Chemin dangereux (1966)

De Medfilm



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Titre :
Chemin dangereux
Année de production :
Pays de production :
Réalisation :
Durée :
22 minutes
Format :
Parlant - Noir et blanc - 16 mm
Langues d'origine :
Sous-titrage et transcription :
Commanditaires :
Archives détentrices :
Corpus :

Générique principal

(Générique de fin)
Автор сценария О. Бобылева
Консультанты Доктор медицинских наук, Профессор М. Розентул, Л. Злотников, Э. Черепович
Режиссер О. Дункерс
Оператор Э. Витолс
Художник В.Шильдкнехт
Комбинированные съемки Э. Аугуст
Звукооператор А. Вишневский
Редактор К. Берзиньш
Директор фильма Р. Валдманис
В ролях: Т. Криева, Р. Мейране, Г. Яковлев, Р. Кэпе, Л. Криванс, А. Муйжниекс
По заказу министерства здравоохранения СССР

(Écrit par O. Bobyleva
Consultants Prof. M. Rozentoul, L. Zlotnikov, E. Tcherepovitch
Réalisé par O. Dounkers
Opérateur E. Vitols
Artiste W. Chil'dknekht
Monteur E. Aougoust
Ingénieur du son A. Vichnevskiï
Rédacteur en chef K. Berzinych
Le réalisateur R. Valdmanis
Avec T. Krieva, R. Meïrane, G. Iakovlev, R. Kepe, A. Krivans, A. Mouïjnieks .
Commandé par le ministère de la santé de l'URSS

Contenus

Thèmes médicaux

Sujet

Le péril vénérien dans l'Union soviétique des années soixante.

Genre dominant

Fiction

Résumé

Un homme sur le point de se marier rencontre une jeune femme pendant un voyage en train. Ils s’aiment et se séparent sur le quai. L’homme remarque des marques sur son corps qui le laissent penser qu’il a contracté une maladie vénérienne. Le désarroi s’empare de lui, d’autant qu’une nouvelle journée avec sa fiancée le conforte dans le sentiment qu’il éprouve pour elle. Il va voir un médecin qui lui confirme ses soupçons. Quelle sera sa décision ?

Contexte

Conjoncture économique

En 1966, l'URSS, alors que Leonid Brejnev est premier secrétaire du parti, connaît une stagnation économique. Le niveau de vie de la population a baissé et le manque de productivité dans de nombreux secteurs dont l'agriculture se fait sentir. Pour faire face à la faiblesse de la production d'aliments, l'URSS a acheté des millions de tonnes de céréales en Occident en général et aux États-Unis en particulier. La natalité est aussi en baisse, enrayée notamment par le retour du péril vénérien. Il y a une tension entre un désir de modernité et de libération des moeurs et une moralité qui garde ses principes conservateurs : pas d'enfants hors mariage, la syphilis reste une "maladie honteuse".

Le système de santé

Le Commissariat du peuple à la santé – le Narkomzdrav – est créé en 1918. Sous la direction de Nikolaï Semachko, médecin de formation, le Narkomzdrav développe un système de santé unifié à l'échelle d'un pays — le premier du monde. Gratuit et universel, celui-ci repose sur une organisation de soins par niveaux, selon la gravité des affections, appelé « système Semachko ». Ce système, précurseur de la médecine générale, a ensuite été adopté dans de nombreux pays comme base de leur système de santé. La prévention des maladies infectieuses fait l'objet d'une attention particulière. Dès 1922, un organisme de surveillance sanitaire et épidémiologique – le Sanepid – est créé, disposant d'équipes d'intervention actives sur tout le territoire, des villages aux entreprises. Couplée à une vaccination de masse, cette surveillance permet à l'URSS d'éliminer des maladies comme la tuberculose ou le paludisme. L'espérance de vie, qui ne dépassait pas 31 ans à la fin du XIXe siècle en Russie, atteint 69 ans au début des années 1960, les Soviétiques tentant de rattraper leur retard sur les pays occidentaux.

La place des femmes

L'URSS s'est présentée comme un État particulièrement en avance en matière d'égalité homme-femme. C'est cependant le gouvernement provisoire qui, pendant l'été 1917, a institué le droit de vote pour les femmes, suite à la longue lutte qu'elles ont mené depuis la fin du XIXe siècle. Après Octobre 1917, elles obtiennent aussi le droit au divorce par consentement mutuel, un salaire égal à celui des hommes, des congés de maternité et l'égalité de reconnaissance entre enfants légitimes et naturels. Le droit à l'avortement est obtenu en 1920 – il est cependant interdit en 1936 par Staline, puis rétabli après la mort de ce dernier. Par ailleurs les femmes, très majoritairement actives avaient accès à des emplois traditionnellement dévolus aux hommes (femmes-mineurs, terrassières, ouvrières du bâtiment, conductrices d'engins...). Il reste qu'elles devaient assumer en parallèle l'ensemble des charges familiales.

Contrôle de l'expression publique

les médias et les arts sont contrôlés par le régime soviétique. Les productions hollywoodiennes sont censurées, et la diffusion des autres films étrangers est restreinte selon les attendus idéologiques du pouvoir en place. Il n'en reste pas moins que l'acteur Jean Marais a acquis une grande notoriété auprès de la population russe, et c'est sans doute pourquoi le casting de Chemin dangereux a choisi un comédien qui lui ressemble pour incarner Vitia, son personnage principal.

Éléments structurants du film

  • Images de reportage : Non.
  • Images en plateau : Non.
  • Images d'archives : Non.
  • Séquences d'animation : Non.
  • Cartons : Non.
  • Animateur : Non.
  • Voix off : Oui.
  • Interview : Non.
  • Musique et bruitages : Oui.
  • Images communes avec d'autres films : Non.

Comment le film dirige-t-il le regard du spectateur ?

La société soviétique contemporaine

Le film est tourné dans une période, le milieu des années soixante, où la population soviétique accède à des conditions de vie plus agréables, une évolution qui correspond à ses attentes. Il lui possible de se loger en appartement individuel et de personnaliser son domicile à un moment où elle veut rompre avec l'assignation à des appartements communautaires. La perspective du mariage est l'opportunité de choisir son environnement quotidien, dans la mesure de ses moyens et de l'offre marchande : la séquence du film à 06:00 où les fiancés se rendent dans des boutiques pour faire l'acquisition d'objets usuels et de meubles le montre bien.

Le film témoigne par ailleurs d'un sentiment d'oppression morale partagé au sein de la population, causé par un excès d'injonctions idéologiques émises par les instances éducatives et plus largement, par la propagande. A 17: 49, au médecin qui lui rappelle que la "famille est fondée sur la responsabilité", le héros répond : "Je suis entouré de responsabilités : travailler, conduire un scooter, même être avec une femme est une responsabilité. je ne veux pas." Cette séquence a pourtant peu à voir avec la prévention contre la syphilis, laquelle est l'objet du film. En mettant ce moment de révolte individuel en scène, le film qui relaie la parole du pouvoir intègre la critique à l'encontre de celui-ci. Il ménage un espace pour l'expression de cette oppression pour garder un contrôle dessus. Ce qui amène le héros à réfléchir à nouveau est moins la parole convenue du médecin qui ne lui accorde aucun mouvement de sympathie, que l'apparition d'ordre fantastique de l'enfant aveugle : placé à plusieurs reprises sur son chemin, l'innocent handicapé, est sans doute porteur d'un signe.

Chemin dangereux fait allusion à une attitude commune aux personnes exposées à la contamination qui consiste à prendre des antibiotiques avant d'aller voir le médecin. Or l'ingestion récente d'antibiotiques fausse les résultats des examens et empêche la détection du tréponème. Il est étrange, cependant, que ce fait soit mis en scène au moment où les antibiotiques, dans l'Union Soviétique des années soixante, reste difficilement accessible à la population.

La réalisation

La réalisation présente une tonalité fantastique qui renvoie à une tradition du conte russe à la Pouchkine (La Dame de Pique) ou Gogol (Le manteau) : par sa confrontation régulière avec son reflet, que ce soit dans le miroir de la chambre ou dans le reflet des lunettes du petit aveugle, le héros comprend qu'il est appelé à affronter la face obscure de son être, et à prendre la décision de céder à son emprise ou prendre le dessus et rester sur la voie de la normalité qu’il a initialement choisie. Daté de 1966, le film est néanmoins marqué par les œuvres cinématographiques contemporaines qui ont mis à profit l’environnement urbain moderne pour en faire un décor neutre, générique de lieu en lieu, enserré dans des parois vitrées, aux perspectives profondes et vides : Antonioni (La nuit, 1961, L’éclipse, 1962), Alain Resnais (Hiroshima mon amour, 1959, Muriel ou le temps d’un retour, 1961), Godard (Alphaville, 1965). Cette influence permet de renforcer l’expression d’un désarroi existentiel qui saisit le personnage au-delà des affres que lui font éprouver ses problèmes sentimentaux et la menace de la maladie.

Comment la santé et la médecine sont-elles présentées ?

La médecine est représentée à la fois par la mise en scène du dispensaire équipé de manière moderne et de la capacité du médecin à pister l'agente de contamination. De cette façon, le film montre un système de soins qui dispose de la technologie de pointe et d'une administration efficace.

Le médecin auquel le héros a affaire est froid et d'une franchise sans réplique. Il est loin du médecin confident, d'une sagesse bonhomme, habituellement représenté dans les fictions préventives réalisées au même moment en Europe ou aux Etats-Unis.

Diffusion et réception

Où le film est-il projeté ?

Cinéma grand public

Communications et événements associés au film

Public

Public adulte

Audience

Descriptif libre

Un jeune homme impétueux

Suite de plans tournés dans le centre d'une métropole : boutiques bien fournies, trafic dense que reflètent leurs vitrines. Mise en scène d'une URSS moderne, qui avance au même pas que l'Occident, quitte à céder sur la tendance consumériste qu'affirment les modes de vie. Un tramway passe, frappé d'un insigne à l'effigie de Lénine. Prochain arrêt, la gare. A l'intérieur, un homme qui était occupé à lire le journal prend ses valises avec hâte. Il ne descend pas à temps, fait rouvrir les portes qui venaient de se fermer, quitte le véhicule en échangeant des propos vifs avec le chauffeur. Cette petite scène révèle son impétuosité et sa difficulté à se mettre "dans la marche" des choses. Séquence alternée avec une jeune femme qui jette des regards autour d'elle, l'air soucieux : nous devinons qu'elle guette sa venue. Voix off masculine : "Ca c'est moi. Je suis pressé. Je m'appelle Vitia". Ce sera l'unique fois où nous entendrons en off la voix du personnage principal, ce qui apparaît comme une négligence de réalisation (un principe posé au départ devrait être repris par la suite). Nous voyons Vitia fendre la foule, éviter de peu le passage d'un camion, manifester son irritation en balançant ses bras. Plan sur sa fiancée qui vient de l'apercevoir : son visage se détend, elle sourit sans réserve, fait un signe pour se manifester, elle est amoureuse. Voix off masculine : "Ma fiancée s'appelle Lena." il explique qu'il doit encore accomplir un déplacement professionnel avant de se marier. Au moment où il la rejoint enfin, une file d'enfants s'interpose entre eux. Cette suite d'obstacles anecdotiques en annonce de plus sérieux. (01:21)

La place offre des perspective dégagées qui aboutissent à des architectures modernes, vitrées, avec des façades élancées. La ville soviétique est moderne. Les fiancés cheminent vers le quai de la gare, accompagnés par une fanfare qui marche en jouant. Elle préfigure celle qui animera leur mariage. Ils ont acheté un paquet de bonbons ; avisant un enfant donnant la main à sa maman, Vitia lui offre de piocher dedans en se baissant pour se mettre à sa hauteur. "Il est aveugle", lui dit sa mère d'une voix triste qui contraste avec l'air de fanfare qui continue de s'entendre. Gros plan sur l'enfant dont les lunettes noires reflètent par une image précise le visage décontenancé de Vitia. Premier signal qui le met en garde contre la dérive possible de sa trajectoire.(02:34)

Changement imprévu d'aiguillage

Dans le train qui file à vive allure. Vitia repliant le journal qu'il lisait avise sa voisine d'en face, femme plus âgée que sa fiancée, et différente physiquement, brune et lourde, jetant un regard indifférent au paysage enneigé qui défile derrière la vitre du wagon. On entraperçoit, nichés dans la plaine blanchie, un village et son église : rappel de la perspective du mariage aussitôt éludé. A l'occasion d'un arrêt en gare, la conversation s'engage enfin. Elle se poursuit dans le wagon restaurant. La batterie des effets métaphoriques ayant trait à l'attirance sexuelle est ici mobilisée sans grande subtilité : roues des wagons qui progressent à vive allure sur les rails, défilé des parois de wagons pour signaler l'accélération de l'allure du train, signal de circulation qui change de couleur, et dans le wagon-restaurant, cuillère que l'inconnue laisse tomber auprès de son pied gainé de soie et chaussé d'un escarpin brillant. En musique de fond, écho de la fanfare qui accompagnait sur le quai Vitia et sa fiancée, comme un souvenir embrumé des engagements sentimentaux mis en suspens. Rire de femme, irruption de train dans la nuit, titre en lettres lumineuses : "Chemin dangereux". (04:23)

Confidence amicale

Gros plan sur un plafond où des lampes chauffantes sont suspendues. Rires d'hommes en voix off. Raccord sur deux visages d'hommes dont celui de Vitia. Il a raconté à son ami son aventure du train qu'il juge plaisante et digne de vantardise. La caméra desserre sur des hommes disposés en cercle, habillés d'un unique caleçon, les yeux bandés, répondant à des instructions diffusées par une voix de femme enregistrée. Ils suivent une séance d'UV au "solarium de l'usine" ainsi que l'indique, à la fin de la séquence, un panneau disposé sur la porte de la salle. Cette séquence, comme celle de la gare, souligne la modernité des équipements de la société soviétique. L'ami fait allusion à la contamination auquel s'est exposé Vitia en faisant le geste de l'homme enrhumé. Il ajoute qu'il connaît un ami qui en a été victime suite à une semblable rencontre. Expression soucieuse de Vitia. Il se défend en répondant qu'il a pris un antibiotique (biomycine) par précaution. Voix féminine qui intervient hors champ sur un ton impérieux, raccord sur un visage de femme à l'expression sévère : "Ignorez-vous qu'il est dangereux de se passer de protection?" Elle fait allusion au fait qu'ils ont omis de mettre un cache sur leurs yeux alors qu'ils sont au solarium, mais le sens du message est double. Elle-même a chaussé des lunettes noires, comme le garçon aveugle. Son intervention brutale fait écho à l'apparition hostile et troublante de l'enfant. (05:48)

La maladie se déclare

Vitia a retrouvé sa fiancée. La séquence prend une allure de rêve éveillé. La perspective du bonheur conjugal prend la forme d'une visite dans les boutiques d'objets domestiques et de meubles. Les fiancés, rêvant devant les vitrines, font leurs choix dans une liesse commune. Les images de ville nocturne, brillant des feux des enseignes et du trafic, barbotent dans une musique de valse somnolente. En montage parallèle, des plans montrant les fiancés qui ont pris place dans un manège, riant aux éclats. En point d'orgue, dans une boutique aux parois et aux portes vitrées qui laissent voir la nuit étincelante au dehors, la scène du choix de la robe de mariée, exposée derrière une vitrine comme si elle attendait Lena pour être portée. Au moment où, dans le retrait d'une cabine d'essayage, sous le regard heureux de son fiancé, Lena se pare du voile virginal, Vitia croit voir, dans le miroir où elle se regarde, l'image de l'ami rencontré au solarium. Celui-ci lui répète sa question impertinente qui rappelle le danger vénérien auquel il s'est exposé : "Est-ce qu'elle t'a passé le rhume français?" Gros plan sur le visage de Vitia devenu soucieux. Le charme est rompu, il ne peut ôter de son esprit le souvenir de son incartade et l'appréhension qu'elle lui inspire. Zoom sur le dos de la robe de mariée, raccord de sa blancheur avec celle de la blouse d'un médecin.

Vitia face au médecin implacable

La voix du médecin, détachée, monocorde : " Vous avez un ulcère suspect, c'est douloureux?" Dézoom, Vitia apparait bord cadre gauche, de dos. Le médecin lui demande l'identité et le domicile de la femme qu'il a rencontrée dans le train. Changement d'angle à 180°, c'est désormais Vitia qui est de face. Avec un air sombre, il répond avec réticence aux demandes d'informations du médecin, comme s'il subissait un interrogatoire de sa part. Il connaît le prénom de la femme, la gare où elle descendue, pas davantage. Le médecin précise qu'il doit la retrouver pour l'examiner. "Si elle est en bonne santé, nous pourrons vous rassurer." Il explique ainsi à Vitia qu'il va enclencher une enquête pour remonter la chaîne de contamination. Le médecin ajoute que Vitia devra subir des examens en laboratoire : "S'ils ne trouvent aucun spirochète pâle aujourd'hui, revenez pour un second test". Vitia lui répondant qu'il voudrait des résultats rapides puisqu'il se marie dans dix jours, le médecin lui enjoint de reporter son mariage "jusqu'à ce que vous soyez rétabli". IL lui précise qu'il ne devra pas non plus "toucher sa fiancée". Au téléphone, il joint le dispensaire d'Otradnaia, la ville où l'inconnue s'est rendue : "Aidez-nous à retrouver une femme, la source présumée d'une infection."

Ellipse temporelle. Visage heureux de Vitia : les examens ne signalent rien. Mais le médecin lui rappelle que sa prise d'antibiotiques risque de masquer la présence des spirochètes. Si le résultat des tests demeure négatif, Vitia devra passer le test sanguin de Wasserman. En tous les cas, ajoute le médecin avec un sourire méchant, "le mariage devra être reporté".(10:47)

Vitia face à lui-même

Vitia dans sa chambre. Un intérieur caractéristique des jeunes hommes célibataires, de classe moyenne. Vrac d'objets sur les étagères ou le bureau, mais sans désordre : piles de livres, rouleau de papier, sacoche, combiné téléphonique, un appareil à bandes magnétiques. Aux murs, le crayonnage d'une rue ancienne, le portrait photographique de sa fiancée, et fichée derrière la photo, un petit cliché qui la représente aussi. Plus loin dans la séquence, nous voyons un paysage peint et une guitare acoustique pendus au mur opposé à celui contre lequel le bureau est rangé. L'environnement domestique de Vitia tel qu'il l'a arrangé trahit sa sensibilité artistique et son envie de gaieté. Vitia prend le combiné, compose un numéro après s'être passé la main sur la figure. En montage alterné, Lena au bureau d'une tour de contrôle. Il fait nuit, par les baies vitrées qui donnent sur la piste, nouvelle composition de transparence nocturne dans un environnement technologisé. Vitia décroche, le visage soucieux de Vitia reste en surimpression. Il ne se décide pas à parler, elle raccroche avec une expression d'indignation pour l'inconnu qui l'a importuné sans motif. Gros plan sur la main de Vitia qui raccroche à son tour. A côté du combiné, un livre sur la syphilis et ses traitements. En off, une voix grave et solennelle se fait entendre, elle définit la syphilis, ses voies de contamination. Les connaissances que le jeune homme acquiert par ses lectures nourrissent la voix de sa conscience qui les transforme en attendus justifiant un passage à l'action : à présent tu sais ça, pourquoi n'agis-tu pas en conséquence? Vitia, filmé de face, sort un paquet de cigarettes de sa poche, en prend une et l'allume. Il va à son armoire, en tire une valise, ôte sa chemise. Par la fenêtre, les lumières clignotantes éclairent son torse, posant leurs feux aux endroits où la peau est marqué par le mal. La voix de tout à l'heure rappelle le calendrier de la syphilis : "Environ 10 semaines après la contamination, le stade secondaire de la syphilis débute. Il se manifeste par diverses éruptions cutanées". Un fondu substitue le torse marqué à un dos de femme vêtue d'une robe semée de petites perforations. Quand elle se retourne, nous reconnaissons l'inconnue rencontrée dans le train. Elle prend une attitude provoquante, manie un porte-cigarette comme une mondaine - plus tard dans la même séquence, elle séduit un vieil homme au restaurant. Son rire se fait entendre, ainsi que des notes de piano dissonantes.

Retour à l'homme dont le dos n'est plus marqué : ses inquiétudes lui inspirent des visions. Elles se poursuivent quand il inspecte sa chevelure trouée ici et là, puis son mollet traversé d'une plaie. A chaque nouvelle découverte morbide, le rire de l'inconnue retentit. L'expressionnisme influence cette séquence, avec ses effets magiques d'ordre hallucinatoire qui visent à extérioriser les obsessions du personnage.(16:52)

Vitia face à ses responsabilités

Nouvelle entrevue avec le médecin dans le dispensaire. Alors que Vitia remet sa chemise, celui-ci lui dit que quoiqu'il n'y ait pas d'éruption cutanée d'identifiable, il sera nécessaire de le traiter pendant six mois. A Vitia qui lui apprend qu'il lui a caché qu'il connaissait le nom et l'adresse de la femme, le médecin répond qu'elle a été trouvée "sans votre aide, malheureusement". Le système de pistage des individus dans l'espace social, mis au point par l'institution sanitaire, fonctionne au point qu'il peut suppléer à l'absence de d'informations initiales. Cette efficacité dans le contrôle de la population renforce l'autorité de l'Etat qui en est responsable. Le médecin fait la morale : Vitia a agi comme tous les hommes après l'aventure d'un soir, avec inconscience et inconséquence, mais "toute famille se fonde sur la responsabilité." Vitia se défend. Il répond comme s'il avait déjà subi plusieurs fois ce type de remontrances de la part de détenteur d'une autorité publique, et qu'il était excédé de ces injonctions humiliantes : "Je suis entouré de responsabilités : travailler, conduire un scooter, même être avec une femme est une responsabilité. Je ne veux pas." D'un geste impulsif, il quitte le cabinet du médecin, rejoint le couloir du dispensaire. Avançant vers Vitia, au son de sa canne qui sonde l'espace devant ses pas, le petit aveugle qu'il avait entrevu au début du film. La voix off de tout à l'heure, masculine, au ton solennel, annonce que la cécité de cet enfant est dû à la conduite irresponsable de son père. Malade, il n'a pas poursuivi le traitement prescrit par le médecin. "Il a quitté la ville et s'est marié, sa femme ignorait tout." L'enfant est donc un cas de syphilis congénital, "la syphilis des innocents" (cf. Bonah, Linte, Wenger, Maladies infectieuses sans fin, Condé-sur-Noireau, 2022). Dans les lunettes du garçon, Vitia affronte de nouveau, doublement reflété, l'image de son visage d'homme désormais coupable. Le commentaire ajoute : "Un homme doit toujours être responsable de ses actions". La leçon dépasse le cas dont il est question, elle vaut pour toutes les situations, y compris les plus intimes, qu'un citoyen soviétique, qui n'en est pas moins homme, est amené à vivre. Vitia quitte l'enfant sans lui parler, et se met à courir dans le couloir : pour fuir, ou bien pour réagir au plus vite? Dehors, il rejoint la jetée du port. La nuit est tombée, il a cessé de courir, marche en fumant. La voix solennelle ajoute : "Un pas inconsidéré, l'impulsion d'une minute, et toute la vie, l'amour, le bonheur, sont mis en danger." La caméra a desserré sur Vitia, comme si le film prenait ses distances avec son destin. Plongée sur une place bondée de trafic, sur une chaussée déserte et sombre, traversée de halos lumineux. Vitia, toujours indécis, les arpente d'un pas solitaire. Musique énigmatique jouée par un mellotron. Générique de fin.

Notes complémentaires

Références et documents externes

Contributeurs

  • Auteurs de la fiche : Izaak Most, Joël Danet, Korine Amacher
  • Transcription Russe : Ivan Melnik
  • Sous-titres Anglais : Élisabeth Fuchs, Ivan Melnik, Michelle Daou
  • Sous-titres Français : Ivan Melnik, Élisabeth Fuchs
SNSF-logo.png  Cette fiche a été rédigée et/ou traduite dans le cadre du projet Neverending Infectious Diseases