Dormir (1975)
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Sommaire
Générique principal
Lucien Colonna (Pr. agrégé, Rouen), Dr. Daniel Ginestet (Paris), avec le concours de Henri Loo (Service du Professeur Deniker) et Pierre Etevenon (Laboratoires du Docteur Verdeaux Hôpital Sainte-Anne (Paris)
Contenus
Thèmes médicaux
- Médicament en fonction de leur action principale
- Troubles des fonctions et du métabolisme
- Séméiologie générale. Symptomatologie. Signes et symptômes. Examens. Diagnostic. Propédeutique
Sujet
Rôle du sommeil dans la santé, analyse de l'insomnie et description des réponses actuelles pour y remédier.
Genre dominant
Résumé
Après une large introduction sur les définitions et caractéristiques du sommeil, de ses phases et cycles, le film se centre sur l'observation de plusieurs cas cliniques témoignant de leurs problèmes de trouble du sommeil. Les anxiolytiques (plus particulièrement les benzodiazépines) sont présentés comme une réponse adéquate aux problèmes de l'anxiété, facteur déterminant de l'insomnie.
Contexte
Le sommeil
Le sommeil est un état périodique caractérisé par une perte de la conscience éveillée et au cours duquel l’interaction avec le milieu extérieur est abolie ou réduite. Le sommeil est un état actif sous la dépendance de trois processus régulateurs. Le premier processus est le rythme circadien, contrôlé par l’horloge biologique ; le deuxième processus est le rythme ultradien, réglant, chez le sujet endormi, l’alternance du sommeil à ondes lentes et le sommeil à ondes rapides, et des mouvements oculaires rapides ; le troisième processus est le processus homéostatique, exprimé par le besoin progressif du sommeil au cours de l’éveil.
Les recherches sur le sommeil
- Techniques de polysomnographie
C’est en 1929, en Allemagne, que le psychiatre Hans Berger découvrit l’électro-encéphalographe (eeg) qui est principalement utilisé depuis les années 1950 pour l'étude et l’exploration des états de veille/sommeil. En 1937, grâce aux enregistrements du sommeil, Alfred Loomis isola cinq phases différentes du sommeil. Puis, en 1953, Eugen Aserinski et Nathaniel Kleitman mirent en évidence la présence de mouvements oculaires rapides au cours d’une phase du sommeil, appelée par Michel Jouvet « sommeil paradoxal ». C’est grâce à l’enregistrement des différences d’activité électrique existant entre les divers points du cerveau qu’ont pu être distinguées les phases du sommeil. Capter l’activité cérébrale pendant le sommeil par l’eeg est une pratique très courante, en association avec d’autres appareils, comme l’électrocardiogramme (ecg), l’électro-occulogramme (eog), l’électromyogramme (emg). En général, on mesure également la température corporelle. La technique appelée polysomnographie recueille et analyse tous ces paramètres, permettant ainsi de visualiser le sommeil et la veille.
- Imagerie cérébrale du sommeil
Les nouvelles méthodes d’imagerie cérébrale permettent de repérer une activité localisée du cerveau. La première de ces méthodes, appelée cartographie d’eeg, a permis de voir le cerveau fonctionner et de montrer que les régions cérébrales activées lors d’un rêve en phase de sommeil paradoxal sont les mêmes que celles activées pendant l’éveil. De même, cette cartographie a permis de mettre en évidence, lors du sommeil paradoxal, une activité dominante de la région pontique et limbique du cerveau en comparaison avec le sommeil lent. On a pu, par exemple, observer l’activation de la zone responsable de la vision ou de l’audition dans des moments spécifiques d’un rêve. La seconde méthode, l’imagerie fonctionnelle métabolique, comprend la tomographie par émission de positons (tep) et l’imagerie par résonance magnétique (irm) qui est la technique la plus récente.
Histoire de la benzodiazépine
La première molécule de la classe des benzodiazépines est apparue dans les années 1960 ; c'est le chlordiazépoxide (Librax) et a été découverte par accident, comme de nombreux médicaments. De nombreuses spécialités ont vu le jour dans les années 1960. Dans le milieu des années 1950, Leo Sternbach, pharmacologue émigré durant la Seconde Guerre mondiale, et travaillant pour Hoffmann-La Roche sur des dérivés de la quinoléine en vue de production de colorants, synthétise la première benzodiazépine : le chlordiazépoxide (Librium). Lowell Randall mit ensuite en évidence, en avril 1957, ses propriétés sédatives, myorelaxantes, anticonvulsivantes et souligne d'emblée son efficacité et une bonne tolérance in vivo. Un brevet fut déposé en mai 1958 pour un médicament qui allait devenir l'un des immenses succès commerciaux dans toute l'histoire de l'industrie pharmaceutique : le Librium (chlordiazépoxyde). La chlordiazépoxide et le diazépam furent commercialisés par Hoffmann-La Roche sous le nom commercial de « Valium » en 1963, et furent les deux médicaments les plus vendus. L'intronisation des benzodiazépines a conduit au déclin des prescriptions de barbituriques, et ont, dans les années 1970, remplacé de loin les anciens médicaments par des médicaments sédatifs et hypnotiques. Des comportements impulsifs, par exemple, le vol ou autres infractions à la loi, font également partie des réactions « paradoxales » aux benzodiazépines et ont déjà été répertoriées dans la littérature, au début des années 1960, lors de l'arrivée des premières benzodiazépines. Ces nouveaux groupes de médicaments ont fait grandir l'optimisme dans la profession clinique, mais ont rapidement suscité quelques controverses ; en particulier, le risque de dépendance a été perçu durant les années 1980.
Éléments structurants du film
- Images de reportage : Oui.
- Images en plateau : Non.
- Images d'archives : Oui.
- Séquences d'animation : Non.
- Cartons : Oui.
- Animateur : Non.
- Voix off : Oui.
- Interview : Oui.
- Musique et bruitages : Oui.
- Images communes avec d'autres films : Oui. Autoportrait d'un schizophrène
Comment le film dirige-t-il le regard du spectateur ?
Cf. la critique du film dans dans Médecine/cinéma n° 31, 3e trim. 1976, p. 19 : "'Les progrès scientifiques et l'expérience en psychologie du praticien laissent présager une meilleure connaissance du sommeil.' Ce type de conclusion du film résume tout à fait la façon dont il a été conçu, en deux parties : 1). Les progrès scientifiques : amenés par l'iconographie artistique habituelle chez Duvivier lorsqu'il réalise un film sur un 'grand' sujet, ils semblent être là pour impressionner ; non pas tellement par l'image qui donne bien une figuration schématique assez originale du sommeil, mais qui représente essentiellement un appareillage d'électro-encéphalographie et des tracés, relativement familiers au public médical non spécialisé auquel s'adresse le film. (...) Comme pour toute "information" scientifique à l'intention du grand public, (sa) première préoccupation est de sauvegarder à la science son mystère - mais pour la défense de quels privilèges? - ; ce qui se traduit par beaucoup de grandiloquence : ce n'est pas la meilleure voie pour susciter la collaboration des praticiens avec les chercheurs espérée dans le film. 2) la partie "L'expérience du praticien" est beaucoup plus intéressante. Il s'agit du témoignage de l'insomniaque que le film fait passer d'une façon qui, elle, est impressionnante. D'abord parce que l'objet n'est pas d'exprimer une imagerie conventionnelle comme dans la première partie, mais des tragédies individuelles ; ensuite parce que l'expression de ces tragédies dépasse le niveau cinématographique pour donner l'illusion du vécu : par des gros plans qui accusent les marques du visage et par de longs monologues, qui sont de véritables soliloques. Il est seulement dommage que cette partie soit exploitée un peu longuement, et qu'un commentaire lui ait été ajouté pour mettre en valeur, en redondance avec l'image, l'angoisse de l'insomniaque, et pour préciser au médecin qu'il doit d'abord résoudre cette angoisse - par une prescription d'anxiolytiques. Un tel commentaire donne l'impression de mettre en doute non seulement la force des images, mais la capacité de réflexion du public."
Comment la santé et la médecine sont-elles présentées ?
Diffusion et réception
Où le film est-il projeté ?
Circuit médical (« Prix des dix meilleurs films » aux Entretiens de Bichat 1975)
Communications et événements associés au film
Présenté à l'édition de 1975 des Entretiens de Bichat, le film a bénéficié d'une communication sur sa plaquette de programme.
Public
Corps médical
Audience
Descriptif libre
Pré-générique avec visualisation de produits pharmaceutiques
Visuel « Prix des dix meilleurs films aux Entretiens de Bichat 1975 »
Indication infographique : "cinémathèque Wyeth-Byla" sur fond d'une exposition de boîtes de médicaments :lait en poudre de marque SMA, minidril (contraceptif), Wyeth-Byla Mutasa, Stediril (contraceptif), Témesta (benzodiazépine, lorazepam = antidépresseur, anxiolytique) 2,5mg, Témesta 1mg, Séresta (benzodiazépine, oxazepam = anxiolytique, utilisé contre le delirium tremens) 50mg, Séresta 10mg). Ce film est une des rares productions de Duvivier qui intègre de cette façon des produits marchands dans ses images. D'habitude la mention de la firme responsable de la production est sur un fond uni, neutre.
Sur un fond bleu, avec fond de musique planante, apparition infographique du titre « Dormir » puis des indications de générique.
Le sommeil : histoire et imaginaire
Reproductions d'œuvres d'art sur le thème du sommeil dont Le cauchemar de Johann Heinrich Füssli, 1781. Commentaire sur fond de la même musique que lors du générique : « Le tiers de notre existence étant consacré à dormir, il est normal que cette manifestation ait depuis toujours stimulé l'intérêt, dans l'art notamment, où le thème du sommeil et du rêve tient une place importante." Apparition de sarcophages sur fond noir. "Pour les anciens philosophes, le sommeil était également lié à la mort. Et pendant longtemps, ces deux phénomènes ont été confondus." - Vues d'une lionne et d'une chauve-souris entrain de dormir. « Chez les animaux, la diversité des formes du sommeil est grande selon les espèces. Quoi qu'il en soit, le sommeil intrigue toujours l'homme qui met en œuvre pour en percer les secrets, les méthodes et les techniques les plus perfectionnées. »
Expérimentations pour étudier les cycles du sommeil
Dans un laboratoire, un jeune homme étendu sur un lit est relié à des appareils électroniques par des capteurs disposés à l'endroit de son coeur et différents endroits de son crâne. " Depuis 1953, date de la découverte de la phase des mouvements oculaires, les neurophysiologistes ont considérablement fait avancer nos connaissances grâce aux techniques d'enregistrement polygraphique : électroencéphalogramme, électrocardiogramme." Sur fond d'une musique électronique un tantinet anxiogène, présentation des 4 stades de profondeur du sommeil sur fond de dessins successifs qui les illustrent avec une femme en train de dormir. En transparence, des courbes de diagrammes indiquent le tracé électroencéphalographique et les types d'ondes associées. Graphique qui explique les cycles auxquels correspondent les stades. Retour sur l'expérience : gros plan sur le jeune homme sur lequel elle est pratiquée, dézoom pour le montrer alité, prêt à dormir, puis la vitre qui le sépare de la régie d'observation : analyse de la respiration, du tracé électroencéphalographique (le tracé défile à l'écran : les lumières s'éteignent, un rideau couvre la vitre. Alternance de vues de l'homme en train de dormir, variant ses attitudes selon le stade de sommeil qu'il atteint, et de vues de tracés encéphalographiques qui traduisent ses mouvements oculaires. Explications des variations de la durée du sommeil selon l'âge du sujet ; un graphique en forme d'horloge-globe montre les segments de temps occupés à dormir sur 24h selon qu'on est nourrisson, adulte, ou vieillard : les nourrissons comme les personnes âgées connaissent un sommeil "polyphasique". Graphique sur les variations de proportion du temps de sommeil rapide selon l'âge du sujet, avec le cas la femme enceinte.(07:10)
Énigmes du rêve, interprétation psychanalytique
"Dormir, c'est aussi rêver. Les fonctions du rêve sont encore loin d'être élucidées". Succession ultrarapide de photogrammes issus de Ballet sur un thème paraphrénique que Duvivier a réalisé pour Sandoz en 1962 (dont une séquence montrant une ouverture à l'infini d'une double porte rouge qu'Éric Duvivier va remployer dans sa réalisation pour Sandoz en 1978 : Autoportrait d'un schizophrène). Développement du commentaire sur l'interprétation psychanalytique du rêve, "la voie royale qui mène à l'inconscient" : "C'est l'accomplissement d'un désir. Encore faut-il le déchiffrer. Il faut déceler à partir de son contenu manifeste son contenu latent, c'est-à-dire sa réelle signification." Le commentaire enchaîne sur les perturbations du "processus sommeil-rêve" par des "altérations de l'équilibre physiologique et psychologique du sujet". La séquence se conclut par une interrogation du commentaire qui introduit à la nouvelle partie du film qui va suivre : "Que nous disent les insomniaques?" (08:12)
Témoignages sur les insomnies
Filmés en plan serré, plusieurs patientes et patients racontent leur rapport au sommeil, le vécu de leurs insomnies. Une femme dans la quarantaine les lie à ses angoisses qui « viennent de l'enfance ». Un homme raconte ses difficultés à trouver le sommeil, et lie ses cauchemars à la perte d'un enfant qui avait huit ans. Un autre homme explique passer plusieurs nuits blanches et que sont apparus des maux de tête et une dépression. Unefemme parle de ses états dépressifs : elle s'angoisse de plus en plus en pensant qu'elle ne dormira pas ; ses problèmes sont en début de sommeil, elle parle de ses soucis quand les habitudes sont brisées ; des éléments de sa vie l'ont perturbé et ont amené la dépression et la perte de sommeil. Un adolescent raconte qu'il met très longtemps à s'endormir. Une femme dit prendre des médicaments pour s'endormir : « je pense que j'en ai pas vraiment besoin, mais psychologiquement, ça me sert ». Elle fait des cauchemars qui la réveillent. Commentaire : « Ainsi, les excès alcooliques, le surmenage, la tension émotionnelle, l'absence d'exercices physiques sont le plus souvent incriminés. Il est habituel que ces sujets abusent de somnifères qui conduisent à une escalade d'autant plus dangereuse qu'il s'agit d'automédication. Avant toute prescription, il faut penser aux contre-indications possibles, et notamment que l'abus d'alcool interdit les barbituriques. Il faut également être prudent chez les sujets ayant une appétence médicamenteuse excessive. » Une patiente explique que, dans son cas, l'alcool a permis de calmer ses angoisses, mais lui en a donné d'autres : son accoutumance à l'association des barbituriques et de l'alcool l'a amenée à changer de médicament. Gros plan sur les mains d'un homme qui parle à son tour (il se touche les mains).
Le commentaire : « l'anxiété est le facteur déterminant chez la plupart des insomniaques... » À nouveau, l'image des boîtes de médicaments présentés en pré-générique : le commentaire précise que ceux qui apparaissent en double (en différents dosages) sont des anxiolytiques « … et que les anxiolytiques actuels sont bien plus maniables que les hypnotiques traditionnels (…). Les anxiolytiques, et particulièrement les benzodiazépines sont les médicaments les plus efficaces et les mieux tolérés. » Il insiste sur l'innovation de cette médication par rapport aux barbituriques traditionnellement utilisés dans les cas d'insomnie et les anxiolytiques.
Épilogue
« Certes sommeil et anxiété ne nous ont pas encore révélé tous leurs secrets. Toutefois, les développements les plus récents, des méthodes d'exploration du sommeil dont les résultats sont analysés par ordinateur et leur confrontation avec l'approche psychologique du praticien, laissent présager une meilleure compréhension du sommeil et du rêve. » Derniers plans qui montrent des tracés encéphalographiques.
Indications infographiques : "FIN" puis "Sciencefilm Wyeth-Byla".
Fonds Eric Duvivier code 442.
Notes complémentaires
Réf. du film au CIL : Cote 442 + dossier sur le film (commentaires et dialogues en hollandais, anglais et espagnol) réf du film au CERIMES : « 1 texte fr → SFRS »
Références et documents externes
De Saint-Hilaire Zara, ch. "Le sommeil" dans L'insomnie. Presses Universitaires de France, 2009, pp.7-33.
Contributeurs
- Auteurs de la fiche : Caroline Ruebrecht, Joël Danet