La vaccination contre le typhus au Maroc (1938)
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Sommaire
Générique principal
Gén. début : La vaccination contre le typhus au Maroc / réalisé par Cineophone / Pour l'Institut Pasteur du Maroc / Préparation du vaccin - preparation of the vaccine - Präparierung des Impfstoffes - Bereiding der vaccine
Contenus
Thèmes médicaux
- Hygiène en général. Santé et hygiène personnelle
- Hygiène personnelle. Propreté. Habillement
- Hygiène de l'habitat
- Santé et hygiène publique. Prévention des accidents
- Population. Dépopulation
- Inspection et contrôle sanitaires
- Prévention et contrôle des maladies infectieuses et contagieuses. Prévention des épidémies
- Hygiène vétérinaire. Santé des animaux
Sujet
Préparation du vaccin contre le typhus et campagne de vaccination contre le typhus au Maroc.
Genre dominant
Résumé
Exposé sur la préparation du vaccin puis sur les modalités de la vaccination d'abord à rabat, puis dans les zones rurales.
Contexte
Conjoncture sanitaire au Maroc
L'état de santé du Maroc au seuil du XXe siècle est alarmant. Il inspire aux autorités du protectorat une politique de médicalisation de la société volontariste et d'avant-garde. On meurt de faim au Maroc, et pas seulement en temps de famine : en particulier dans les villes neuves de la côte atlantique jusqu'en 1945 (460 indigents morts sur la voie publique en décembre 1945, 521 en janvier 1946, puis reflux à mesure que l'aide alimentaire américaine s'intensifie). Délabrement des corps : bouches édentées, paupières bouffies, plaies suppurantes, membres déformés par des fractures mal réduites, visages grêlés par la vérole, enfants au ventre enflé, vieillards au corps déjeté, désarticulé par le poids des ans et l'absence de prothèses... Beaucoup d'organismes étaient, sans répit, rongés par le paludisme, le scorbut, la bilharziose, la syphilis et son cortège de maladies secondaires, l'été affaiblis par la dysenterie, l'hiver par les maladies respiratoires et, périodiquement, emportés par de grandes convulsions épidémiques. Le choléra certes est jugulé à partir de 1895. La variole est en régression : grâce au barrage antiépidémique mis en place depuis 1925 par la vaccination obligatoire et aux plans quinquennaux de revaccination.
Peste et typhus
La peste sévit à l'état endémique dans le Sous. De là elle vient battre périodiquement au-delà de l'Atlas jusqu'au sud de la Chaouïa et, en 1942 encore, menace de submerger Casablanca. Elle disparaît définitivement en 1945, après avoir léché une dernière fois le grand port atlantique. Et le typhus fait des ravages par trois grandes bouffées épidémiques de 1920-1921, 1928-1929, 1942-1943 surtout. Le typhus se résorbe plus lentement que la peste après 1945. La peste remonte du sud vers le nord le long du Maroc atlantique, propagée par les chemins vicinaux de la sociabilité marocaine : moissonneurs soussis saisonniers, pèlerins se dirigeant vers les sanctuaires du Sous, commerçants-ambulants, soldats. On peut couper sa chaîne de contamination à la hauteur de l'Atlas. Le typhus, lui, se répand sur plusieurs points dispersés à travers tout le pays. En 1921, il surgit sur les chantiers du port de Casablanca, dans les campements de manœuvres édifiant le Tanger-Fès sur la boucle du Sebou. A l'opposé de la peste qui ne fait pas de différence entre les âges et les sexes, le typhus frappe de préférence les hommes dans la force de l'âge, happés par le Maroc des chantiers coloniaux à la jonction du rural et de l'urbain : des travailleurs migrants qui, par dizaines de milliers, s'insinuent au cœur des vieilles cités (fonduqs , cafés-maures, marabouts, derbs) ou déjà à la périphérie des villes neuves (les premiers bidonvilles). La peste concerne l'intérieur du Maroc marqué par son archaïsme. Le typhus frappe le Maroc nouveau, issu de la dislocation-restructuration opérée par le protectorat sur fond de capitalisme conquérant à l'américaine. Mais les deux fléaux font moins de morts que le paludisme.
Politique sanitaire coloniale
Début 1914, le médecin-chef de la municipalité de Rabat, débordé par la poussée du typhus qui accable des milliers de personnes, déplore l'insuffisance des moyens à sa disposition : « sur 2400 isolés, combien eussent été guéris promptement s'ils avaient été alités dans des chambres closes et saines ? Et combien ont péri, sans murmures, parce qu'ils n'avaient pour abri qu'une toile, et pour lit que des nattes ? » Aux techniciens de la Direction de la Santé Publique et de l'Hygiène du Maroc, Lyautey demande d'élaborer une « surveillance médicale intégrale du pays », de sorte qu'il ne subsiste plus « un angle mort » dans la couverture sanitaire du pays par l'appareil médical monté par le protectorat. « Neutraliser tous les porteurs de germe » : cette exigence, chez Lyautey, d'un continuum sanitaire impliquera que le pays soit découpé par un réseau hiérarchisé d'organismes de surveillance (bureaux sanitaires de région, bureaux municipaux d'hygiène) et quadrillé par une batterie pyramidale d'hôpitaux en ville (indigène, civil, en réalité européen, mixte, c'est-à-dire militaire) et d'infirmeries dans les bourgades rurales, prolongées sur les principaux souqs par des salles de soin et en tribu, loin des zones de colonisation, par des groupes sanitaires mobiles.
Le docteur Blanc, Directeur de l'Institut Pasteur à Casablanca, met au point un vaccin qui n'assure qu'un taux de 50% d'immunisation contre le typhus, mais atténue la virulence du virus chez ceux qui le contractent malgré la vaccination. A la fin de la 2e guerre mondiale, ce vaccin assez rudimentaire est remplacé par du vaccin américain (Cox) beaucoup plus fiable.
Au lendemain de 1945, le parc hospitalier s'élève à 23 hôpitaux, 26 dispensaires spécialisés (ophtalmologie, maladies vénériennes, tuberculose), 59 infirmeries, 52 salles de visite, 15 groupes sanitaires mobiles. Le nombre de consultations délivrées dans les formations du service de santé passe de 500 000 en 1912 à 2 millions en 1929, puis atteint 10 millions en 1946. L'appareillage médical disposé sur le corps de la population a moins pour objectif de soigner l'individu souffrant que la société malade, moins de guérir la personne que d'assainir la ville et ses habitants et de prévenir le retour des grands fléaux.
Plus encore que la peste, le typhus va être le fil conducteur du despotisme sanitaire colonial, qui régentera la société marocaine jusqu'à la fin de la deuxième guerre mondiale. C'est pour contrôler la « population flottante » qui en est le véhicule, qu'un « plan défensif » est adopté au lendemain de l'alerte de 1920-1921 par chaque grande cité et affiné à l'échelle du territoire à la fin des années vingt et au début des années trente par l'institution de « barrages défensifs » sur les seuils stratégiques ouvrant l'accès du Maroc atlantique à la foule des gueux chassés par les calamités naturelles et l'extrême pauvreté des oasis du sud, des steppes orientales et de la montagne atlassique. A l'entrée des villes d'importance sont érigés des camps avec station de désinfection et désinsectisation ainsi que des baraquements.
- D'après Rivet Daniel. "Hygiénisme colonial et médicalisation de la société marocaine au temps du protectorat français : 1912-1956". In: Santé, médecine et société dans le monde arabe., 1995, p.105-128.
L'Institut Pasteur et les colonies
Du vivant de Pasteur, plusieurs de ses collaborateurs se rendent en Indochine et en Afrique du Nord pour y diffuser la vaccination contre la rage et mener diverses recherches sur les maladies tropicales. En 1891, Albert Calmette fonde le premier Institut Pasteur d’outre-mer à Saïgon. En 1893, le neveu de Pasteur Adrien Loir crée celui de Tunis, puis en 1895 c’est au tour d’Alexandre Yersin qui vient d’identifier le bacille de la peste à Hongkong, de fonder un Institut Pasteur à Nha Trang en Indochine. L’Institut Pasteur d’Alger, créé en 1894 par des médecins de la faculté, reçoit l’investiture officielle d’Albert Calmette en 1909. Après la mort de Pasteur, de nouveaux instituts voient le jour à Tananarive et Brazzaville (1898), Tanger (1911), Kindia (192), Dakar (1923), Hanoï (1924), Casablanca (1929).
Éléments structurants du film
- Images de reportage : Oui.
- Images en plateau : Non.
- Images d'archives : Non.
- Séquences d'animation : Non.
- Cartons : Oui.
- Animateur : Non.
- Voix off : Oui.
- Interview : Non.
- Musique et bruitages : Non.
- Images communes avec d'autres films : Non.
Comment le film dirige-t-il le regard du spectateur ?
Il s'agit de convaincre le public de l'efficacité de la vaccination sous deux formes : efficacité de sa mise au point par des scènes de laboratoires, efficacité de l'organisation des campagnes par des scènes montrant la préparation des sites de vaccination en milieu urbain aussi bien que rural et par une cartographie qui montre comment elles ont couvert le territoire.
Comment la santé et la médecine sont-elles présentées ?
Le film promeut la rigueur et l'efficacité organisationnelle de la médecine coloniale qui s'appuie sur les compétences et les infra-structures locales de l'Institut Pasteur. Le film montre aussi que les indigènes intègrent les personnels de santé en tant qu'"auxiliaires". Enfin, il met l'accent sur une institution coloniale qui connait l'organisation sociale indigène et s'appuie sur ses cadres pour faciliter l'acceptation du vaccin par l'ensemble de la population.
Diffusion et réception
Où le film est-il projeté ?
Espaces d'enseignement scientifique.
Communications et événements associés au film
Public
Public scientifique, tout public
Audience
Descriptif libre
Le générique se déroule sur le fond d'une vue urbaine au Maroc. Devant un mur d'enceintes surmonté de toits de bâtiments, une silhouette voilée. Le commentaire commence, en off sur la vue d'un fronton de bâtiment de l'Institut. Panoramique en plan large sur des bâtiments modernes, emblèmes de l'investissement colonial.
Préparation des vaccins
Dans un laboratoire, expérimentation sur un cobaye. Le commentaire décrit son protocole. Après injection du virus par voie péritonéale, surveillance de l'évolution de la température (prise deux fois par jour). Plan sur le diagramme de ses relevés daté du 7 juin 1938 : "après une incubation de 4 à 5 jours, la température moyenne s'élève à 40 degrés et plus." Observation d'un blocage testiculaire chez le cobaye. Les scènes suivantes sont en plan moyen ou gros plan avec resserrage sur les mains qui manipulent les différents instruments cités. Nouvelles expérimentations sur le cobaye fixé à une planche par ses pattes attachées. Prélèvement de ses testicules puis dégagement de ses viscères abdominaux, dégagement et prélèvement de sa rate et de sa glande surrénale. Ces organes rassemblés au fond d'un verre aseptisé sont ensuite broyés. Dissociation des tissus par versement du produit émulsionné dans un autre récipient recouvert de tarlatane (étoffe de coton à tissage très lâche). Dilution avec de l'eau physiologique répartie dans différentes flacons de 1L. Cette dilution donne lieu à des injections à d'autres cobayes mâles par voie péritonéale. (05:35)
Administration du vaccin à Casablanca
Dans une tente réservée à cet effet, une laborantine prépare les vaccins pour les administrer. Le commentaire continue d'expliquer le protocole de manière précise comme si le film permettait de le reproduire. Vue sur des infirmiers, sans doute autochtones, qui mettent le vaccin dans des seringues. Le film montre de cette façon comment ils sont associés à la mise en oeuvre de la campagne de vaccinations. Carton : "Vaccination en ville" avec traductions en anglais, allemand et néerlandais. Vue sur une rue large et très fréquentée pour représenter l'environnement de la métropole. "L'extension du virus en 1937 et 1938 a très vite menacé la ville". Le commentaire qui suit nous indique qu'il s'agit de Casablanca. Vues en plongée sur une rue encaissée où une foule se presse. Selon le commentaire, ce sont les habitantes et habitants de la "ville indigène" qui se dirigent vers le site de vaccination. Les femmes voilées se regroupent devant un bâtiment. "Au Maroc, pays d'islam, on évite de vacciner ensemble hommes et femmes". Des enfants les accompagnent. Des personnels médicaux "indigènes", appelés "auxiliaires" par le commentaire, sont postés sur leur chemin pour convaincre "les plus incultes et les moins efficaces". Vue en plongée sur les silhouettes voilées qui se dirigent vers une tente, sans doute celle où la laborantine préparait les vaccins : "Ainsi, dans une ambiance quasi familiale, les femmes s'acheminent vers le lieu de vaccination". Passage en file indienne devant les auxiliaires qui enduisent de teinture d'iode leurs avant bras puis les vaccinateurs. Les doses sont proportionnés à l'âge des personnes - un centimètre cube pour les adultes, un demi centimètre cube pour les enfants, 1/4 de centimètre cube pour les nourrissons. Plans répétés d'administration de vaccins, sans doute pour montrer l'assentiment général des "indigènes" qui tendent le bras vers les vaccinateurs sans commenter ou discuter leurs instructions. A présent, les hommes qui marchent à grands pas vers le lieu de vaccination. Eux sont accompagnés d'adolescents, sans doute de jeunes travailleurs. Le commentaire précise que leurs employeurs ont "exigé qu'ils se fassent vacciner", aussi obéissent-ils avec le souci d'interrompre leur travail le moins longtemps possible. Vue sur la cour du dispensaire pour montrer la foule qui se "rue jusqu'au prochain barrage" formé par les auxiliaires qui, à leur tour, mettent de la teinture d'iode sur les avant bras de chacun. Nouvelles scènes où les vaccinateurs sont à l'oeuvre. Le commentaire remarque que le rythme de passage des hommes est beaucoup plus rapide que celui des femmes "et des enfants". Nouvelle étape : les personnes traitées viennent recevoir une carte à présenter à leurs employeurs, qui certifient leur vaccination.
Nouveau plan en plongée sur une voie publique bondée de monde. Elle est située dans un quartier "surpeuplé et insalubre, où de nombreux cas sont déclarés". Plans moyens sur ses habitantes et habitants "qui ont dû se plier aux exigences de la prophylaxie". Se succèdent devant la caméra des jeunes hommes, des jeunes femmes, des personnes âgées. Le film insiste sur un vieil homme qui oppose au vaccinateur une résistance faible et finalement souriante. "Le patriarche vénérable accepte comme on le voit, sans trop de crainte, la vaccination". Cette séquence, qui montre aussi des vieux hommes coiffés d'une kipa, est l'occasion d'esquisser une typologie de la population indigène. Nouvelle séquence de vaccination dans la prison de Casablanca : des hommes vêtus de loques grises se présentent en rangs devant les vaccinateurs. "La prison de Casablanca, pendant l'épidémie, a été pour les miséreux un véritable refuge". (12:30)
Vaccinations en milieu rural
Carton : "Vaccination rurale" et sa traduction en anglais, allemand et néerlandais. Le commentaire explique qu'une action de vaccination massive, en plus de la prophylaxie, a été mise en oeuvre en milieu rural "où l'épidémie s'étendait constamment". Il faut que le virus, "très fragile", soit transporté en moins d'une heure dans des boîtes métalliques contenant aussi de la glace te de la sciure de bois. Plans sur des auxiliaires indigènes qui assurent le conditionnement des flacons et les entreposent dans une camionnette. Le commentaire explique que ces vaccins ont été préparés par l'Institut Pasteur local et acheminés de cette façon vers les populations voisines. Pour les populations plus éloignés, le personnel de l'Institut a recours à l'avion. Il expédie alors plusieurs valises qui contiennent des récipients stériles et des bouteilles d'eau stérile. Plans sur un de ces sites éloignés où des auxiliaires préparent le vaccin sous une tente : prélèvement des organes sur un cobaye, leur broyage dans un verre stérile avec addition d'eau physiologique émulsionnée, dissociation de la préparation sur tarlatane. Un homme, vu de dos, devant une table garnie de flacons, aspire une pipette. "la transformation des virus en vaccins se fait sous le contrôle de l'Institut Pasteur du Maroc."
Séquence sur la préparation du site pour la "vaccination massive" : la "canalisation des vaccinés" est assurée par la mise en place d'un couloir de cordes et de piquets. La foule venue "du bled" se forme à l'entrée des couloirs ainsi aménagés. Le commentaire précise que ce sont les autorités locales françaises qui, une fois alertées par les médecins de leur ressort, requièrent auprès de la Direction de l'hygiène "l'intervention drastique de la vaccination." Vues sur les regroupements d'indigènes, dont certains "sont venus de douars (divisions administratives en Afrique du Nord) éloignés" dans un paysage désertique rehaussé de palmeraies éparses et étiques. Trois hommes sont réunis autour d'une théière, un chien depuis le toit terrasse qui les domine semble superviser les rassemblements. Le commentaire ajoute que la foule est organisée par les caïds qui ont été instruits par les autorités locales françaises sur les modalités de l'opération. Ces caïds continuent d'être respectés par les autres indigènes. Le film montre deux formes de coopération de l'Institut Pasteur avec les indigènes, par l'enrôlement de certains d'entre eux dans ses effectifs et par l'appui sur leurs cadres. Le commentaire explique que ces campagnes itinérantes de vaccinations durent depuis les six mois que l'épidémie sévit. (18:21)
Carte du Maroc. Le commentaire rappelle qu'au cours de l'épidémie du typhus en 1937-1938, les vaccinations ont été effectuées en 1937 dans les villes de Souk el Arba et Casablanca ; en 1938 dans celles de Settat, Marrakkech, Oujda et Rabbat-Salé. Elles ont été ensuite effectuées dans les environs de chacune de ces villes. "Au total, on a vacciné un million trois cent cinquante mille personnes". Le mot "fin" apparaît sur la carte, puis sur un fond noir.
Notes complémentaires
Contributeurs
- Auteurs de la fiche : Joël Danet