Girls in White (1948)

De Medfilm



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Titre :
Girls in White
Série :
Année de production :
Pays de production :
Réalisation :
Interprétation :
Durée :
15 minutes
Format :
Parlant - Noir et blanc -
Langues d'origine :
Sous-titrage et transcription :
Sociétés de production :
Archives détentrices :
Corpus :

Générique principal

RKO PATHE, INC. PRESENTS THIS IS AMERICA
GIRLS IN WHITE
Produced by JAY BONAFIELD
Supervised by PHIL REISMAN, Jr.
Directed and photographed by HARRY W. SMITH
Narrated by DWIGHT WEIST
Written by DUDLEY HALE
Edited by DAVID COOPER
Musical supervision by HERMAN FUCHS

Contenus

Thèmes médicaux

Sujet

Dans un contexte de pénurie d'infirmières, présentation du déroulement des études et des valeurs de ce métier dans le but de convaincre de nombreuses jeunes filles de choisir cette formation et cette profession.

Genre dominant

Documentaire

Résumé

Betty Burns entre à l'école d'infirmières. Après une formation pré-clinique (théorique), elle apprend les bases des soins infirmiers puis met ses nouvelles connaissances en pratique lors de divers stages à l'hôpital, d'abord supervisée par une infirmière diplômée, puis avec davantage d'autonomie quand elle arrive en troisième année. Après la fin de ses études, elle travaille en pédiatrie, son domaine préféré.

Contexte

En 1948, année de diffusion de ce documentaire, les États-Unis sont confrontés à un manque d'infirmières qui dure depuis le milieu des années 1930 et ne se résorbera que dans les années 60. Les causes de ce déficit sont de deux types. D'une part, la demande d'infirmières s'accroît en raison d'une complexification des protocoles de soins, de changements structurels dans les hôpitaux et d'une réduction du temps de travail des infirmières. D'autre part, la profession n'attire plus. Les infirmières diplômées arrêtent de travailler (notamment une fois mariées), et de moins en moins de jeunes femmes choisissent cette profession car les conditions matérielles sont difficiles ː les salaires sont très bas ; malgré les réductions de temps de travail, les horaires restent très lourds ; elles ont l'obligation de loger dans l'enceinte de l'hôpital et, pour le groupe démographique généralement attiré par la profession (des jeunes femmes blanches de la classe moyenne qui sont allées au lycée), d'autres carrières sont devenues plus attractives, surtout lorsque la durée de formation est beaucoup plus courte (les études d'infirmières durent trois ans). La Seconde Guerre mondiale a joué un rôle important dans cette crise. Sur l'ensemble de la période, environ 77 000 infirmières, soit 25̤̤̤̬% de l'ensemble des infirmières, se sont engagées, ce qui a largement compromis la réponse aux besoins en soins infirmiers de la population civile. De plus, à la fin de la guerre, un certain nombre d'infirmières n'ont pas réintégré leur poste dans le civil.
En 1947, le Department of Labor (Ministère du Travail) réalise une étude intitulée Economic Status of the Registered Professional Nurse ("Statut économique de l'infirmière diplômée") qui confirme que la demande en infirmières augmente alors que la profession connaît une diminution, à la fois du nombre d'infirmières en activité et du nombre d'inscriptions dans les écoles d'infirmières. Cette étude indique que les incitations économiques ne sont suffisantes ni pour retenir les infirmières expérimentées ni pour en attirer de nouvelles. Les infirmières interrogées indiquent l'absence de pensions de retraite, le faible niveau des salaires et l'absence de possibilités d'évolution de carrière comme sources d'insatisfaction majeure dans l'exercice de leur profession.
En l'absence d'informations sur la diffusion des résultats de cette étude, il est impossible de savoir si les producteurs de la série de documentaires en ont eu connaissance mais on peut noter que cette émission en particulier concerne une fraction de la population qui se trouve généralement au cœur de ses sujets ː des "cols blancs".
En outre, le fait que personnel médical et patients soient exclusivement blancs dans ce film rappelle qu'à l'époque, les hôpitaux ainsi que les écoles d'infirmières étaient soumis à la ségrégation. Dans les villes suffisamment grandes, il y avait deux hôpitaux, un pour les blancs et un pour les noirs, tandis que dans les villes plus petites où il ne pouvait y avoir qu'un seul hôpital, les noirs étaient soignés dans un service à part, souvent relégué au sous-sol. Cette situation a duré jusqu'à la promulgation par le président Lyndon B. Johnson du Civil Rights Act (Loi sur les droits civiques) en 1964. Encore a-t-il fallu du temps pour que cette loi soit vraiment appliquée, en particulier dans les États du Sud.

Éléments structurants du film

  • Images de reportage : Non.
  • Images en plateau : Non.
  • Images d'archives : Non.
  • Séquences d'animation : Non.
  • Cartons : Non.
  • Animateur : Non.
  • Voix off : Oui.
  • Interview : Non.
  • Musique et bruitages : Oui.
  • Images communes avec d'autres films : Non.

Comment le film dirige-t-il le regard du spectateur ?

Après une présentation un peu théâtrale de la problématique du manque d'infirmières par la représentation visuelle de la "disparition" d'un grand nombre d'infirmières, le film propose au public cible (les jeunes spectatrices) de suivre et de s'identifier à une jeune fille en particulier, Betty Burns, qui entre dans une école d'infirmières. À cet effet, la voix off ne reste pas dans un registre narratif neutre. Elle s'adresse directement et à plusieurs reprises aux spectatrices en employant la deuxième personne du pronom personnel, les intégrant ainsi déjà dans le groupe (la communauté ?) des élèves infirmières. En outre, elle interpelle l'héroïne deux fois en utilisant son nom, ce qui, si on imagine que les spectatrices se sont identifiées à elle, revient à s'adresser à ces jeunes filles de façon encore plus directe, et à leur faire vivre les étapes de la formation d'infirmière "comme si elles y étaient".
Même si Betty n'est pas complètement idéalisée (il lui arrive quelques déboires en cours de chimie ; elle fait preuve d'une certaine vanité lorsqu'elle reçoit la coiffe qui marque la fin de sa formation théorique), c'est essentiellement le modèle à suivre pour et par les spectatrices. Toutes les qualités dont elle fait preuve et qui sont soulignées au cours de sa formation, soit visuellement, soit par la voix off (concentration, rigueur, précision, compassion, dextérité, ingéniosité, frugalité, etc.) sont celles qui font une bonne infirmière. Elle donne satisfaction à ses surveillantes, son travail est apprécié par les patients et les médecins, et elle a l'air épanouie. Elle trouve même le temps de sortir avec un beau jeune homme ǃ Tout lui réussit car elle y met les moyens. Une jeune spectatrice ne pourrait qu'aspirer à lui ressembler.
Le problème épineux des salaires très bas des infirmières, l'une des causes de la désaffection à l'égard de la profession, n'est jamais abordé frontalement. En revanche, on suggère aux spectatrices d'autres formes de valorisation de leur travail ː la reconnaissance des patients et la satisfaction qu'elles peuvent retirer d'un travail bien fait.
Par ailleurs, le vocabulaire utilisé par la voix off ("service/servir", "ennemi", "lutte"), la présentation des divers jalons qui marquent la formation d'une infirmière et l'accent qui est mis sur certains "sacrifices" (même si le mot n'est jamais prononcé), notamment en ce qui concerne sa vie privée, tous ces éléments établissent un subtil parallèle entre l'entrée à l'école d'infirmières et l'engagement dans l'armée. À en croire ce documentaire, le choix de devenir infirmière a quelque chose d'une démarche patriotique.
Enfin, quelques points d'humour (dont certaines peuvent être considérées comme sexistes par le spectateur de 2020) allègent le propos et contribuent à maintenir les émotions des spectatrices dans un registre positif.

Comment la santé et la médecine sont-elles présentées ?

L'école d'infirmières et l'hôpital sont représentés comme des espaces de collaboration entre infirmières, et entre infirmières et médecins. La part technique de l'activité médicale est importante mais on insiste aussi sur l'attitude que les infirmières doivent avoir par rapport aux patients, à la fois pour "se faciliter le travail" et pour "accélérer leur guérison". L'ensemble de leurs activités est présenté comme nécessitant rigueur, dévouement, endurance et force mentale, et la responsabilité qui pèse sur leurs épaules est fréquemment rappelée.
Les évolutions techniques et structurelles que vit le système hospitalier et la profession d'infirmières à la fin des années 40 sont présentées de façon indirecte. Chaque fois qu'un appareil ou une technique sont mentionnés, on voit à l'image qu'il correspond à un équipement à la pointe du progrès pour l'époque. De même, l'héroïne va en stage dans l'un de ces dispensaires dont le développement récent est partiellement responsable du besoin accru en infirmières. L'une de ses camarades trouve un emploi comme infirmière à domicile dans le secteur public, etc. La formation des infirmières est donc particulièrement polyvalente, pour répondre à ces nouveaux défis.

Diffusion et réception

Où le film est-il projeté ?

Cinémas américains de la chaîne RKO-Pathé (pré-programme).

Communications et événements associés au film

Public

Le film s’adresse au grand public, et plus particulièrement aux adolescentes américaines de la classe moyenne qui seraient en âge d’entreprendre des études d’infirmière.

Audience

Descriptif libre

Présentation de la problématique
Dans un hôpital, une longue enfilade de chambres avec au premier plan, un bureau où travaillent deux surveillantes. On voit en tout sept infirmières sur ce plan (et un patient au loin). Avec lyrisme, la voix off compare l'hôpital à la "demeure de la Compassion" (the house where Mercy dwells), laquelle arpente silencieusement les "couloirs de la Souffrance" (the corridors of Pain). D'autres infirmières traversent le couloir (il y en a environ une dizaine en tout). Mais soudain, la plupart d'entre elles disparaissent de l'image et il n'en reste plus que deux, ce qui pose la problématique du manque d'infirmières de façon très visuelle, voire théâtrale. La voix off donne les raisons de ce déficit (de plus en plus de personnes ont besoin de soins médicaux ; il n'y a que 300 000 infirmières diplômées en activité) et souligne que la nation américaine se trouve face à une crise. La surveillante se tourne plusieurs fois vers le tableau où des lumières signalent les appels des patients tandis que la voix off parle d'appels de détresse lancés à des milliers d'infirmières inexistantes. Son ton alarmant doit servir à convaincre le spectateur de la gravité de la situation. (01'34)
Présentation de l'héroïne
Changement de style de musique. Elle devient plus lente, paisible et joyeuse (harpe). Trois jeunes filles s'avancent dans un beau parc et s’apprêtent à entrer à l'école d'infirmières. La proximité des mots "nation", "américain" et "appel" (qui ont été prononcés quelques instants auparavant) donne à leur démarche une connotation patriotique.
La voix off propose au spectateur de suivre l'une des trois jeunes filles ː Betty Burns. Son entrée dans le bâtiment symbolise son entrée dans une nouvelle vie désormais consacrée à soigner l'Humanité (rien de moins ǃ).
Les jeunes filles sont accueillies avec gentillesse, surtout parce que les infirmières présentes, conscientes qu'elles doivent étoffer leurs rangs, éprouvent de la reconnaissance pour ces nouvelles recrues. On offre ici aux jeunes spectatrices de ce documentaire l'image d'un environnement amical et soudé, stimulant intellectuellement, bienveillant, avec un personnel encadrant souriant.
Betty reçoit son emploi du temps et ses livres de cours. Ils lui rappellent le travail qu'elle va devoir fournir avant de pouvoir "servir" ceux qui auront besoin d'elle. On notera que ce mot est utilisé pour la deuxième fois en moins de 3 minutes. (02'42)
Les matières étudiées
Cours de chimie. Tout n'a pas l'air de se passer comme prévu pour Betty dont l'expérience se met à fumer. Elle fait appel à l'enseignant qui arrange la situation. Commentaire incongru de la voix off ː "Betty apprend qu'un bécher peut donner de vives émotions" (Betty learns that there are emotions in almost every beaker.) Le spectateur de 2020 s'interroge sur le caractère éventuellement un peu sexiste de ce passage alors que celui de 1948 l'a peut-être simplement pris comme un élément rassurant, les erreurs et les ratés étant autorisés et ne compromettant pas la suite des études d'infirmière.
Cours d'anatomie avec un torse de mannequin dont l'enseignant sort les organes abdominaux un à un. C'est Betty qui est assise le plus près de lui. Elle donne l'image et l'exemple d'une élève concentrée et studieuse.
Cours de microbiologie. Le mot "ennemi" utilisé pour désigner les microbes que les élèves observent résonne d'une façon particulière dans ce documentaire diffusé seulement trois ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il renforce subtilement le message déjà exprimé plus haut ː s'engager dans des études d'infirmières est un acte patriotique qui n'est pas si différent d'un engagement dans l'armée puisqu'il s'agit de "servir" et qu'on va avoir affaire à un "ennemi".
Par ailleurs, le matériel mis à la disposition des élèves dans ce cours paraît très moderne. Elles étudient même la criminologie ǃ
Cours de nutrition et diététique que la voix off compare immédiatement à un cours de cuisine, peut-être pour ne pas effrayer d'éventuelles futures élèves avec des mots trop compliqués et les aider à se rattacher à quelque chose de connu.
Un tailleur prend les mesures de Betty pour confectionner son uniforme d'infirmière. Tout à coup, la voix off s'adresse directement aux jeunes spectatrices qui s'imaginent peut-être déjà à la place de Betty ː "Vous aurez bientôt un uniforme d'élève infirmière" (Soon you'll have a student nurse uniform.) Elles sont incluses d'emblée dans le groupe des élèves infirmières, la question d'une réflexion sur leur choix de carrière ou d'études ne se pose plus.
Cours de soins infirmiers. Betty fait la démonstration devant ses camarades de la façon de tourner un patient dans son lit. C'est toujours une élève modèle, c'est-à-dire un exemple de sérieux et de compétence proposé aux spectatrices. Petite pointe d'humour de la voix off ː la patiente ne semble pas faire preuve de beaucoup de reconnaissance (ce qui est bien normal puisque c'est en réalité un mannequin ǃ) (04'18)
Premier jalon ː le rituel de remise de la coiffe
La fin de la formation pré-clinique (c'est-à-dire théorique) des élèves infirmières est marquée par un grand événement, la cérémonie de remise de la coiffe par la directrice de l'école à chacune des élèves admises. Ensuite, chaque élève va allumer une lampe en hommage à Florence Nightingale, qui est considérée comme la pionnière des soins infirmiers modernes et que l'on surnommait "La Dame à la lampe" (The Lady with the lamp). (On remarquera que le type de lampe généralement associé à l'image de Florence Nightingale, comme ici, a probablement été influencé par le tableau de 1891 d'Henrietta Rae. Il semble qu'elle ait en réalité utilisé une lampe d'un genre totalement différent, comme on peut le voir au Florence Nightingale Museum de Londres.) Ce rituel empreint d'une grande solennité inscrit la profession dans une longue tradition, à la suite d'une "mère fondatrice" révérée et transformée en personnage plus grand que nature au fil des années.
Comme précédemment avec la mention de l'uniforme, on peut noter dans cette séquence une similitude avec un engagement militaire, la formation de jeunes soldats étant également marquée par des étapes clés avec remise de divers attributs (ex ː la fourragère).
Courte séquence probablement destinée à faire une pointe d'humour mais essentiellement perçue comme sexiste en 2020 ː la voix off affirme que les élèves infirmières s'intéressent plus à la coiffe (sous-entendu, à leur aspect physique) qu'au symbole plus prestigieux de la lampe tandis qu'à l'image Betty, coiffe sur la tête, s'admire sous toutes les coutures dans un miroir. Commentaire de la voix off ː "Les hommes ne saisiront peut-être pas mais les femmes, si." (Men may not understand this, women will.) (05'02)
Début de la formation clinique
Betty prépare un médicament sous la surveillance d'une l'infirmière diplômée. La voix off insiste sur la méticulosité et la précision requises. La réussite du traitement et une vie humaine en dépendent.
Ensuite, on montre Betty en train de stériliser des instruments et diverses compresses. La voix off exprime la frustration de la jeune femme devant ce travail répétitif, puis l'encourage à persévérer. Les qualités requises pour pratiquer ce métier sont répétées ː précision, anticipation et rapidité. Pour la première fois, il est fait mention du médecin avec qui l'infirmière travaille et pour qui elle doit préparer tout le matériel à la perfection afin de l'assister dans sa "tâche vitale" (his vital work). Ce passage est extrêmement valorisant pour l'image de la profession dont il semble que tout dépende.
Betty, accompagnée de sa superviseuse, va distribuer les instruments qu'elle a stérilisés et les médicaments qu'elle a préparés. En chemin, elle s'arrête pour aider un homme à tourner un patient dans son lit. Il est fort peu probable qu'il s'agisse d'un infirmier puisqu'on considère généralement que le premier infirmier américain fut Edward T. Lyon, nommé dans l'Army Nurse Corps (Corps des infirmiers de l'armée) en 1955. Il doit donc s'agir d'un médecin.
Betty va administrer un médicament à une patiente. L'accent est mis sur le sérieux avec lequel l'élève infirmière vérifie l'identité de la patiente. Grâce à sa méticulosité, il n'y a aucun risque d'erreur. La voix off s'adresse de nouveau directement aux jeunes spectatrices ː "Vous apprenez..." (You learn...). Elle précise que les patients remercient souvent l'infirmière d'un sourire. "Quelle belle récompense ǃ" ((it) makes this work worthwhile), ce qui est une façon d'évacuer la question des salaires très bas des infirmières. La voix off semble dire que l'argent n'a que peu d'importance quand on peut acquérir la reconnaissance des patients.
Betty s'occupe du réglage d'une perfusion pendant qu'un homme (médecin ? kinésithérapeute ?) ajuste le système de poulies qui maintient la jambe plâtrée d'un patient. L'accent est mis sur la technicité des procédures médicales qui nécessite plus que jamais que les infirmières assistent "leur" médecin (their doctor). Petit trait d'humour ː le patient, qui a également un bandage autour de la tête et un bras dans le plâtre, lit un livre intitulé "En forme pour le ski" (How to make yourself fit to ski) (08'09)
Les loisirs de l'élève infirmière
Dans un salon/salle de repos, Betty fait une réussite mais soudain, elle s'en va en courant car il est l'heure pour elle de reprendre son service.
Dans sa chambre, Betty, en robe de soirée, termine de se préparer pour aller dîner avec un jeune homme qui commence sa carrière (son domaine d'activité n'est pas précisé). Économe et pleine de ressources (deux qualités à ajouter à la liste des vertus d'une bonne infirmière), Betty a conservé précieusement dans la glacière de l'office le petit bouquet qu'une patiente lui a offert, ce qui lui permet de "résoudre la question des frais de la soirée" (help out in this evening's serious financial problem).
En revanche, le documentaire ne fait pas l'économie du cliché de la jeune fille qui fait attendre le jeune homme qui est venu la chercher. Ce passage est décrit comme l'une des rares occasions où Betty (à qui la voix off s'adresse directement) peut se permettre de faire attendre quelqu'un. Il ne pourrait évidemment pas en être de même avec un patient ou un médecin. Cependant, la soirée ne s'éternise pas car le travail attend Betty le lendemain. Les adieux sont rapides et chastes.
Cette séquence veut aller à l'encontre de l'image de l'infirmière tellement vouée à son travail que c'est devenu un sacerdoce et que toute vie personnelle lui est interdite. Néanmoins, la phrase "il y a une horloge dans le subconscient de toute bonne infirmière" (There's a clock in every good nurse's subconscious mind) montre bien que ses loisirs sont très limités. Quant à la relation sentimentale entre Betty et le "beau jeune homme" (the heavy date), à l'époque, il est encore très courant pour les infirmières, comme dans de nombreuses autres professions, d'arrêter de travailler après le mariage. Mais au moins aura-t-elle pu aller danser quelques fois pendant ces études...
En revanche, le documentaire ne mentionne pas le couvre-feu (généralement vers 22h ou 22h30) en vigueur dans la plupart des foyers qui hébergeaient aussi bien les élèves infirmières que les infirmières diplômées dans l'enceinte des hôpitaux, ce qui limitait de facto leur liberté de mouvement. (Il est néanmoins assez facile de trouver dans les souvenirs d'infirmières formées avant les années 1970, des récits de soirées où elles "faisaient le mur" soit pour sortir de leur foyer, soit pour y rentrer après le couvre-feu.) (09'43)
En troisième année, l'élève a davantage de responsabilités
Cela fait maintenant plus de deux ans que Betty est élève infirmière, ce que signale la bande noire de sa coiffe. (L'importance symbolique de la coiffe soulignée encore une fois dans cette séquence se retrouve dans les récits de souvenirs d'infirmières et nous a été confirmée par le témoignage personnel d'une infirmière française formée en Allemagne au début des années 60. La coiffe devait être correctement repassée, amidonnée et fixée bien droit sur la tête avec le nombre réglementaire d'épingles à cheveux. Elle faisait l'objet d'une grande fierté, probablement en tant que signe d'appartenance à un groupe de jeunes femmes éduquées et utiles.)
À présent, Betty a beaucoup plus d'autonomie. Elle assiste directement un médecin, sans être supervisée par une infirmière plus expérimentée. Elle travaille dans un dispensaire (with outpatients). "Son hôpital s'ouvre sur l'extérieur et étend ses services à tous les citoyens" (Her hospital moves out into her community, expanding its services to every citizen.) Ce passage répond aux constatations faites en tout début de documentaire ː de plus en plus de personnes ayant accès aux soins médicaux, les besoins en infirmières augmentent.
La voix off insiste sur le fait que Betty utilise toutes ses connaissances et compétences, ce qui est à la fois une façon de louer la polyvalence de la formation qu'elle reçoit et de rassurer les spectatrices sur les fruits qu'elles pourront retirer du travail acharné demandé pendant les études. De nouveau, l'accent est mis sur la satisfaction (a gratifying experience) que Betty retire de son travail (et qui compense un salaire très bas).
Succession de plans rapprochés ː mains anonymes (on suppose que ce sont celles de Betty) qui prennent la tension d'un patient, manomètre de Riva-Rocci, montre avec trotteuse, mains qui sortent rapidement des instruments d'un autoclave, mains qui préparent une injection, mains savonnées et brossées sous le robinet, mains qui mettent des gants, mains qui enfilent une aiguille courbe tenue par une pince. En même temps, la musique s'accélère, suggérant une tension, et la voix off reprend le thème de la transmission d'un savoir de l'une à l'autre et celui d'une lutte farouche contre les bactéries. Cette succession d'images conduit le spectateur vers ce qui est considéré comme le lieu le plus prestigieux de la profession d'infirmière ː la salle d'opération. La caméra reste quelques instants sur le seuil de la salle (on voit le cadre de la porte). Au plan suivant, la caméra est entrée dans la salle et montre Betty en train de passer des instruments au chirurgien rapidement et avec une grande dextérité. La voix off insiste sur le fait qu'elle a atteint un haut niveau de compétences et qu'elle agit comme si ses mains étaient "reliées au cerveau du chirurgien" (It's as if they were a link between her hands and the surgeon's brain). Elle est membre de l'équipe à part entière et la vie du patient dépend de son habilité. Gros plan sur l'anesthésiste puis sur son insufflateur manuel. La musique continue à exprimer une tension sur le reste de l'opération.
À la sortie de la salle d'opération, la musique reprend en mode majeur. La tension retombe et Betty reçoit les félicitations de sa surveillante.
Betty travaille en pouponnière. L'expression "servir l'Humanité" (serve Humanity) est répétée. Elle présente une petite fille à son père de l'autre côté d'une vitre. Cette séquence en dit beaucoup sur l'évolution de la prise en charge des nouveau-nés. À l'époque, alors que le besoin de contact physique pour le bien-être d'un bébé est connu et reconnu (The human touch is everywhere (...) but perhaps this is most keenly felt in the obstetrical nursery/ "Le contact humain est partout (...). C'est peut-être en pouponnière que c'est le plus palpable."), la priorité est donnée à l'asepsie pour la prévention des infections. Par conséquent, les infirmières qui s'occupent des bébés sont vêtues de vêtements stériles et portent un masque et le père ne peut pas prendre son enfant dans ses bras. De même, il n'est absolument pas envisagé que les mères puissent garder leur bébé dans leur chambre.
Betty a "tiré le gros lot" (you hit the jackpot), elle est enfin en formation pédiatrique, le domaine qui l'intéresse le plus (la voix off s'adresse à elle directement en l'appelant par son nom). Elle fait marcher un enfant dans un déambulateur dans un petit jardin où de nombreux autres enfants jouent, surveillés par des infirmières. (12'56)
Cérémonie de remise de diplômes
Vue d'ensemble puis contre-plongée beaucoup plus resserrée sur les élèves infirmières en file indienne qui avancent vers le lieu de remise des diplômes d'un pas solennel. Elles portent chacune un petit bouquet de fleurs sous l'épaule gauche. S'adressant à la fois aux jeunes filles à l'écran et aux spectatrices, la voix off explique que cette cérémonie marque à la fois l'aboutissement de plusieurs années d'effort et de dévouement patient, et un nouveau départ. Elle rappelle le serment prêté par Florence Nightingale et en cite des extraits. ( En réalité ce serment - The Florence Nightingale Pledge - n'a jamais été prononcé par F. Nightingale elle-même. Il a été créé sur le modèle du serment d'Hippocrate par une Américaine, Lystra Gretter, et le Committee for the Farrand Training School for Nurses de Detroit - Michigan - en 1893. La version qui est citée ici est la révision de 1935 dans laquelle a été ajoutée la promesse d'assister le médecin avec loyauté.)
Betty reçoit son diplôme et une médaille commémorative des mains d'un personnage masculin (un médecin ?) à côté duquel se tient la directrice de l'école d'infirmières qui l'avait reçue lors de son entrée à l'école. Elle fait partie des 34 000 infirmières nouvellement diplômées cette année-là (compte tenu que la voix off dit au début du documentaire que 43 000 jeunes Américaines entrent dans une école d'infirmières chaque année, on peut en déduire que 9 000 d'entre elles abandonnent la formation ou sont renvoyées.)
Perspectives d'avenir
Les débouchés possibles après des études d'infirmière sont exposés à travers l'exemple de Betty et de certaines de ses camarades. Grâce aux conseils du service d'orientation de l'école (ce qui montre que les jeunes diplômées ne sont pas livrées à elles-mêmes pour leur recherche d'emploi), Mary Ballard travaille au cabinet d'un médecin (on la voit aider un patient à descendre des escaliers) ; Jane Gillespie est infirmière à domicile dans le secteur public ; Katy More s'est engagée et travaille dans un hôpital militaire en attendant d'être postée à Yokohama. Quant à Betty, elle travaille dans le service de pédiatrie d'un hôpital. Comme ses milliers de "sœurs infirmières" (sister nurses, en anglais il y a ici un jeu de mots sur le mot sister qui désigne à la fois une sœur et une infirmière), elle partage son temps entre des tâches anodines (comme ramasser la poupée qu'une petite patiente a fait tomber) et d'autres d'une importance vitale (comme évaluer la gravité de l'état d'un enfant placé sous une tente à oxygène). Les quatre jeunes femmes ont l'air épanouies et les patients dont elles s'occupent sont souriants. Cependant, on remarquera que c'est la jeune femme proposée en exemple depuis le début qui a l'activité la plus "maternante", ce qui fait écho à certaines conceptions selon laquelle la profession d'infirmière est la plus appropriée pour une femme puisqu'elle n'est qu'une extension des soins qu'elle prodigue "naturellement" à sa famille.
Passage de témoin
Dans le bureau de la directrice de l'école. Elle donne des documents pliés à deux infirmières nettement plus jeunes qu'elle, comme si elle leur transmettait des témoins. La voix off rappelle combien les techniques ont changé depuis sa première opération. Plan sur la photo où elle apparaît dans son uniforme amidonné avec ses camarades de promotion. Malgré tous ces changements, le plus important, c'est-à-dire l'idéal de service et l'exemple de Florence Nightingale, demeure. Aux mots "idéal de service" (ideal of service), la directrice se lève de sa chaise, dans une attitude de profond respect. La flamme de cet idéal est ravivée à l'arrivée de chaque nouvelle promotion. La directrice se tourne vers la fenêtre. On voit dans le parc trois nouvelles jeunes filles qui s’apprêtent à entrer à l'école d'infirmières, comme un rappel de l'arrivée de Betty et ses deux camarades en tout début de documentaire. Il est d'ailleurs clairement demandé aux spectatrices de prendre exemple sur Betty (Look well at Betty Burns). Ses qualités sont énumérées (compétence, endurance, courage, compassion) et l'idée de "servir l'Humanité" est répétée pour la troisième fois.
Le dernier plan montre Betty à genou par terre, en train de jouer avec une petite patiente. La dernière phrase de la voix off est prononcée avec emphase et fierté ː She is a nurseǃ ("Elle est infirmièreǃ").

Notes complémentaires

Références et documents externes

"Making History", Minority Nurse, 30 March 2013, URL : https://minoritynurse.com/making-history/
Fox, Killian, "Life as an NHS nurse in the 1950s: ‘Patients never had to wait on trolleys’" The Guardian, 25 March 2018, URL : https://www.theguardian.com/society/2018/jun/25/life-as-an-nhs-nurse-in-the-1950s
Thomas, Carolyn, "A look back at nurses in 1950" Heart Sisters, 7 May 2013,URL : https://myheartsisters.org/2013/05/07/a-nurses-life-in-1950/
Whelan, Jean C., "American Nursing: An Introduction to the Past", Nursing, History and Health Care, URL : https://www.nursing.upenn.edu/nhhc/workforce-issues/where-did-all-the-nurses-go/] (consulté le 17 février 2020)
Whelan, Jean C., "Where did all the nurses go?", Nursing, History and Health Care, URL : https://www.nursing.upenn.edu/nhhc/workforce-issues/where-did-all-the-nurses-go/] (consulté le 17 février 2020)

Voir aussi, "Resources", Florence Nightingale Museum, URL : https://www.florence-nightingale.co.uk/resources/

Contributeurs

  • Auteurs de la fiche : Élisabeth Fuchs, Nadia El-Khamlichi
  • Transcription Anglais : Timothée Lainé
  • Sous-titres Français : Élisabeth Fuchs
Erc-logo.png  Cette fiche a été rédigée et/ou traduite dans le cadre du projet BodyCapital, financé par l'European Research Council (ERC) et le programme de l'Union européenne pour la recherche et l'innovation Horizon 2020 (grant agreement No 694817).