s'acquiert à l'ancienneté et qu'il faut reprendre les études pour obtenir une promotion par la spécialisation. L'infirmière interrogée est spécialisée comme masseuse-kinésithérapeute. Elle explique qu'elle a obtenu ce poste par un concours après une année d'étude qu'elle a préparé pendant plusieurs mois pendant qu'elle continuait de travailler comme infirmière soignante. Etre spécialisé permet d'obtenir les dimanches et jours de fête, d'accéder à "une vie à peu près normale". Entretien avec l'infirmière en chef de ce service, filmée en gros plan. Avec enthousiasme, elle insiste sur l'avantage offert par des horaires de travail aménagés en journée. "Ca nous permet une certaine joie, il faut bien le dire!". La séquence aborde ensuite la situation des infirmières qui sont restées soignantes et ont obtenu une promotion en devenant surveillante. Entretien avec une infirmière surveillante, filmée dans son bureau. Elle affirme avoir 116 infirmières "sous ses ordres" pour reprendre l'expression employée par le journaliste qui l'interroge, et un traitement de "149 000 francs anciens par mois". Pour elle, beaucoup de jeunes femmes qui entrent dans l'école sont portées par "la vocation". En plan de coupe, une jeune femme en uniforme d'infirmière ajuste sa coiffe sur sa tête devant un miroir. La surveillante ajoute que dans cette génération, certaines n'acceptent plus les conditions exigées par le métier : "maintenant, les gens réclament : elles veulent vivre comme les autres" femmes de leur âge. Elle-même n'a pu obtenir son premier jour de congé avec son fils que lorsque celui-ci avait atteint l'âge de quinze ans. Un sourire triste anime ses traits quand elle le rappelle. Le commentaire indique que le grade de surveillante peut s'acquérir par concours dans l'école des cadres créée l'année précédente. Pour l'infirmière interrogée sur ce sujet, cette école est utile parce qu'elle apporte une formation dans l'organisation des services et sensibilise à des "problèmes" (elle ne dit pas lesquels). Par ailleurs, elle estime que le métier a évolué, que la "vocation" posée comme "impératif" nécessaire pour l'exercer n'est plus suffisante, il faut acquérir des compétences techniques et de la rapidité dans l'exécution des tâches. Elle lève les yeux au ciel, ajoute : "Cette question de vocation est vraiment dépassée". (32:46)

"Continuellement au service des malades et des médecins"

Entretien du Pr. Sicard, chirurgien à la Salpêtrière, à propos de la situation des infirmières. Il sort du bloc opératoire, ôte ses gants et son masque. On reconnait à ses côtés la surveillante interrogée quelques séquences plus tôt. En off, la voix du journaliste qui rappelle que le professeur a beaucoup oeuvré pour améliorer cette situation. Filmé en gros plan, il répond aux questions. Il lui parait important de reconnaître que les infirmières "n'ont pas la vie sociale qu'elles souhaiteraient" étant continuellement au service "des malades et des médecins". Autre entretien avec la responsable de l'association des infirmières diplômées d'Etat, filmée assise derrière son bureau. Elle réclame une amélioration de l'organisation de leur travail. "Nos tâches sont embrouillées". Les médecins et administrateurs ne savent pas différencier les différents rangs dans le personnel hospitalier. Il faut par ailleurs améliorer ces "vies presque impossibles" qu'elles endurent. Il faut réorganiser horaires et équipes pour mieux affronter les servitudes qu'implique la prise en charge des malades. Le journaliste : "Si je vous comprends bien, vous voudriez que les infirmières soient des femmes comme les autres?" Sourire de la responsable : "- Exactement, monsieur!" L'émission ne cesse de mettre en débat l'image de femme dévouée, sans vie personnelle, attachée au poste d'infirmière. Un de ses propos est de convaincre le public que les mentalités ayant changé, cette image ne doit plus avoir cours. Il faut réformer la profession pour que les personnes qui l'exercent puissent le faire efficacement, consciencieusement, sans se sacrifier pour autant. Ce n'est pas une opinion de journaliste, mais l'analyse des différents représentants du personnel médical qui ont été interrogés. Pour la responsable de l'association, c'est l'insuffisance d'améliorations dans leurs conditions de travail qui explique la pénurie actuelle d'infirmières.

Jolie séquence qui associe des plans de visages d'infirmières avec un collage de propos qu'elles ont tenus en entretien ; "J'ai toujours aimé ça, depuis que je suis toute petite... J'aime l'humanité, j'aime bien soigner... J'aime le côté scientifique et le côté humain..."

Dernier entretien avec le directeur de l'administration de l'Assistance Publique. Il est filmé dans son bureau, vaste salle lambrissée, meublé Louis XV. De nombreux dossiers encombrent sa table de travail. Parmi les réformes engagées pour améliorer les conditions des infirmières, compte tenu de l'augmentation de la fréquentation des hôpitaux et de l'évolution des équipements, il y a une augmentation de la rémunération par des primes, la mise en place d'espaces de détente, l'aménagement de congés supplémentaires (notamment en hiver), une augmentation de logements grâce à des accords avec les offices d'HLM (1200 logements neufs seront prêts en juillet 1964), une réorganisation du travail pour que ses conditions "soient plus efficaces et moins fatigantes". Générique de fin sur le fond de la musique baroque qui est intervenue dans la première séquence.

Notes complémentaires

Références et documents externes

Contributeurs

  • Auteurs de la fiche : Joël Danet