Neverending disease 2 : « un être humain sur dix »
Un être humain sur dix de Christian Bonah et Joël Danet, 2023, Université de Strasbourg – Laboratoire SAGE, Université de Genève, 13’
Un être humain sur dix consiste en un montage d'archives de films de propagande contre la syphilis produits dans la première moitié du XXe siècle. Il revient sur la manière dont le cinéma utilitaire de santé a promu les méthodes de contrôle administratif et sanitaire de la population pour contenir le fléau vénérien.
Un être humain sur dix consiste en un montage d'archives de films de propagande contre la syphilis produits dans la première moitié du XXe siècle. Il revient sur la manière dont le cinéma utilitaire de santé a promu les méthodes de contrôle administratif et sanitaire de la population pour contenir le fléau vénérien. Nous nous concentrons sur la période de l’après-seconde guerre mondiale, particulièrement problématique pour le travail de prévention. L’euphorie de la libération favorise le relâchement des mœurs et l'accès à une médication efficace en cas de maladie favorise les conduites imprudentes.
Pour aborder ce sujet, nous avons choisi de nous appuyer sur un film qui le traite directement, L’ennemi secret réalisé par JK Raymond-Millet en 1945 pour le compte du Ministère de la Santé Publique et de la population. Nous avons cherché à établir comment ce film a cherché à sensibiliser la population sur le regain d'actualité du fléau vénérien et son importance. Sa réalisation comporte des saynètes de fiction qui oscillent entre drame et humour. Elle témoigne du souci des réalisateurs de films de commande de trouver un registre qui puisse combiner l’information avec le divertissement que la population réclame désormais de tout film qu’elle va voir, l’après-guerre étant une période où le cinéma était un loisir culturel particulièrement populaire, avant la concurrence de la télévision. Nous avons aussi cherché à montrer que ce film, s’il exposait un problème spécifique à son temps, se rattachait à une tradition de discours - la propagande antisyphilitique diffusée depuis le début du XXe siècle : moralisation des mœurs, politique nataliste, surveillance des foules dans l’aire urbaine, rappel à l’ordre par une autorité qui s’est naguère incarnée dans le personnage d’un officier en uniforme. Notre réalisation, centrée sur L’ennemi secret, déplie sa mise en scène par l’échantillonnage de plans significatifs, et lui associe des extraits de films antivénériens contemporains ou antérieurs pour rappeler en quoi ses propos ou ses images s’y rattachent. De cette façon, nous montrons que ses choix de réalisation résultent d'influences immédiates (la fiction contemporaine avec ses ressorts dramatiques) mais sont aussi marquées par des représentations de longue durée.
L’intérêt de la réalisation d’un film d’archives est de proposer une immersion dans les images représentatives du corpus étudié et de les mettre en perspective non seulement par un commentaire qui les présente et les analyse, mais aussi par un traitement de ces images qui intervient sur leur format, leur vitesse, leur flux. Enfin, nous ponctuons le montage de cartons et de virgules sonores qui sont fabriquées à partir du son originel des films cités, quitte à les retravailler avec des effets. L’intention est de rendre concrète l’identité cinématographique des archives employées (le grain de l’image, la police de caractère des génériques, la qualité sonore et le timbre des voix) tout en les éditorialisant, de rendre compte de la matérialité audiovisuelle des films utilitaires qui sont en jeu et de faire part des connaissances qu’elles requièrent et des réflexions qu’elles inspirent.
La série « Neverending disease » est consacrée aux discours tenus par le film utilitaire ou la production télévisuelle pour informer et sensibiliser sur les maladies sexuellement transmissibles. Elle est produite dans le cadre du programme : « Maladies infectieuses sans fin – le cas de la syphilis pour penser la mobilisation-démobilisation prophylactique (XXe-XXIe siècle) ».
« Maladies infectieuses sans fin » est un programme de recherche de cinq ans financé par le FNS (Swiss national Science Foundation). Il est dirigé par Alexandre Wenger et Laurence Toutous-Trellu (Université et CHU Genève), Christian Bonah (Université de Strasbourg) et Christine Keyser (Institut de Médecine légale, Faculté de médecine de Strasbourg).
Il implique l’Université de Strasbourg (DHVS et Laboratoire SAGE), l’Université de Genève, les Hôpitaux universitaires de Genève, la Swiss national Science Foundation.