A votre santé (Za vaché zdorovié (За ваше здоровье)) (1929)

De Medfilm



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Titre :
A votre santé (Za vaché zdorovié (За ваше здоровье))
Année de production :
Pays de production :
Réalisation :
Conseil scientifique :
Durée :
48 minutes
Métrage :
1400 mètres
Format :
Muet - Noir et blanc - 35 mm
Langues d'origine :
Sous-titrage et transcription :
Sociétés de production :
Archives détentrices :
Corpus :

Générique principal

Contenus

Thèmes médicaux

Sujet

Soins de l’alcoolique et guérison

Genre dominant

Fiction

Résumé

Le film À votre santé (le jeu de mots est le même en russe) mêle une trame fictionnelle légère et de longues séquences tournées dans des établissements de recherche ou de soins. A. P. Tchistiakov est un ouvrier qui a pour habitude de boire à toute occasion, comme beaucoup de ses collègues. Il dilapide une partie de ses revenus dans sa consommation, en particulier le jour de la paie. Il fait aussi boire son entourage et crée son propre malheur : à force de petits verres, sa femme enceinte accouche d’un enfant mort-né. Cette grossesse tardive résultait du viol de sa propre femme un soir de beuverie. Tchistiakov se décide alors à consulter des spécialistes et à se faire soigner. Le jour de paie, en dépit de l’inquiétude de sa femme et de sa belle-mère, il ne retourne pas s’enivrer à la taverne, mais rapporte des cadeaux à toute la famille. Il ne boit plus que du thé, et a désormais de quoi s’acheter du sucre. Il participe à un large meeting antialcoolique dans son usine textile (industrie typique de la Moscou d’avant le Plan quinquennal). Cette histoire qui permet une forme d’identification n’occupe en réalité qu’une faible partie du film, qui est majoritairement non fictionnel.

Contexte

Si les bolcheviks n’ont jamais vraiment aboli la « loi sèche » de prohibition de décembre 1914, ils ne relancent la production étatique d’alcool que progressivement, dans la seconde moitié des années 1920. Tandis que le monopole de production et de vente rapporte de plus en plus à l’État, des voix font entendre leur protestation contre le fléau de l’alcoolisme, considéré par les hygiénistes sociaux soviétiques comme la seconde « maladie sociale » à abattre, après la syphilis. Dès 1924, des films de fiction et des séquences d’actualités filmées engagent la lutte sur ce terrain. En 1927, deux films inscrivent sur les écrans cette thématique déjà bien développée par une série de brochures de vulgarisation : L’alcool, le travail et la santé d'A.N. Tiagai (Mejrabpom-Rus) et Alcool de You. Genik (Sovkino). On publie aussi nombre de « procès d’agitation », petites pièces de théâtre jouées par des amateurs, rédigées en particulier par le docteur Boris Sigal ou le docteur Abram Berliand. En 1928, au moment où est fondée la Société de lutte contre l’alcoolisme (Общество борьбы против алькоголизма) sous le patronage de Nikolaï Boukharine, paraît Le cinéma à la place de la vodka. Sergueï Syrtsov y plaide un développement exponentiel de l’exploitation cinématographique, dont les revenus se substitueraient alors à ceux de la vente d’alcool ; et un investissement massif des écrans soviétiques par le thème antialcoolique. Le studio semi-privé Mejrabpom-Rus, le plus rentable et le plus en pointe dans le domaine des films scientifiques ou de vulgarisation, a d’abord profité de commandes officielles pour s’attaquer à cette question qui bénéficie d’un contexte de production et de diffusion favorable. En 1929, le scénario est ici encore dû à Tiagaï, le directeur du département des koultourfilms du studio, qui signe ainsi l’engagement de la firme alors que les institutions ont coupé les subsides. Plusieurs bandes d’actualité filmées (Sovkino-Journal) insistent, en ce début de Plan quinquennal, sur le renforcement de la discipline et l’amélioration de la productivité à l’usine. A votre santé insiste sur ce point, sans doute afin de donner des gages d’orthodoxie politique en pleine reprise en mains par le Parti de la cinématographie, et de mieux faire accepter le reste de la production, très « commercial », c’est-à-dire en phase avec les goûts du public populaire.

Éléments structurants du film

  • Images de reportage : Oui.
  • Images en plateau : Oui.
  • Images d'archives : Oui.
  • Séquences d'animation : Oui.
  • Cartons : Oui.
  • Animateur : Non.
  • Voix off : Non.
  • Interview : Non.
  • Musique et bruitages : Non.
  • Images communes avec d'autres films : Non.

Comment le film dirige-t-il le regard du spectateur ?

L’alternance de passages didactiques et de scènes fictionnelles est une particularité du genre du koultourfilm. Le terme et le genre s’inspirent de l’exemple vanté dans les années 1920 en URSS du Kulturfilm allemand et de la Kultur-Abteilung de la UFA, fondée en 1917. Mais les tâches assignées à ces films excèdent la seule popularisation d’idées ou de savoirs. Scénaristes et producteurs, parfois médecins – comme A. N. Tiagaï, Noï I. Galkin, Lazar M. Soukharebski – réfléchissent à la création d’un genre nouveau à mi-chemin entre éducation et identification, entre appel à la raison et sollicitation de l’émotion du spectateur. Il en résulte des œuvres à la croisée du documentaire, du film de promotion, du film éducatif  et du film scientifique. Elles proposent une certaine hybridation des genres, un mélange de fiction et de documentaire, mais aussi emprunts aux sous-genres de la fiction : film d’aventures, de science-fiction, policier, etc. En dévoilant le caché et l’ignoré, en rendant proche l’étrange et l’étranger, en familiarisant le public avec l’extraordinaire et l’inédit, ce cinéma fait œuvre de popularisation, de vulgarisation, voire de propagande.
Cette double identité de média moderne et de divertissement populaire, d’arme éducative et de spectacle à sensation, se prolonge aussi jusqu’à l’arrivée du parlant dans la superposition de l’intertitre (plus ou moins disert) et du boniment (plus ou moins en rapport avec le carton).Les scènes d’expérimentation sont filmées sans artifice particulier, la caméra reste fixe et filme frontalement ; les scènes fictionnelles adoptent d’ailleurs un style voisin. Le regard du spectateur est tout particulièrement dirigé lors de la séquence d’hypnose collective. Le visage du docteur Livchitz, promoteur de cette méthode de traitement (et continuateur de Vladimir Bekhterev) apparaît à l’écran en gros plan, concentré ; seules ses lèvres bougent. Ces plans alternent avec des intertitres reproduisant (en le simplifiant) le discours qu’il tient d’abord pour hypnotiser, puis pour traiter ses patients ; et avec des plans larges de ces derniers sous hypnose. L’effet produit est réel.

Comment la santé et la médecine sont-elles présentées ?

La médecine est représentée comme une science exacte (protocoles d’expérience) et comme une sphère d’activité qui ne laisse pas la place à l’improvisation. La voie médicale apparaît comme la solution au problème de l’alcoolisme. Le film propose ainsi un double message de sensibilisation (et donc d’action sur le milieu) et de promotion du traitement médicalisé (du malade lui-même) – en particulier celui appliqué au sein d’une institution, et selon la méthode d’un médecin clairement identifié par les intertitres.La santé est représentée comme la valeur cardinale du nouveau mode de vie (новый быт) des Soviétiques, en particulier des ouvriers qui représentent la force productive de la nation. Les images multiples et assez marquantes de malades mentaux ou d’atteintes physiques (jambe cassée après une chute, coupures à la scie sur un chantier) cherchent à dévoiler les faits bruts et à choquer. Les traitements proposés apparaissent indolores, voire même amusants (cheveux dressés sur la tête, peau gonflée par l’oxygène, hypnose comme expérience à tenter).

Diffusion et réception

Où le film est-il projeté ?

Exploitation commerciale mais limitée, dans les cinémas projetant des koultourfilms – comme le cinéma Artes de Moscou. La première séance s’est tenue le 4 avril 1929, en présence d’un représentant du studio qui s’étend en introduction sur l’importance de la lutte contre l’alcoolisme. Le poète prolétarien Demian Bedny et l’économiste Youri Larine sont également présents parmi un public sans doute choisi.

Communications et événements associés au film

Le film a d’abord été projeté le 24 mars 1929 devant des experts : L. M. Soukharebski et trois représentants de l’Institut de Culture sanitaire, I. I. Iorich, A. A. Lerman et I. D. Iline. En dépit de leur critique, le film sort sur les écrans début avril. Les critiques lui reprochent de ne pas assez révulser le public, de ne pas l’amener à rejeter la consommation d’alcool. Le Journal des ouvriers rejette ce koultourfilm en y voyant un moyen d’économiser sur les frais de tournage par la réutilisation de séquences déjà prêtes. Kino, l’organe de l’Association des cinéastes révolutionnaires, attaque vertement un film impossible à rentabiliser, produit uniquement pour accroître le « capital idéologique » de Mejrabpom-Rus.

Public

Audience

Descriptif libre

Notes complémentaires

Références et documents externes

Sumpf Alexandre, Film and Anti-alcohol Campaigns in the Soviet Union of the 1920s in Health Education Films in the Twentieth Century, edited by Christian Bonah, David Cantor and Anja Laukötter, University of Rochester Press, Rochester, 2018.

Contributeurs

  • Auteurs de la fiche : Alexandre Sumpf
  • Sous-titres Anglais : Alexandre Sumpf, Thibault Noailhat, Élisabeth Fuchs
  • Sous-titres Français : Alexandre Sumpf, Nicolas Guechi
Erc-logo.png  Cette fiche a été rédigée et/ou traduite dans le cadre du projet BodyCapital, financé par l'European Research Council (ERC) et le programme de l'Union européenne pour la recherche et l'innovation Horizon 2020 (grant agreement No 694817).