La Roue du diable (1926)

De Medfilm



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Titre :
La Roue du diable
Année de production :
Pays de production :
Réalisation :
Interprétation :
Durée :
41 minutes
Format :
Muet - Noir et blanc - 35 mm
Langues d'origine :
Sous-titrage et transcription :
Corpus :

Générique principal

Чертово колесо (La roue diabolique)
Автор сценария А. Пиотровский (Scenario : A Piotrovsky)
Режиссеры Г. Козинцев Л. Трауберг (Réalisateurs : G.Kozintsev, L. Trauberg)
Оператор А. Москвин (Cameraman: A. Moskvin)
Художник Е. Еней (Décorateur : E. Eney)
Производство Севзапкино 1926 (Une production Sevzapkino 1926)

Contenus

Thèmes médicaux

Sujet

Lutte anti-alcoolisme

Genre dominant

Fiction

Résumé

Lors de sa première permission, un jeune matelot du croiseur Aurora se rend à la Maison du peuple pour s’amuser. Oubliant le temps, il rate le départ du navire et se retrouve en situation de déserteur. Inexpérimenté et angoissé, le jeune homme devient rapidement la victime de malfrats qui font de lui le complice d’un vol. Se repentant de sa situation, et comprenant qu’il est sur une pente glissante, il se rend aux autorités et se trouve réhabilité.

Contexte

En Union soviétique, entre 1923 et 1928, la mortalité liée à la consommation d'alcool est multipliée par 15.

Sur les 112 films sanitaires dont la diffusion est approuvée par l'Union soviétique en 1928, moins d'une dizaine traitent de l'alcoolisme. Ils s'inscrivent dans le double contexte d'une montée du mouvement d'hygiène sociale et d'une volonté plus large de l'État central de façonner "l'homme nouveau". Cependant, ces films anti-alcoolisme se trouvent au cœur d'une contradiction forte car si l'alcool représente une menace pour "l'homme nouveau", il constitue aussi une source de revenus importante pour l'État. Il est même arrivé que les bénéfices des ventes d'alcool servent à financer des films de lutte anti-alcoolique.

Les films de lutte contre l'alcoolisme de cette époque se divisent en trois catégories plus ou moins perméables: les Kulturfilms, les fictions et les actualités. La Roue du diable est un film de fiction qui a la particularité de ne pas expliquer l'impact de l'alcool sur le corps mais de tenter d'en faire ressentir les effets au spectateur (notamment à travers les accès de colère ou de désespoir du personnage principal et grâce au motif de la Roue sur laquelle il est impossible de garder son équilibre). Autre originalité, ce film lie le problème de la consommation excessive d'alcool à l'activité illégale des habitants des bas-fonds, c'est-à-dire qu'il ne considère le problème de l'alcoolisme ni sous l'angle moral ni sous l'angle médical (comme les autres films de ce type) mais qu'il en fait une question politique. D'ailleurs, le film se termine par la mort de l'un des bandits, l'arrestation de son complice et la destruction des taudis d'où ils agissaient comme solution au problème et "nouveau départ".

Le Glavrepertkom, organe du ministère de l'éducation chargé d'autoriser la diffusion des films en Union soviétique, a obligé les producteurs du film à modifier sa fin pour montrer la punition du matelot. Cependant, ce n'est pas la version qui est disponible ici.
Par ailleurs, ce film a suscité de nombreux débats dès sa sortie et a donné lieu à une réunion extraordinaire de l'ARK (Association des cinéastes révolutionnaires).

Éléments structurants du film

  • Images de reportage : Oui.
  • Images en plateau : Non.
  • Images d'archives : Non.
  • Séquences d'animation : Non.
  • Cartons : Oui.
  • Animateur : Non.
  • Voix off : Non.
  • Interview : Non.
  • Musique et bruitages : Oui.
  • Images communes avec d'autres films : Non.

Comment le film dirige-t-il le regard du spectateur ?

Le film donne à voir la trajectoire d'un matelot originaire de la campagne qui est ébloui par les distractions de la ville (spectacles, attractions de foire, rencontre avec une jeune fille, etc.). Les événements s'enchaînent et l'entraînent dans une descente apparemment inexorable (il rate le départ de son bateau, se retrouve à la rue sans papier, est recueilli par des malfrats, se met à boire, est roué de coups et laissé pour mort dans la rue). Mais il reprend le dessus (par la force de sa volonté, son sens du devoir, sa loyauté par rapport à l'armée ?) et a le courage de se présenter à son supérieur lorsque le navire revient au port, au risque d'être fusillé pour désertion. Contrairement à toute attente, il est réhabilité et peut reprendre le cours normal de sa vie.

La proximité des prénoms des deux principaux protagonistes, Vanya et Valya, ne peut pas être due au hasard. Ils symbolisent peut-être une opposition entre le bien (le jeune soldat) et le mal (la jeune fille). D'ailleurs, pour créer un contraste avec les cheveux brun clair de Piotr Sobolevsky (qui joue Vanya) et renforcer l'image diabolique ou malfaisante de Valya, le réalisateur, Moskvin, obligea Lyudmila Semenova à teindre en noir ses magnifiques cheveux blonds.
Néanmoins, l’image de Valya est ambiguë : c'est à la fois une jeune fille qui a besoin de protection et une femme fatale qui déboussole le héros et l'entraîne dans un tourbillon d’événements. La complexité des principaux personnages, dont les traits sont disparates mais étroitement imbriqués, fait que le spectateur est égaré, comme s’il se précipitait sur des montagnes russes semblables à celles sur lesquelles montent Valya et Vanya.
Par ailleurs, les personnages de l'homme question (prestidigitateur doublé d'un cambrioleur) et du clown (qui symbolise le rire et la critique et est également un criminel) servent à condamner la tromperie et la distraction (aux deux sens du terme en français). Il faut à "l'homme nouveau" une discipline du corps et de l'esprit (comme celle que retrouve Vanya quand il retrouve son poste sur l'Aurora).

Comment la santé et la médecine sont-elles présentées ?

Le corps médical est absent de ce film.
Quant à l'alcoolisme, il n'est pas traité sous l'angle médical mais considéré comme la conséquence d'une situation sociale détériorée.

Diffusion et réception

Où le film est-il projeté ?

En raison de l'absence d'un réseau de salles de projection consacré aux films sanitaires et/ou Kulturfilme, les films de lutte contre l'alcoolisme n'ont été vus que par un petit nombre de spectateurs, principalement dans les grandes villes.

Communications et événements associés au film

Public

Tout public.

Audience

Descriptif libre

Un jeune homme, Ivan Shorin, dont le diminutif est Vanya, matelot du croiseur « Aurora », profite de sa première permission pour se rendre avec ses camarades en ville à la Maison du peuple, lieu de « mille et un divertissements » : montagnes russes, spectacles dont celui de « la roue diabolique ». Ivan, venu d’un village, n’a jamais rien vu de pareil. Tout l’attire. Il est appelé à participer à un numéro de prestidigitation : « l’homme-question ». Le prestidigitateur fait apparaître comme par magie des objets, et notamment la Carte d’adhérent à « L’union de la jeunesse des communistes russes » qui se trouve dans les poches du matelot. Scène subversive : il la déchire minutieusement, provoquant l’indignation de Shorin et du public (depuis les années 20, pendant l’époque soviétique, une telle manifestation antisociale était strictement condamnée par les autorités). Mais il les rassure en rendant à Ivan sa carte intacte par un tour de passe-passe.
Sur les montagnes russes, Ivan rencontre une jeune fille, Valya, qui, à l’insu de son père, est venue elle aussi à la Maison du peuple pour s’amuser. Ils tombent amoureux.
Fasciné par les divertissements et sa nouvelle amie, Vanya perd la tête. Il ne résiste pas au désir de faire un tour sur « la roue diabolique ». « La roue diabolique » désigne une attraction qui consiste en une grande plateforme circulaire tournant de plus en plus vite et empêchant ceux qui y sont montés de s’y maintenir. Elle symbolise en l’occurrence l’ivresse d’un plaisir qui tourne mal et fait glisser vers la chute. Le propos du film, de nature moraliste, montre en effet comment un enchaînement de circonstances peut facilement produire l’égarement et comment l’individu pris dans ce piège doit alors mobiliser sa clairvoyance et sa volonté pour retrouver le droit chemin.
Vanya oublie le temps qui passe. La roue devient le cadran de l’horloge qui tourne trop vite. En fin du compte, il rate le départ de son bateau, qui est parti pour un long voyage à l'étranger.
Le matin, Ivan raccompagne Valya chez elle. Le père de Valya la repousse et se met à la battre pour sa désobéissance. Ivan tente de la protéger. Le père chasse Valya de la maison.
Se retrouvant sur un banc dans un jardin public, Vanya et Valya font la connaissance de deux hommes. Ce sont des artistes de la Maison du peuple : l’homme-question et le clown Koko. Ils sont de mauvaise humeur car leurs numéros viennent d’être retirés de l’affiche. Ils sont exclus de l’Union des artistes pour leurs "activités antisociales".
Après avoir écouté l'histoire des mésaventures de Vanya et de Valya, les anciens artistes leur proposent leur aide.
Les jeunes gens ne se rendent pas immédiatement compte qu'ils sont tombés entre les mains de bandits, qui les entraînent dans la vie pervertie de la pègre. Finalement les escrocs les rendent complices de vol et du meurtre d'un horloger.
Comprenant sa situation, Ivan reproche à Valya d’en être la cause. Les jeunes gens se querellent. Vanya tente de noyer son chagrin dans l’alcool. Sa déchéance l'oppresse.
Il est violemment agressé dans la rue. Valya vient à son aide.
Ayant à peine repris conscience, Vanya fausse compagnie aux bandits et quitte Valya.
Dans le même temps, la police attaque le repaire des bandits. L’homme-question fait exploser la maison délabrée où il se trouve et meurt sous ses ruines. Ses acolytes sont tués ou se rendent aux autorités.
Ivan retourne sur son croiseur pour se livrer au jugement de sa hiérarchie et de ses camarades. Il est sermonné mais se voit réhabilité et peut retourner à la vie normale.

Notes complémentaires

Dès sa sortie, en 1926, le film a été censuré. Il manque à cette version deux parties (la troisième et la sixième). Malheureusement, elles sont perdues. Dans l'une de ces parties, Vanya essayait de rejoindre son croiseur. Il louait un petit bateau, après avoir mis ses papiers en gage. Il échouait et perdait ses papiers, ce qui l'empêchait de retourner à la vie normale.
L’autre partie manquante évoque le voyage du croiseur Aurora à l’étranger. Ce film étant destiné à une diffusion internationale, la décision politique fut prise d'éviter cette évocation.
Les jeunes réalisateurs Kozintsev et Trauberg avaient peu d’expérience quand ils ont tourné ce film : La Roue du diable est seulement leur deuxième film. Ils invitèrent un jeune caméraman, Moskvin, à y participer en raison de son talent pour filmer de manière insolite et malgré son manque d'expérience à lui aussi. Ainsi, la scène sur les montagnes russes représente une prouesse technique pour l’époque car il a fallu embarquer une lourde caméra sur l'installation (le cameraman s'est d’ailleurs légèrement blessé pendant le tournage de cette scène).
Ce film a la particularité et l'intérêt d’intercaler dans la fiction des vues des rues de Saint-Pétersbourg de l’époque et de reconstituer sans doute fidèlement l’ambiance des cabarets populaires.

Références et documents externes

Nousinova, Natalya, "Захотел чудак пера … (Un drôle de type voulait une plume...)", Лавры кино Lavry kino n° 29, 2016, p. 32-37.

Sumpf, Alexandre, Film and Anti-alcohol Campaigns in the Soviet Union of the 1920s, in Christian Bonah, David Cantor and Anja Laukötter (eds.), Health Education Films in the Twentieth Century, University of Rochester Press, Rochester, 2018.

Contributeurs

  • Auteurs de la fiche : Aleksandra Mouillie-Bannikova, Élisabeth Fuchs
  • Sous-titres Anglais : Élisabeth Fuchs, Nicolas Guechi, Aleksandra Mouillie-Bannikova
  • Sous-titres Français : Élisabeth Fuchs, Nicolas Guechi, Aleksandra Mouillie-Bannikova