Une maladie sociale, la syphilis, comment peut-elle disparaître? (1926)

De Medfilm



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Titre :
Une maladie sociale, la syphilis, comment peut-elle disparaître?
Année de production :
Pays de production :
Conseil scientifique :
Format :
Muet - Noir et blanc - 35 mm
Langues d'origine :
Sous-titrage et transcription :
Sociétés de production :
Commanditaires :
Archives détentrices :

Générique principal

Contenus

Thèmes médicaux

Sujet

Film destiné à informer sur les causes de la syphilis et les modalités de sa progression. Exposé scientifique s'appuyant sur des images micro-cinématographiques (notamment celles du Dr. Comandon), des vues de laboratoire (illustration des cas cités par des patients), et de schémas animés. Les explications sont élaborées, rigoureusement organisées en parties et sous parties, les cartons emploient des termes techniques et les plans longs permettent un examen appuyé. Il s'agit sans doutes d'un film de formation pour la profession plus qu'un film destiné au grand public : pas de messages moralisateurs, pas d'injonction sur une conduite à tenir.

Genre dominant

Documentaire

Résumé

Aucune dramaturgie sinon l'insertion dans l'exposé documentaire d'une curieuse séquence de fiction tournant en dérision des personnes microcéphales.

Contexte

La maladie et sa prise en charge

Affection microbienne contagieuse, la syphilis a pour agent le tréponème pâle et se transmet par les rapports sexuels. Son évolution se fait en trois phases successives : le stade primaire au bout de trois semaines avec l’apparition d’un chancre et de ganglions non douloureux, le stade secondaire entre six semaines et trois ans avec des lésions cutanées, le stade tertiaire avec une dégradation générale de l’organisme puis du système nerveux.

Cependant les évolutions médicales pour la soigner sont de plus en plus perfectionnées. L'intervention des pouvoirs publics par la surveillance sanitaire des marins, des soldats et des prostituées, ainsi que l'introduction de nouvelles thérapeutiques comme l'iodure de potassium, et ceux de l'hygiène, font sensiblement reculer toutes les maladies vénériennes entre le milieu du siècle et 1880. Dès 1905, les Allemands Fritz Richard Schaudinn et Paul Erich Hoffmann découvrent l'agent de la syphilis, un spirille nommé "tréponèm pâle". La même année, Wassermann met au point un séro-diagnostic qui permet d'identifier la maladie dès ses premiers stades. Pour le mettre en évidence, ils emploient le le microscope à fond noir mis au point par Siedentopf et Zsigmondy en 1903. En 1909, Jean Comandon mobilise ce même microscope pour réaliser dans l'Hôpital Saint-Louis des prises de vue micro-cinématographiques du même spirille.

En 1910, Paul Ehrlich et Sahachiro Hatta découvrent l'arsphénamine ou '606' (le produit sera commercialisé sous le nom de Salvarsan). Viendront le '914' ou Néo-Salvarsan puis le '910' ou Stovarsol. Les numéros correspondent à ceux des dossiers dans l'ordre des expérimentations animales. En 1921, Ernest Fourneau, met au point un dérivé de l'arsenic à l'institut Pasteur : le Stovarsol. Ce dérivé est plus stable et se prend par voie orale. En 1934 le principe actif du Salvarsan, découvert en 1920 par Carl Voegtlin et Homer Smith, est introduit par le traitement de la syphilis sous le nom de Mapharsen. L'arrivée des traitements par sulfamides puis par antibiotiques a donné l'espoir de pouvoir éradiquer, sinon toutes, du moins les plus graves des MST, et jusque vers 1965, la diminution continue des nouvelles contaminations l'a laissé espérer.

L'organisation de l'information et de la prévention publique

Par le décret du 27 janvier 1920, Millerand crée le ministère de l'Hygiène, de l'Assistance et de la Prévoyance sociale, à la suite d'une pétition déposée à la Chambre des députés le 27 février 1919 par les associations de lutte contre les fléaux sociaux et les groupes parlementaires qui les représentent. La création de ce nouveau département résulte de la juxtaposition des services du ministère de l'Intérieur, notamment ceux de l'assistance et de l'hygiène, et de ceux du ministère de la Santé, et les services du ministère du Travail, en particulier ceux de la mutualité et de la prévoyance. Mais le ministère de l'Hygiène est peu doté et le ministère du Travail s'oppose au projet et refuse de débloquer les fonds nécessaires. Lorsque, en 1924, le ministère de l'Assistance, de l'Hygiène et de la Prévoyance sociale disparaît et est absorbé par le ministère du Travail, il n'y a plus de place pour le projet. Justin Godard, radical-socialiste déjà engagé dans la lutte contre les fléaux sociaux et M. Gunn de la Fondation Rockefeller élaborent un projet d'Office destiné à coordonner les activités des services d'hygiène et de santé publique. Le 4 décembre 1924, l'Office national d'Hygiène sociale est créé, sous la direction de Jules Brisac, ancien directeur de l'hygiène au ministère de l'Intérieur. Il marque l'institutionnalisation bureaucratique des fléaux sociaux, sous l'influence américaine, puisque les trois quarts du budget du nouvel Office sont consacrés à la lutte contre les maladies infectieuses. Les trois quarts du budget du nouvel Office sont d'origine américaine suite à l'implication de la Mission Rockfeller. Ce n'est que quatre ans plus tard que le budget français dépasse celui de la fondation philanthropique. L'objectif de l'Office était de "rassembler et mettre à jour la documentation sur la situation sanitaire de la France, " en inventoriant les documents relatifs à l'hygiène, aux maladies sociales et à leur prophylaxie ; d'assurer la coordination des efforts entre les pouvoirs publics et les organismes sociaux " Plusieurs services sont créés : Études techniques, Enquêtes départementales, Documentation et statistiques. Enquêtes, documentation et statistiques départementales. Les principales associations y sont représentées : la CNDT, la Ligue contre le péril vénérien, la Ligue nationale contre l'alcoolisme, le Comité national de l'Enfance, la Ligue contre le cancer... Mais la crise économique et les restrictions ont conduit à la suppression de l'Office le 4 avril 1934.

Syphilis et cinéma

Tout le temps où la syphilis s'est imposée comme fléau social, Le problème des médecins demeure l'ignorance de la population devant la menace qu'elle représente. Les campagnes d'information ne parviennent pas à la sensibiliser de façon déterminante. D'où le recours de plus en plus fréquent au cinéma : ce médium attire les foules et présente un réel potentiel pédagogique en présentant des agencements de vues réelles, de schémas animés et d'images microcinématographiques. Le Dr André Cavaillon, responsable au Ministère de l'Hygiène publique, spécialisé dans la prévention du péril vénérien, en est convaincu. Le film Il était une fois trois amis lui paraît exemplaire à ce titre, par l'efficacité de son exposé et son choix de la fiction pour le présenter : "Ce n'est pas uniquement le genre documentaire qui doit uniquement instruire le public. Il faut faire en sorte que le public soit presque inconscient qu'il est en train d'assister à un film d'instruction. Quoique des films dramatiques de ce type soient difficiles à faire, ils peuvent être faits, comme le prouve l'expérience (ainsi Il était une fois trois amis, œuvre du Dr Devraigne, chef de la maternité Laribosière, et de Benoit-Lévy.)" (Dr André Cavaillon, Le cinéma et les campagnes contre les maladies vénériennes).

Syphilis et contexte militaire

Avec la Première Guerre mondiale, la recrudescence de pathologies infectieuses dans le milieu militaire comme la blennorragie et la syphilis a imposé d’ajouter, au moyen de la propagande sanitaire, une nouvelle guerre à celle qui se traduit par le conflit armé. La peur de la sanction ou de la stigmatisation poussait les soldats infectés à ne pas déclarer leur situation, différant de cette façon le traitement nécessaire et favorisant le cycle de contamination. Afin de les inviter à se manifester, les autorités ont senti la nécessité d’adopter un discours compréhensif à leur égard, compte tenu de leur éloignement de leurs familles.

Éléments structurants du film

  • Images de reportage : Oui.
  • Images en plateau : Non.
  • Images d'archives : Oui.
  • Séquences d'animation : Non.
  • Cartons : Oui.
  • Animateur : Non.
  • Voix off : Non.
  • Interview : Non.
  • Musique et bruitages : Non.
  • Images communes avec d'autres films : Non.

Comment le film dirige-t-il le regard du spectateur ?

L'objectif est d'informer sur la nature de la syphilis et les dommages qu'elle implique, prévenir conter ses dangers. Le film est donc mis en scène comme un exposé scientifique. Il est découpé (les parties sont indiquées en cartons) sous forme de séquences filmées dans les locaux militaires, sur lesquelles est apposé un commentaire.

Comment la santé et la médecine sont-elles présentées ?

Diffusion et réception

Où le film est-il projeté ?

établissements des armées

Communications et événements associés au film

Public

personnel médical des armées

Audience

Descriptif libre

1 ère partie : partie clinique
« La syphilis qu'on ne voit pas / Elle atteint les organes profonds de l'économie / voici un hémiplégique »Vue d'une cour traversé par un homme qui claudique, les yeux bandés.« Voici une hémorragie cérébrale »GP sur un cerveau.
« 50 % des aliénés lui doivent leur aliénation mentale »Devant un mur, des hommes avancent en dévisageant la caméra. Au regard fixe de l'un, au fou rire de l'autre,à un geste de secouer la tête du troisième, le spectateur est supposé juger du degré de leur aliénation. Mais le dispositif lui-même n'induit-il pas ce jugement? Quel homme ainsi dévisagé, auquel on n'accorde pas la parole, peut-il incarner une individualité consciente et équilibrée?
« Paralysie générale. Voici un paralytique. » GP sur un nouveau visage : comment identifier la paralysie si le reste du corps est supprimé du champ? Les atteintes au coeur, au foi, au rein, un ulcère à l'estomac, avec un GP sur fond noir de l'organe concerné. « Syphilis héréditaire. Elle se transmet de la mère à l'enfant pendant la vie utérine. Les fausses couches qui ne sont pas dues à l'avortement criminel sont dues à la syphilis. Elle est la principale cause de la mortinatalité. » Des bébés dans un lit se tournent et se retournent dans une agitation incessante et douloureuse, il s'agit d' « enfants cachéchiques ». Vues sur des dents atteintes, « monstres doubles » (deux foetus accolés dans un bocal), « hydrocéphale » (un squelette), « bec de lièvre » (tête dans un bocal, le visage chiffoné), « infantilisme à 36 ans » (un homme avance dans le champ, en direction de la caméra, puis la fixe en souriant), « voici une idiote » (une femmme bossue et géante, au visage simiesque, le cou enserré dans un absurde col claudine).

Mise en scène fictionnelle de personnes microcéphales

Une scène étrange, la seule séquence de la fiction du film, au moment d'introduire un cas de microcéphalie : dans un parc, trois jeunes filles microcéphales apparaissent au détour d'une allée, se tenant par la main. Même cadre, même entrée dans le champ que dans le plan où les personnages microcéphales de « Freaks » font leur première apparition. La suite est une scène pénible où l'on cherche à s'amuser de leur infantilisme. « Votre maman va venir vous voir. » De profil, une des jeunes filles semble répondre avec une expression de doute. « Elle apportera des gâteaux, du chocolat. » La jeune fille, réjouie, se met à battre des mains. « Criminel héréditaire syphilitique. » GP sur le visage d'un homme auquel on prêtera derechef une nature criminelle. « La syphilis peut atteindre la 2e, 3e, 4e génération. »

2e partie : description des atteintes sur le corps

« La syphilis visible / Elle détermine des accidents de la peau et des muqueuses / On les divise en accidents primaires, secondaires, et tertiaires. »« Primaires : on les nomme chancres. Chancre du sein (une femme dépoitraillée, le sein atteint), de la lèvre. Ce sont les cas les plus rares. Le plus souvent, ils apparaissent sur les organes de reproduction (pas d'images). Secondaires. Roséole (femme torse nue, de dos et de face) / toutes les muqueuses peuvent être atteintes. « Les lésions fourmillent de microbes dits « spirochètes » qui traversent la peau en s'insinuant entre les cellules et l'épiderme ». Schéma animé montrant la diffusion de spirochètes : traits blancs, vibrionnants, qui circulent entre des formes trapézoïdales représentant les pores de la peau. « Tertiaires ». Vues de jambes, de dos, de torses atteints de lésions, un masque de visage au nez effondré.

3e partie : l'agent de la maladie, description microcinématographique

Images microcinématographiques montrant le spirochète (par le Dr. Comandon). La syphilis est une infection microbienne. Voici, observé à l'ultra microscope, l'agent de cette maladie, le spirochète décovert en 1905 par le Dr. Scaudinn. » Images MG de traits blancs ondulants sur un fond noir semé de points blancs lumineux et bordé par de formes ouatées, laissant penser à la vue d'un ciel nocturne traversé de nuages. « La découverte d'altérations spécifiques du serum sanguin, suivant la méthode de Bordet-Wassermann, permet de diagnostiquer la syphilis. » Vues MG de l'hémolyse : des formes annulaires, illuminées, se détachent sur un fond noir semé de points blancs. Le film se termine sur ces images énigmatiques, compositions abstraites supposées faire foi du discours écrit sur les cartons.

4e partie : le bilan social de la syphilis

A la suite du carton énonçant : « la Commission des maladies vénériennes estime que la syphilis coûte annuellement… », les nombres « 20000 » correspondant aux enfants morts-nés et « 40 000 » correspondant aux avortements apparaissent progressivement en blanc sur le fond noir du carton, avec chaque chiffre dessiné par une main invisible. L’intention est de heurter les esprits par la hauteur des nombres, le carton suivant indiquant qu’il s’agit d’une « perte à peu près égale au dixième de nos naissances annuelles ». En quelque sorte, pour un film qui appartient encore à l’ère du cinéma muet, cette visualisation progressive des deux nombres tient lieu d’une intonation vocale qui découperait les syllabes de leur énonciation : « Vingt-mi-lle morts nés ; qua-rante-mille avortements… ». « Rendez-vous compte ! » serait l’expression suggérée par la révélation de ce fait, spectacularisée par l’apparition progressive nombres qui l’attestent. Elle cherche à susciter chez le public une réaction d’inquiétude doublée de scandale. Le « coût » dont il est question, c’est à la nation qu’il revient, c’est elle qui devra s’en acquitter, pâtissant de la régression de sa population par les inconduites répétées de certains de ses membres. Rappelons que ce film étant produit par le Ministère de la Défense, son message est déterminé par la nécessité, érigée en principe, de pourvoir l’armée en forces vives suffisantes pour assurer la protection du pays. Cette baisse dans la population que le « bilan social de la syphilis » manifeste est à interpréter en termes de déficits d’effectifs. Le film décline son procédé pour rendre compte du nombre d’enfants de 0 à 5 ans qui meurent chaque année en France : dans un cercle sur fond noir, le nombre « 120 000 » est inscrit progressivement blanc, et une fois qu’il est affiché complètement, un trait blanc apparait dessous pour le souligner. Pour rendre compte ensuite de la part de la syphilis dans cette mortalité, un nouveau cercle sur fond noir est dessiné, avec une portion en blanc sur laquelle le nombre « 40 000 » est progressivement inscrit en noir. Le cinéma noir et blanc profite ici à l’édification par les chiffres ; mis noir sur blanc, blanc sur noir, le contraste intégral de l’image les rend incontournables. La suite du film débute par un nouveau carton qui indique : « A tous ceux qu’alarme la dépopulation de la France, il faut sans cesse rappeler ces chiffres ». Dans Une maladie sociale…, les chiffres servent au débat national, ils doivent entrer dans les têtes pour décider l’opinion sur les mesures sanitaires à prendre, et lui rappeler l’enjeu final de la lutte contre la maladie qui est d’enrayer cette « dépopulation » du pays qui l’affaiblit, et de ce fait, l’expose au prochain ennemi.

Notes complémentaires

Dans son étude sur le cinéma médical, Adolf Nichtenhauser décrit la mise en place d'une enquête, commandée aux Etats-Unis au début des années vingt, sur la réception des films de prévention contre les maladies vénériennes. Elle est confiée à des psychologues, supervisée par le "Inter-departemental Social Hygiene Board". Il a été décidé de tester sur le public les effets d'un film en particulier, Fit to win(1919), extension du Fit to fight d'Edward Griffith (1917), avec davantage de vues cliniques. Le film a été montré à 4 800 personnes, de toutes origines sociales, avec des projections spécifiques pour les ouvriers, les marins, les médecins. Ils devaient remplir un questionnaire après la projection.
- premier constat : très peu de personnes, mêmes parmi les plus éduquées, étaient convenablement informées sur les maladies vénériennes.
- la plupart estiment que les informations données par le film sont authentiques, très peu pensent qu'il s'agit d'un prétexte pour un discours moralisateur.
- la plupart accepte les recommandations de continence
- la plupart ignorait les risques de contracter la maladie par la prostitution
La suite de l'enquête a montré que, bien que la peur suscitée par le film ait provoqué la résolution d'un changement de comportement, celui-ci n'a pas eu lieu de manière déterminante. Alors que les événements marquants du film sont restés dans les mémoires cinq mois plus tard, l'intérêt qu'il a provoqué a fondu en moins de six semaines.
- la prise en charge n'a pas varié d'intensité avant et après le film
- l'effet le plus sérieux a consisté en une certaine inhibition des publics adolescents après la projection
D'après ces données, les enquêteurs ont initié une réflexion pour les films à venir :
- il est nécessaire de transmettre une information basée sur les faits et expliquée avec clarté
- la dramatisation fictionnelle n'apporte pas de plus grande efficacité. Le public retient les séquences purement informatives aussi bien que celles qui s'appuient sur une histoire. Les émotions tiennent davantage à des scènes isolées, sans tenir compte du fil qui les tiendrait.Les deux enquêteurs recommandent par conséquent de continuer la production de films antivénériens à la condition qu'elle propose des contenus purement informatifs, non-fictionnels.
Pour Adolf Nichtenhauser, qui écrit dans les années quarante, les données engrangées par cette enquête restent utiles, dans les trente ans à venir, pour les éducateurs et les réalisateurs.
(d'après Adolf NICHTENHAUSER, A history of motion pictures in medicine, manuscrit non publié, ca 1950, pp. 87-88).

Références et documents externes

Contributeurs

  • Auteurs de la fiche : Joël Danet