Gedächtnisverlust durch Gasvergiftung. Ein Mensch ohne Zeitgedächtnis (1935)
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Sommaire
Générique principal
Le film s’ouvre par l’intermédiaire de cinq cartons. Le premier et le deuxième indiquent respectivement le titre (Gedächtnisverlust durch Gasvergiftung) et le sous-titre (Ein Mensch ohne Zeitgedächtnis) du moyen métrage. Suivent deux autres cartons mentionnant le patronyme et le statut socio-professionnel du présentateur (le Dr Gustav E. Störring (1903-2000)), ainsi que les noms des partenaires et producteurs (la Fondation allemande pour la recherche et la compagnie pharmaceutique Bayer). Le générique se clôt avec le logotype de l’UFA.
Contenus
Sujet
Le film expose le cas d’un jeune homme, Franz Breundl (1902-1986), souffrant d’amnésie sévère, à la suite d’une intoxication aiguë au monoxyde de carbone (CO).
Genre dominant
Résumé
Empoisonné au monoxyde de carbone en mai 1926, Franz Breundl se montre incapable de se souvenir d’événements survenus sur une période de seulement quelques secondes. Au mois de décembre de cette même année, il est admis dans le service du psychiatre Martin Reichardt (1874-1966) à l’Hôpital psychiatrique de l’Université de Würzburg. La singularité des symptômes du malade amène les médecins de l’établissement bavarois à tester sa mémoire à l’aide d’une batterie d’examens et d’entretiens échelonnés sur une période de plusieurs années. Le moyen métrage, tourné en 1935 sous la houlette de Gustav E. Störring, vise à récapituler les principaux résultats obtenus, tout en dressant le portrait du patient dont le psychisme est comparé à une tablette de cire (« Wachstafel ») rigide où rien – ou presque – ne s’imprime.
Contexte
Le film est réalisé le 24 juillet 1935 dans les studios berlinois de la Babelsberg Film GmbH de l’UFA, grâce au soutien financier de la Deutschen Forschungsgemeinschaft et de l’Interessengemeinschaft Farben.
Il s’agit d’une adaptation imaginée à partir d’un court métrage muet sur le cas Franz Breundl, dont l’ensemble des prises de vues ont été effectuées entre 1927 et 1932 par un collègue de Gustav E. Störring, à savoir le psychiatre Ernst Grünthal (1894-1972). Dans ce court métrage d’une dizaine de minutes, intitulé Défaut de mémoire (Merkunfähigkeit), Ernst Grünthal documente au long cours l’état du patient qui, depuis son accident, vit dans un perpétuel présent sans cohérence (« ohne Zusammenhalt »). Il le soumet principalement à des tests expérimentaux dans l’optique de mesurer ses capacités mnésiques.
Or en raison de ses origines juives, Ernst Grünthal est contraint de quitter l’Allemagne nazie en 1934. À compter de ce départ précipité, c’est Gustav E. Störring qui s’occupe de Franz Breundl à Würzburg, et décide, sur la base du film de son confrère, de construire le récit de son propre moyen métrage.
Éléments structurants du film
- Images de reportage : Non.
- Images en plateau : Oui.
- Images d'archives : Non.
- Séquences d'animation : Non.
- Cartons : Oui.
- Animateur : Non.
- Voix off : Oui.
- Interview : Non.
- Musique et bruitages : Non.
- Images communes avec d'autres films : Non.
Comment le film dirige-t-il le regard du spectateur ?
Le moyen métrage invite les spectateurs et les spectatrices à adopter le point de vue du médecin- psychiatre. C’est à ce titre que Gustav E. Störring prend la parole, dans l’incipit du film, pour fixer les termes d’un contrat de lecture : il interpelle son public en regardant l’objectif de la caméra et emploie le présent de l’indicatif pour ancrer son discours dans un hic et nunc. L’épilogue est représentatif de cette tendance, car on y voit le médecin face caméra camper devant le jeune homme amnésique – relégué au second plan –, et apostropher une dernière fois son auditoire en exprimant le souhait d’avoir su se montrer pédagogue au gré des diverses « situations » mises en scène (« Ich hoffe, dass Sie aus diesen wenigen Situationen erkannt haben, wie das menschliche Seelenleben bei völligem und isoliertem Verlust der Merkfähigkeit aussieht »). Là comme ailleurs, on constate que c’est toujours le psychiatre qui parle au nom du patient.
Comment la santé et la médecine sont-elles présentées ?
En ouverture du film, Gustav E. Störring se présente lui-même aux spectateurs, vêtu d’une blouse blanche qu’il abandonne par la suite. En tant que marqueur identitaire, l’habit sert à ratifier le texte scripturé des cartons, en situant in medias res le psychiatre dans une hiérarchie qui fait de lui le dépositaire d’un savoir (dont on s’attend à ce qu’il soit partagé).
Franz Breundl est quant à lui comparé à un prodige « tragique » de la nature (« Wir haben es hier also zu tun mit einem ganz reien bisher noch nie beobachteten tragischen Experiment der Natur »). La dramatisation de sa pathologie est renforcée par le commentaire de Gustav E. Störring qui s’émeut du fait que son patient oublie la présence de son épouse sitôt qu’on le détourne d’elle (Fig. 1). Dans un même mouvement, l’emphase du texte des cartons contribue à exagérer les effets de la maladie du jeune homme.
En ce qui concerne l’amnésie elle-même, elle est dépeinte comme « étrangement inquiétante » (« unheimlich »). Cette qualification entre en résonance avec le concept d’Unheimlichkeit de la théorie freudienne qui désigne à la fois ce qui est étrangement inquiétant, et ce qui est familier (Heimlich) mais rendu étrange par le refoulement (« Verdrängung »). Le jugement de valeur prononcé par Gustav E. Störring parasite par conséquent son ton professoral et témoigne de sa fascination pour le cas Franz Breundl qu’il se plaît à mettre en scène. Cette inclination esthétique – voire esthétisante – se révèle enfin au niveau du montage (insert en caméra subjective sur l’en-tête d’un journal).
Diffusion et réception
Où le film est-il projeté ?
Le moyen métrage est diffusé à l’occasion du IIe Congrès international de neurologie, qui se tient entre le 29 juillet et le 2 août 1935 à Londres
Communications et événements associés au film
Amnésie par intoxication au gaz accompagne la conférence de Gustav E. Störring, en présence de Franz Breundl. L’attitude du patient sur place interfère cependant avec le message du film et les commentaires ad hoc formulés par le psychiatre. Ce dernier regrette que la pathologie de Franz Breundl soit apparue, à l’écran et dans la salle, « confuse » et « inconcevable » aux yeux de certains confrères. C’est pourquoi il opte pour accompagner son moyen métrage d’un article supplétif l’année suivante (Gustav E. Störring, 1936) – l’écrit demeurant in fine un support préférable au cinématographe pourtant loué pour ses qualités didactiques.
Public
Les spectateurs sont principalement des chercheurs en neurologie et en psychiatrie, réunis sciemment par les organisateurs de la manifestation puisque dans plusieurs pays européens – notamment la France – les deux disciplines se confondent à ce moment-là.
Audience
Descriptif libre
La séquence précédant l’épilogue s’avère particulièrement instructive. Intitulée « La conservation du sens du devoir » (« Das erhaltene Pflichtbewusstsein »), elle fait apparaître Gustav E. Störring, qui demande l’heure à Franz Breundl. Après un coup-d’œil rapide à sa montre, le jeune homme panique, car il pense être en retard au travail et craint la réaction à venir de son employeur – sans passé, le patient peut donc quand même se projeter dans le futur.
Si ce segment exalte l’idéal managérial (le respect de la ponctualité comme facteur de rendement) de la société IG Farben qui figure parmi les producteurs du film, elle célèbre surtout l’idéal managérial du Parti national-socialiste de l’époque (« Le travail rend libre », ou « Arbeit macht frei »). Il faut rappeler à cet égard que Gustav E. Störring nourrit effectivement des accointances avec le régime hitlérien : proche du psychiatre Matthias Heinrich Göring (1879-1945), il sert de fait cinq ans dans la Luftwaffe, puis occupe un poste de médecin dans un asile d’aliénés parisien pendant l’Occupation de la France par l’Allemagne.
De cette manière, on comprend mieux pourquoi le psychiatre s’ingénie à faire de Franz Breundl, dans son film, un travailleur et un camarade de production (Betriebsgenosse) irrépréhensible – l’idéologie nazie faisant très tôt de la rentabilité (Leistung) un concept cardinal (Johann Chapoutot, 2020). Dans l’article accompagnant le moyen métrage, Gustav E. Störring prend donc la peine de signaler à plusieurs reprises que le jeune homme amnésique est ouvrier remarquable ainsi qu’un mari et un chrétien admirable, qui refuse d’avoir des relations sexuelles avec sa femme, Anna Breundl, puisqu’il a oublié leur mariage et considère encore celle-ci comme étant sa fiancée (« Verlobte »). L’absence de rapports conjugaux intimes (et de descendance) signifie pour le psychiatre que son patient ne met pas en péril l’avenir de la race aryenne, selon le schème de la dégénérescence qu’emprunte le Parti national-socialiste à l’Antiquité grecque.
Deux séquences du film de 1935 attestent de plus de la non-dangerosité politique et sociale de Franz Breundl. La première met en scène Franz Breundl disant ne pas se rappeler l’existence de la croix gammée nazie (« Hakenkreuz »). Et la deuxième scène concerne le moment où le jeune homme prend un repas avec son épouse et Gustav E. Störring : il s’agit ici de rappeler aux spectateurs que le patient ne requiert nulle aide – c’est-à-dire qu’il n’occasionne aucun coût à la charge des contribuables – pour se vêtir, pour satisfaire ses besoins instinctuels, pour s’orienter dans l’espace et, en l’occurrence, pour se nourrir. On apprend ainsi que si Franz Breundl ne sait jamais quand il a mangé pour la dernière fois, il est malgré tout capable de réclamer sa pitance lorsqu’il ressent la faim (« wenn der Hunger ihn triebt. […] Dieses Gefühl kann er nicht vergessen »). C’est la raison pour laquelle le psychiatre rejoue dans son film le cérémonial d’un déjeuner où il trinque avec son patient, un verre de jus de pomme à la main, consomme quelques légumes frais et fume une cigarette.
Notes complémentaires
Il existe des copies du film de Gustav E. Störring (1935) et du film d’Ernst Grüntahl (1927- 1932) à la Cinémathèque suisse. Ces bobines ont été déposées par le Musée de la psychiatrie suisse à Berne, détenteur des droits.
Une autre copie est aussi disponible au Bundesarchiv-Filmarchiv à Berlin.
Références et documents externes
Sources
ARCHIVES DU MUSÉE DE LA PSYCHIATRIE SUISSE, Bolligenstrasse 111, Berne, Suisse. STÖRRING, Gustav E., « Gedächtnisverlust durch Gasvergiftung. Ein Mensch ohne Zeitgedächtnis », Archiv für gesamte Psychologie, n° 96, 1936, pp. 436-511.
Références
CHAPOUTOT, Johann, Libres d’obéir. Le management, du nazisme à aujourd’hui, Paris, Éditions Gallimard, 2020.
TINGUELY Raphaël, « Les films neuropsychiatriques d’Ernst Grünthal au Hirnanatomisches Institut de la Waldau, 1934-1965 », Mémoire de Maîtrise, Université de Lausanne, 2020.
Contributeurs
- Auteurs de la fiche : Mireille Berton, Raphaël Tinguely