La médecine aux champs (1973)

De Medfilm



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Titre :
La médecine aux champs
Série :
Année de production :
Pays de production :
Réalisation :
Durée :
31 minutes
Format :
Parlant - Couleur - 16 mm
Langues d'origine :
Sous-titrage et transcription :
Sociétés de production :
Commanditaires :
Archives détentrices :
Corpus :

Générique principal

Contenus

Sujet

Pratique de la médecine générale dans les régions rurales de l’Aveyron, du Tarn et de la Garonne, auprès d'une population qui souffre d'isolement.

Genre dominant

Documentaire

Résumé

Dans les campagnes du Tarn-et-Garonne et de l'Aveyron, les médecins généralistes parcourent un territoire très étendu géographiquement afin de visiter leurs patients. Ces médecins, qui ont créé l'Association médicale Quercy-Rouergue, évoquent leurs contacts avec les paysans, la concurrence des médecins spécialistes, la vaccination, le scandale des produits pharmaceutiques, l'avortement, leur niveau de vie. En alternance avec les interviews, images de visites médicales auprès de personnes âgées comme l'attachante Mme Mathieu dans sa ferme, d'une femme enceinte, de bergers ou le truculent Monsieur Marti venu au cabinet médical, ou d'une réunion de formation de médecins (d'après la notice INA).

Contexte

Le film se déroule dans la région du Rouergue autour de la ville Saint-Antonin-Noble-Val.

Éléments structurants du film

  • Images de reportage : Oui.
  • Images en plateau : Non.
  • Images d'archives : Non.
  • Séquences d'animation : Non.
  • Cartons : Non.
  • Animateur : Non.
  • Voix off : Oui.
  • Interview : Oui.
  • Musique et bruitages : Oui.
  • Images communes avec d'autres films : Non.

Comment le film dirige-t-il le regard du spectateur ?

Comment la santé et la médecine sont-elles présentées ?

Le film montre un milieu où l'exercice de la médecine est difficile. Le territoire que les médecins de campagne couvrent est très étendu. Ils sont souvent les personnes de confiance et de référence pour une population qui vit dans l'isolement et la dispersion. Ces difficultés sont abordées par le médecin interrogé dans sa voiture.

Diffusion et réception

Où le film est-il projeté ?

Télévision, 1ère chaîne, vendredi 27 avril 1973 à 21h23.

Communications et événements associés au film

Public

Tout public

Audience

Descriptif libre

Un repas interrompu par une urgence

Repas de famille, le soir. Le médecin, à table, décrit à un confrère qu'il a invité chez lui le contexte dans lequel il travaille. Il est possible d'être réveillé la nuit. Pour les soins infirmiers, il faut compter sur les religieuses de l'hospice. "Vous verrez, ça se passe bien. Seulement, on n'a pas la sécurisation du médecin de la vie qui a l'ambulance, l'hôpital à deux cent mètres, la consultation du spécialiste à dix minutes..." Comme le confrère affirme qu'il va se spécialiser (en cardiologie) et qu'il n'exercera pas dans le rural, le médecin estime que son choix est significatif d'une tendance. La discussion a une allure cordiale, se tenant dans une ambiance familiale et autour d'un plat, mais le sujet est tout de suite posé : la santé ne va-t-elle pas tomber en déshérence dans des campagnes de plus en plus abandonnées ? Une sirène retentit depuis l'extérieur, le médecin arrête la conversation : "C'est pour nous !". Un nouvel aspect de sa condition est ainsi montré : être constamment disponible, quitte à interrompre le rite du repas familial du soir. Raccord ext., les deux médecins sortent de la maison, léger panoramique pour les suivre en train de monter dans la DS blanche garée exprès devant la maison. Cette petite scène a été préparée puisque l'opérateur a précédé les gestes des protagonistes en se plaçant dehors avant qu'ils ne sortent. Dans l'habitacle de la voiture, filmage depuis le siège arrière. Le médecin explique à son confrère le code du système d'alerte. Derrière le pare-brise avant se dessine une silhouette éclairée d'un homme qui balise le trafic, au fond du champ se devinent les tôles froissées d'un crash. La voiture s'immobilise, les deux hommes sortent, ils sont suivis en travelling alors qu'ils se rendent d'un pas alerte sur le site de l'accident. Un homme étendu sur une civière, des pompiers casqués auprès de lui. Le médecin leur demande de rentrer le blessé dans l'ambulance "pour pas qu'il ait froid". La réalisation alterne les vues de l'opération de transport et celles sur le médecin qui la suit, son visage concentré éclairé avec violence par les phares des véhicules stationnés. La séquence multipliant les points de vue et les axes perd le spectateur, comme s'il s'agissait de rendre compte de la confusion d'une situation dans laquelle le médecin doit trouver au plus tôt ses repères pour agir au mieux. Cut, dans l'ambulance, le médecin s'est positionné près du blessé. Il lève les yeux, s'adresse aux pompiers avec une voix autoritaire : "Et vous démarrez lentement ! Ne pas confondre vitesse et précipitation !" Dernier plan sur un des pompiers qui maintient la perfusion en équilibre dans le véhicule. (03:00)

Le médecin dans la voiture (toujours pas nommé, d'ailleurs il n'y a toujours pas eu de commentaire), filmé depuis la place de passager avant). Derrière son profil, à travers la vitre de la portière défilent des bâtiments en pierre de taille. Le médecin ralentit, tourne la tête de côté, interpelle : "Roger !" Une silhouette casquettée se détache dehors, il poursuit : "Dites, vous pensez à demander à Bernard de venir me voir. IL doit faire sa prise de sang!" Échange de salutations, il redémarre. C'est alors, à 03:28, que le commentaire intervient pour la première fois, articulé à des vues du village qui montre quelques habitants marchant dans les rues anciennes, ou s'arrêtant pour converser : "Dans ces villages aux confins du Tarn et de l'Aveyron, la population diminue régulièrement. Certains ont perdu la moitié de leurs habitants en dix ans. La dispersion de leurs malades oblige les médecins à faire plus de 50 000 kilomètres par an." Le commentaire poursuit en expliquant que l'isolement des habitants a conduit cinq médecins à former l'association médicale "Quercy-Rouergue" qui permet d'organiser un roulement pour assurer les gardes et de "rendre plus vivable leur astreinte qui jusqu'alors était totale". Sur cette dernière phrase, un dézoom sur le village pour le montrer entouré de collines couvertes d'arbres et de quelques champs. (03:50)

Première visite : Madame Mathieu

Pano sur la voiture du médecin qui évolue sur une route de campagne. Le commentaire à son propos : "Voici l'un d'entre eux, héritier d'une tradition où le contact humain est déjà la moitié du traitement." Le commentaire précise que l'anonymat des médecins montrés est conservé "selon l'usage" (de l'émission ?). Cut filmé depuis l'intérieur d'une maison où une vieille femme est attablée, le médecin pousse la porte d'entrée vitrée, un voilage tombant sur son seuil. La conversation s'engage avec une familiarité bonhomme comme s'ils se voyaient tous les jours. Le chien assis à côté de la vieille femme aboie une unique fois, comme pour remplir son office de chien de campagne, sans insister puisque c'est le médecin qui est là. Gros plan sur la vieille femme, peignée avec soin, une écharpe de tissu autour du cou, les traits nets et le regard vif. Quand la caméra desserre, on voit accrochés au mur un calendrier et une pendule : le temps long comme le temps court sont suivis de près. Sur un coin de table recouverte par une toile cirée, rangée contre le mur, des linges sont pliés sur une boîte à biscuit. Incidemment, des pans d'une économie domestique sont révélés par la composition de ces plans. La vieille femme parle vite avec un accent qui roule les "r", mais l'oreille s'y fait vite. Elle se plaint de ne plus pouvoir manger salé. "À mon âge, se priver de tout, je ne sais pas quel intérêt ça a!" s'exclame-t-elle en secouant la tête. Le médecin lui évoque sa dernière visite. "Oh, comme j'étais malade !" Le médecin répond : "Vous le croyez !" Théâtralité des exclamations de la paysanne, répliques débonnaires du médecin, chacun joue sa partie et les rires s'échangent. Prise de tension filmée en gros plan, le médecin dit le résultat : "14, 08". Elle : "Alors, je ne suis pas prête à mourir !" Le médecin lui demande combien de temps, autrefois, prenait le médecin pour venir auprès d'elle après son appel. "Deux ou trois jours après ! répond-elle. Il venait avec un cheval et une petite voiture." Dans l'intervalle, il fallait recourir aux "remèdes de bonne femme : cataplasmes, tisanes avec une herbe quelconque". Ce sont les malades les plus forts qui pouvaient tenir. Le médecin poursuit son investigation historique, lui évoquant les accouchements. Elle répond que ça se passait toujours bien, contrairement à aujourd'hui. Si "le docteur n'arrivait pas, il y avait quelques bonnes femmes qui venaient faire leur affaire". Plans de coupe sur ses mains aux doigts croisés, les pouces l'un contre l'autre pris dans un petit mouvement de balancier, belles mains vieilles, ridées et lustrées, qui ont travaillé mais qui sont soignées. Un autre plan de coupe sur le chien allongé, les yeux mi-clos, se berçant de cette conversation qui lui est familière. Il y a cinquante ans, demande le médecin, si elle s'était trouvée agonisante comme la dernière fois où il est venu la visiter, comment ça se serait passé ? "Je serais morte !", répond-elle avec assurance. "Vous plaisantez, docteur, mais j'étais malade, vous savez !" Le médecin la quitte en lui disant qu'il était simplement venu pour lui dire bonjour. "Je suis bien contente que vous veniez me voir quand je n'en ai pas besoin !" répond-elle avec malice. La poignée de main est longue comme elle la maintient tout le temps qu'elle parle, le geste qui se prolonge fait le foyer du plan. (07:41)

Réunion de médecins : témoignages sur leurs conditions de vie

Le médecin au volant, filmé en gros plan, de profil. Son regard reste concentré sur la route alors qu'il répond aux questions posées par le journaliste. Jamais il ne se tourne vers son interlocuteur, comme s'il s'agissait de suggérer que le médecin est en soliloque, que les paroles que nous entendons de lui sont ses pensées exprimées à haute voix pour lui-même. À travers la vitre de la portière défile un paysage de vallonnement aux habitations rares. Interrogé sur les distances qu'il doit parcourir quotidiennement, le médecin répond qu'il doit rayonner à 18 km en amont et en aval de Saint-Antonin pour une population qui "n'atteint pas 8 000 habitants". Si bien que lorsqu'une urgence survient alors que le médecin se trouve à 20 km de son cabinet, il peut faire appel à l'un ou l'autre des médecins de l'association Quercy-Rouergue s'il se trouve plus proche du site d'intervention. Dès lors leur activité devient "complémentaire et non pas concurrentielle". Cut ; conversation entre confrères dans un salon aux murs en pierres apparentes, où un feu flambe dans la cheminée, avec des bibliothèques garnies placées derrière les fauteuils où ils sont installés. Le sujet dont ils s'entretiennent est le bénéfice de leur entente professionnelle et les difficultés qu'ils continuent néanmoins de rencontrer. Leur disponibilité de tous les instants auprès des habitants peut être mal acceptée au sein de leur famille. Un des médecins témoigne d'une interpellation par ses enfants : "Papa, tu es un père célibataire !" Son épouse, qui assiste à la réunion, abonde : "il se passe des journées entières où on ne te voit pas!" Selon ce médecin, le comportement du malade a changé "depuis six à sept ans". C'est dû à un changement intervenu dans la population avec des arrivants de la ville qui ont des attentes différentes vis-à-vis de l'institution sanitaire. "Nous sommes un service, nous devons répondre le plus rapidement possible !" La relation se limite alors à l'acte clinique et la rédaction de l'ordonnance. "Alors que nos paysans considèrent que l'important est la visite : on nous fait asseoir, on parle du temps, puis on parle du malade..." La conversation peut ensuite s'orienter sur le loisir de la pêche. C'est de cette façon que le lien se crée. Le médecin qui intervient, sur lequel la caméra a serré, parle avec animation, se sert de ses mains pour appuyer ses propos. Sa voix est aussi marquée par l'accent régional. (11:27)

Seconde visite : un homme devenu raisonnable

Cut. Une voiture filmée de face évolue sur un sentier, freine brusquement. Ce n'est plus la DS que nous avons vue au début du film, mais une Citroën Dyane, modèle plus économique. Pivotage de l'axe à 180°, plan sur un corps de ferme, des oies s'ébattent dans la cour. Le médecin qui a descendu de la voiture se dirige vers une femme : "comment ça va, il est où votre mari ?" Elle l'oriente vers le bâtiment situé de l'autre côté de la cour. Cut., int. un homme qui donne le biberon à cinq brebis. Le médecin le rejoint, l'interroge : "Et le coeur, ça va ?" Le paysan, filmé en gros plan, prend une expression préoccupée. Par l'ouverture de l'étable, on le voit avec le médecin monter les marches du corps de ferme, bientôt suivi par l'épouse, vieille femme courbée, qui avance à petits pas. Int. gros plan sur une pendule, un râle se fait entendre. Panoramique le long de calendriers accrochés au montant de baldaquin du lit placé à côté. Comme chez Madame Mathieu, horloge et calendrier sont disposés ensemble. Le panoramique rejoint le médecin qui ausculte le paysan qui a relevé sur son torse sa chemise et son pull ensemble, sans avoir quitté son béret. le médecin rejoint la table, gros plan sur sa main qui ouvre sacoche de cuir. "La dernière fois que j'étais venu, il y avait de la neige !" Il parle de reconduire sa prescription précédente, le paysan, resté assis sur son lit, l'approuve. "C'est une maladie qu'il faut soigner tout le temps..." Sa voix est basse, il ne termine pas ses phrases, il semble mélancolique et préoccupé. Le médecin, écrivant son ordonnance, ajoute : "C'est surtout que vous êtes devenu raisonnable. Vous avez mis du temps, mais vous y êtes arrivé !" La femme apparaît dans le champ, passe entre le médecin et le paysan, sans rien dire, jette un regard à la feuille du médecin, se tourne vers son mari. Il est question de pilules à garder "dans la poche" ; elle écoute avec attention. (13:18)

Faits d'actualité : le marché du médicament, l'assurance agricole

Le médecin de nouveau sur la route. Il sort d'un village, négocie un carrefour. Au bord de la route, un panneau indicateur : "St Antonin 7,5 km". Le journaliste l'interpelle sur le scandale récent des produits pharmaceutiques qui a été largement médiatisé. "C'est tout à fait d'actualité dans notre région !", répond le médecin, sous-entendant que celle-ci n'est pas forcément coupée de l'actualité nationale. il ajoute que lui et ses confrères refusent d'être "les VRP des laboratoires". Il ne voit pas l'utilité de prescrire les nouveaux médicaments qui arrivent tous les mois sur le marché "parce qu'on a jouté une bricole quelconque". La publicité produit sur lui l'effet inverse de celui désiré. "Il suffit que je voie cinq encarts du même produit pour que je me souvienne de ne jamais le prescrire !" Le médecin enchaîne sur les effets de la mise en place de l'assurance agricole obligatoire. "autrefois, les agriculteurs ne pouvaient pas se soigner, ils n'étaient pas assurés!" Il n'était pas possible d'obliger les femmes à aller accoucher en clinique. (14:33)

Troisième visite : une femme enceinte, son mari "qui a ses idées"

Int. Dans une cuisine, vaste pièce où toute une famille est réunie à table, avec des membres de trois générations. le dos du médecin fait volet devant la caméra au moment où il lance à la cantonade : "Bon appétit !" Un jeune homme se lève pour l'accueillir et le fait asseoir. Le médecin s'assoit à table, comme dans tout intérieur où il se rend depuis le début du film il trouve immédiatement sa place : non pas qu'elle lui soit préparée par les habitants, mais sa familiarité avec eux lui permet de la trouver sans se départir de sa fonction. Ici, il fait un va-et-vient entre la table et une pièce à côté où il va examiner la femme du jeune homme qui est enceinte. Elle l'informe avec calme, de même son mari ne paraît pas inquiet. "Cette nuit, j'ai commencé à avoir mal, toutes les six heures à peu près. Maintenant, ça se rapproche... ". Pendant que le médecin s'est absenté, les convives parlent au journaliste de ce que représente le médecin aujourd'hui. Souvent, il s'inscrit dans une lignée familiale, si bien qu'il peut suivre des maux transmis d'une génération à l'autre au sein d'une même famille de patients. Le mari remarque qu'il est devenu plus accessible même s'il reste un personnage important. Le médecin revenu l'interpelle à propos de la vaccination de son enfant qui n'est toujours pas faite. Le mari manifeste son opposition de principe. Le médecin cherche à le raisonner avec une pointe de mauvaise humeur, lui affirmant qu'il serait avisé d'écouter les avis des autes en plus de défendre le sien. Comme le téléphone sonne et que le mari s'éloigne pour répondre, le médecin en profite pour enjoindre son épouse de le convaincre. Désignant l'enfant à l'abondante chevelure bouclée qui se tenait aux côtés de son père et qui a rejoint les genoux de sa mère, il ajoute : "Imaginez s'il attrape la polio !". Elle sourit, répond de manière indistincte tout en caressant les cheveux de son enfant. Le mari resté hors champ appelle le médecin, travelling pour accompagner le médecin qui se lève pour le rejoindre alors qu'il lui tend le combiné. C'est son cabinet qui, sachant qu'il devait intervenir dans cette ferme, a appelé ses habitants pour pouvoir le joindre. " Où ça ? Combien de temps c'est arrivé ?" demande-t-il. Il écoute la réponse, ajoute : "Bon alors, j'y vais !" (17:36)

Réunion de médecins (suite)

Cut. Le même médecin qui parlait pendant la première séquence de la réunion, filmée en plongée, il lève la tête pour s'adresser au journaliste resté hors champ. "Actuellement, nous sommes à la croisée des chemins. Nous ne sommes pas très bien dans notre peau. On nous rejette de la ville parce que nous sommes à la campagne, nous avons la réputation des paysans que nous soignons. On n'est pas complètement idiots, mais quand même, on ne sait pas très bien, on n'est pas complètement au courant..." Plan de coupe sur le médecin que nous suivons tout le long du film. Il écoute avec un sourire d'entente, son confrère parle pour lui et pour tous les médecins de campagne. La caméra desserre pour filmer toute l'assemblée réunie dans cette pièce où l'ambiance est chaleureuse. le médecin qui a pris la parole continue, et cette fois, haussant le ton, agitant la main, il passe au registre de l'apologie pro domo : "Or notre problème à nous, c'est qu'il ne faut pas avoir peur des malades ! Nos malades, nous les avons dans les doigts ! Nous les avons toujours dans les mains !" Il poursuit en s'en prenant à la spécialisation. "La spécialité est un refuge du médecin. Parce que ça gagne plus d'argent, ça fait travailler les appareils, et ça supprime cette angoisse du tout savoir !" Selon lui, le savoir du médecin est de qualité et de bon sens. La connaissance qu'ils ont des familles dont ils s'occupent est acquise en les fréquentant assidûment et chez elles : "Nous les voyons dans leur milieu, et nous les voyons tous les jours, pratiquement ! Nous circulons, nous allons d'une ferme à l'autre, nous traversons le village dix fois. À ce moment-là, vous voyez, tout un travail intellectuel s'est fait. Nous sommes des empiriques. Nous avons vu que ce gars-là est malade. Bon. Tout le reste, c'est du laboratoire, de la littérature, de la radio ! N'importe quel idiot peut aller regarder au fond d'un œsophage et en faire une photographie, mais ce travail empirique, il est en nous - et ça c'est la force énorme que nous avons par rapport à nos confrères de la ville !" " Le médecin sourit en parlant, cette conversation le passionne mais l'amuse aussi. Par ses propos emportés et résolument excessifs, sa gestuelle large et démonstrative, son visage qui exprime la colère, la dérision, le plaisir de l'échange ; nous voyons qu'il aime son métier. En amorce de dos, bord-cadre droit, son épouse qui écoute, sourit et paraît approuver : c'est sans doute à elle qu'il s'adresse en premier. "La maladie, reprend-il, ça se marque à un œil averti, nous ne passons pas à côté !" Le médecin, ici, est plus capable d'un "pronostique" que d'un "diagnostic", ajoute-t-il. Si jamais il y a besoin d'examens complémentaires, il s'en remettra à "cette médecine de progrès dont on nous parle beaucoup" qui emploie "des instruments très compliqués" pour mettre "des étiquettes précises". (20:46)

Scène de consultation : le bonimenteur

Plongée en extérieur, sons de cloches à toute volée, marché aux bestiaux sur une place de village. Des paysans, interrogés en micro-trottoir, donnent leur opinion des médecins. L'un d'eux affirme que les généralistes, quand ils ont affaire à un cas qui dépasse leurs compétences, envoient les patients aux spécialistes qui exercent à plus de cinquante kilomètres. "Ils vous envoient facilement !", reproche-t-il. Scène de consultation, un homme âgé, vêtu d'un complet de ville et coiffé d'une casquette, se présente dans une salle d'attente déjà remplie. En s'asseyant après avoir salué l'assemblée, il dit à la cantonade : "C'est comme au confessionnal ici, les uns après les autres !" Il plaisante avec un autre homme âgé qui attend, leurs échanges sont difficilement compréhensibles, il est question de "coq au vin." Dans le cabinet du médecin, une carte de la région sur le mur. L'homme âgé montré dans la séquence précédente fait son entrée, le médecin l'accueille fraîchement. On reconnaît un des membres de la réunion des confrères. "État général mauvais", explique le patient. Le médecin lui répond directement : "Vous mangez trop, vous ne faites que les restaurants !" "Le gras double c'est pas mauvais, vous savez !", lui répond le patient. Le médecin lui demande s'il est venu à jeun pour faire la prise de sang. Le patient lui répond oui, mais le médecin insiste, il ne le croit visiblement pas. (24:26)

La formation en question

Retour dans la voiture du médecin que nous suivons pendant tout le film, retour sur la route de campagne qu'elle sillonne, entre barres rocheuses, décrochement vallonné, succession de champs. L'autoradio diffuse une émission médicale, nous entendons le détail de son générique. Le médecin commente : il veut que ses patients bénéficient des innovations thérapeutiques grâce à l'actualisation de son savoir. Les formations se font à Montauban, ce qui pose la difficulté du trajet. Il ajoute : "Plus les moyens audiovisuels, comme les minicassettes dans les voitures ou les émissions télévisées." Scène de formation dans une salle de château, où un intervenant se tient à côté d'un paper-board et s'adresse à des personnes réunies autour d'une table dressée comme au restaurant. La scène se déroule est une pièce de château, sans doute dans un bâtiment municipal. Un échange se fait autour du vaccin contre la rubéole et les dispositions qu'il faut prendre à l'égard des femmes en âge de procréer et la femme enceinte.

Derniers échanges en voiture : à propos de la contraception et de l'avortement

Retour dans la voiture, le journaliste demande au médecin sa position sur l'avortement (ce sujet étant préparé par ce qui était évoqué dans la scène de formation qui vient juste de précéder). "L'avortement, je suis contre. Chaque fois que je peux faire garder son gosse à une femme, je suis ravi de constater au bout de quelques années qu'elle est elle-même enchantée." Il pense cependant qu'il faut aménager la loi actuelle. "L'avortement thérapeutique, dans un cas de rubéole par exemple". Il ajoute que du moment que certaines femmes sont amenées à vouloir avorter, "il faut leur permettre de le faire dans des conditions satisfaisantes". Il recommande aux femmes d'être attentives à leur contraception, mais il sait que "même dans les milieux ruraux, les jeunes générations s'intéressent au problème". La séquence sur la route se poursuit par des prises de vues en extérieur sur la voiture qui continue son chemin. La route reste solitaire. Une pluie tombe qui tourne à la neige. Commentaire : "Il y a autour du métier de médecin un certain nombre d'idées bien ancrées dans le public. Les médecins, même les médecins de campagne, passent pour gagner beaucoup d'argent". Retour dans l'habitacle de la voiture, le médecin répond : "on ne peut pas nier que nous rentrons beaucoup d'argent, mais ça ne veut pas dire que nous gagnons vraiment bien notre vie." Il explique que le médecin doit assurer les frais de ses études, de son installation et de son fonctionnement, il n'arrive qu'à s'assurer des rentrées régulières avant d'être "poussé par les jeunes" et de devoir payer le fisc. "Quand même, nous avons un métier qui est difficile. Nous faisons 144 heures d'astreinte ou de travail par semaine". Selon lui, le médecin rural cumule les inconvénients de la pratique médicale. En plus de faire les vaccinations, il s'occupe des fièvres qui en sont la conséquence...

Scène de conclusion. Nous retrouvons la ferme où le médecin est intervenu auprès d'une femme enceinte. Cette fois, une femme est montrée seule avec l'enfant avec, dans ses bras, l'enfant aux cheveux longs et bouclés. Elle est au téléphone : "On aimerait qu'il monte. Oui, ça presse. C'est urgent..." Cut. Le médecin quitte une maison en disant "au revoir" à la femme qui l'a raccompagné sur le seuil, rejoint la DS stationnée devant, salue une autre femme et un enfant qui se tiennent sur le bord du chemin. Un arpège de guitare monte dans la bande-son, annonçant la fin du film. La voiture démarre et s'éloigne sur la petite route qui disparaît à l'horizon du paysage de campagne.

Notes complémentaires

Références et documents externes

Contributeurs

  • Auteurs de la fiche : Joël Danet


Erc-logo.png  Cette fiche a été rédigée et/ou traduite dans le cadre du projet BodyCapital, financé par l'European Research Council (ERC) et le programme de l'Union européenne pour la recherche et l'innovation Horizon 2020 (grant agreement No 694817).