Dépression et sommeil (1985)
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Sommaire
Générique principal
Patrick Lemoine, Jacques Mouret, Patrick Sanchez (Unité de psychiatrie biologique, Hôpital Le Vinatier, Lyon ; Laboratoire de physiologie, U.E.R. médicale Lyon-Sud) / Claude Kordon (Unité de neuro-endocrinologie, INSERM (Paris), Hôpital Sainte-Anne / Julien Mendlewicz / Paul Linkowski (Service de psychiatrie, Hôpital Érasme, Bruxelles) / Documents : Franck Armitage (Los Angeles) / Animation : Nicole Armagnac / Montage et son : Laurent Louchet / Images : Henri-Jean Alliet, Philippe Morice, Pierre Mahut, Antoine Roch / Réalisation : Éric Duvivier
Contenus
Sujet
La chronobiologie hormonale et la dépression.
Genre dominant
Résumé
Par des témoignages articulés à des analyses d'experts et des documents chiffrés, ce film met au jour les rapports entre troubles du sommeil et dépression. Il précise ses raisons biologiques, notamment les désordres hormonaux. Ce film peut être comparé à La dépression jour après nuit du même réalisateur, à ceci près qu'il n'évoque pas de possibles traitements.
Contexte
La dépression a été reconnue officiellement comme maladie en 1980 (inscription dans le troisième Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux). Les recherches sur ce sujet se sont multipliées dans les années 1980, en même temps que celles sur les étapes du sommeil.
Éléments structurants du film
- Images de reportage : Non.
- Images en plateau : Oui.
- Images d'archives : Non.
- Séquences d'animation : Oui.
- Cartons : Non.
- Animateur : Non.
- Voix off : Oui.
- Interview : Oui.
- Musique et bruitages : Oui.
- Images communes avec d'autres films : Non.
Comment le film dirige-t-il le regard du spectateur ?
Le film ton éducatif du film permet de crédibiliser la recherche sur la dépression, insistant sur les données amassées en chronobiologie.
Comment la santé et la médecine sont-elles présentées ?
Si le film insiste sur le développement de la science dans le domaine de la dépression, il n'évoque pas d'applications médicales.
Diffusion et réception
Où le film est-il projeté ?
Circuit médical / Universités
Communications et événements associés au film
Public
Médecins, enseignants-chercheurs et étudiants en médecine
Audience
Descriptif libre
En plan d'introduction, sur une musique pétaradante, des pigeons qui s'amassent sur le bord d'un bassin. Un dézoom fait apparaître la statue d'une femme qui se penche sur l'onde. Sa masse noire, l'impossibilité de voir les traits de son visage lui donnent une apparence mélancolique. Vues de quais de stations de métro où d'autres statues, installées sur le quai ou sur un banc public, se fondent dans la foule. La caméra isole un homme assis à côté d'une statue : comme elle, il est figé, à la fois présent et absent dans un environnement agité. Enchaînement avec le détail d'un tableau que Dali a peint en 1931 : La persistance de la mémoire, montrant des pendules et montres liquéfiées, posée en équilibre sur la branche d'un arbre nu, ou d'autres objets-support. la caméra panote et sort du champ du tableau pour rejoindre un homme assis devant une étagère rempli de volumes. Le commentaire le présente : " Dr. Patrick Lemoine ". Le médecin explique : " Le temps, le temps qui passe mais aussi le temps qu'il fait, voilà sûrement les sujet de conversation les plus fréquemment entendus. Et il est bien vrai que ce sont ces temps-là qui rythment toute vie. Et chez nos patients déprimés, le rapport au temps est très particulier. Le temps du déprimé est quelque chose de monotone, il n'en finit plus, il est ennuyeux. " Il ajoute que le plus terrible est l'absence de scansion dans ce temps : " Même la nuit n'existe plus puisqu'elle n'est plus interrompue par un sommeil normal. Le sommeil va disparaître ou au contraire envahir la journée.
Premier témoignage
Toute la séquence suivante est consacrée à une succession des témoignages de patients. Ils sont interrogés par le Dr. Lemoine qui reste en off selon le dispositif de la série Séméiologie psychiatrique que Duvivier avait tourné de 1971 à 1976 (voir sur Medfilm). Les scènes sont est baignées d'une musique de relaxation jouée à la flûte. Est-ce pour suggérer que cette musique est diffusée pendant les consultations du Dr. Lemoine? Vue sur un dessin onirique montrant le visage d'une jeune femme, le regard fixe, une larme à son oeil droit, fondue dans un décor marin et nocturne, une vague montant à l'assaut de son côté gauche. Une voix de femme âgée : " Les journées sont longues et je m'ennuie beaucoup. Je suis triste aussi, toute la journée. J'évite de parler, le monde me panique. " Elle apparaît en in à l'écran, dans une pièce où l'ombre domine, éclairée par des rais lumineux. Elle est placée à côté d'une plante restée dans l'obscurité, dressant des feuilles noires. La femme a le regard oblique, sa voix n'a pas d'inflexion, les traits de son visage sont tirés. Son image est ensuite incrustée dans un tableau montrant une page au crépuscule du soir, avec un rapace étendant ses ailes sur le ciel livide. Elle dit se sentir plus gaie quand on mari revient à la maison. Le médecin lui demande ses heures de coucher et de réveil, centrant l'échange sur les horaires de la vie quotidienne. Elle doit se lever, aller fumer une cigarette, sinon elle est envahie de cauchemars. " - Vous n'arrivez pas à dormir et vous faites en même temps des cauchemars? " La question du médecin induit que la patiente est en proie à des hallucinations. Elle approuve. Elle ajoute qu'elle devient très frileuse, qu'elle mange très peu, juste assez pour pouvoir ingérer ses médicaments. (04:45)
Second témoignage
Vue d'une colline au couchant, un arbre au premier plan découpe ses branches noires, à la ramification aigüe. Un visage de femme en surimpression d'un autre paysage de bois noyé de brume. Voix de femme, plus jeune, aussi atone que la précédente. Parfois, elle devient indistincte. "Lorsque la nuit tombe vite, lorsque les jours sont très courts, je suis très déprimée. " La femme apparaît en in, dans le même décor que la précédente. Son regard est dirigé vers son interlocuteur, ses paupières le filtrent. Le Dr. Lemoine l'interroge sur son comportement au retour du printemps. Elle répond qu'elle est beaucoup plus gaie, voire qu'elle est franchement euphorique, avec moins de besoin de manger. Son image est incrustée dans une composition onirique faite d'un visage de jeune femme, au regard tourné vers le spectateur, en surimpression d'un ciel aux nuages livides. "- Mais qu'est-ce qui se passe quand arrive l'automne?" La patiente qu'elle commence à s'angoisser quand elle rentre de vacances. Elle devient triste, ne dort plus la nuit et dort pendant la journée. Elle sourit pour elle-même et ajoute : "Je dévore du chocolat, je mange quatre tablettes les unes à la suite des autres, ensuite du nutella." Gros plan sur sa main soigneusement manucurée qui s'agite ou se pose contre son pull noir selon le cours de son propos. Elle se néglige, ne se lave plus, ne fait plus la cuisine, " et arrivé à noël, je suis complètement effondrée ". Elle continue de regarder son interlocuteur en esquissant un sourire de gêne, comme si elle voulait s'excuser (06:09).
Troisième témoignage
Incrustation d'une image montrant le troisième patient sur une peinture de torse d'homme parcouru de fluides. A remarquer que de même que la musique qui baigne les plans est caractéristique des musiques d'ambiance dans les lieux de détente et de relaxation, l'imagerie employée est de style New Age. L'homme explique qu'ils souffre de maux de tête dès le réveil. "Je suis là parce que le moral n'est pas des meilleurs." Il souffre d'une dépression importante. " - Au point d'avoir des mauvaises pensées? " " - Oui, souvent. J'ai même acheté ce qu'il fallait ". Son regard fixe son interlocuteur avec acuité. Sa voix est douce, son propos est net. Ses traits ont une mollesse qui ne semble pas normale, comme si son visage était enflé. Il lie ses accès de mauvaise humeur à son manque de sommeil. Il répond "Oui" à la question de Lemoine : " Ca peut exploser contre vous-même comme contre les autres? " Il explique qu'il s'est aperçu qu'il pâtissait de problèmes de mémoire quand il s'est trouvé incapable de se rappeler du nom des ouvriers dont il est responsable. Il répond " Oui " à Lemoine qui lui demande s'il a sommeil l'après-midi, et " non " à Lemoine qui lui demande si on l'a informé s'il avait des problèmes de respiration pendant la nuit (pause respiratoire, ronflement, suffocation). (08:48)
Explications scientifiques sur la biologie hormonale
Un graphique comportant une légende écrite en anglais (il doit s'agir d'une séquence de film anglo-saxon empruntée par Duvivier) représente les étapes de sommeil et le taux d’oxygène dans le sang chez un patient dépressif. Il montre une corrélation entre sommeil paradoxal et apnées, lesquelles sont à l’origine des états dépressifs. Des médecins vont intervenir tour à tour pour donner un contrepoint analytique aux témoignages qui ont ouvert le film. D'abord le Dr. Claude Kordon, placé devant de dessins anatomiques qui sont ensuite montrés plein écran, en alternance avec des séquences d'animation. Il explique que certaines pathologies empêchent les neurones d'agir de manière synchronisée. Il montre (à l’aide de schémas animés) les liens entre les situations de stress et le noyau para-ventriculaire, et le fait que l’hypothalamus adapte les sécrétions hormonales au besoin du corps. (13:06)
Le Pr. Julien Mendlewicz intervient ensuite. Ses recherches, explique-t-il, se basent sur les rapports qui peuvent exister entre désynchronisation des cycles (circadiens et saisonniers) et sécrétions des hormones. Sur un graphique en animation, une voix-off souligne la corrélation chez l'humain entre température du corps et taux de cortisol. Le patient déprimé en sécrète bien plus, il atteint son taux minimal plus tôt dans une journée. L'analyse, qui se poursuit avec de nouveaux graphiques commentés, montre comment les sécrétions de cortisol peuvent varier dans un sujet sain, et se faire "relativement" en avance de plusieurs heures dans le temps d’une journée au fil des années. Ainsi, un sujet de 62 ans commencera à en sécréter moins à partir de 16 heures, tandis que cette diminution ne commencera vers 21 heures chez un sujet de 31 ans. Chez les déprimés, l’hypersécrétion de cortisol cause un « vieillissement physiologique prématuré ». Mais ce vieillissement est réversible. Il y a normalisation des épisodes sécrétoires après traitement. Ces désynchronisations s’observent aussi pour d’autres types d'hormones, comme l’hormone de croissance GH par exemple, et peuvent également être resynchronisés par un traitement. (21:17)
Apparaissant de nouveau en in, le Pr. Julien Mendlewicz explique : " Ces études de biologie hormonale nous apportent également des renseignements extrêmement intéressants sur les mécanismes d'action des traitements antidépresseurs qui n'agissent pas uniquement sur les neurotransmetteurs mais également sur la resynchronisation de ces rythmes biologiques hormonaux." Ces découvertes permettent d'envisager des thérapeutiques nouvelles telles que " la chronopharmacothérapie" (21:47)
Dernier scientifique à intervenir, le Dr. Jacques Mouret. La séquence s'ouvre sur une adaptation de l'oeuvre surréaliste de Man Ray, "Indestructible objet", qui consiste en l'agencement d'une photographie d'oeil de femme sur la tige d'un métronome (dans l'oeuvre originale, faite en 1923 l'oeil de femme est différent de celui montré dans le film de Duvivier). Le médecin insiste sur l’intérêt d’observer et analyser les phases de sommeil chez les individus dépressifs. A l'aide de graphiques animés, il compare les étapes de sommeil d’un individu sain à celles d'un dépressif. Il met en évidence la latence brève d’apparition de sommeil paradoxal et le morcellement du sommeil (dans la seconde moitié de la nuit). Il distingue différencie les patients dépressifs des patients bipolaires, qui en temps normal ont un sommeil moyen, mais qui en phase maniaque font une quasi insomnie. (25:55)
Le traitement de la dépression
Sur des images d'une reproduction en maquette d'un environnement domestique (sans doute pour une maison de poupée), Lemoine, en off, expose les traitements possibles de la dépression : adopter un rythme de vie régulier à horaires fixes, s'exposer (en hiver et automne) à une lumière blanche remplaçant la lumière du soleil, prendre des médicaments antidépresseurs. Le film se termine sur une citation d’André Gide écrite en surimpression sur des compositions artistiques (silhouette de femme prostrée en surimpression d'une fenêtre à l'encadrement vieilli), geysers d'eau sur une onde que survole un piano à queue : « Ton lot est d’apporter aux ombres / Un peu de clarté au jour / Un répit à leurs maux sans nombre / À leur détresse un peu d’amour ».
Fonds Eric Duvivier code 607.
Notes complémentaires
Références et documents externes
Contributeurs
- Auteurs de la fiche : Mathieu Hoffmann, Joël Danet