La perception et l'imaginaire (1964)

De Medfilm



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Titre :
La perception et l'imaginaire
Série :
Année de production :
Pays de production :
Réalisation :
Conseil scientifique :
Durée :
25 minutes
Format :
Parlant - Couleur - 16 mm
Langues d'origine :
Sous-titrage et transcription :
Sociétés de production :
Commanditaires :
Archives détentrices :

Générique principal

Réalisateur Éric Duvivier / Assistant réalisateur Albert Luzuy / Image Pierre Fournier / Auteurs Docteurs Claude Leroy, Thérèse Lemperière, Roger Angiboust et André Roussel (Paris) / Production Sciencefilm - Sandoz / Avec le concours de : Service cinématographique des armées, Expéditions Polaires Françaises, Centre d'études des problèmes humains en zone aride, « Inter-Cinbert » / Travail des services : Clinique des maladies mentales et de l'encéphale (Professeur J. Delay), Hôpital Sainte-Anne, Clinique médicale (Professeur G. Gourdin), Hôpital Saint-Antoine, Centre d'enseignement et de recherches de médecine aéronautique, Médecin-général Raboutet, Hôpitaux psychiatriques de Villejuif et de Perray Vaucluse.

Contenus

Sujet

Différentes expériences d'altération perceptive ; description de ces expériences avec une comparaison des situations expérimentales des sujets normaux avec les sujets pathologiques.

Genre dominant

Documentaire

Résumé

Après un rappel historique sur les recherches concernant l'altération de la perception, le film décrit les conditions naturelles où cette altération peut se produire. Sa dernière partie consiste en une succession d'expérimentations destinées à en étudier les variations jusqu'au seuil hallucinatoire.

Contexte

La diffusion du film

Le film a été montré pendant l'édition de 1964 des Entretiens de Bichat. Les Entretiens de Bichat furent en France la première organisation de formation médicale continue fondée en 1947 par deux professeurs de médecine de la Faculté de Paris, chefs de service à l’Hôpital Bichat-Claude-Bernard, les professeurs Guy Laroche et Louis Justin-Besançon. Commencés d’abord avec de faibles moyens, dans des locaux de Bichat, les premiers entretiens rassemblèrent des médecins généralistes du quartier, puis devant le succès, l’organisation se mit en place de façon plus formelle et prit une dimension nationale, avec l'appui des AP-HP. Créé dès la fondation, le comité scientifique des E.B, constitué de patrons hospitaliers bénévoles qui se renouvellent par cooptation, fait appel pour cette formation post-universitaire à des enseignants universitaires dits P.U.P.H. (Professeurs universitaires et praticiens hospitaliers) qui exercent souvent une activité de recherche médicale. Les fonctions de recherche médicale des P.U.P.H. font de ces enseignants, eux aussi bénévoles, des spécialistes des questions qu’ils exposent, appréciés pour cela du public médical. L’emploi du temps très chargé de ces enseignants explique le mode particulier de cette formation une fois l’an, avant la rentrée des étudiants, pendant toute une semaine, dans des locaux universitaires parisiens avec de nombreux intervenants, sur un programme à contenu pédagogique librement établi en concertation entre le comité scientifique et un panel de médecins généralistes praticiens. La durée des interventions est le plus souvent très courte (dix minutes) pour laisser la place aussitôt à un débat formateur, d’où le nom d’ «entretien ». Des tables rondes d’une heure sur des sujets plus complexes sont aussi suivies d’un débat entre intervenants et participants. Le programme aborde environ deux cents sujets médicaux et chirurgicaux, traités simultanément dans quatre amphithéâtres, ce qui amène le médecin à choisir « à la carte » ce qu’il veut entendre. Pour chaque sujet, un recueil de QCM permet au participant de procéder soit avant, soit au décours ou à distance de l’enseignement à une évaluation de ses acquisitions.

Éléments structurants du film

  • Images de reportage : Oui.
  • Images en plateau : Non.
  • Images d'archives : Oui.
  • Séquences d'animation : Oui.
  • Cartons : Non.
  • Animateur : Non.
  • Voix off : Oui.
  • Interview : Non.
  • Musique et bruitages : Oui.
  • Images communes avec d'autres films : Non.

Comment le film dirige-t-il le regard du spectateur ?

Le film varie de registres en opposant les séquences de description de la préparation des expériences avec celles restituant leur déroulement : les premières sont montrées avec objectivité, les secondes sont propices à des climats magiques ou anxiogènes.

Comment la santé et la médecine sont-elles présentées ?

Santé et médecine sont représentées de manière ambivalente : le film exalte le développement des techniques de mesure ; en même temps, les expérimentations sont rendues avec des artefacts de réalisation anxiogènes (roulements percussifs et dissonances, laboratoires montrés dans une semi-obscurité) ; d'autre part, les scientifiques ou les médecins ne sont pas représentés à l'exception d'un plan de laborantin : le film montre des sujets livrés à des machines qui les bombardent de lumières et transcrivent les résultats de leur agression.

Diffusion et réception

Où le film est-il projeté ?

Circuit médical

Communications et événements associés au film

Prix des « dix meilleurs films » aux Entretiens de Bichat 1964

Public

Corps médical

Audience

Descriptif libre

Rappel historique : la permanence du problème de l'altération de la perception par la projection mentale

Musique classique dissonante pendant le défilé du générique. Carton : "Un essai d'approche de la perception par diverses techniques expérimentales : test projectif - isolement sensoriel - drogue hallucinatoire - lumière intermittente subfusionnelle ". Le mot "essai" révèle l'un des aspects majeurs de la démarche du film : autant que d'expliquer l'observation scientifique de la perception humaine, il s'agit de produire des compositions d'images qui se rapprochent le plus possible des visions produites par les expérimentations que cette observation engage. Le commentaire commence par rappeler l'anecdote selon laquelle Léonard de Vinci aurait décelé le potentiel esthétique d'une tache d'humidité sur un mur, exemple de projection mentale sur le réel. Vues d'un fond d'assiette, d'un globe de verre, offrant des surfaces propices à de telles projections. Dans L'imaginaire, ajoute le commentaire, Sartre affirme que ces formes "ont la propriété d'exciter sans cesse l'attention, et de décevoir sans cesse". (02: 18)

Les tests de Rorschach : lecture de taches

Schéma animé pour expliquer les expérimentations sur la perception. Coupe de l'œil, phénomènes rétiniens représentés par des alignements mobiles de points, rais lumineux pour montrer la trajectoire de l'excitation de projections lumineuses sur l'encéphale. Exemples d'encéphalogrammes de sujets soumis à de telles excitations. Autres types d'expériences menées par les psychologues : le test de Rorschach. Pendant que des formes employées comme support de test apparaissent à l'image, le commentaire explique qu'il s'agit d'interpréter des formes ambiguës dépourvues a priori de signification. Les formes montrées font penser tantôt à un envol d'oiseau, une suite de cavaliers, à deux loups en vis-à-vis,... Musique jouée à l'orgue, faisant songer à des airs de messe pour donner une teinte spirituelle à la séquence. Régulièrement, le film tend à dépasser le discours scientifique, suggérant qu'il y a un au-delà de l'expérimentation, un abandon esthétique dont on peut espérer une connaissance supérieure. Le commentaire aborde le sujet pathologique : "Les réponses aux tests sont de deux ordres : incapacité des épileptiques à organiser les couleurs, élaborations autistiques chez les délirants." Devant une de ces formes, le commentaire cite une parole de malade : "La machine m'aide à me dissocier parce que ça tire des deux côtés".

Le commentaire évoque ensuite les situations d'isolement d'un être humain dans un paysage monotone, propice aux visions. Sur des plans d'onde marine, ou des défilés de dunes de sable ou de glaciers, le commentaire explique : "La pauvreté de l'environnement peut amener des faillites de structuration perceptive, pensons aux hallucinations rapportées par les navigateurs solitaires ou les sahariens ou par les membres d'expéditions polaires." Retour à la pathologie qui, elle, produit des "isolements partiels". Exemple d'un homme atteint d'ophtalmopathie qui visualise un tas de pierres à l'endroit de son scotome et s'arrête "là où il pourrait le rencontrer, et critique là où il est invraisemblable". Illustration par une succession de deux plans insolites où un tas de pierres, montré en plongée, entouré par un épais cerne noir, est incrusté dans l'image d'une rue ou d'un déambulatoire pris en orientation frontale, incompatible avec l'orientation plongée de l'incrustation. (07 : 07)

Expérimentations d'isolement sensoriel : l'épreuve de l'espace et le temps sans repères

À Montréal, des laboratoires étudient la perception de sujets en isolement. À l'image, un homme en blouse blanche allonge un autre homme sur une couche pratiquée dans une cabine dont il referme la porte. Il va ensuite s'asseoir devant un lecteur de mesures électroencéphalographiques. GP sur un magnétophone en action pour montrer que les paroles du sujet sont aussi captées. Le commentaire indique que " se produisent des visions élémentaires, parfois géométriques, voire figuratives ". Quelques mesures discrètes de guitare, dans le style de Granados, accompagnent ce récit de l'expérimentation. Leur effet est apaisant. Il est vrai que le spectateur imagine son hors champ, c'est-à-dire le sujet plongé dans l'obscurité complète, livré à l'écoulement du temps sans pouvoir s'en distraire par l'action ou la perception. GP sur la poignée de la cabine. Le commentaire : "Lorsque l'état de vigilance décline, le sujet s'endort et ne raconte plus rien." Ces observations végétatives intéressent les médecins de l'espace. Plan d'un cosmonaute manoeuvrant un levier, dans un espace noyé d'ombre, aux contours mal définis, sur un fond musical constitué de sons abstraits, raclements, drones, qui achèvent de rendre la mise en scène mystérieuse. "Privé de repères, il risque d'être le jouet de productions imaginaires. " Le commentaire conclut que la connaissance du mécanisme de ces illusions est indispensable "pour l'entraînement des futurs équipages." (09 : 20)

Expérimentations par les drogues : le réel déformé

Nouvelle catégorie d'expérimentations : le recours à des drogues. À l'image, une composition de fioles en porcelaine disposées autour d'un livre ouvert sur une estampe de champignon, imitant une nature morte. Imagerie romantique sans doute pour faire allusion aux œuvres de De Quincey ou Baudelaire. L'intention, cette fois, est "non de modifier l'environnement, mais la réceptivité du sujet à l'aide de drogues hallucinogènes." C'est la psilocybine qui est employée pour "son innocuité et sa courte durée d'action." Pano sur l'intérieur d'une pièce de laboratoire munie d'appareils mesureurs disposés sur des tables et d'un lit. Soudain, l'image prend un mouvement de tangage. La drogue s'est mise à agir... Le commentaire indique qu'il y a alors "modification de la conscience, dépersonnalisation, désocialisation" à la faveur desquelles émerge "un monde imaginaire et fantasmatique". De nouveau, les sons abstraits animent la séquence, cliquetis, raclements et drones, auxquels s'ajoutent des roulements de bongos. En plus de dynamiser la séquence, ces percussions font allusion à l'état de transe atteint pendant les cérémonies vaudou. De nouveau, le discours du film déborde du registre scientifique, par la suggestion d'une dimension magique. Cette fois, ce sont des zones limitées du champ de l'image qui pâtissent de transformations. Ici, le couvercle de la caisse du magnétophone se met à enfler, amollir comme s'il avait fondu. Là, c'est le barreau supérieur de la tête de lit qui s'est déformé. Ailleurs, les angles des carreaux du sol se sont arrondis. Des zones colorées ou d'ombre gagnent le champ de l'image. Entrevue, une silhouette de femme se dessine sur le mur du fond. (11 : 33)

Expérimentations par la lumière : compositions abstraites et multicolores

Nouvelles expérimentations qui requièrent des projections intermittentes d'éclairs colorés appelés lumières subfusionnelles. Nouveau pano sur les appareils employés, encéphalographe et magnétophone. Le commentaire insiste sur la nécessité de saisir simultanément les réactions physiques du sujet et ses impressions pour " supprimer les modifications de mémoire " qui surviendraient s'il devait témoigner de l'expérience à l'aide de celle-ci. GP sur le papier blanc qui déroule dans l'appareil, parcouru par une ligne animée de soubresauts correspondant à de nouvelles projections lumineuses. Toujours la musique apaisante au moment de la préparation de l'expérience, avec laquelle contraste la musique anxiogène qui couvre la restitution de son déroulement. Ce choix des ambiances musicales n'a aucune justification dans le cadre d'un exposé scientifique. Il met en évidence l'effort de dramatisation de sa mise en scène. Longue séquence de restitution des visions pendant l'expérience. Le commentaire précise qu'"on utilise de préférence une lumière monochromatique rouge émise par une lampe silencieuse." Des rais couleur de feu apparaissent sur un fond noir. D'abord horizontales, elles se mettent à rayonner puis à prendre un mouvement de spirale. S'y substitue un essaim de points blancs qui correspondent à la perception après la stimulation, son résidu en quelque sorte, que le commentaire appelle "post-image". (15 : 30)

Nouvelles expériences avec une densification de la stimulation, nouvelle succession de compositions géométriques qui s'animent, comme un motif de tapis en train de se dissoudre, avec un ballet de formes coniques ou arquées. Le commentaire remarque : "L'aspect esthétique de certaines images, souvent plus belles que la réalité, pose le problème de la création artistique." Allusion sans doute à l'intervention avérée des drogues dans la création de certaines œuvres contemporaines, jugée nécessaire par l'artiste pour aboutir sa démarche créatrice, et que la beauté des images du film semble justifier. Par ailleurs, en "magnifiant" la réalité, ces images rendent compte de la jouissance perceptive atteinte par l'usager de drogues. Si le commentaire parle de "problème", c'est qu'il suggère que la loi qui interdit cet usage prive aussi de cette jouissance en plus de la ressource créative qu'elle constitue. Pour conforter son apologie implicite, le commentaire cite Paul Klee : "Je suis insaisissable dans l'immanence." Sur le plan de l'image, le film semble désormais tourner en roue libre, laissant proliférer ses animations abstraites et multicolores que le commentaire n'explique plus, qui paraissent, finalement, sourdre de l'imagination du réalisateur. Le commentaire se borne à expliquer que "de toute façon, leur complexité impose un choix descriptif forcément partiel." Il précise que de telles expérimentations ont été pratiquées sur une cinquantaine de sujets, donnant lieu à une analyse comparative sous forme de graphiques. (17 : 30)

L’expérimentation comme une séance de torture

Nouvelles expérimentations qui croisent la projection d’éclats lumineux avec l’absorption de drogues, substances épileptogènes, afin d’entraîner « une simplification du tracé parallèlement à une simplification perceptive. » Quoique le commentaire évoque un « approfondissement formel » des images, nous retrouvons la même succession de ballets de formes géométriques. Elle s’enchaîne cependant avec une prise de vue réelle en laboratoire qui consiste en un GP du visage du sujet pris dans un masque. On n’en voit que la tempe et le coin de l’œil agité par des clignements effrénés. Puis plan moyen frontal de face du même sujet, assis derrière un chevalet auquel est fixé l’écran qui le bombarde d’éclats lumineux. Ses mains se lèvent en geste de protection tandis que retentissent des hennissements de cordes. Il est évident que le film montre cette expérimentation comme une épreuve qui fait songer à une séance de torture, au point qu’on se demande si le sujet consent encore à y participer. De nouveaux tests projectifs sont appliqués à « un dément ». Du bord-cadre gauche, un vieil homme entre dans le champ qui va installer sa silhouette chancelante sur le fauteuil. Ses perceptions sont « pauvres, essentiellement chromatiques, sans effet consécutif (sans post-image ?) ». En effet, l’image montre un brouillard mauve qui s’étend sur le fond obscur. De nouvelles injections de drogues affinent sa perception. Le brouillard se résout en vagues. Le commentaire cite les impressions dont témoigne le sujet : « On dirait un lac… ça ressemble à un chardon… un oiseau… » Les référents deviennent concrets. Soudain, une image de meuble sourd de l’obscurité. « Le coffre-fort du voisin… » (23 : 30)

Conclusion du commentaire : « À la lumière d’expériences de ce genre, les mécanismes imaginaires se révèlent comme une donnée fondamentale de l’acte perceptif. Une perception est une confrontation permanente entre le réel et l’imaginaire. » Cependant, sur de nouveaux roulements de percussions, le film enchaîne d’ultimes animations kaléidoscopiques.
Fonds Éric Duvivier code 166.

Notes complémentaires

Références et documents externes

Contributeurs

  • Auteurs de la fiche : Joël Danet