La boîte de Decroly

De Medfilm



Pour voir ce film dans son intégralité veuillez vous connecter.
Si vous rencontrez un problème d'affichage des sous-titres, veuillez essayer un autre navigateur.

Titre :
La boîte de Decroly
Pays de production :
Durée :
30 minutes
Format :
Parlant - Noir et blanc - 16 mm
Langues d'origine :
Sous-titrage et transcription :
Commanditaires :
Archives détentrices :
Corpus :

Générique principal

Le SCEREN – (CNDP – CRDP ) et l’Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3 présentent :

Un film de la Cinémathèque centrale de l’enseignement public, principal distributeur de documentaires de 1920 à 1996 dans les établissements scolaires de la maternelle à l‘université.

Contenus

Sujet

Mesurer l'intelligence pratique d'un individu grâce au test mis au point par le médecin et pédagogue Ovide Decroly.

Genre dominant

Film de recherche

Résumé

Description d'une méthode alternative pour mesurer l'intelligence. La boîte de Decroly est un objet technique construit pour évaluer la réponse à un problème d'ordre pratique. Le but est d'ouvrir une boîte que des mécanismes interdépendants maintiennent fermée. Ainsi, la mesure de l'intelligence du sujet ne se fait plus à l'aide du langage mais bien, à l'instar de la psychologie animale, sur la capacité à élaborer un raisonnement construit sur la base d'un problème pratique.

Contexte

Jean-Ovide Decroly

Originaire de Belgique, Jean-Ovide Decroly fit ses années de médecine à l’université de Gand puis à l'Université de Berlin et à la Salpêtrière, à Paris. Il y rencontra des aliénistes d'avant-garde, et bifurqua vers la neuropsychiatrie, puis vers la psychologie. Il effectua des recherches sur les maladies mentales et sur l'anatomie pathologique du cerveau. Il se vit confier le département des « enfants anormaux et troublés de la parole » à la Policlinique de Bruxelles.

Il fut alors confronté à la misère des villes, Decroly découvrit l'abandon humain, social et pédagogique dans lequel végétaient ses petits patients. L'école populaire les condamnait presque toujours à l'échec et à la marginalisation ; elle était loin d'assurer la prévention par l'éducation qui constituait son idéologie officielle. « J'affirme qu'elle [l'école populaire] a une influence nuisible, une action antisociale incontestable ; non seulement elle ne nous prépare pas à la vie, mais elle fait de beaucoup de nous des épaves de la vie, des déclassés, ou du moins elle ne fait rien pour nous éviter de le devenir — ce qui est tout comme. » (Delcroly, Plaies sociales et remèdes. Revue contemporaine. 1904)

Il s'engage rapidement dans la lutte pour l'obligation scolaire (qui, en Belgique, ne sera acquise qu'en 1914 et effective qu'en 1920) ; mais il l'assortit immédiatement de l'obligation pour l'école de préparer efficacement chaque enfant à sa vie d'homme, de travailleur, de citoyen. Decroly dresse le constat d’un enseignement encore trop axé sur les « humanités classiques centrées sur l'homme, fondées sur les belles-lettres, et imprégnées d'un rationalisme cartésien limité à son contenu philosophique ». Il veut moderniser cet enseignement en donnant plus de poids aux sciences naturelles. Il va ainsi expérimenter des « écoles-laboratoires » (F.Dubreucq, Perspectives : revue trimestrielle d'éducation comparée, 1993).

Decroly devint alors le médecin-chef d’une petite clinique destinée originellement au traitement d’enfants anormaux. Finalement, il veut affirmer ses principes de pédagogie nouvelle et décide « d'accueillir ces enfants irréguliers en tant qu'internes dans sa propre maison familiale ». Ils seront élevés avec ses propres enfants. L’intérêt pour Decroly est de prouver que des « enfants anormaux » peuvent réaliser de grands progrès dans l’éducabilité grâce à un environnement favorable et des méthodes adaptées.

Ses travaux l’amènent à contester « l'impérialisme de la parole dans les programmes scolaires ». D’après lui, la variété des niveaux de langue selon les milieux constitue un « obstacle majeur à la réussite des enfants du peuple » car la norme scolaire reflète strictement les usages de la petite ou moyenne bourgeoisie, pour qui l'emploi du code élaboré confère quelque prestige socioculturel.

Decroly va ainsi dissocier dans ses travaux, la mesure de l’intelligence avec la maîtrise du langage. Pour permettre la mesure d’une intelligence non verbale, il va ainsi mettre au point des objets dont la manipulation silencieuse démontre l'existence de raisonnements non verbaux. Destinés à éviter les erreurs d'orientation de jeunes gens bien doués, mais desservis par leurs propres faiblesses d'expression ou celles de leur milieu, ces tests prouvent l'existence de raisonnements déductifs et inductifs complexes basés sur « la perception, l'intuition, l'observation, la mémoire, l'imagination, la représentation, la comparaison, l'analyse, l'abstraction, la généralisation, la synthèse » (F.Dubreucq, Perspectives : revue trimestrielle d'éducation comparée, 1993).

Decroly met ainsi en exergue l’importance de l’expression. Cette expression recouvre de son point de vue, la diversité des modes de raisonnement verbaux et non verbaux par lesquels le sujet arrive à conceptualiser un raisonnement. La conception decrolyenne de l'expression n'est pas sans conséquences sociopédagogiques importantes. « Pyramide sur sa pointe, l'école traditionnelle favorise dès le début une catégorie très particulière d'enfants : le futur petit intellectuel, dont elle développe à outrance les qualités verbales. En revanche, elle dévalorise l'expression concrète en considérant comme subalternes et négligeables les travaux manuels, la gymnastique, le dessin, le jeu ». Elle reproduit ainsi les préjugés sociaux qui méprisent les « bas métiers » ; Decroly met en garde contre le danger d'une obligation scolaire qui disqualifierait les formations technique, professionnelle, voire sociale et artistique. La surestimation des « cols blancs » risque d'engendrer de graves déséquilibres dans l'organisation économique si le choix d'un métier manuel devient la sanction de l'échec scolaire (F.Dubreucq, Perspectives : revue trimestrielle d'éducation comparée 1993).

Decroly croit à la participation active des élèves à leur propre formation. Dans ses instituts, les élèves choisissent eux-mêmes les sujets d’étude, ce faisant, ils reprennent en main l’activité programmatrice. On fait souvent de Decroly l'inventeur de la méthode dite « globale » de lecture / écriture. Il serait plus exact de voir en lui le promoteur de la « méthode fonctionnelle ». L'initiation à la lecture et à l'écriture ne s'opère qu'à partir de textes en rapport direct avec l'expérience concrète immédiate, et toujours légendés par un support figuratif (dessin, maquette, objets divers) ; les premiers « livres » de lecture sont le cahier, le texte qu'on imprime, le panneau qu'on affiche, le message qui circule dans la collectivité.

Decroly a ainsi étudié le paradigme dominant d’apprentissage et a proposé une refonte de celui-ci basé notamment sur ses expérimentations. En accordant une place d’importance à l’autonomie des élèves et aux raisonnements non verbaux, il a contribué à dénoncer la légitimation d’une certaine culture d’élite qui s’effectue lors de l’apprentissage traditionnel et qui a des conséquences importantes sur le parcours de certains en décalage avec cette culture de classe. (cf. F.Dubreucq, Perspectives : revue trimestrielle d'éducation comparée (Paris, UNESCO : Bureau international d'éducation), vol. XXIII, n° 1-2, mars-juin 1993, p. 251-276.)

La méthode Decroly et l'école

En France, le principal établissement dans lequel est appliquée la méthode Decroly, étonnamment, est public, avec des enseignants de l’Éducation nationale, recrutés pour leur adhésion aux valeurs decrolyennes. Il est situé dans la ville de Saint-Mandé (Val-de-Marne) où sont inscrits environ 350 élèves, de l’école maternelle au collège. Hormis cette expérimentation qui perdure depuis 1945, on trouve des projets d’écoles alternatives, plus rarement des projets de crèches, qui revendiquent la méthode Decroly. Reste à vérifier si les principes de base y sont véritablement mis en œuvre, à savoir la globalisation, la richesse du milieu naturel, les centres d’intérêt et tout ce qui caractérise une vision résumée par sa maxime « L’école pour la vie, par la vie ». Comme toutes les méthodes éducatives nées au début du XXe siècle, celle d’Ovide Decroly proposait essentiellement une alternative au système scolaire de l’époque, même si un jardin d’enfants a été associé à son école, dès sa création en 1907 en Belgique.

Éléments structurants du film

  • Images de reportage : Non.
  • Images en plateau : Oui.
  • Images d'archives : Non.
  • Séquences d'animation : Non.
  • Cartons : Oui.
  • Animateur : Non.
  • Voix off : Oui.
  • Interview : Non.
  • Musique et bruitages : Non.
  • Images communes avec d'autres films : Non.

Comment le film dirige-t-il le regard du spectateur ?

Le film suit attentivement les approches des différents candidats pour déceler les mécanismes qui permettent l'ouverture de la boîte.

Comment la santé et la médecine sont-elles présentées ?

La médecine est présentée comme un moyen de pouvoir évaluer les capacités des individus sur une base pratique. Ici, on parlerait plus de psychologie médicale. L'observateur analyse dans une même dynamique la posture et l'attitude de l'individu ainsi que ses réponses à un problème concret. Ainsi, cette approche permet d'évaluer les capacités de raisonnement pratique d'un individu.

Diffusion et réception

Où le film est-il projeté ?

Séances scolaires adressées aux pédagogues et enseignants.

Communications et événements associés au film

Public

Professionnels de l'Education nationale

Audience

Descriptif libre

Comment Decroly mesure l’intelligence (00’26 – 01’16)

En plan taille, un homme en blouse blanche et une jeune adolescente, assis autour d’une table. Commentaire : « La première échelle de mesure de l’intelligence mise au point par Binet et Simon au début du siècle faisait essentiellement appel au langage ». Une des variantes de ce test, le Binet-Thermann, consiste en une interprétation de document. Decroly va inventer une autre méthode pour mesurer l’intelligence qui prend en compte des facteurs autres que le langage. S’inspirant des méthodes utilisées en psychologie animale qui consiste à analyser la façon dont le sujet se confronte à un problème pratique simple, Decroly met en place un processus d’apprentissage. En plan large, un chien auquel on montre comment ouvrir une boîte sans laquelle est contenue une croquette.


La boîte de Decroly (01’16 – 03’25)

La boîte de Decroly pivote sur elle-même pendant que le narrateur décrit son fonctionnement. La boîte est composée de mécanismes simples (vis, écrou, mâchoire) mais interdépendants entre eux. Ainsi l’objectif est pour les candidats de cerner les interactions des éléments entre eux pour arriver, grâce à une démarche réflexive, à ouvrir la boîte. Le narrateur explique les interactions entre tous les éléments de la boîte, c’est-à-dire qu’il énonce à voix haute le raisonnement que les candidats devraient poursuivre pour l'ouvrir.

Présentation d’une expérience type (03’25 – 06’00)

Le narrateur rappelle dans un premier temps les basiques d’une expérience de psychologie. Par la présence d’un tableau dans le champ, nous les situons dans une salle de classe. L’épreuve comporte 3 parties. Dans un premier temps, le sujet examine la boîte pendant 2 minutes sans y toucher puis il va expliciter sa démarche d’ouverture de la boîte. Le psychologue note ses indications. Enfin, il dispose de 5 minutes pour tenter d’ouvrir la boîte. Le psychologue observe et note avec précision les différentes phases de l’épreuve en notant les temps. Le point de vue est celui du sujet aux prises avec l’objet technique à manipuler.

Les tentatives des candidats ( 06’00 – 07’58 )

Jean Pierre, 14 ans. Il va rapidement trouver la solution du problème (1minute 20 secondes). Il va déployer un raisonnement rationnel et réflexif où les étapes nécessaires à l’ouverture de la boîte vont être effectuées dans l’ordre logique. Françoise, 10 ans : elle parvient à effectuer les deux premières étapes mais n’arrive pas à pousser plus loin son raisonnement. Elle ne peut pas faire jouer d’autres éléments de la boîte, elle n’a eu qu’une vue partielle du problème et illustre un cas de demi-réussite.

Nicole, 12 ans : elle touche à toutes les parties de la boîte mais ne comprend pas l’interdépendance des éléments entre eux. Le narrateur commente  : «Elle n’aboutit même pas à une analyse sommaire des éléments du problème ».

Étude différentielle des comportements ( 07’58 – 20’00 )

Le film introduit une étude des comportements observés pendant le test. La première catégorie regroupe les échecs : parmi eux, Jean Patrick 6 ans et demi se contente d’un tâtonnement. La caméra tourne autour de lui sans zoomer ou effectuer de gros plans comme Jean Patrick qui tâtonne « le nez sur la boîte » sans parvenir à structurer une réflexion aboutie. Le narrateur dit qu’il « semble attendre un résultat qui défierait toute logique adulte ».

Évelyne, 7 ans, apparaît comme très timide, les mains cachées sous la table, elle n’ose même pas toucher à la boîte. Le narrateur conclut à un « cas très clair d’inhibition ».

Pierre, au contraire, est décrit comme « agité », ses mouvements sont brusques et rapides mais dénués d’efficacité. De plus, il a une « mauvaise adaptation posturale » plutôt que de bouger la boîte, il bouge autour d’elle. Pierrette, 15 ans, semble avoir un raisonnement binaire qui n’établit aucune stratégie d’ensemble. Nicole 6 ans et demi : essai d’ouverture direct, répète les mêmes gestes, n’arrive pas à profiter de l’intérêt de l’expérience acquise. Patrick se focalise sur un seul aspect de la boîte et n’analyse pas l’objet technique dans sa totalité.

Le narrateur pointe les causes différentes des échecs : focalisation sur une partie de la boîte, méconnaissance des comportements mécaniques basiques. L’exemple de Robert nous permet de constater qu’en cas de problème, certains candidats cherchent des solutions selon une logique rationnelle tandis que d’autres essayent tout et n’importe quoi mais sans véritable démarche analytique.

Les cas de réussite ( 20’00 – 26’00 )

Cas de Bernard, gestes brefs et saccadés, non coordonnés, pas intégrés dans une série logique. Il n’apprécie le sens de ses gestes que lorsqu’il en voit les résultats ! S’il ne trouve pas immédiatement la solution à ses difficultés, il abandonne et passe à autre chose. Liliane procède aussi par démarche déductive, mais on rencontre au cours de son raisonnement des phénomènes « d’insight » : de révélation suite à ses erreurs et à sa réflexion.

Avec le cas de Joseph, on assiste à la mise en place d’une stratégie. On note un déroulement des différentes étapes dans un ordre logique, le problème est maîtrisé malgré quelques traces de tâtonnements inutiles. Henriette : 15 ans et demi illustre l’ouverture de la boîte de façon rationnelle et sans tâtonnements inutiles en seulement 55 secondes

Traduction graphique des comportements ( 26’00 -36’00 )

L’expérimentateur fait apparaître les différences qualitatives de comportement sur un graphique. Il décompose les différentes étapes nécessaires à l’ouverture de la boîte sur l‘axe horizontal et une échelle de temps en demi-minutes sur l’axe vertical. Sur l’axe horizontal, on place un point à chaque tentative de manipulation d’un élément par un candidat. Ainsi se tracent les étapes du raisonnement du candidat sur le graphique. Un comportement rationnel pour ouvrir la boîte se matérialise ici par une droite qui passe par les points nécessaires à l’ouverture. Au contraire, si l’on reprend le cas de Bernard, particulièrement agité, qui tentait de nombreuses choses sans raisonnement pour guider son action, sa courbe fait des zigzags et lie ensemble des étapes d’ouverture de la boîte qui ont lieu à des stades très différents. Ce test permet ainsi d'établir des indicateurs quantitatifs de réussite à partir d'observations qualitatives sur le comportement des candidats.

Notes complémentaires

Références et documents externes

Contributeurs

  • Auteurs de la fiche : Lucas Durupt