Espace et comportement (1971)
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Sommaire
Générique principal
Contenus
Sujet
Le rapport social à l'espace : par quels apprentissages et selon quelles normes l'individu le construit et le met en œuvre.
Genre dominant
Résumé
Le documentaire commence par le rappel des données qui concernent les plantes et les animaux dans l'usage qu'ils font de l'espace, selon leurs catégories et leurs espèces. Il y est question de la valorisation de l'environnement et de l'évolution de ce rapport selon le stade de croissance. Venant à l'homme, Espace et comportement commence par l'exposition des caractéristiques d'usages chez l'enfant et chez l'adolescence. Il poursuit en nuançant l'approche de la question d'un point de vue anthropologique, établissant des distinctions par civilisations, puis il se centre sur la civilisation occidentale en s'appuyant sur l'exemple du quotidien d'un médecin travaillant à l'hôpital. Après avoir étudié la gestion de l'espace dans l'interaction sociale, le film poursuit par les modes d'organisation de l'espace personnel, chambre et intérieurs domestiques, en s'appuyant sur les exemples de chambres d'hôpital psychiatrique.
Contexte
Derrière "Espace et comportement" : les théories d'Edward T. Hall
Le film s'appuie sur les recherches de l'anthropologue américain Edward T. Hall qu'il mentionne une fois. Celles-ci concernent la perception culturelle de l'espace et de la communication interculturelle. Edward T. Hall en a élaboré une théorie originale en partant de l’analyse de la communication non verbale et en portant une attention particulière aux perceptions de l’espace et du temps. Il définit, à la fin des années 1950 aux États-Unis, les bases d’une approche qui se développe par la suite, la communication interculturelle. Au moment où Duvivier réalise "Espace et comportement, Hall a écrit The silent language (Le langage silencieux), paru en 1959, et "The hidden dimension", paru en 1966, qui ont connu un énorme succès de librairie. Hall inspire les chercheurs, mais aussi les formateurs et les managers du monde entier.
Comme le rapport des individus au contexte et au temps, le rapport à l’espace peut varier selon la culture en question. Le rapport d’un individu à l’espace détermine, souvent de manière inconsciente, les rencontres. Dans le cadre des rencontres interculturelles en particulier, les différentes structures déterminantes peuvent produire de l’irritation, voire causer des malaises chez les personnes concernées. C’est la raison pour laquelle ce sujet paraît mériter attention. L’espace est défini comme « le territoire personnel de chaque individu ». C’est à partir de son rapport à l’espace que l’individu gardera une certaine distance vis-à-vis d’une personne ou, bien au contraire, se rapprochera d’elle. Edward T. Hall introduit un néologisme qui regroupe toutes les recherches de cet aspect du comportement : il parle de la « proxémie » pour désigner « l’ensemble des observations et théories concernant l’usage que fait l’homme de l’espace ». Le modèle proposé par l’anthropologue E.T. Hall a été critiqué pour « son caractère stéréotypique et trop peu nuancé ». Des analyses rappellent que tout comportement qu'il a observé chez les individus issus de différentes cultures ne s’applique pas à chaque individu.
Kevin Lynch et l'image de la ville
Espace et comportement, dans sa dernière partie, fait allusion aux recherches entreprises dans les années cinquante par Kevin Lynch aux États-Unis, centrées sur la représentation urbaine par les habitants. Pour l'exprimer, il les fait procéder à des "cartes mentales". Son travail a donné lieu à l'ouvrage L'image de la ville (The image of the city), publié en 1960.
L'Institut Marcel Rivière
Présenté à plusieurs reprises dans le film, avec toute une séquence qui lui est consacrée, l'Institut Marcel Rivière, créé en 1959, est situé à Le Mesnil-Saint-Denis (78320 ), av. de Monfort. Marcel Rivière, éponyme de l'Institut, fut le premier président de la Mutuelle générale de l'Éducation nationale (MGEN). L'auteur du film, Paul Sivadon est affecté à l’Institut Marcel Rivière en 1958.
Éléments structurants du film
- Images de reportage : Oui.
- Images en plateau : Non.
- Images d'archives : Oui.
- Séquences d'animation : Oui.
- Cartons : Non.
- Animateur : Non.
- Voix off : Oui.
- Interview : Non.
- Musique et bruitages : Non.
- Images communes avec d'autres films : Non.
Comment le film dirige-t-il le regard du spectateur ?
Espace et comportement combine, sous la forme documentaire, différents registres de connaissances. Il commence par un exposé biologiste, se poursuit par une approche anthropologiste, puis aborde des notions psychiatriques, évoque des recherches en psychogéographie, se conclut sur un épisode de l'histoire de l'architecture. Il ne comporte pas de scènes directes, et s'il cite des situations de la vie courante, ce ne sont pas des saynètes artificielles surplombées par le commentaire qui poursuit son discours. Tout ce qui est montré sert d'exemple pur mieux faire comprendre son texte, clair mais dense. Il s'agit d'une réalisation ambitieuse qui brasse différents lieux tout en proposant de les unir par un repère commun, le parcours et les attitudes du médecin généraliste qui devient le protagoniste principal à partir de la seconde moitié du film.
Comment la santé et la médecine sont-elles présentées ?
Si Espace et comportement n'est pas orienté sur le domaine de la santé, il comporte une séquence centrale qui se déroule dans un hôpital, d'autres qui mettent en scène un médecin. Étant donné que l'approche concerne le rapport à l'espace, le film propose une approche originale des thèmes médicaux, à même de faire réfléchir et débattre sur la relation patient-soignant et l'organisation hiérarchique de l'hôpital.
Diffusion et réception
Où le film est-il projeté ?
Espaces de formations professionnelles, projections de prestige dans les cinémas d'exploitant
Communications et événements associés au film
Public
Professionnels de la santé, en particulier de la psychiatrie
Audience
Descriptif libre
Préambule par des travellings en gros plan sur une composition picturale figurative de registre onirique, de style art contemporain, avec des couleurs chaudes où dominent le jaune d'or et le rouge, rassemblant une silhouette de femme, des motifs végétaux et floraux. En son, une musique symphonique avec soubresauts et cavalcades de piano.
L'exemple animal : les modes de maîtrise du territoire selon les espèces, le rôle de la mère pour son apprentissage
Vue sur l'intérieur d'une serre avec des plantes réunies sur une étagère sous un pan de verre battu par la pluie. Un homme en blouse blanche entre bord cadre gauche pour examiner l'une d'elles. Commentaire : "La plante, l'animal, l'homme cohabitent sur notre planète. La phylogenèse permet de mieux comprendre les actions et réactions de l'homme vis-à-vis de son environnement." Un pano nous dévoile tout l'espace de la serre. "Son autonomie provient du perfectionnement des mécanismes homéostatiques et de l'extraordinaire développement de ses capacités de symbolisation. " Le commentaire ajoute qu'il s'oppose en cela aux plantes qui dépendent étroitement de leur milieu. La comparaison se décline sur l'exemple de l'animal. La séquence qui suit est consacrée à son comportement selon les conditions dans lesquelles il se trouve. Vues sur des poissons, des poules, des canards saisis dans leur milieu naturel. "Ses fonctions s'organisent par rapport au territoire. Les animaux de la plupart des espèces ont tendance à se regrouper. Et cette tendance s'exprime de façon différente d'une espèce à l'autre. Dans une espèce semblable, elle peut varier selon l'âge le cycle saisonnier, la nature du comportement." Après les chevaux, des sauterelles. Jusque-là les exemples puisent de manière désordonnée dans la gamme des espèces, c'est la manière dont les animaux montrés occupent l'espace qui motive le plan : statique ou en mouvement, serrée ou dispersée. Le commentaire précise que les variations de densité agissent sur la morphologie de l'animal : la couleur du criquet pèlerin change selon qu'il vit isolé ou en groupe. Autre facteur, le mode de communication. Les distances interindividuelles sont "très courtes dans le cas où les communications tactiles sont prépondérantes". Exemple avec des blattes saisies en gros plan, dont les antennes se rejoignent. "Les distances sont plus grandes quand les animaux communiquent sur le mode visuel et avec le son." Vues sur les envols groupés d'étourneaux dans un parc, panoramique sur des moineaux répartis sur un branchage nu. Le commentaire évoque enfin le marquage olfactif comme chez les singes de Brazza. Les variables citées sont le moment de reproduction et le cycle saisonnier. Vues sur un récif maritime où des fous ou des goélands argentés se battent par des prises de bec, chacun défendant l'entourage immédiat de son nid. "L'exploitation du territoire dépend des espèces et de la transformation éventuelle du milieu par l'animal." Vues en plongée sur le parcours en vol d'une libellule au-dessus de l'onde d'une rivière, passant d'un rocher à un brin d'herbe. "La libellule contrôle un secteur défini d'un cours d'eau en utilisant des postes de guet particuliers." Chez les gallinacés, le territoire se gère collectivement avec des comportements conflictuels établissant une hiérarchie. La maîtrise de l'espace suppose un apprentissage, il s'acquiert par phases successives. "Le monde du poussin se résume d'abord à la coupe du nid, au corps et à la vocalisation maternels." L'exploration qui se développe, d'abord de manière horizontale passe par l'apprentissage de l'action de grimper pour maîtriser la dimension verticale. "Ainsi l'organisation du territoire et la relation avec la mère sont confondues chez le jeune animal. Et il en est de même chez l'homme". (08:01)
La petite enfance : apprentissage de l'espace
Plongée sur un bébé dans son landau, puis gros plan sur son visage pendant qu'il tète au biberon. "C'est dans la relation historiquement définie de l'être humain et de son environnement que celui-ci crée son espace et se crée lui-même." Le commentaire précise que le bébé ne distingue pas ses propres mouvements des êtres et des objets extérieurs. "Il ne peut y avoir ni constance du monde, ni reconnaissance de son identité, ni celle de sa mère." Le bébé, plus âgé (il a des cheveux, ses traits sont mieux définis, il jette un regard de reconnaissance vers la personne qui le tient), dans des bras maternels. "L'image de soi, l'espace et le temps vont se structurer par la coordination de la psychomotricité, les processus d'assimilation, et d'accommodation. Il n'existe que des relations d'ordre topologique." L'enfant évolue dans un environnement élargi avec davantage d'autonomie ; un anneau de plastique à la main, il grimpe sur un canapé sous la surveillance de la mère. Il perd l'équilibre, chute au bas du canapé. Sa mère le rétablit et le console alors qu'il pleure. "Cette structuration est possible grâce au marquage affectif des expériences, des êtres et des objets vécus comme bons ou mauvais selon qu'ils satisfont ou frustrent les besoins."
Dans un bac à sable circulaire de square, en vue générale, plusieurs enfants en bas âge évoluent avec un adulte qui se tient sur son bord. Selon les trajectoires de l'un d'eux, une ligne en schéma animé se dessine, mettant en évidence les différents pôles de l'espace personnel à l'enfant qui alterne les déplacements protégés et les initiatives. "L'enfant agrandit progressivement son territoire en oscillant entre deux tendances : exploration du monde ambiant, facteur de danger et d'insécurité, proximité avec la mère liée à la dépendance et à la sécurité." L'enfant joue avec d'autres enfants dans des praticables qui favorisent les exercices d'équilibre et les jeux de dissimulation. D'abord centré sur la mère, poursuit le commentaire, le territoire de l'enfant s'élargit par le franchissement de différents seuils qui correspondent à la relation avec les adultes de l'entourage, "avec d'éventuels retours au stade antérieur". Le souvenir de ces premières expériences donne "une tonalité affective à l'espace" qui marquent la personne et se peuvent lui revenir à l'esprit quand elle vit des expériences critiques. Étude de dessins d'enfants : le père qui figure parmi les jouets, l'institutrice avec les enfants de la classe. "L'enfant ne peut séparer dans son dessin les objets qui lui sont chers et les êtres qu'ils évoquent." (11:23)
L'enfance : éprouver les limites. Recherches par des analyses de dessins
La séquence des dessins continue, montrant des compositions combinant personnages et objets dans des espaces marqués. "Le jeune enfant de 4-5 ans évolue dans un espace global ouvert. Ainsi lorsqu'il lui est demandé de représenter sa chambre ou sa classe, il intègre et il valorise spontanément l'extérieur - nature, animaux, et jeux impliquant le mouvement." La clôture imposée par l'adulte devient contrainte. Le film insiste sur l'enjeu de la porte : "elle est vécue comme un tout ou rien ; elle participe à la symbolique angoissante de l'isolement. C'est l'adulte qui a détenu longtemps le pouvoir de l'ouvrir ou de la fermer". Zoom sur la représentation d'une porte dans un dessin d'enfant, sombre, colorée de bleu foncé avec la poignée nettement marquée. Autre symbole, la fenêtre : "au contraire, elle est représentée avec joie, elle est le facteur de pénétration de l'air et du soleil." À noter que ces dessins montrés comportent dans leurs espaces de réserve des lignes d'écriture manuscrite adulte, comme s'il s'agissait de travaux d'élèves corrigés. Ces annotations sont parfois brèves : "porte", "fenêtre", "fer", "bas", comme si le psychologue avait demandé à l'enfant de lui indiquer la signification des éléments inclus dans le dessin et avait voulu en garder mémoire. Nous comprenons que ces traces écrites témoignent d'un travail analytique. Ces dessins ont été sans doute commandés à l'enfant avec une thématique suggérée ("montre-nous ta maison, ou ta chambre") pour en faire des expressions-témoins d'une thématique prédéfinie. Les zooms et dézooms pratiqués sur beaucoup d'entre eux évoquent le regard qui ne se limite pas à les considérer dans leur ensemble mais les détaille avec minutie et selon une attente, une orientation, interprétative. Tantôt filmés plein cadre, ils sont également montrés avec une portion de la table qui les supporte, de manière à ne pas les voir comme des oeuvres mais des objets à étudier. Le commentaire insiste sur la frustration que connaît l'enfant de ne pouvoir maîtriser le temps et l'espace dans son environnement. "Avec le développement intellectuel et affectif, l'anxiété propre au jeune enfant se sublime. En même temps que l'appétence intellectuelle, les détails techniques et décoratifs apparaissent. L'espace se différencie et se referme." Les dessins continuent de se succéder pour illustrer la délimitation des territoires, les conflits qui en sont la contrepartie. À l'adolescence, poursuit le commentaire, cette individualisation du rapport à l'espace s'exacerbe.
Adolescence : cheminer ensemble vers l'autonomie
Le film s'attarde sur un dessin en noir et blanc, assez confus, montrant un chemin séparant des constructions. "L'adolescent va projeter dans l'avenir ses fantasmes, rejetant passé et présent. Il redevient ainsi le créateur de son propre monde". Panoramique sur l'intérieur d'une chambre remplie de meubles et objets rangés avec soin, montrant des murs décorés par de vieilles affiches de réclame, des panneaux de noms de rues, une montre géante, une énorme boule de papier coloré, une affiche avec Humphrey Bogart, assemblage hétéroclite révélant la formation d'une personnalité. Cut, scène de boîte de nuit, des silhouettes s'agitent en rythme sur une musique électrique et à haut volume, dans une obscurité trouée de flashes lumineux. "Il s'intéresse à l'architecture en tant qu'enveloppe de l'homme. Il recréé avec d'autres une société sécurisante hors du territoire parental, dans des lieux privilégiés et avec une ambiance particulière. En bande, il continue son évolution vers l'autonomie." (15:08)
La diversité des usages de l'espace selon les cultures : un essai comparatif autour du rite funéraire
Le film introduit la séquence concernant l'âge adulte par une scène de western, ou plutôt par sa parodie. Nous voyons un homme debout sous un porche bavarder avec une femme pour lui faire la cour, pivoter sr lui-même pour faire face à un autre homme, monté sur un cheval, qui fait irruption dans la scène. Évoquer le sujet par le western n'est bien sûr pas anodin puisque c'est le genre cinématographique qui s'appuie de manière fondamentale sur la mise en scène, c'est-à-dire, la mise en espace des personnages en interaction, avec ses intervalles types et sa prise en compte d'éléments qui organisent le lieu (ici : la barrière, le porche, la chaussée.) "Selon la situation et les sentiments, on retrouve chez l'homme, sous des aspects culturels et symboliques, des distances interindividuelles notées chez l'animal." Ainsi, le duel au western fonctionne comme le conflit entre deux animaux de la même espèce, avec comme enjeu, le franchissement d'un espace convenu de part et d'autre comme critique. Cependant, le film module son approche en l'étendant à des exemples issus d'autres civilisations. Il oppose ainsi, dans une dynamique comparative, les rites funéraires chez différents peuples. Le premier exemple est le rite pratiqué chez les Dogons, avec des guerriers qui avancent masqués et exécutant des pas de danse agressifs : " la danse aménage la distance inter-corporelle". Le film le montre ensuite chez les Occidentaux, prenant comme exemple l'enterrement de Winston Churchill, avec des hommes portant son cercueil devant des hommes figés dans leur recueillement et des soldats au garde à vous, puis des troupes en rangs portant et escortant le cercueil le long d'un boulevard où la foule est massée sur son trottoir. Il se réfère enfin au rite chez les Égyptiens contemporains : "Sur les bords du Nil au contraire, cette distance est abolie." Une succession de plans montre la foule agitée, entourant le cercueil jusqu'à le toucher, en proie au délire, des personnes s'évanouissant, des soldats distribuant des coups. "L'excès de densité, la surpopulation sont en outre des facteurs d'agressivité". Cette séquence mettant en présence trois exemples d'un même rite chez des civilisations différentes, invite à la comparaison de son déroulement d'un plan à l'autre, opère de ce fait de violents contrastes. Il en ressort une mise en perspective de la mise en scène propre au rite occidental comme un objet aussi spécifique et atypique que les autres. En cela, elle s'inspire de la démarche anthropologique de mise en comparaison, évoquant notamment la mise en scène de "Les maîtres fous" de Jean Rouch qui invite de la même manière le spectateur à déplacer son regard sur ce qui lui est familier. (16:33)
L'espace social, un usage par l'assimilation collective de codes : la théorisation d'Edward T. Hall
Un homme sur un chemin de campagne. Il est habillé d'un costume sans rapport avec l'environnement, ce qui déréalise sa situation. Il se tient dans une position immobile, théorique comme un point dans l'espace. Le choix du plan large renforce cette démarche. Une femme vient à sa rencontre. "Pour la culture occidentale, on peut distinguer schématiquement plusieurs distances." Alors que par plusieurs plans fixes, la femme se rapproche de l'homme, le commentaire énumère les types de distance qui les sépare, une intervention en schéma animé en précise cependant la longueur :
- distance publique : 7m50
- distance sociale : 3.60m : la femme continue d'avancer vers l'homme
- personnelle : 1.20m : elle tend les bras vers lui
- intime : 0.45m : un noir pudique se fait, sur lequel les chiffres et les points de distance successifs apparaissent
Ces distances correspondent chacune " à une relation affective et sociale entre les individus. Leur perception en est chaque fois différente ". Après la mise au noir, la femme et l'homme se tendent les bras mutuellement pour que leurs mains se rejoignent. Un halo de lumière les entoure chacun. "Le corps vivant ne se limite pas à la surface de la peau. Il est entouré d'un espace péricorporel dessinant une sorte de bulle dans laquelle s'inscrivent ces mouvements." Les halos qui entouraient l'homme et la femme fusionnent quand, faisant un pas de plus, ils s'embrassent. "Cette bulle protectrice n'est franchie que dans les relations d'amour et d'agressivité." Le commentaire cite Edward T. Hall ( voir contexte) comme le scientifique états-unien qui a mesuré ces différents modes de distances sur une population blanche de la moyenne bourgeoisie vivant sur la côte est des États-Unis. (17:22)
Les usages de l'espace selon les transactions interpersonnelles : la journée d'un médecin hospitalier
Exemple pris dans la vie quotidienne d'un médecin. Gros plan sur une porte avec une étiquette : "Docteur Denis". Un homme entre en bord cadre gauche pour sonner. Dézoom, nous voyons que cet homme porte une mallette à outils. La porte s'ouvre, une femme se présente dans l'écart, elle est vêtue d'une robe de chambre et chausse des pantoufles. "La porte joue un rôle dans la délimitation du territoire. Elle permet de communiquer ou non avec l'extérieur". La femme se tient dans l'entrebâillement, bloquant l'accès à l'intérieur de l'appartement pendant que l'homme, par des gestes du bras, explique le motif de sa venue. "Le rite d'accueil se situe dans un espace intermédiaire, semi-public : l'entrée." La femme ouvre davantage la porte, l'homme franchit le seuil, la femme désigne le couloir intérieur : il y est admis. Cut, cuisine, la femme y entre bord cadre gauche, établissant le raccord entre les deux plans. Deux hommes sont attablés pour un petit-déjeuner. "Mais même une fois introduit dans l'appartement, l'étranger reste à distance du groupe resserré sur une zone d'intimité." L'ouvrier fait son entrée dans la cuisine, la femme lui désigne le robinet de l'évier. Un des hommes attablés se lève, échange un baiser rapide avec la femme puis quitte la pièce. L'ouvrier, lui, s'est placé devant l'évier pour pouvoir intervenir. "À la distance intime, les corps entrent en contact direct, la communication verbale devient secondaire." "Par contre, les personnes qui ne se connaissent pas se placent à une distance personnelle de l'ordre du mètre." Dans la cage d'ascenseur, la cabine descend avec l'homme qui a embrassé la femme, à présent vêtu d'un imperméable, et un autre homme : ils marquent la plus grande distance que permet l'étroit espace qu'ils ont rejoint. La cabine continuant sa descente, l'ouverture dans la porte permet de voir qu'une femme les a rejoints. Les trois personnes réunies observent une attitude compassée. "Dans certains cas, quand ils sont trop proches, des mécanismes de défense entrent en jeu : raidissement, regard au loin. La bulle est comme comprimée." La "bulle" en question renvoie à l'"espace péricorporel" évoqué plus haut. En plongée, la porte de la cage s'ouvre, les hommes en sortent en laissant le passage à la femme, ils conversent entre eux. "Lorsque la bulle reprend sa place, la tension musculaire disparaît, et la communication verbale peut reprendre." Scène de trafic, file de voitures, le point de vue se centre sur l'une d'elles que conduit l'homme en imperméable (une 4L). Une voiture longe la sienne, sous son regard attentif. "L'espace péri-corporel s'étend à celui de la voiture, prolongement de l'image du corps. Comme lui, elle ne saurait être frôlée de trop près."
Vivre les espaces à l'hôpital : organisation et hiérarchie
Une pancarte sur un muret indique : "place réservée - chef de service". Une voiture noire, de catégorie supérieure, vient se garer. Un homme en sort, vient saluer l'homme en imperméable qui l'a attendu. "La surface physiquement occupée croît avec le statut et le niveau de vie. Les relations sociales, très hiérarchisées dans l'hôpital classique constituent un modèle intéressant d'utilisation de l'espace. Les rôles, la structure du groupe s'expriment dans les relations spatiales." (19:14) Un médecin entre dans une chambre commune d'hôpital avec une file de patients alités. "Jadis, le malade ne disposait pas d'un espace personnel. Ce qui traduisait son statut de mineur." Le médecin se rend au chevet d'un des malades, escorté d'autres médecins parmi lesquels le médecin mis en scène dans la séquence précédente, d'internes et d'une infirmière. Le groupe se répartit autour du lit, le plan moyen montre que chacun prend la place qui lui est assignée sans hésiter, sans gêner le voisin, comme dans une chorégraphie. Le médecin généraliste parle en s'adressant à l'ensemble du groupe, le "grand patron" se tient au milieu, reste silencieux et prend un air concentré comme s'il écoutait un rapport qui supposait son assentiment et son conseil. "La distance entre les membres du groupe et par rapport au malade varie selon la hiérarchie." Dans le couloir qui mène aux chambres, le groupe se divise en deux sous-ensembles nettement distincts, d'un côté les médecins, de l'autre le personnel infirmier. "Entre ces deux groupes hétérogènes s'établit une distance sociale qui permet à chacun d'avoir une certaine autonomie mais n'interdit pas l'échange." Salle de cours, le grand patron et le médecin sont installés devant les rangées de chaises où l'auditoire s'est installé. Une nouvelle personne fait irruption dans la salle, entre dans le plan par le bord cadre gauche, rejoint les orateurs d'un pas vif et décidé. Contrairement à eux, il n'est pas vêtu d'une blouse blanche : est-ce un conférencier invité, un administrateur? En tous cas, quand il rejoint la table des orateurs, le médecin la quitte pour rejoindre le premier rang resté clairsemé. "Lors d'échanges plus formalisés apparaît la distance publique au-delà du cercle de l'engagement. Elle peut être considérée comme une forme atrophiée de la distance de fuite, comme l'indique la désaffection très courante du premier rang dans les amphithéâtres.(20:01)
Distance sociale et relation médecin-malade
Un médecin dans son cabinet va ouvrir la porte pour laisser entrer un patient. Le plan général permet de voir l'espace dans son ensemble, clair et ordonné, fonctionnel et élégant avec ses meubles modernes et sa décoration discrète. "La distance mais aussi les positions respectives interviennent dans la relation duelle médecin-malade." Le médecin entraîne le patient vers son bureau, accompagne son pas, lui touche l'épaule avec un geste amical, vient s'asseoir à côté de lui sans passer derrière son bureau. "L'accueil de demi-profil facilite l'expression verbale. Les positions dans les plans, horizontales ou verticales, de face ou de demi-profil, seront différentes selon les cas." Le patient, une fois assis, se tient le visage dans les mains. "Avec ce malade déprimé et anxieux, le médecin, afin de faciliter la communication et de le sécuriser, se situe plutôt de profil, et très près." Cut, même espace, mais cette fois c'est une femme qui est présente, elle n'a pas quitté son manteau et tient un papier à la main. Elle paraît tendue, prête à demander des comptes. Changement d'axe dans ce plan qui épouse celui de la latéralité du bureau, lequel divise la composition en deux, avec des fauteuils de part et d'autre : le bureau devient un espace séparateur qui permet de gérer une situation potentiellement conflictuelle. "Au contraire, en présence d'une malade agressive, le médecin se distancie et se place derrière son bureau." La femme quitte son manteau avant de s'asseoir, parle en exhibant le papier qu'elle tient ; le médecin lui répond en affichant une attitude calme. "Il n'existe pas de relation spatiale idéale. C'est au médecin d'adopter à chaque instant celle qui convient aux exigences de la thérapeutique qui s'établit au niveau verbal mais aussi de façon non verbale." Illustration avec la patiente qui avance sa chaise vers le bureau pour réduire la distance que le médecin lui a imposée. Cut. Une femme jeune allongée sur une civière. Elle est torse nu, a gardé son soutient gorge. Le médecin l'examine. Les deux protagonistes adoptent une attitude neutre, l'un se concentrant sur son observation, l'autre se tentant dans une passivité qui la lui facilite. "On sait, lors de l'examen physique, combien il est important de ne pas franchir de face et trop brutalement la bulle du patient si l'on veut éviter les réflexes de défense tels que l'hypertension, la tachycardie, la contraction musculaire." Le commentaire suggère sans le dire explicitement qu'ici, la situation se caractérise par une tension érotique qu'il faut pouvoir contrôler.
Dans le cabinet d'un psychanalyste. La pièce est plus sombre mais a comme l'autre un espace d'élégance moderne. Dans ce plan d'ensemble, la patiente est allongée sur un divan, le psychanalyste se tient assis, derrière elle. Elle agite la main, regardant devant elle, il l'écoute en écrivant. C'est le dispositif classique du colloque freudien qui empêche le face-à-face et l'échange des regards. "La technique psychanalytique impose au patient et à l'analyste une position relative où la communication non verbale disparaît au profit de la seule communication verbale." (21:42)
Plongée sur une grande table dans une salle de réunion encore vide. Des feuilles et des cendriers sont disposés sur le plateau. Des personnes viennent, chacun se dirigeant vers un siège sans se concerter avec les autres, comme s'ils se tenaient à un placement prédéfini. Les protagonistes sont en blouse blanche, nous sommes de retour dans le système hospitalier. " Les statuts sociaux se manifestent par la place occupée autour d'une table. Ces relations à l'espace sont si prégnantes qu'on observe une tendance très nette à occuper toujours la même place. " Le médecin généraliste qui s'est mis en bout de table, voyant arriver le patron, se lève pour lui céder la place. Nous voyons de cette façon qu'il a intégré les exigences d'une hiérarchie des rangs qui détermine la situation de chacun par rapport aux autres. "La surveillante se tient à la gauche du patron, comme lors de la visite." Un volet rompt le plan, nous retrouvons la salle, mais sans la table, les participants, mais sans blouse. " La disparition de la blouse et de la barrière que constitue la table va accompagner la modification des rapports hiérarchiques et sociaux des individus dans l'hôpital psychiatrique moderne."
La chambre du patient psychiatrique : les repères personnels, les manifestations du trouble ; étude par l'analyse factorielle
Vue sur un paysage rural. Une route bordée de bâtiments modernes et semblables, filmée dans l'axe du point de vue, mène à un château d'eau. Cut, intérieur de chambre, avec un lit sur lequel traîne un journal, une étagère qui sépare le lit d'une surface carrelée et vide (on verra sur un plan ultérieur qu'il s'agit d'une petite salle d'eau). "Dans l'Institut Marcel Rivière, chaque malade dispose d'un espace personnel, sa chambre, qu'il va s'approprier." L'obscurité se fait, puis se succèdent dans le même plan des vignettes montrant différentes dispositions de meubles à l'intérieur de la même chambre. "Une étude de ce marquage de l'espace par le réseau des objets personnels a été effectuée sur 200 chambres meublées par l'administration. À partir de photographies, les données relevées sur grille et les paramètres du sujet ont été traités par l'analyse factorielle des correspondances." Se succèdent des diagrammes avec des indications en lettres et des courbes, sur lesquels apparaissent, selon le cours du commentaire, des dessins figurant des meubles ou des objets personnels. Cette étude met en évidence "quatre types d'espaces-objets très cohérents, résistant à la pathologie mentale : la salle d'eau et les soins corporels, puis le lit, le sol, l'armoire, les vêtements, sorte de coquille, ensuite deux sous-groupes s'entremêlant parfois : la cloison-lit avec les objets chargés affectivement, la table avec le travail et la vie sociale, enfin la zone de la décoration." Succession de plans pris dans différentes chambres, détail sur des armoires, des tiroirs, des portes. Le commentaire constate ensuite que les chambres des hommes sont moins saturées que celles des femmes, les zones moins délimitées, la liaison des objets aux espaces est moins rigide." Plan sur une étagère chargée de photographies et de bibelots. "Les objets de caractère affectif sont moins nombreux." Panoramique sur une tête de lit, la table de chevet et l'étagère qui lui est contiguë, avec des dessins, photographies, petits objets apparemment sans valeur : " Chez tous les sujets, la zone la plus proche du lit est chargée de significations. Elle rattache au passé et constitue un espace sécurisant lié à la formation du moi. Ils reconstituent dans l'espace étranger de l'hôpital leur milieu affectif habituel". Plusieurs autres exemples suivent, montrant que le même espace, s'il est décoré d'une manière différente, est investi à chaque fois avec la même intensité. "La décoration des murs, plus riche chez la femme, participe directement au marquage et à la modification de l'environnement." Nouveau panoramique sur une chambre où sont agencés objets et images qui paraissent secrètement signifiants : un collage abstrait, une gravure d'homme des Lumières, une gouache. "S'y trouvent également des objets traduisant des interdits et des désirs". Une autre chambre mais cette fois en désordre, avec un amoncellement d'objets à terre, d'autres objets jetés pêle-mêle dans l'étagère. "Ce n'est que dans des cas exceptionnels que la pathologie paraît évidente". Le commentaire conclut cette séquence en précisant que les résultats de cette recherche sur l'organisation personnelle des chambres de malades recoupent "les autres données sur l'appropriation de l'habitat en général". (24:54)
L'organisation des intérieurs domestiques : agencement fonctionnel et repères de distinction
Panoramique sur un intérieur soigneusement ordonné et chargé d'objets traditionnels, manufacturés, disposés selon un ordre convenu. "L'intérieur petit-bourgeois est régi par les modes essentiels de la saturation et de la redondance d'une part, symétrie et hiérarchie d'autre part." Panoramique sur un intérieur d'un tout autre ordre : l'aristocratie du XVIIIe siècle, avec son divan, ses panneaux e tapisserie, ses appliques, dans un style fait de bleu et de volutes. Cependant, le panoramique s'arrête sur un guéridon où repose un objet tout à fait anachronique, un combiné téléphonique. Cet intérieur est laissé tel quel pour constituer un décorum historique propre à la catégorie supérieure dans une période historique définie (ici, celle des Lumières), manière de s'inscrire socialement dans sa filiation. "Les objets familiers peuvent être considérés comme des médiateurs entre le sujet et le monde. Ils constituent un vecteur de communication dans un réseau de signes". Cette organisation, précise le commentaire, renvoie au statut social de l'habitant. "À l'opposé, le design intègre les objets dans l'unité de l'ambiance." Vues sur un bureau d'architecte marqué par sa sobriété et un jeu de couleurs faisant prédominer le blanc et l'orange. Ici, pour trancher avec les partis pris "petits-bourgeois" évoqués plus haut, les aménagements sont autant de gestes anticonformistes : grandes toiles énigmatiques au mur, étagère strictement fonctionnelle, meubles futuristes et rares. "L'homme s'approprie son territoire par une synthèse des apports de l'espace objectif, des modèles socioculturels, enfin de ses propres aspirations."
Se représenter l'organisation de l'espace et les modes de circulation en son sein : la pratique de la carte mentale
Vues en plongée sur les bâtiments déjà montrés plus haut en angle plat. "À l'institut Marcel Rivière, on a étudié comment les soignants, en fonction de leurs déplacements, de leurs lieux de travail, de leurs diverses professions, de leur ancienneté, représentaient l'ensemble de l'institution." Ici, "représentaient " signifie "figuraient" ou "donnaient à voir". Il s'agit de faire représenter à des professionnels leur espace d'activité tel qu'ils l'ont en tête. Le commentaire précise que ces travaux succèdent à ceux que Kevin Lynch a faits dans des villes des États-Unis (voir partie "contexte"). Plongée sur une main qui dessine au marqueur, sur une grande feuille, des tracés de voies et de bâtis, puis apparition d'un plan masse urbanistique, puis superposition de linéaments de certains dessins avec ce même plan. "Les plans dessinés par les sujets et accompagnés de commentaires ont été comparés aux plans masses de l'architecte. Dans ce dessin, par exemple, le rôle intégrateur du déplacement réel et de sa représentation dans la reconstruction de l'espace est essentiel." Vue réelle d'une voie de l'institut parcourue par deux hommes, et aller et retour entre cette vue et le plan de la main qui continue son dessin du complexe de l'institut. Le commentaire précise ce que le sujet privilégie dans sa représentation de l'espace collectif et celle de la circulation en son sein. "Il est rare qu'une circulation soi représentée dans son ensemble. Sa représentation est liée au parcours réel et aux variations dans l'environnement. Ces expériences vécues se traduisent par des coupures ou des distorsions dans le plan." Ainsi, les routes ne sont plus montrées comme une liaison mais comme une frontière. La séquence se poursuit sur le même mode d'aller et retour entre le plan masse, le dessin à la main, et la mise en animation de ce dessin en montrant son élaboration qui investit progressivement le cadre. "D'autre part, les soignants s'approprient leur lieu de travail de préférence au reste de l'Institut." Sur la représentation dessinée de l'institut, une zone comprenant des voies et des bâtiments apparaît dans un rouge scintillant. "La densité des détails descriptifs des espaces professionnels en rouge contraste avec la pauvreté et les distorsions de l'espace non approprié." Le commentaire ajoute que ces méthodes ont une implication dans l'analyse du fonctionnement de l'institution "et dans l'urbanisme". (27:47)
La suite de la séquence explique comment, par cette logique, le centre social de l'Institut est sollicité par ses différents membres selon leurs fonctions. Si l'administration et le restaurant ont même valeur pour tous, la pharmacie ou l'atelier de reliure ne concerne que quelques soignants. À l'image, corps de personnel et services sont désignés par des icônes plus ou moins vibrantes. Enfin, l'histoire des espaces détermine la relation qu'on noue avec eux. Le degré de familiarité qu'un personnel a avec un espace donné change son comportement et son usage de cet espace. L'ayant d'abord "appris intellectuellement", il se comporte comme "un touriste à l'étranger", puis l'ayant vécu et situé, il se comporte comme un "transplanté", puis ayant acquis une connaissance qui se rapproche de l'espace objectif, il devient "sédentaire autochtone". Pour représenter cette évolution, le film montre un schéma des lieux qui se densifie à chaque fois qu'une nouvelle étape est évoquée. (29:03)
L'intervention de l'habitant sur l'habitat : le cas de la cité marseillaise de Le Corbusier en 1925
La relation à l'espace évolue encore quand celui qui le pratique "quand il modifie l'habitat proposé par l'architecte." Le film cite l'exemplaire des bâtiments conçus par Le Corbusier à Bordeaux auxquels les habitants ont ajouté des toits en pente et des ouvertures en forme de fenêtres traditionnelles. Le film superpose par des fondus les photographies de ces bâtiments au moment de leur inauguration, en 1925, avec celles de ces mêmes bâtiments aujourd'hui. "Les habitants ont réorganisé leurs maisons selon un modèle qui leur est propre." Traduire : ils ont refusé la vision d'avant-garde de Le Corbusier pour revenir au modèle acquis des maisons passées. Mais ils sont allés plus loin en réorientant l'espace de leurs maisons, en modifiant l'emplacement des ouvertures selon le vis-à-vis, en transformant enfin la vocation des pièces. Il en résulte "une banalité opposée à la conception de l'architecte". Le film fait donc état d'un rapport de forces entre l'habitant et l'architecte sur le terrain de l'habitat conçu par l'un et utilisé par l'autre. Dernier exemple avec l'architecture sauvage conçue par l'excentrique Isidor. Panoramique vertical sur un agencement de volumes couverts de fresques et imitant l'aspect d'un manoir féérique. Nouveaux panoramiques sur des motifs de rosace, des sculptures de rois mages ou de Tour Eiffel, des fresques de paysages médiévaux. "On assiste au passage de l'habitable à l'inhabitable". Une démarche inverse de celle de l'architecte qui conçoit " des maisons à vivre plutôt que des maisons à voir. "
Cut, Vue en contreplongée sur des blocs de grand ensemble, un zoom fait progresser le regard vers l'une des fenêtres alignées sur la façade du premier bloc . "Dans l'architecture habituelle, la structure de l'espace relève uniquement d'une pratique qui intègre des schèmes intériorisés de comportement spatial. En effet, l'homme produit son espace de telle sorte que la totalité de ses actions s'y manifeste." Dans un intérieur d'appartement, un homme en robe de chambre, assis dans un fauteuil profond, s'est plongé dans la lecture d'un grand livre. Lambris, colonnettes, guéridon : l'intérieur est d'un style XVIIIe qui ne raccorde pas avec le plan en extérieur sur la façade du bloc. Un zoom brusque sur le cadre à photos de famille disposé à côté de l'homme. "Jusqu'à sa mort, il conserve des racines dans le territoire de son enfance et c'est grâce à la profondeur de ces enracinements qu'il pourra sans danger s'en éloigner..." Dézoom pour revenir au profil de l'homme toujours occupé à lire. Un panoramique qui suit, une fois le zoom terminé et l'échelle de plans revenus à un plan d'ensemble, permet de recadrer sur les pages exposées à son regard : elles montrent un cosmonaute sur le sol lunaire. "... Et même étendre son exploration au cosmos. Ainsi, à tous les moments de son existence, la connaissance de son territoire, la sécurité, la dépendance s'opposent, dans un équilibre toujours remis en question à la conquête de l'inconnu, à la recherche de l'autonomie et à la soif de l'aventure. Derniers plans sur les photographies du reportage lunaire. Le cosmonaute de profil manipule un instrument, il fait face au photographe, il revient au pied du LEM. Ces images illustrent la fin du commentaire, incarnant "la conquête de l'inconnu". Mais n'évoquent-elles pas, deux ans après sa conquête, le prochain espace social?
Générique fin, même tableau qu'au générique du début, envolée de piano romantique.
Fonds Duvivier code 358
Notes complémentaires
Références et documents externes
Contributeurs
- Auteurs de la fiche : Joël Danet