Le psychotique dans la ville (1973)

De Medfilm



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Titre :
Le psychotique dans la ville
Série :
Année de production :
Pays de production :
Réalisation :
Conseil scientifique :
Durée :
36 minutes
Format :
Parlant - Noir et blanc - 16 mm
Langues d'origine :
Sous-titrage et transcription :
Sociétés de production :
Commanditaires :
Archives détentrices :
Corpus :

Générique principal

Dans la série "Neuroleptique Retard" (énanthate et décanoate de fluphénazine) / Squibb présente / Le psychotique dans la ville / Docteurs Michel Marie-Cardine et Jean Cottreaux - Professeur Jean Guyotat / Travail de l'association "Santé mentale et communauté" (Bon, Villeurbanne, Meyzie et Vaulx-en-Velin) et du Service Hospitalo-universitaire du Professeur Guyotat - Hôpital Vinatier (Lyon) / avec la collaboration de Docteur J. Hochmann, psychiatre - J. Medard, omnipraticien - Psychologues M.C. Martin - M.K. Arrar - Melle M.F. Philippe - Assistantes sociales Melle G. Darnoux - Mme S. Villeboeuf - Infirmiers M.J. Devaux - Melle N. Thivisol - Mme M. Mauduit / Images : R. Gosset - son : J. Courtinat / Montage : A. Luzuy / Réalisation : Éric Duvivier / Régie de production : Sciencefilm.

Contenus

Sujet

Les tentatives d'application de la psychiatrie de secteur : organisation médicale, vécu des malades, réception par l'opinion.

Genre dominant

Documentaire

Résumé

Les différents aspects de la psychiatrie de secteur sont envisagés par une succession de séquences autonomes. Micro-trottoir destiné à sonder l'opinion des habitants d'une ville sur la perspective de réintégrer les malades psychotiques dans l'espace public. Panorama des points de vue donnés par les acteurs de la prise en charge, du point de vue médical ou social. Explication des motivations de la psychiatrie de secteur par une analyse du comportement social du psychotique. Développement sur la concertation parmi les acteurs des "pôles thérapiques" en jeu.

Contexte

La psychiatrie de secteur

Le dispositif du secteur, reposant sur un continuum « dedans – dehors », implique des acteurs appartenant à une même équipe pluridisciplinaire, garantissant notamment la continuité des soins. La circulaire du 15 mars 1960 qui a fondé la sectorisation psychiatrique est conçue par une responsable d'administration, Marie-Rose Mamelet, avec les psychiatres Le Guillan, Mignot, Bonaffé, Bailly-Salin et d'autres. Cette circulaire, particulièrement novatrice n'a trouvé aucune application autre que celle opérée par des psychiatres déjà adeptes d’une psychiatrie communautaire et souhaitant rompre avec la majorité de leurs confrères, restés des médecins aliénistes.

À partir de 1972, la sectorisation prend son essor et s'accompagne de la création de structures extra-hospitalières : les dispensaires d’hygiène mentale, les hôpitaux de jour. Le développement des « visites à domicile » permet de maintenir dans la cité la personne atteinte d’une affection mentale. Certes, le développement de ces pratiques reste disparate et le découpage en secteurs psychiatriques correspond encore trop souvent inopérant, puisque les pratiques thérapeutiques hors les murs ne sont pas encore mises en oeuvre.

Le financement : selon quelles orientations, avec quels acteurs

La tentative de rénovation par la mise en place du secteur a pâti d'un contexte économique défavorable qui a empêché l'élaboration d'un mécanisme de financement souple et efficace. Encore dans les années soixante, les actions extra-hospitalières étaient financées sur des dépenses obligatoires de groupes destinées à lutter contre les "fléaux sociaux" (tuberculose, maladies vénériennes, alcoolisme, toxicomanies, etc.) et développer des actions de prévention (vaccinations, protection maternelle et infantile …). Dans les années 70, les dépenses extra-hospitalières d’hygiène mentale ont progressé selon des taux très élevés par rapport aux décennies suivantes. Rappelons qu’à l’époque, l’extra-hospitalier (à l’exception des hôpitaux de jour) relevait de la seule responsabilité des psychiatres, chefs de secteur et non des directeurs des établissements hospitaliers de rattachement. À la suite des divers chocs pétroliers et de la crise économique qui s’ensuivit, les années 80 furent marquées par une volonté de maîtrise rigoureuse des dépenses, qu’il s’agisse des crédits de l’État, comme de ceux de l’assurance maladie. La loi du 22 juillet 1983 relative aux transferts des compétences entre l’État et les collectivités territoriales a mis fin au système de financements croisés des dépenses d’hygiène mentale, et confié à l’État seul le soin de financer sur ces crédits les actions extra-hospitalières en psychiatrie.

Éléments structurants du film

  • Images de reportage : Oui.
  • Images en plateau : Non.
  • Images d'archives : Non.
  • Séquences d'animation : Non.
  • Cartons : Non.
  • Animateur : Non.
  • Voix off : Oui.
  • Interview : Oui.
  • Musique et bruitages : Oui.
  • Images communes avec d'autres films : Non.

Comment le film dirige-t-il le regard du spectateur ?

La réalisation combine les approches filmiques : micro-trottoir dans la rue, entretien avec le patient à domicile, exposé par un psychiatre. De cette façon, Éric Duvivier présente les pièces d'un dossier que le spectateur est appelé à associer pour aboutir à une interprétation de la démarche de la psychiatrie de secteur.

Comment la santé et la médecine sont-elles présentées ?

La médecine psychiatrique est ici montrée comme une institution innovante, prête à adapter ses méthodes de prise en charge des patients en faveur de leur bien-être. Il s'agit de la penser en dehors de l'hôpital quitte à l'adapter aux réalités du terrain urbain dans lequel elle est appelée à s'inscrire.

Diffusion et réception

Où le film est-il projeté ?

Espaces d'enseignement et de formation.

Communications et événements associés au film

Public

Professionnels de la psychiatrie et de l'action sociale.

Audience

Descriptif libre

Situer le psychotique

Pour ouvrir le film, une composition symbolique : une statue aux bras enchaînés se détache sur un horizon hérissé d'une cheminée d'usine. Elle implique un lien entre le système industriel et le type d'aliénation dont il va être question. Le plan suivant, une vue générale, en dézoom, sur un boulevard bordé de hautes architectures modernes, ajoute à cette mise en cause de l'industrie la toxicité propre à l'environnement urbain. La suite de la séquence associe plusieurs repères ordinaires du citadin : le palais du travail, le centre de sécurité sociale, le bar. En angle plat, la caméra suit en travelling un homme qui marche sur le trottoir, suggérant au spectateur qu'il est un personnage auquel le film va s'intéresser... est-ce lui, le "psychotique dans la ville?"

Les habitants interrogés

Séquence de micro-trottoir. Des passants répondent, avec une main anonyme qui tend un micro à leurs côtés. La question n'est pas incluse dans le film, mais les réponses auxquelles elle donne lieu indiquent son contenu : que pensez-vous de la possibilité de laisser les patients psychiatriques sortir des établissements de soins dédiés et réintégrer l'espace public? Les personnes interrogées fournissent différents types de réponses. Dans un couple de personnes âgées, l'homme répond : "Celui qui est dangereux, il faut le laisser enfermé, tout en le soignant évidemment. Celui qui est dangereux, il commet des crimes ou autres, si on le remet en liberté, il recommence évidemment." Un homme plus jeune, à l'allure paysanne, un béret sur le sommet du crâne, se tenant à un bâton, sans regarder la caméra : " les malades mentaux, on ne peut pas les guérir, monsieur." Une dame d'âge mûr, habillée avec élégance : "Si ces malades sont incurables, je ne vois pas pourquoi on les sortirait. Ils peuvent se trouver devant des enfants s’ils se promènent dans la rue. C'est dangereux." Un homme en bleu de travail : "J'en ai vu qui se promènent dans le quartier. Un monsieur qui venait du Vinatier, notamment." Il ajoute en haussant des épaules :" Il paraissait normal, même s'il avait un comportement un peu bizarre. Il me semble que c'était sa place." Une autre femme d'âge mûr : "Il y en a qui peuvent être chez eux. Ils se remettent mieux dans leurs familles des fois." Un homme habillé strictement, complet et cravate : "Quand ce sont des malades qui sont peu atteints, c'est intéressant de les remettre dans le circuit de la famille.Si ce sont des malades vraiment atteints, il est préférable de les laisser à l'hôpital." Une autre femme, foulard de soie autour du cou : "Si les médecins pensent que c'est utile... Naturellement, ils doivent prendre toutes les précautions pour ne laisser que des personnes qui ne sont pas dangereuses pour les autres." Un jeune homme, en pull à col roulé et veste de jean : "C'est peut-être la meilleure solution, tout au moins pour certains, de les amener à vivre normalement." Une femme coiffée d'une toque : "Moitié pour, moitié contre, je crois. Ce qu'il faut voir, c'est la famille qui est concernée. Je connais certains cas où la famille n'est pas à la noce, si je puis dire ". Un homme coiffé d'une casquette dit ne pas avoir d'avis sur la question, avec un air sombre. Deux hommes aussi coiffés de casquettes, avec un accent de terroir dans la voix. L'un renvoie la question à l'autre qui répond : "Moi je vis vous dire la vérité, il y a plus de fous dehors que dedans." Le premier approuve. "Seulement, poursuit le second, dans les hôpitaux, les malades, ils ne sont pas soignés comme il faut. " Il poursuit en déplorant le manque de personnel et en ajoutant que des efforts à l'échelle nationale sont nécessaires. "mais à Vinatier, ils sont bien soignés, ajoute-t-il. Il y a des malades, ils sont mieux dedans que dehors". Cependant, ceux qui s'y trouvent parce qu'ils n'ont pas de parents, pas de familles, "c'est comme des condamnés à mort." Un jeune homme strictement habillé répond à son tour."Si c'est intéressant pour eux, c'est bien, mais il ne faudrait pas qu'ils puissent devenir dangereux pour les gens du quartier." Une dame en veste rouge feint l'amusement : "En effet, ça va faire joli... Mais enfin, pour ceux qui ne sont pas trop atteints, ça va. Mais..." Elle hausse des épaules, son sourire se fige :"Il y a quand même des dangers, non? Vous ne trouvez pas? En principe, s'ils ont été internés, c'est qu'ils avaient quelque chose! Les déprimés, c'est une chose, mais les fous..." Elle grimace, puis s'exclame : "Drôle d'idée!" Elle accepterait l'idée de les regrouper dans des villages avec des personnes dévouées pour s'occuper d'eux. Mais pas de les laisser "se répandre" dans l'espace public." Ainsi, les réponses varient autour de plusieurs types d'opinions : pourquoi pas, mais il ne faut pas que ça s'applique aux personnes dangereuses / non, il faut les laisser où ils sont / ces personnes seraient mieux hors de l'hôpital, dans leurs familles. À la crainte de l'apparition d'une menace anonyme et imprévisible dans le flux urbain s'oppose la compassion de personnes livrées à un système de soins non adapté. (07:36)

Le réseau d'accompagnement : les points de vue policier, associatif, médical."

Plan de situation en plongée, dans la rue, un homme entre dans un bâtiment, la porte est surmontée de l'enseigne "Commissariat de police". Cut, le même homme filmé derrière un bureau en plan taille. Il parle en consultant des feuilles qu'il a préparées devant lui. "Pour le commissaire de police que je suis, et pour tous les policiers en général, les malades mentaux entrent dans nos devoirs de sécurité publique et de tranquillité publique." Debout devant une carte, il continue en fixant la caméra. "À Villeurbanne, je dois dire que nous sommes gâtés par l'association 'Santé mentale et communauté'. C'est une association qui regroupe les médecins, les élus municipaux, les familles et les commissaires de police qui veulent en faire partie." Il ajoute que cet espace de collaboration permet à la police d'avoir un point de vue plus nuancé et une action plus efficace. "Je ne pense pas que l'hospitalisation d'office soit toujours nécessaire." Ayant fait appel à des médecins pour un cas, ceux-ci lui ont montré que la personne était en crise passagère et que son hospitalisation ne s'imposait pas. (09:07)

Plan de situation : l'entrée de l'hôtel de ville. Gros plan sur un visage d'homme. Précisant qu'il est président de l'association 'Santé mentale et communauté', il explique comment celle-ci met en oeuvre la facilitation de l'insertion des malades dans le tissu social. "Je souhaite que cette collaboration se développe auprès des habitants par l'intermédiaire des centres culturels.

Un homme dans la rue, une mallette à la main, rejoint une voiture. Un micro lui est tendu, on lui demande ce qu'est un psychotique "pour un praticien", ce qui indique qu'il l'est. Il répond qu'il l'envisage selon la situation d'urgence ou dans le quotidien des familles. La situation d'urgence est "embarrassante" : elle demande de maîtriser le malade en crise pour l'hospitaliser, décision qui a un "côté carcéral" qui met le médecin dans un rôle de policier. Intervenir dans les familles est "plus intéressant", mais comporte aussi des difficultés selon leur capacité à tolérer un psychotique dans son sein, même uniquement en week-end. (10:58)

Le point de vue du psychiatre : le malade et le personnage maternel

Le professeur Jean Guyotat (non nommé dans le film) devant un paper-board, muni d'un marqueur. En effectuant un schéma, il explique " le problème d'un psychotique " du point de vue du psychiatre. Selon lui, le psychotique est affligé d'un "psychisme en passoire" qui rend floues les limites qui séparent son individualité de son environnement. " Il ressent ce qui vient de l'extérieur comme pénétrant en lui, d'où des idées d'influence, de persécution. En même temps, il vit ce qui est en lui comme partant vers l'extérieur d'où une sensation d'hémorragie." Le point de départ identifié est la relation avec la mère, " ou plutôt 'le personnage maternel', parce que c'est la représentation qu'il en a qui est importante". Traçant deux ronds, un petit et un grand, Jean Guyotat explique que le malade a un désir de "fusion avec la mère", mais qu'il vit ce désir comme dangereux pour lui au point de la considérer comme une "persécutrice". Les raisons peuvent être biologiques, d'où l'intérêt d'un traitement neuroleptique. il s'y ajoute "le problème maternel" qui donne au psychotique des raisons d'être angoissé. À ce point de son explication, le psychiatre n'est plus à l'image, mais une femme filmée dans appartement, symbolisant la mère en question. la voix du psychiatre continue : "La mère apparaît en effet comme un personnage tout puissant et dangereux." Elle manipulerait le médecin le père, les enfants, qui lui sont satellites. Il s'agit pour le psychiatre d'intervenir sur le comportement de la mère et sa relation avec le fils par la mise en place d'une thérapie familiale.(14:13)

Paroles de patients

Très gros plan sur le visage d'un jeune homme. Il regarde la caméra avec intensité. "Au début, j'étais dans Lyon, tout feu tout flammes. D'une part, il y a les médicaments que j'ai pris à Vinatier. D'autre part, il y a autre chose, de psychologique." Un autre jeune homme lui succède, plan taille, assis derrière une table. Il semble fébrile, rit nerveusement, se frotte les mains. Il explique qu'il souffre de ne pas avoir connu son père. Il évoque ensuite une tentative de suicide. "Ce qui m'écoeure, c'est qu'il n'y a aucune société." Un troisième lit un texte qu'il a écrit à propos de la "parabole" de Jésus avec l'aveugle. Zoom sur son visage de profil, concentré dans sa lecture. Il lit d'une voix claire, avec la voix chantante et atone de ceux qui lisent à la messe. Son texte, écrit dans un style qui reprend la solennité lyrique propre au discours évangélique, superpose les métaphores. "... Car je suis comme l'aveugle qui porte la corvée de tous et qu'on lave à grandes eaux avec de l'eau et de la boue. Exprès pour lui, l'eau et l'amertume, l'anesthésie et l'anti-souffrance.Tu es comme la piscine ou le vivier, tu nous contiens tous telle la mère aimante et triomphatrice." Un quatrième patient raconte qu'il n'a pas connu sa mère, qu'il a été élevé par sa grand-mère, que son père "est un salaud". Le dernier patient explique que les malades constituent une "nouvelle sorte de sociologie", continue par des propos incohérents. (17:34)

Le point de vue du psychiatre (II) : le rôle de l'hôpital

Retour au psychiatre à l'image. Il reprend son exposé par un regard caméra, en gros plan, comme un appel au spectateur pour qu'il mobilise son attention sur la suite de son propos. Il explique le rôle de l'hôpital dans la configuration du secteur. Jusqu'à présent, l'hôpital représentait "une forteresse" séparant le malade de l'extérieur ; "représentait une seconde peau qui lui donnait des limites qu'il n'avait pas auparavant." La situation satisfait la population extérieure, puisque le malade n'est plus en position de troubler l'ordre public. Cependant, le personnel hospitalier devient son interlocuteur courant et unique. De fait, cette situation s'éternise "du fait de l'organisation de ce système" alors qu'il n'a plus de raison de rester dans l'hôpital. Celui-ci devient une enveloppe protectrice qu'il va retrouver si jamais il vit difficilement ses retrouvailles avec son entourage. Dès lors, l'investissement du secteur extra-hospitalier permet de constituer un point d'appui. "C'est une enveloppe protectrice relative, plus fondue dans la communauté". De cette façon, le malade peut fonctionner sur deux pôles, ce qui crée une réponse "fondamentale pour la prise en charge pour le psychotique". La "co-thérapie" qui se met ainsi en route créée des combinaisons de prises en charge qui peuvent impliquer un médecin généraliste et un psychiatre. Ce "système co-thérapique" rencontre cependant un autre obstacle. Le malade a tendance à appliquer à l'extérieur la division qu'il opère depuis l'intérieur de l'hôpital entre d'un côté une enveloppe protectrice et de l'autre un environnement hostile. Ainsi, dans cette nouvelle situation, il peut être amené à reporter celle qu'il a construite dans l'hôpital, et considérer un pôle thérapique comme "bon" et l'autre comme "mauvais". Il devient nécessaire d'élaborer une concertation entre les deux pôles de manière à répondre à l'agressivité du psychotique envers l'un d'eux. (22:15)

Le rôle du dispensaire de secteur, les réunions de concertation

Panoramique sur un ensemble d'immeubles. Le commentaire précise que l'un de ces pôles peut être un "dispensaire de secteur" situé dans le même groupe d'immeubles que celui où loge le malade. Point de vue en angle plat, zoom sur une entrée d'immeuble. Le commentaire précise que "travailleurs sociaux, médecins, psychologues et infirmières" s'y réunissent "pour discuter et coordonner le travail." Dans une salle de réunion, des hommes et femmes groupés autour d'une table échangent à propos de leurs expériences. Il est question dans les échanges d'un individu qu'ils suivent ensemble. Celui-ci supporte difficilement les intrusions dans son cercle de vie, "sépare les bons des mauvais". La caméra resserre sur un des hommes qui explique que le malade le considère comme un bon parce qu'il lui distribue des médicaments gratuitement. Nous retrouvons ici un des partis pris du film : immerger le spectateur in media res dans une situation thérapeutique, de manière à ce qu'il s'imprègne de son ambiance. Ici, le spectateur saisit que l'équipe médicale reprend à son compte les explications données auparavant par le psychiatre (la tendance du psychotique à fractionner son environnement thérapeutique par son jugement qui l'amène à apprécier un des pôles bithérapiques et à déprécier l'autre). Par ailleurs, la scène témoigne d'une ambiance sereine, avec des acteurs médicaux qui s'écoutent et ne sont pas dupes du manège moral du psychotique qui vise à les opposer les uns aux autres.

S'ensuit une autre scène de réunion, avec beaucoup plus de participants. Le commentaire précise que les travailleurs sociaux en sont absents, "et pas seulement à cause de la présence des caméras". Ici, la bande-son ne fait plus rien entendre pendant une minute. Quand elle reprend, nous écoutons la suite des échanges entre les protagonistes de la réunion, qui font part de la différence d'approches du malade selon les spécialités à l'intérieur de l'équipe soignante. Ce qu'il ressort est l'étonnant investissement en personnel pour un unique patient, mobilisant une diversité de compétences et suggérant une concertation qui passe par une prise en compte des méthodes que chacune déploie.

Le film montre ensuite un autre type de réunions regroupant "soignés et soignants" pour constituer un "groupe de soutien et de décision". Une scène met en jeu un homme qui demande l'autorisation médicale de reprendre le travail et un médecin qui lui explique que ce n'est pas encore possible. (27:08)

Thérapie à domicile, une expérience collective

Salon dans un appartement, la télévision est allumée. Autour d'une table basse, un médecin interroge un jeune homme dont le visage est barré de lunettes noires. À ses côtés, sa mère dont les interventions paraissent intempestives. Aux côtés du médecin, un autre jeune homme mutique. Le médecin et le patient échangent sur les relations difficiles que celui-ci entretient avec les psychiatres, particulièrement l'un d'eux ... "que tu ne veux pas nommer" remarque le médecin, "oui, celui qui jongle avec les phrases" répond le jeune homme hilare. La mère intervient en faisant allusion au début du tournage pendant lequel le nom de ce psychiatre a été dit. "C'est un Adolf Hitler, lui!" ajoute le jeune homme. La caméra resserre sur le médecin qui essaie de recadrer la conversation pour qu'elle convienne mieux aux attentes d'une thérapie familiale : "Je me demande si on ne peut pas plus réfléchir à ce qui se passe ici..." La séquence qui consiste en un échange pris sur le vif, sans contours définis, vise à rendre compte d'un rapport de forces qui se manifeste dans le cadre familial du patient entre sa mère et le médecin. Elle témoigne des efforts de la mère pour disqualifier les psychiatres et de ceux du médecin pour structurer l'échange selon une visée thérapeutique qui implique les proches du patient. (29:03)

Un travelling latéral accompagne une femme qui entre dans un immeuble, celui où habite le psychotique. Commentaire : "Celui par qui le scandale arrive oblige parfois l'assistante sociale à faire la psychothérapie des voisins de palier." Dans le hall de l'immeuble, devant les rangées de boîtes aux lettres, conversation de l'assistante sociale avec une femme qui se plaint du bruit que fait le patient dans les escaliers. Un groupe se forme avec les personnes qui passent dans le hall? Une femme se plaint : "Il fait beaucoup de bruit, il tape sur les murs." La conversation s'apaise à mesure qu'elle se poursuit. Le plan suivant est tourné au domicile du patient. Celui-ci est en conversation avec deux personnes du pôle thérapique. Commentaire : "La visite à domicile permet d'aborder le conflit sur la scène où il se joue réellement. C'est le lieu où fantasmes et réalités présentent leur double visage."

Dans une salle de soins d'hôpital, un groupe est réuni à côté d'une infirmière qui prépare une seringue. Dans le groupe, un patient interroge un médecin sur la nécessité que la piqûre lui soit administrée. Le médecin, de dos, lui explique qu'il s'agit d'un nouveau mode de médication, alternatif à celui de la potion, sachant que la fréquence des piqûres est beaucoup plus réduite que celle de la prise de potion. Le patient lui demandant s'il y a des risques d'effets secondaires, le médecin le rassure et ajoute que le mode de la piqûre est d'un emploi plus simple. (33:03)

Envisager le retour à l'emploi

Plaque d'entrée d'immeuble indiquant : "Ville de Villeurbanne - Centre médico-social". Suivis en travelling, deux hommes marchent dans la rue, tous deux vêtus d'une veste noire et portant des lunettes noires. Ils parlent entre eux, s'interrogent mutuellement sur leurs recherches d'emplois. Le commentaire évoque la carte que le psychotique doit porter sur lui. " Cette carte de traitement préviendra l'entourage que le malade est sous neuroleptique retard. Le but n'est pas de transformer le psychotique en un homme de la rue parfaitement adapté. L'important est qu'il soit suffisamment préparé pour qu'il accepte un certain retour à la réalité. L'image de l'autre, thérapeute désigné ou spontané, demeure le miroir nécessaire. " Plan général sur des bâtiments d'usine, avec les hauts fûts des cheminées qui se détachent sur le ciel. "La pierre d'achoppement reste le retour au travail. Bien souvent, le déclassement professionnel représente une blessure supplémentaire." Panoramique sur les bâtiments d'usine qui, en se prolongeant, montre un champ de coquelicots. Les paysages se côtoient, de même que les relations sociales ne sont pas toutes dans un même registre. La bande sonore mêle des voix anonymes qui transmettent des témoignages d'expériences professionnelles en rapport avec la présence d'un psychotique. "Pourtant nous avons rencontré des employeurs compréhensifs", poursuit le commentaire, "des usines fleuries, des cités dortoirs où l'on dort vraiment, et des psychotiques adaptés." Cette dernière remarque boucle avec le début du film : ce serait le contexte social global qui provoquerait tous les désordres psychologiques dont il vient d'être question. Le long du champ fleuri, une femme chemine en compagnie d'un des médecins montrés dans le film. Elle lui fait part de la bienveillance dont bénéficie le psychotique sur le lieu de travail, fait allusion à des concertations à son sujet avec le psychiatre et l'assistante sociale. Conclusion du commentaire, soutenu par des arpèges sereins de guitare, sur un plan montrant des façades d'immeubles : "Qu'est-ce que le travail de secteur? Pour les uns c'est un quadrillage policier savamment camouflé, pour les autres c'est l'alibi médical et technocratique qui cherche des remèdes à son malaise. Mais il reste avant tout une pratique à l'intersection de l'individuel et du social. Le plus souvent, il s'agit d'éviter la rupture." La caméra prolonge ses plans d'immeubles par une plongée sur un vaste terrain vague. Le commentaire précise son approche sociopolitique du sujet : "Mais du psychotique, de la ville, de leur relation, qui est à reconstruire?"

Indications infographiques superposées au plan de terrain vague : "Fin - Science film" avec le logo de la firme Squibb.

Notes complémentaires

Références et documents externes

Contributeurs

  • Auteurs de la fiche : Joël Danet
  • Sous-titres Anglais : Élisabeth Fuchs
Erc-logo.png  Cette fiche a été rédigée et/ou traduite dans le cadre du projet BodyCapital, financé par l'European Research Council (ERC) et le programme de l'Union européenne pour la recherche et l'innovation Horizon 2020 (grant agreement No 694817).